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    Conservation partagée des périodiques en Aquitaine

    Par Danièle Godard de Beaufort, Bibliothécaire responsable centre régional du Catalogue collectif nationaldes publications en série

    Origine du projet

    Les périodiques sont à la base de toute recherche documentaire pour l'ensemble des usagers : chercheurs, historiens, enseignants, étudiants, professionnels, lecteurs en général, ont recours aux publications en série courantes ou anciennes. Le Catalogue collectif national des publications en série est l'application répondant à ces objectifs puisqu'il permet :

    • d'identifier les périodiques vivants ou morts de toutes disciplines, de toutes origines linguistiques ou nationales conservés dans les bibliothèques françaises adhérant au réseau ;
    • de localiser précisément ces titres, permettant ainsi l'accès, sur place ou à distance, aux documents.

    L'extrême diversification des titres et leur coût élevé induisent une politique d'abonnements partagés entre établissements ; la présentation matérielle et le papier fragile des périodiques obligent à prendre des précautions de préservation particulières. De plus, malgré les protections, ces documents sont facilement volés ou détériorés, ce qui rend les collections lacunaires. Ces publications occupent des longueurs non négligeables sur les rayonnages de nos bibliothèques, et maintes structures se voient contraintes d'éliminer des collections pour optimiser la place : chaque année, suite à ces éliminations, plusieurs bibliothèques adhérant au CCN. PS communiquent à leur centre régional des listes pour suppressions de leurs localisations dans la base. Ainsi, des collections d'intérêt général ou rares peuvent disparaître (d'octobre à décembre 1998 : 208 suppressions de localisations dans le CCN pour la seule Région Aquitaine).

    Le Centre régional aquitain du Catalogue collectif national des publications en série (CR. CCN) dépend du Service interétablissements de coopération documentaire des universités de Bordeaux (SICOD), lui-même rattaché à l'université Montesquieu Bordeaux-4. En Aquitaine, cent quinze établissements participent à ce jour au CCN : bibliothèques universitaires et d'UFR mais aussi de grandes écoles, de musées, d'archives, de lecture publique, d'associations, de sociétés savantes, centres de documentation du secteur industriel, d'où des fonds très variés. Face aux problèmes énumérés ci-dessus, le CR. CCN avait organisé courant 1994 une journée de réflexion autour du thème « Coopération et périodiques où deux aspects de la coopération étaient envisagés : développer entre les établissements aquitains une politique d'acquisition répartie ; organiser parallèlement la conservation partagée des périodiques pour les titres les plus menacés et pour ceux qui sont des références dans leur domaine. Concernant la conservation partagée, plusieurs solutions furent envisagées : la construction d'un silo de stockage permettant d'entreposer les collections anciennes, le transfert des collections sur des supports autres que le papier (cédéroms, microfilms...), enfin la conservation et l'élimination réparties entre les organismes aquitains. Parmi ces trois possibilités, c'est la dernière qui fut retenue, avec bien sûr en complément le choix de collections sur support autres que le papier.

    La constitution d'une équipe de réflexion fut décidée et la responsable de l'agence Coopération des bibliothèques en Aquitaine (CBA), Marie-Thérèse Cavignac, se proposa tout naturellement pour collaborer avec le CR. CCN : en effet, CBA travaille avec toutes les bibliothèques de lecture publique, rassemblant ainsi professionnels et élus des collectivités territoriales, en apportant une structure de soutien et de mise en commun des ressources ; d'où une parfaite complémentarité avec le CR. CCN.

    Mise en place du plan de conservation

    Deux enquêtes parallèles furent envoyées à tous les établissements aquitains de documentation : l'une pour le réseau CCN, l'autre pour le réseau CBA, afin de mieux cerner les fonds périodiques (les plus consultés, les plus vulnérables...) et de mieux connaître les établissements (problèmes de conservation et causes, ceux qui accepteraient de s'impliquer dans le cadre d'une conservation partagée, etc.). Les résultats de cette enquête mettaient en évidence les problèmes de conservation (78 % des établissements manquent de place), les publications les plus consultées (celles en cours, celles relatives à la spécialisation de l'établissement, les publications locales, les quotidiens et hebdos d'actualité) et les établissements ayant la volonté de participer.

    Une équipe de réflexion, appelée groupe de pilotage, se constitua, préservant l'équilibre entre les structures rattachées à l'enseignement supérieur et à la recherche et les établissements rattachés à la culture. Ainsi, autour des responsables du CR. CCN et de CBA coordinatrices du projet, dix représentants forment le groupe de pilotage : cinq rattachés aux BM classées ou non, et cinq représentants d'archives départementales, d'écoles, de BU, d'UFR, du CNRS. Les objectifs du plan furent fixés :

    • répartir entre les bibliothèques la conservation des périodiques et les charges qui en découlent;
    • assurer le plus large accès aux collections ;
    • en maintenir l'exhaustivité, l'intégrité et la bonne conservation.

    Puis il fut décidé de retenir pour la conservation régionale les titres proposés par les établissements, certaines collections en cours dans les BM, les titres généraux ou de vulgarisation qui comportaient plus de dix localisations sur la région (ce qui démontre l'intérêt de ces abonnements pour le lectorat régional), en limitant notre premier choix à quatre-vingts titres. Parallèlement fut élaboré un accord-cadre de conservation partagée, situant les objectifs et les modalités de fonctionnement.

    Accord-cadre

    Découpé en cinq articles (objet, modalités de fonctionnement, statut de l'établissement, statut des collections transférées et circulation des collections, durée), il lie les trois signataires - à savoir le responsable de la collectivité territoriale ou l'établissement ou la personne morale représentant l'établissement (ce qui permet de prévoir la diversité des tutelles des établissements participants), le directeur du SICOD et le président de CBA - pour une durée illimitée.

    Ce projet se structure sur trois niveaux : la coordination, le groupe de pilotage et les bibliothèques participantes. Coordonné par les responsables du CR. CCN et de CBA, il est orienté selon la politique définie par le groupe de pilotage, qui se réunit deux fois par an. Le statut des établissements adhérents est de deux types : pôle de conservation ou établissement associé. Le pôle de conservation s'engage à conserver une ou plusieurs collections de référence suivant les normes de conservation en vigueur, et à satisfaire sur place ou à distance à toute communication selon les moyens prévus par son règlement intérieur ; il garantit l'accès gratuit à la consultation de sa ou de ses collections de référence ; il signale aux coordinatrices les lacunes à combler. Le pôle de conservation doit adhérer au CCN. Par contre, l'établissement associé n'est pas tenu d'adhérer au CCN (ce qui permet à toute structure de participer) ; il s'engage à ne pas procéder à des éliminations sans avoir comblé les lacunes des collections de référence. Un pôle de conservation peut aussi être établissement associé. Actuellement, vingt-six établissements sont pôles de conservation et autant sont établissements associés.

    Le don des collections est préféré au dépôt, et tout transfert donne lieu à la rédaction d'un bon détaillé signé par l'établissement récepteur et le receveur. Les états des collections sont régulièrement mis à jour par le CR. CCN ainsi que la liste des lacunes à compléter, qui est largement diffusée. Les coordinatrices orchestrent les transferts des collections organisés lors des déplacements professionnels des participants. Une réunion annuelle élargie permet, après le bilan du CR. CCN, de faire le point sur la conservation partagée des périodiques en Aquitaine.

    Bilan et perspectives

    Ce plan a un coût de fonctionnement (photocopies, courriers, téléphone et temps passé par les deux coordinatrices) uniquement supporté par les deux structures, CBA et CCN. La demande de subvention envisagée s'avère compliquée du fait des différentes tutelles ; une subvention permettrait l'achat plus systématique de microfilms ou de cédéroms. De leur côté, les pôles de conservation investissent dans l'achat de boîtes de conservation. Prochainement, nous éditerons et diffuserons largement sur la Région ce catalogue spécifique coté PCAq dans le CCN. Bien sûr, les listes des titres et des établissements participants ne sont pas figées et évoluent au fur et à mesure des demandes. Actuellement, une autre étape est en cours concernant les publications spécialisées et les publications locales. Il est évident que les appels pour combler les lacunes sont moins fructueux, mais un sens plus aigu de la conservation rend les personnels encore plus vigilants vis-à-vis de ces collections.

    Pour les collections générales ou de vulgarisation, les échanges sont nombreux et peu à peu les collections se complètent. De plus, certains établissements achètent, selon le cas, le microfilm ou le cédérom de la collection de référence dont ils ont la responsabilité, qui devient ainsi le document de consultation.

    Pour les établissements, le plan de conservation permet une politique d'acquisition et de conservation concertée, une reconnaissance et une mise en valeur de leur bibliothèque et de leurs collections ; lors d'adhésion conjointe au réseau CCN, il permet de voir les lacunes des collections de référence comblées par les autres bibliothèques.

    Concernant les collections de référence, la communication est plus facile et plus directe, avec l'accès gratuit aux documents primaires ou de substitution (microfilms) et l'assurance de collections le plus complètes possible. Également, l'aspect de proximité n'est pas négligeable pour le lecteur puisque, en présence de plusieurs collections complètes ou quasi complètes pour un même titre, deux établissements de conservation opposés géographiquement et de types différents ont été retenus (établissement de recherche avec bibliothèque municipale par exemple).

    Pendant la phase de préparation, nous avons constaté qu'un tel projet, liant de nombreux partenaires aux tutelles et structures différentes, induisait des contraintes et problèmes multiples :

    • notre premier accord-cadre a nécessité un réaménagement, pour signature des tutelles territoriales ;
    • nous ne pourrons pas résoudre le problème des cachets sur les numéros donnés aux pôles de conservation ;
    • chaque année, les coordinatrices doivent informer les collègues nouvellement nommés, que leur établissement soit ou non impliqué dans la conservation des périodiques ;
    • bien vite, nous serons confrontés à l'évolution de la technique : numérisation électronique des documents, modifications des formats, permanence des supports...

    Chaque nouvelle réflexion permettra de trouver, ensemble, des solutions : ainsi cette coopération dynamique, en parfaite complémentarité, laisse entrevoir encore de longues concertations autour de la conservation partagée des périodiques en Aquitaine.