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La médiathèque de la Cité des sciences et de l'industrie

1999
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    La médiathèque de la Cité des sciences et de l'industrie

    Par Alain Diez, dir Cité des Sciences de l'Industrie

    Vous avez souhaité, Madame la Présidente, que j'intervienne à cette table sur le thème principal du congrès, bien sûr, « Les bibliothèques entre politique de service public et économie marchande », en me demandant de décrire la possible voie médiane de la médiathèque de la Cité des sciences et de l'industrie, bibliothèque à vocation de service public, mais bibliothèque d'un établissement à caractère industriel et commercial, en me demandant aussi de décrire les tarifications que nous pratiquons.

    Effectivement, la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette est un « établissement public national à caractère industriel et commercial ", un EPIC. Tout aussi effectivement, sa médiathèque est une médiathèque publique.

    En guise de préambule, je voudrais revendiquer une extrême modestie car il y a seulement six mois que j'ai accepté la responsabilité de la médiathèque de la Villette, et profiter de l'occasion qui m'est offerte de rendre hommage à François Reiner, à ses collaborateurs et à ses équipes qui ont fondé puis bâti jour après jour cette médiathèque avec la détermination, la clairvoyance et l'opiniâtreté que l'on sait.

    Puisque nous parlons de tarification de services, je commencerai par un élément qui a été bien décrit en 1998 dans le numéro 4 du BBF. M.-H. Koenig et B. Ribaut y ont publié un excellent article sur « La médiathèque des entreprises ». Je tenterai ici un petit rappel pour resituer cet objet bibliothéconomique peu identifié :

    À l'origine, il y a le fonds de la médiathèque et le choix de traiter dès le départ, dans le secteur travail et industrie, le volet social du travail d'une part, et l'aspect économique de l'action industrielle d'autre part. Ce choix a induit la constitution d'un fonds qui comprend bon nombre de documents utiles aux entreprises et à leurs conseils, études de marché générales ou sectorielles, annuaires et répertoires d'entreprises, rapports d'activité, études de groupe, tous documents qui étaient utilisés notamment par un certain nombre de consultants comme matière première pour rédiger leurs travaux.

    À l'origine aussi, le service d'interrogation de banques de données, qui existait sous le nom de la Comète, utilisé essentiellement par la même clientèle.

    À l'origine enfin, l'abonnement multicartes pour le prêt, destiné aux entreprises.

    Au-delà de ces trois éléments, un constat : celui que notre offre était centrée sur les contenus et organisée de façon thématique, et non dans une logique d'usage. Elle ne permettait pas de proposition documentaire globale à l'attention des professionnels.

    De même, la qualité de la médiation, investissement fort voulu dès l'origine, avec une présence nombreuse et une compétence reconnue, ne prévoyait pas d'accueil identifiable et clair pour les professionnels sur place, et surtout ne prévoyait pas du tout d'accueil à distance.

    En bref, le constat était que nous disposions de beaucoup de possibilités à l'égard des entreprises mais que nous les laissions en friche faute d'attention portée à ce public.

    L'idée a donc été d'assumer un rôle de première transformation au lieu de livrer le minerai brut et de dégager ainsi un retour raisonnable sur l'investissement consenti.

    Ouverte en mai 1996, la médiathèque des entreprises a maintenant trois ans. Elle est destinée au public « professionnel qui est l'une des composantes de notre public, et plus particulièrement aux petites et moyennes entreprises, auprès desquelles notre rôle de vulgarisateur des méthodes de recherche d'information est important : je citerai ici l'argumentaire développé à l'ouverture par François Reiner : « Le tissu des entreprises de taille moyenne, celui qui est le plus à même de faire progresser la production de richesses et l'emploi, est aussi le moins utilisateur de méthodes organisées de recherche d'information, pourtant vitales pour l'avenir de ces entreprises. Notre nature de généralistes de l'information de vulgarisation scientifique, technique et industrielle nous donne un atout exceptionnel dans cette propédeutique. »

    Quelle offre faisons-nous à ces publics ?

    Outre les ressources documentaires imprimées comme les revues, les répertoires d'entreprises, les études de marché, les cédéroms ou les banques de données en ligne, on peut disposer, si l'on s'abonne à la MDE, de services personnalisés, d'une équipe à disposition et d'un lieu dédié.

    • Les services : suivi et assistance documentaires, cinq cartes simultanées d'accès à l'espace et au service du prêt de la médiathèque, interrogation de banques de données, fourniture de documents primaires, impression à partir de cédéroms, photocopies, prêt, coursier, fax, téléphone, animation, formation.
    • L'équipe: elle est constituée de quatre médiathécaires, sans permanence obligée sur place, mais qui interviennent à la demande sur simple appel.
    • Un lieu dédié: 120 m2et 14 places confortables (la médiathèque en classe affaires) en accès réservé grâce à la carte spécifique.

    Tout cela pour un abonnement forfaitaire annuel de 2 500 F HT (3 015 F TTC). Comment se détaillent les 2 500 F ? Une partie forfaitaire : 1 900 F et une provision pour dépenses de type photocopies ou consultation de banques de données en ligne : 600 F.

    a À cette offre de services, comment répondent les publics ?

    Nous avons demandé à l'un des collaborateurs de la direction commerciale une étude sur ces publics.

    Nous avons aujourd'hui 70 clients à la médiathèque des entreprises : une clientèle fidèle, francilienne, oeuvrant dans de petites structures de conseil aux entreprises et dans l'ingénierie économique, qui s'abonnent en majeure partie au démarrage de l'activité ou en phase de diversification, en intégrant la médiathèque des entreprises au « capital de leur entreprise.

    Un point important est que 80 % des demandes sont formulées de l'extérieur, à distance.

    Globalement, on peut constater parmi les abonnés un excellent niveau de satisfaction : ils apprécient le très bon rapport qualité/ prix (on peut par exemple consulter des cédéroms coûteux à l'achat).

    Tous soulignent la qualité des ressources, tant en profondeur qu'en fraîcheur. En outre, le regroupement des informations, l'accès privilégié et la qualité du service sont plébiscités. Aucun utilisateur ne trouve le prix trop élevé.

    La faiblesse essentielle relevée par les clients est l'usage trop réduit des réseaux et de l'utilisation à distance (trop peu d'échange par mail, pas d'accès Internet in situ, pas d'accès de l'extérieur via Internet à des ressources électroniques acquises à l'usage exclusif de sa clientèle).

    L'étude de public souligne en outre qu'un important vivier potentiel de publics fréquente la médiathèque et qu'il est insuffisamment exploité.

    a Pourquoi ne trouvons-nous pas davantage de clients pour la médiathèque des entreprises ?

    Une première réponse est que nous ne la vendons pas assez :

    • ni à la médiathèque elle-même ;
    • ni à la Cité (cité des métiers...) ;
    • ni à l'extérieur ;
    • ni sur le Web.

    De plus, nous n'utilisons pas assez les réseaux :

    • pour communiquer avec nos clients ;
    • accepter d'eux les questions ;
    • leur répondre en joignant des documents ;
    • leur permettre d'utiliser de chez nous leurs outils de mail ;
    • leur offrir chez nous comme à distance depuis chez eux l'accès à des ressources électroniques acquises pour eux et seulement pour eux.

    Enfin, la frontière entre les documents que nous réservons à ce public spécifique et ceux que nous proposons en accès libre est peut-être mal calée.

    Nous allons au mois de juin procéder à l'examen point par point de l'étude de public dont j'ai parlé, passer en revue les différentes hypothèses d'amélioration de l'offre sur les réseaux, de recherche de nouveaux clients, et relancer une campagne de promotion.

    Nous aurons d'ailleurs à la même époque un nouveau directeur commercial de la Cité et nous lui soumettrons plus globalement le problème de l'augmentation nécessaire du nombre d'abonnés.

    Car, de même que le nombre de clients de la médiathèque des entreprises peut surprendre, le nombre d'abonnés, 9 000, est faible eu égard à la taille de la médiathèque et à sa localisation parisienne. En conséquence, le nombre de prêts, 240 000, est faible aussi comparé au nombre de prêts que réalise une bibliothèque municipale par exemple.

    Cela va être un de nos objectifs majeurs de fidéliser une part plus grande de notre public en augmentant le nombre de nos abonnés.

    Pour revenir à la question du caractère payant d'un tel service, je citerai à nouveau l'argumentaire rédigé par François Reiner à l'ouverture :

    « Faire payer un service n'est pas incompatible avec une mission de service public [poste et chemins de fer sont-ils gratuits ?]. Faire payer un prix adéquat pour un service adapté à un public solvable est parfaitement conforme à notre vocation...

    » Le but est bien de contribuer à l'augmentation des ressources propres de la Cité, mais ce n'est pas le but premier. Au demeurant, l'ambition d'équilibrer ou de dépasser le coût de la fourniture du service serait démesurée. Ce qu'il faudrait alors mettre dans la balance serait non seulement le coût direct de la médiathèque des entreprises (heures de travail, acquisition de documents, aménagement, fonctionnement matériel), mais aussi une part importante de l'investissement initial et continu de la médiathèque, puisque c'est bien d'abord cela qui constitue notre principale attraction. »

    La médiathèque des entreprises n'est pas le seul service de la médiathèque à nécessiter un paiement. Le premier d'entre eux est l'emprunt à domicile. Si vous souhaitez emprunter, vous devez vous abonner :

    • 300 F par an pour l'abonnement individuel, avec un tarif réduit à 250 F pour les moins de 25 ans, les plus de 60 ans, les handicapés et les chômeurs ;
    • 450 F par an pour l'abonnement famille : les deux parents et leurs enfants habitant à la même adresse ;
    • la carte « enfant » coûte 10 F l'an.

    Il est à noter que l'abonnement est un abonnement « Cité qui donne accès à tous les espaces d'exposition de la Cité...

    Sont tarifées aussi un certain nombre de prestations que nous proposons :

    • la visite professionnelle de la médiathèque : 1 500 F (plus d'une heure et demie et moins de deux) ;
    • la location de la didacthèque professionnelle avec accompagnement d'un didacthécaire : 4 400 F la journée ou 2 200 F la demi-journée ;
    • une formation spécifique dans nos murs : 6 000 F la journée ou 3 000 F la demi-journée ;
    • une formation ou une intervention à l'extérieur de la cité : 4 000 F la journée ou 2 000 F la demi-journée ou 1 000 F l'heure (transport et repas non compris).

    Tout cet ensemble de produits payants rapporte en une année la somme de 1,8 million de francs.

    C'est relativement peu rapporté à l'activité de la médiathèque et à la dépense annuelle, qui excède 50 millions de francs. Mais détaillons un peu.

    Quand je vous aurai dit que, sur les 100 000 m2de la Cité des sciences et de l'industrie, 10 000 (dont 8 000 accessibles au public) sont utilisés par la médiathèque, qu'elle propose à ses usagers 300 000 documents, de midi à 20 heures, six jours par semaine, du mardi au dimanche, grâce à 130 médiathécaires, employés de médiathèque, personnels administratifs et techniques, vous aurez une première idée.

    Chaque année, 1,2 million de personnes entrent à la médiathèque, dont l'accès est libre et gratuit. En une journée moyenne, nous accueillons 4 000 usagers. Un dimanche d'hiver, ce sont 8 000 personnes qui passent notre porte.

    Car ce sont vraiment, pour reprendre le terme du décret, « tous les publics » qui peuvent entrer sans aucune formalité à la médiathèque, flâner parmi les rayonnages, consulter les revues, s'asseoir et lire un livre, regarder une vidéo, utiliser un cédérom bibliographique ou un logiciel d'apprentissage à la didacthèque publique. Pour accéder à la médiathèque d'histoire des sciences, dont l'accès est seulement filtré, il suffit d'expliquer le sujet sur lequel on travaille qui nécessite de consulter ce fonds spécialisé (histoire des sciences, de la didactique et de la muséologie).

    Pour en revenir aux termes financiers de l'équation, je donnerai deux éléments de notre budget : les dépenses documentaires se montent à 5 millions et les coûts de personnel à 45 millions de francs ; 1,8 million de francs sur 50, c'est 4 %.

    Voyons maintenant les choses à un échelon plus haut, celui de la Cité. En 1999, le budget prévisionnel est estimé à 600 millions de francs : 100 proviennent des recettes propres de l'établissement et l'État verse une subvention de 500.

    L'activité commerciale (dont une part majeure est la vente de billets d'entrée ou d'abonnements, l'autre provenant des recettes du centre des congrès, de la vente d'expositions ou d'ingénierie) contribue donc au fonctionnement à hauteur de 17 %.

    Du point de vue d'un visiteur, l'entrée du bâtiment est totalement libre, puis l'ensemble des espaces d'exposition ou de spectacle sont d'accès payant :

    • 50 F pour l'espace Explora, qui contient l'exposition permanente et les expositions temporaires (comme celle du programme « Désir d'apprendre qui ouvrira ses portes à la fin novembre 99 et que je vous incite vivement à venir découvrir) ;
    • 25 F pour l'accès à la cité des enfants (deux espaces : 3-5 ans, 5-12 ans) ;
    • 25 F pour Électricité ou Technocité, destinées aux plus grands (à partir de 12 ans).

    Les salles de spectacle (cinéma en relief et Géode) sont elles aussi payantes. Naturellement, je ne mentionnerai ni les restaurants, ni les parkings si l'on est venu en voiture.

    Le seul espace à valeur ajoutée d'accès libre et gratuit est la médiathèque, et c'est dès l'ouverture en 1986 que ce parti a été pris de l'accès et de la consultation gratuits, complétés par la fourniture de services payants.

    Reprenons pour terminer les termes du décret fondateur de la Cité des sciences et de l'industrie, en février 1985.

    "L'établissement public a pour mission de rendre accessible à tous les publics le développement des sciences, des techniques et du savoir-faire industriel... »

    Bien évidemment, la médiathèque de la Cité des sciences et de l'industrie ne saurait avoir d'autre mission que celle-là, et elle y participe pleinement.

    La demande était : « Une voie médiane est-elle possible pour une bibliothèque entre commerce et service public ? » Je répondrai que nous partageons toutes les contradictions des bibliothèques publiques de notre pays, qu'elles aient vocation à desservir plutôt la population étudiante ou plutôt l'ensemble des citoyens.

    À l'époque où nous vivons, la science, la technique et l'industrie sont au coeur des transformations que le genre humain fait subir à la planète qui l'abrite. Il est capital que des institutions comme les nôtres permettent à qui le souhaite d'en savoir plus sur l'univers qui l'entoure, sur la manière dont l'homme a pénétré ses secrets puis mis à profit ses connaissances pour mieux (ou plus mal) y vivre.

    Nous sommes bien au noeud d'un réseau de contraintes et de contradictions, mais le résultat est une tension qui nous porte : cette mission majeure de permettre à chaque citoyen de s'approprier à sa mesure, par la voie et la méthode qui lui conviennent le mieux, ce qu'est la science d'au-jourd'hui, pour en juger plus sereinement et être un acteur plus éclairé du monde dans lequel il vit.