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    Synthèse

    Par Elisabeth Koch, Bibliothécaire Médiat Grenoble

    Le 9 octobre 1997la Maison Rhône-Alpes des sciences de l'Homme au sein de l'université Pierre-Mendès France à Grenoble accueillait les participants à la journée d'étude de la Section étude et recherche de l'ABF en région. Organisée en association avec le Groupe Rhône-Alpes et avec la collaboration de Médiat Rhône-Alpes (Centre régional de formation aux métiers du livre, des bibliothèques et de la documentation), cette journée avait pour thème les problèmes de recherche et d'indexation.

    Quand j'ai commencé à travailler sur le contenu de cette journée d'étude je me suis dit qu'il fallait éviter de tomber dans le piège du dieu "RAMEAU,. Or, au fur et à mesure que j'avançais dans mes investigations je me rendais compte qu'il était impossible d'y échapper. Toutes les bibliothèques universitaires et une partie des bibliothèques spécialisées indexent en RAMEAU tout simplement parce qu'elles collaborent à un réseau local et / ou à un réseau national (SIBIL ou OCLC) et qu'elles seront intégrées, du moins pour les BU, au Système universitaire. Il ne restait plus que les centres de documentation spécialisée.

    Après les traditionnelles paroles de bienvenue et de remerciements d'Anne-Françoise Bonnardel, Présidente de la Section étude et recherche et de Frédéric Saby, directeur de Médiat, Roland Dachelet (maître de conférence en information et communication à l'université de Stras-bourg) a lancé la réflexion en mettant d'emblée en évidence les problèmes d'incompatibilité linguistique des langages documentaires entre eux et des langages documentaires avec le langage naturel.

    e « Indexation : précision / rappel : le couple infernal

    (Synthèse de la communication de Roland Dachelet)

    La précision et le rappel sont deux mesures incontournables lorsqu'on veut apprécier l'efficacité d'un langage documentaire. Elles sont inversement proportionnelles. En effet, plus le rappel est important plus la précision baisse ; moins le rappel est important plus la précision augmente. Essentielles pour les indexeurs, ces mesures ne le sont aucunement pour l'utilisateur. Car l'un s'inscrit dans une logique de navigation tandis que l'autre s'inscrit dans une logique de requête (logique d'ailleurs dépassée par l'hyper-texte). Il est cependant évident qu'il y a des problèmes de compatibilité linguistique entre les langages documentaires et les langages d'accès.

    RAMEAU, issu du LCSH est un langage de type pré-coordonné. Dans ce type de langage, les problèmes d'accès sont insurmontables pour l'utilisateur ordinaire qui pose ses questions en langage naturel.

    Langage de représentation et langage d'accès.

    Il faut «découpler« langage de représentation et langage d'accès. Le langage de représentation est un langage précis et donc fiable. Mais comment rendre accessibles les énoncés RAMEAU ou LCSH ? Pour faciliter l'accès :

    • il faut mettre au-dessus du langage de représentation une «couche» supplémentaire, une chaîne de caractères qui permette l'accès aux énoncées RAMEAU. Ce n'est pas insurmontable.
    • il faut que ces énoncés soient accessibles par navigation à la façon des schémas de classification. Donc, la solution est d'articuler les deux.

    Côté langage de représentation, l'indexeur utilisant RAMEAU crée un langage qui lui appartient et en fonction d'un public. Il faut donc modéliser les préceptes RAMEAU et avoir également une assistance à leur fabrication. Pour le moment, aucun système informatique n'arrive à faire cela. Les règles n'ont pas de caractère formel. En indexation manuelle trois instances entrent en jeu : l'indexeur, le public, la collection. Or cela n'est pas pris en compte dans les procédures d'indexation automatique.

    L'indexation et le Web

    Les schémas de classifications traditionnelles ont-ils une actualité par rapport au Web ? Avec Internet les choses se compliquent encore. Les moteurs de recherche utilisent les classifications Dewey, CDU ou LCSH. La bibliothèque virtuelle se heurte très vite aux problèmes d'interopérabilité et de sémantique. Comment faire pour créer sa bibliothèque virtuelle avec des schémas différents créés dans le monde entier ? A priori des langages de type RAMEAU ne créent pas de problèmes contrairement aux langages normalisés de type ISO 3960.

    Historique et gestion de RAMEAU

    Cécile Maury et Olivier Rousseaux ont fait le point sur l'historique et la gestion actuelle de RAMEAU partagée entre l'Agence bibliographique de l'enseignement supérieur pour la partie administrative (voir ci-après la communication d'Olivier Rousseaux) et la Bibliothèque nationale de France (DDSR SCB-AMA) pour la partie intellectuelle.

    e « Historique et gestion intellectuelle de RAMEAU»

    (Synthèse de la communication de Cécile Maury, conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de France, Service de la coordination bibliographique, bureau des autorités matière)

    RAMEAU n'est pas un thésaurus ; c'est une liste constituée au fur et à mesure des besoins.

    Les dates importantes correspondent à des remises en cause.

    Jusqu'en 1980 les autorités matières de la Bibliothèque nationale étaient en continuelle expansion mais il n'y avait pas de liste.

    1980 : création de la liste matière de la Bibliothèque nationale. C'est une adaptation de la liste de la bibliothèque de l'université Laval à Québec, elle-même étant une traduction fidèle de celle de la Bibliothèque du Congrès américain. Mais très vite on se heurte à des problèmes d'adaptation en milieu européen.

    1985 : mise en ligne de la liste d'autorités avec navigation d'un fichier à l'autre, d'une liste d'autorités à l'autre (on peut aller du fichier bibliographique à la liste d'autorités-matières et vice versa.).

    1992 : RAMEAU est mis sur la base de l'EPBF (1) ce qui exige une mise à niveau : il faut en effet résoudre les nombreux problèmes de triplons dus aux trois créateurs (BN, EPBF et la Cellule RAMEAU).

    1994 : Les universités décident de continuer d'utiliser RAMEAU.

    Le double développement de RAMEAU :

    • A la Bibliothèque nationale il s'agit de construire le réseau interne en prenant en compte les départements spécialisés ;
    • A l'extérieur : non seulement les bibliothèques universitaires indexent en RAMEAU, mais aussi des bibliothèques de tous types.

    Tous les utilisateurs ne sont pas actifs. Tous les catalogueurs habilités peuvent faire des créations et les proposer à la cellule d'autorités. Les bibliothèques-experts font des pré-validations pour les domaines qui les concernent. On aboutit donc à une double structure :

    • Une structure de propositions totalement décentralisée. Les bibliothèques du réseau font les proposition soit par l'intermédiaire de l'ABES soit directement par écrit.
    • Une structure de cohésion totalement centralisée. Le bureau des propositions valide après pré-validation par les bibliothèques-experts. On assure ainsi la cohérence de la base.

    La gestion est assurée par le bureau AMA (12 personnes). La répartition du travail se fait en fonction des domaines et des compétences.

    Les fonctions du bureau AMA. Le bureau veille à :

    • la normalisation : les règles d'indexation sont celles de la Bibliothèque du Congrès. Ce sont les règles entrées dans la base ;
    • la politique de gestion de la liste par la concertation des différents participants ;
    • la formation des indexeurs par la publication d'un journal d'information : journal RAMEAU;
    • le suivi du mouvement du fichier d'autorités. Pour ce qui est du vocabulaire, il faut trouver le terme exact bien que RAMEAU ait une plus grande latitude que le LCSH. Cependant le bureau examine de façon très précise les concepts car il est très difficile de résoudre les problèmes d'homographies ;
    • le bureau assure aussi la cohérence entre le fichier d'autorités et le fichier bibliographique ;
    • il entretient enfin des liens étroits de coopération avec le groupe des bibliothèques d'art de l'ABF.

    Rameau est donc un médiateur entre des besoins différents.

    Mais que font les bibliothèques spécialisées ?

    La question a été posée à Jeanne-Marie Burlat de Doc' INSA à Lyon.

    Pour elle, en étayant son argumentation d'exemples précis, il est évident que RAMEAU ne convient absolument pas et ne peut répondre en aucun cas à la demande des étudiants de l'INSA et des chercheurs très spécialisés qui ont l'habitude d'un langage précis et qui savent exactement ce qu'ils cherchent. Ils demandent avant tout à un système d'être rapide, simple et précis. C'est pourquoi, en partant du langage utilisé dans la base PASCAL, Doc'INSA crée des descripteurs qui, sur un sujet donné, vont du plus général au plus particulier en tenant compte de l'évolution constante du vocabulaire scientifique. La curiosité de l'étudiant ou du chercheur est ainsi suscitée, mais l'inconvénient majeur d'un tel système est qu'il laisse trop de liberté à l'indexeur et donc demande un énorme travail de mise à jour.

    A la suite de Jeanne-Marie Burlat, deux collègues de Grenoble : Elisabeth Gauthier (Sciences-Po Grenoble) et Anne Maltcheff (SICD de Grenoble-II) nous ont présenté des exemples d'indexation RAMEAU en sciences humaines et en sciences sociales.

    Leurs démonstrations insistaient sur le fait que, pour un même ouvrage, l'indexation pouvait être très succincte ou très précise, avec plusieurs descripteurs, selon le type et les besoins de la bibliothèque qui indexe. Elles ont, par ailleurs, soulevé le problème de l'ouvrage catalogué et indexé par l'éditeur ou mieux par l'auteur lui-même. Que doit-on faire dans ce cas ? Peut-on toucher aux descripteurs choisis? les modifier ? ne pas en tenir compte et en créer d'autres ? Y a-t-il un droit d'auteur sur les mots-matières ?

    L'après-midi, la séance a repris sur une communication de Marie-Martine Tomitch (bibliothèque de médecine de l'université de Paris-V) au cours de laquelle elle a résumé les travaux de l'IFLA sur la recherche en normalisation d'indexation analytique.

    « RAMEAU, coopération internationale : réalisation et projets »

    Cécile Maury a fait le point sur la coopération de la cellule RAMEAU avec diffé-rents partenaires nord-américains et euro-péens.

    • - La coopération est ancienne avec la Bibliothèque du Congrès.
    • Les échanges entre la bibliothèque de l'université Laval et RAMEAU sont établis par convention.
    • Depuis 1980 la cellule RAMEAU coopère avec la communauté française de Belgique. Les propositions belges sont validées par la Bibliothèque nationale.
    • La cellule coopère aussi avec la Pologne pour la réalisation d'un manuel de méthodologie. La Pologne utilise trois sources pour les mots matières : la forme anglaise du LCHS, RAMEAU et le répertoire Laval.
    • Par ailleurs, le projet de thésaurus multilingue européen qui a essuyé quelques vicissitudes est relancé depuis la fin de février 1997. C'est un projet ambitieux puisqu'il s'agit de réaliser l'interconnexion des différents thesauri. Le pivot serait le vocabulaire du LCHS. La Suisse et l'Allemagne sont très motivées.

    Table ronde

    Présidée par François d'Arcy professeur à Sciences-Po, Grenoble, cette table ronde réunissait des indexeurs, des «valideurs" rhône-alpins, d'horizons différents qui nous ont fait part de leurs problèmes, de leurs expériences et des organisations mises en place dans leurs établissements pour tenter d'éviter dérives et doublons et permettre de résoudre les problèmes. Pour certains, les questions restent posées.

    Telle Michèle Behr (bibliothèque des facultés catholiques de Lyon) qui a dit combien l'indexation matière RAMEAU en sciences religieuses et en histoire des religions semble très souvent, aux yeux des spécialistes, ne pas tenir compte des termes propres à cette matière. Même si nous nous plions à la discipline imposée par nos systèmes informatiques ne peut-on pas envisager une évolution ? Les conséquences des choix effectués dans RAMEAU sont lourdes à gérer. Il faut sans cesse ré-expliquer la rigidité des termes et le pourquoi des choix des centaines de fois dans l'année à des étudiants et des chercheurs qui perdent du temps avant de comprendre le système.

    En revanche, Geneviève Brietrieri (bibliothèque municipale d'étude et d'information de Grenoble) a démontré que malgré sa rigidité, RAMEAU convenait parfaitement pour indexer des articles de périodiques d'un fonds d'histoire et d'actualité locales.

    Quant à Guy Hédon (bibliothèque municipale de Grenoble), il a expliqué comment est contrôlée la liste d'autorités-matières dans le réseau de la bibliothèque municipale de Grenoble et des bibliothèques associées.

    Pour Gilbert Eymard (chercheur et maître de conférence à l'IUT 2 de Grenoble, Département information et communication), actuellement les interfaces ne sont pas assez puissantes pour traduire le langage RAMEAU. Il faudrait des interfaces qui permettent des accès très différenciés ; du plus sophistiqué au plus simple. Par ailleurs, il a donné l'exemple du projet documentaire grenoblois REDOC qui regroupe 70 sites documentaires interrogeables sur Internet. REDOC a été créé directement sur Internet, ce qui démontre qu'Internet est un facteur essentiel de coopération documentaire.

    Débats

    Les débats ont porté sur les points suivants

    1. Un langage documentaire, pourquoi?

    Pour la satisfaction des indexeurs, les seuls à savoir vraiment l'utiliser. Le lecteur, l'étudiant, le chercheur ne connaissent qu'un langage : le leur. Roland Dachelet souligne que sur Internet 10% des recherches seulement se font sur une interrogation par mots-matière le reste (90%) en unitermes. Francine Masson (bibliothèque de l'Ecole des mines) rappelle un sondage effectué à l'École polytechnique duquel il résultait que seulement 30% des interrogations se font par mots-matière. Pour Pierre Le Loaerer (directeur du Centre de documentation de Sciences-Po Grenoble), les lecteurs ont des usages différents. La capacité des systèmes doit se décliner en types d'offres. Un type de système est toujours utilisé par rapport à un autre et il est tou-jours dangereux d'indexer en fonctiond'un système.

    2. L'évolution de RAMEAU.

    RAMEAU est une liste qui évolue continuellement grâce aux bibliothèques-experts, mais elle évolue lentement et certains secteurs estiment que la liste n'est absolument pas adaptée à leurs besoins. Cécile Maury souligne qu'il est toujours possible de travailler en collaboration avec le bureau AMA à l'exemple de la sous-section des bibliothèques d'art qui a constitué un groupe de travail.

    3. Les systèmes informatiques et l'aide à la création.

    C'est très long de créer en RAMEAU ; les renvois ne renvoient qu'à la forme retenue. La création des mots matière est lourde à gérer. Il faudrait de l'aide en ligne et des explications à l'écran. Il faudrait intégrer RAMEAU dans le système informatique. En informatique les progrès sont rapides, mais si c'est aux informaticiens de trouver les solutions et de proposer de logiciels performants, c'est aux bibliothécaires de participer à cette création en travaillant avec eux. RAMEAU est un langage riche, un bon outil mais on en fait un mauvais usage parce que l'interface reste à réaliser. Les logiciels de demain pourront mieux s'adapter à RAMEAU.

    4. La formation.

    Le bureau AMA n'a pas pour mission de former les utilisateurs de RAMEAU et ne le souhaite pas. L'ABES, quant à elle, n'organise que deux sessions par an de formation de formateurs. Il est très difficile de trouver des volontaires dans la profession et c'est un véritable problème pour les IUT et les Centres régionaux de formation. L'intérêt pour ces établissements serait d'avoir un réservoir de formateurs. Un personnel enseignant qui n'a qu'une connaissance théorique sans pratique régulière ne convient absolument pas, si bon soit-il. Or, dans ce type d'enseignement, il faut faire appel à des professionnels qui travaillent régulièrement en RAMEAU, qui sont au courant de son évolution. Il est difficile sinon impossible de trouver des professionnels qui acceptent de faire ces cours, soit parce qu'ils manquent de temps, soit parce qu'ils estiment ne pas être suffisamment formés pour être eux-mêmes formateurs. De plus, les outils RAMEAU sont chers, leur contenu évolue constamment. Il faut donc acquérir les mises à jour, ce qui demande de gros investissements pour l'enseignement.

    e La journée s'est terminée par une synthèse de François d'Arcy qui a particulièrement insisté sur le fait qu'à la veille de l'an 2000 et avec l'apparition d'Internet la formation des responsables de la formation et de la documentation est essentielle. Si l'on n'y prend pas garde la coupure entre le personnel universitaire enseignant et le personnel de la documentation risque de s'installer. Du fait des évolutions techniques des problèmes pédagogiques nouveaux apparaissent. La génération des étudiants internautes est déjà là. Des incompréhensions fortes risquent de se mettre en place. Le personnel enseignant vieillit et n'est pas formé à la navigation informatique alors que le public étudiant formé à l'informatique depuis l'âge de 12 ans saura chercher.

    Il faut donc se préparer à affronter cette situation et le meilleur moyen est de coopérer entre enseignants, bibliothécaires et documentalistes.

    Les utilisateurs vont bientôt tous avoir leur propre ordinateur et l'accès à Internet, qui sera pour eux un modèle et un moyen implicite de la recherche documentaire. Il faut être attentif aux évolutions de ces nouvelles techniques de recherche et faire évoluer en parallèle les autres techniques.

    Actuellement, on est dans une logique de recherche d'exhaustivité. Il faut faire attention au rapport coût/efficacité d'une telle démarche. Il peut être dangereux de perfectionner des méthodes documentaires différentes de celles utilisées par les utilisateurs. La capacité de conseil doit être trouvée tout simplement et tout naturellement auprès des bibliothécaires et des documentalistes au-delà de la fascination pour la technique. De plus, il faut savoir établir un rapport équilibré entre deux impératifs contradictoires : le personnel dont le travail est limité au contact du public et le personnel chargé de l'indexation et qui, lui, n'est jamais en contact avec ce public.

    1. Etablissement public de la Bibliothèque de France. retour au texte