Depuis la parution des décrets du 2 septembre 1991 portant statuts particuliers des cadres d'emplois de la filière culturelle territoriale et des textes réglementaires en découlant, tout le processus de formation professionnelle et de recrutement est bloqué. La situation est d'une gravité exceptionnelle, et les bibliothèques ne sauraient supporter encore des années une situation absurde de gaspillage de la compétence des hommes ainsi que du temps et des ressources des collectivités, qui ne peut que susciter colère et découragement. Il n'est pas exagéré d'affirmer que la profession de bibliothécaire ne dispose plus des conditions de sa reproduction, à un moment où l'utilité sociale des bibliothèques n'est guère contestée et où les mutations sociales, techniques et culturelles rendent plus exigeantes encore les conditions de l'exercice du métier de bibliothécaire et solides les compétences qu'il requiert.
Les collectivités territoriales ont besoin de recruter des agents à tout moment en fonction de compétences. Le dispositif statutaire organise des concours triennaux généralistes et une formation post-recrutement. Tant que subsiste une telle contradiction entre logique du recrutement et fonctionnement statutaire, rien ne peut fonctionner.
Actuellement les collectivités sont dans la quasi-impossibilité de recruter dans un cadre statutaire. Si l'on excepte le cas des mutations, les candidats issus des concours externes n'ont pas les compétences requises, et ceux qui les ont par leur parcours universitaire et professionnel ne figurent généralement pas sur les listes d'aptitude : les candidats recrutables pour leurs compétences ne le sont pas au regard du statut.
La formation post-recrutement se conçoit comme adaptation au poste de travail et comme occasion de sensibilisation à la réalité territoriale. Elle ne peut en aucun cas être le cadre d'une formation initiale à un métier.
La préparation aux concours internes épuise les équipes et les individus par le temps consacré à l'acquisition de méthodologies théoriques sans relation avec les besoins des services, alors que les acquis professionnels ne sont pas valorisés.
L'ascenseur social est grippé. Outre l'inadaptation des concours internes, la promotion interne, par le jeu combiné du quota, du blocage des recrutements statutaires et du nombre excessif de cadres d'emplois, est quasi inexistante, ce qui provoque tensions et découragement au sein des équipes.
Les moyens matériels et humains du CNFPT sont inutilement mobilisés par l'organisation de concours sur épreuves dispendieux et par une formation post-recrutement. Il est mal placé pour assurer dès qu'il s'agit de la formation initiale à un métier, et il n'assure pratiquement plus la formation continue des agents en poste, pourtant de plus en plus nécessaire.
Et pourtant, il existe sur le marché du travail des gens formés grâce à une offre de plus en plus riche : titre d'auxiliaire de bibliothèque délivré par l'ABF, DUT et DEUST, diplômes d'université, licences et maîtrises professionnalisées, etc. Mais le caractère généraliste des concours ne place pas ceux qui se sont préparés à la profession de bibliothécaire dans une situation plus favorable que d'autres pour réussir les épreuves.
Le caractère triennal des concours désespère les candidats potentiels et ne correspond pas au rythme des besoins des collectivités territoriales : c'est à tout instant que les mutations comme l'évolution des services créent des vacances imprévisibles. Quant à la procédure permettant au CNFPT de fixer le nombre des postes ouverts au concours, elle repose sur une pure fiction, les déclarations des collectivités, plus de douze mois avant la parution de la liste d'aptitude, ne correspondant en rien aux postes qui seront réellement vacants à l'issue du concours.
Tout en réaffirmant la nécessité de simplifier l'architecture de la filière, nous proposons de réconcilier le dispositif statutaire avec les mécanismes réels de recrutement :
Le champ de la réflexion reste ouvert. D'autres pistes peuvent être étudiées.
Toutes les mesures relatives aux concours de la filière culturelle peuvent être prises sans délai par l'autorité investie du pouvoir réglementaire.
Seules les dispositions relatives au rythme des concours et à la fixation du nombre de postes ouverts relèvent de mesures plus générales. Nous sommes heureux de contribuer au débat les concernant, conscients que les difficultés rencontrées dans la filière culturelle ne lui sont pas propres, ce qui ne saurait justifier qu'on ne s'y attaque pas résolument et sans attendre.
Suite à cet appel, lancé conjointement par I'ABF et l'ADBDP sur proposition d'un groupe de travail de bibliothécaires particulièrement concernés par le sujet, nous avons reçu quelques 3 500 signatures en cette fin mai.
Le rôle des associations, et des syndicats auxquels il a été adressé évidemment, est de porter ces demandes aux organismes de l'État et territoriaux décisionnaires.
Des démarches ont été engagées auprès du CNFPT, concerné d'abord par les contenus et l'organisation des concours, mais à l'intérieur de textes statutaires (décrets, arrêtés) qu'il ne décide pas. Nous lui avons, à sa demande, proposé des mesures d'urgence, concrètes et rapides à mettre en oeuvre.
Car il faut être conscient des échéances: la modification d'une loi prend plusieurs années ; celle d'un décret au moins deux ans (passage interministériel, DGCL, Conseil supérieur de la fonction publique territoriale) ; celle d'un arrêté peut ne prendre que quelques mois.
Devant l'urgence de remédier à une situation réellement catastrophique, que tout le monde reconnaît (professionnels, fonction publique suite aux rapports Schwartz, commission Becuwe de la fonction territoriale...), de nombreux reçus-collés, d'impossibilité de recruter selon les cadres statutaires (et ce quels que soient le grade et le cadre d'emploi), nous avons fait des propositions d'urgence: à l'intérieur des textes actuels, modifier les arrêtés organisateurs des concours, donner des programmes, professionnaliser les épreuves, de sorte que les titulaires de diplômes professionnnels (ceux qui sont réellement recherchés par les collectivités), que les collègues qui ont des compétences aient plus de chances d'accéder aux postes statutaires, de sorte que soit diminuée l'importance d'épreuves de type universitaire au profit des validations de connaissances bibliothéconomiques.
Nous savons que cela ne résoudra pas toutes les questions sur la filière culturelle. Mais au moins ces propositions pourraient-elles permettre que l'on n'en soit pas au point qu'aujourd'hui, selon les chiffres du CNFPT lui-même, ne sont mis au concours que la moitié des postes réellement vacants, et que les recrutements sont donc réalisés sur des bases malthusiennes, limitant de fait les chances de très bons candidats d'être inscrits sur liste d'aptitude !
Ces propositions sont résumées dans le texte ci-après: