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Situer les questions auxquelles vous êtes confrontés

2001
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    Situer les questions auxquelles vous êtes confrontés

    Par RENÉ RIZZARDO, Directeur Observatoire des politiques culturelles

    N'ÉTANT PAS UN SPÉCIALISTE DE LA LECTURE ET DE L'INFORMATION, mais toujours stimulé par la participation à vos congrès, mon rôle sera ici de resituer les questions auxquelles vous êtes confrontés dans les évolutions qui affectent et concernent les politiques publiques et les principes qui les sous-tendent, et dans celles qui affectent le service public culturel lui-même qui fera l'objet d'une intervention par un juriste.

    Il s'agit de resituer aussi les questions auxquelles vous êtes confrontés dans le contexte de l'évolution des pratiques sociales aujourd'hui et de la notion même d'usager à l'ordre du jour de votre congrès. Les questions que je vais traiter renvoient aux finalités du service public culturel dont vous avez la charge. Un certain nombre d'enjeux viennent déjà d'être rappelés par les intervenants qui m'ont précédé et seront développés par ceux qui me suivront.

    Observons que les bibliothèques n'ont pas l'exclusivité des questions qui se posent aujourd'hui aux services publics. Les domaines du transport, de la santé, de l'éducation, sont notamment confrontés à des évolutions profondes qu'il n'est pas toujours facile d'identifier mais auxquelles on est à un moment ou à un autre confrontés.

    Mais les bibliothèques ont une place à part dans les services publics, j'y reviendrai, et ont souvent anticipé sur les mouvements sociologiques et culturels qu'elles ont rencontrés, que leurs professionnels ont su assumer avec les pouvoirs publics et qui ont été pris en compte par les projets de vos établissements.

    Je voudrais d'abord revenir sur les raisons pour lesquelles vous relevez du service public, ensuite m'interroger avec vous sur le droit des usagers, et enfin vous livrer quelques pistes.

    Aucun doute sur le caractère de service public

    Face aux interrogations, voire aux mises en cause, dont la notion de service public est l'objet, dans le contexte du marché qui domine l'économie des sociétés dites développées et dans celui de la concurrence dont les règles sont notamment fixées par le droit européen, contexte dans lequel les biens culturels sont mis sur le même pied que les produits marchands, sou-lignons-le, il n'est pas inutile de rappeler qu'il n'y a aucun doute sur le caractère de service public des bibliothèques et des médiathèques.

    • B Elles relèvent de la puissance publique qui assure le financement et la continuité de leur activité et en définit les grandes orientations. Que la volonté politique de l'État et des collectivités territoriales faiblisse, le service public sera mis en péril. Les bibliothèques sont inscrites, rappelons-le, dans la loi de décentralisation de juillet 1983 comme relevant de l'initiative et de la responsabilité des communes, départements, régions », l'État assurant leur contrôle et garantissant leurs grands principes de fonctionnement. Mais la légitimité du service public, de l'information et de la lecture, dépend d'abord de sa qualité donc des moyens qui lui sont consacrés, de la motivation et de la compétence des professionnels. Pour autant, l'adhésion des usagers et la conviction des contribuables du rôle irremplaçable de vos missions, sont des facteurs décisifs de la constitution d'une volonté politique forte.
    • * Elles sont fondées sur le principe de l'égalité d'accès de tous et sur la qualité des services proposés. Elles sont l'expression d'un besoin social, voire sociétal dont le champ est l'objet, et doit être l'objet d'une appréciation et d'une actualisation permanente pour l'adaptabilité du service public. Ce principe de l'égalité d'accès a été sans cesse rappelé par la jurisprudence, notre point de repère pour définir les critères du service public dont les fondements juridiques sont peu stables.
    • 3 Elles ont des missions d'intérêt général, qui se rapportent à la fois à la qualification des biens culturels dont elles ont la charge et à la nature de leurs missions qui ne peuvent relever des seules logiques économiques.

    Rappelons que le service public est clairement conçu et affirmé comme une alternative à la logique du marché. Mais celui-ci est présent de plus en plus fortement dans les choix culturels de nos concitoyens et ses règles pèsent sur le fonctionnement des services publics. Face à cette pression, la légitimité de l'intervention publique est renforcée (par exemple, que seraient devenues les librairies sans la loi sur le prix unique du livre ?).

    La notion d'intérêt général permet de rappeler que les bibliothèques et les médiathèques ne sont pas la propriété de leurs seuls usagers, mais sont un bien commun de la cité, formule qu'il s'agit de traduire dans les faits. L'intérêt général renvoie aux arbitrages nécessaires pour définir les priorités accordées aux différentes missions des bibliothèques quelles qu'elles soient, municipales, départementales, universitaires, rurales ou urbaines, et donc aux missions des bibliothécaires. Un service public est fondé en effet sur la présence de corps professionnels relevant d'un statut public, donc d'une définition de leurs missions et des conditions de leur exercice par la puissance publique. C'est l'occasion de rappeler qu'il ne serait pas inutile de redéfinir les métiers et les fonctions inscrits dans la filière culturelle de la fonction publique territoriale à l'aune de vos nouvelles missions. Cette question est bien connue de l'ABF Aujourd'hui, le dialogue trop exclusif entre les bibliothécaires et leurs employeurs peut présenter des risques, car la revendication des moyens du développement et sa légitimité ne peuvent venir des seuls professionnels.

    Les devoirs des pouvoirs publics

    Ces principes étant posés, la question est de savoir si le service public de l'information et de la lecture répond aussi à un droit, le droit à la culture inscrit formellement mais de manière sommaire dans le préambule de la constitution de 1946. Ce droit, dans ce préambule, est associé au droit à l'éducation et à l'enseignement, et renvoie aux valeurs républicaines qui, à ce moment-là, avaient tout leur poids. L'ont-elles toujours aujourd'hui ? Ce droit confère des devoirs à tous, aux pouvoirs publics en particulier, et en premier lieu un devoir de développement car les exigences que recouvrent ces valeurs ne sont jamais abouties pleinement. Les remplissent-ils à la mesure des enjeux contemporains ?

    Alors que les bibliothèques ont été le socle des politiques culturelles, la diversification des contenus de ces politiques ainsi que la décentralisation qui constitue un vrai progrès (les collectivités dépensent 35 milliards de francs pour la culture) ne doivent pas faire oublier qu'une volonté d'État est toujours nécessaire pour faire que ce droit à la culture et les devoirs qui lui sont associés soient ceux de l'ensemble de la Nation. L'État doit créer des conditions juridiques, statutaires, fiscales et donc financières de l'exercice de ces devoirs. Rappelons ici qu'une nouvelle étape de décentralisation pourrait se réaliser sur la base d'une réforme fiscale assez profonde, proposée par la commission Mauroy (1) , visant à augmenter l'autonomie des collectivités territoriales en spécialisant l'impôt de chaque niveau de collectivité en fonction de ses responsabilités. Le service public de l'information et de la lecture devrait y trouver son compte.

    Comparée à d'autres pays européens, la France est finalement, sur ce terrain, la moyenne de la classe, ni la première, ni la dernière, comme l'attestent diverses études et l'article consacré à ce sujet dans les actes de votre précédent congrès.

    Faut-il une charte comme le préconise Baptiste Marrey dans son Éloge des bibliothèques ? C'est un terme qui a eu son sens, mais qui aujourd'hui ne suffit peut-être pas. Faut-il que le législateur, saisissant la question du droit de prêt, réaffirme la priorité nationale qui fonde votre travail je le pense. Quoi qu'il en soit, sans remettre en cause le principe positif de la décentralisation et de ses acquis, il faut que l'État retrouve des modalités d'intervention qui complètent les avancées de cette décentralisation. Les obligations de service public en la matière doivent être assumées par tous les niveaux.

    Faut-il alors et aussi un lobby des bibliothèques, qui a d'ailleurs existé et a été à l'origine de la création de nombreux établissements. Ce lobby doit-il être celui des professionnels et usagers réunis ?

    Force est de constater que les groupes de pression jouent un rôle croissant dans une démocratie locale et nationale qui est de fait une démocratie de délégation.

    Service public et relation client-service

    Ainsi le besoin de sécurité, ou le sentiment d'insécurité, s'est imposé lors de la dernière campagne des élections municipales. Si la conscience collective n'est pas sollicitée par des enjeux collectifs, la sécurité en est certes un, mais quelle réponse lui apporte-t-on ? On peut craindre à terme que même les services publics soient réduits à des objets purs de consommation comme la démocratie elle-même dont serait absente la notion d'intérêt général. Il n'est pas pour autant question de fustiger la consommation de livres dont il faut se réjouir, mais le service public ne peut s'en tenir à la seule relation client-service. Sa spécificité réside dans les responsabilités globales qu'il doit assumer, comme l'ont rappelé les différentes jurisprudences. Il convient d'insister sur ces exigences et sur la nécessité de les faire partager à la population plus disponible à cette adhésion qu'on le croit souvent pour peu que toutes ses composantes aient un contact avec le service public culturel, avec le livre et avec les écrivains.

    Ainsi en est-il du débat sur le droit de prêt dans les bibliothèques. S'il n'est pas porté par un souci d'équilibre entre le droit à la culture, celui des usagers, le droit de l'auteur, de l'éditeur, du diffuseur, équilibre auquel s'attache C. Tasca, alors le débat va déraper. Si le débat entre le coût du service public et son prix pour l'usager n'est pas fondé sur des finalités culturelles, mais l'est seulement sur des critères sociologiques et économiques, ces finalités culturelles et sociales ne pourront être atteintes. Le risque existe, vous le savez.

    La création est certes un enjeu capital, mais la diffusion ne peut être négligée car, sauf exception, quel est l'avenir d'une création qui ne serait pas portée par un vaste réseau de diffusion, très accessible, par l'éducation, l'action culturelle, l'accès à l'information auquel doivent être associés tous les acteurs du monde du livre et, lors-qu'elles le veulent, les librairies ? J'insiste sur ce point car nous avons l'expérience de mauvais arbitrages fondés sur de mauvais débats opposant dans d'autres champs artistiques la création et l'action culturelle. Je crois que le juste équilibre recherché aujourd'hui sur le prix du livre, à l'initiative de la ministre, permettra d'échapper à ce travers. C'est la vue globale d'un domaine qui est ici nécessaire.

    On soulignera enfin que le service public de l'information et de la lecture a une place à part chez nos concitoyens. A.-M. Bertrand, dans l'ouvrage Les Publics des bibliothèques, nous rappelle que son utilité sociale est reconnue même par les non-usagers, mais que des freins subsistent à son accès. Je la cite : " Ce cocktail étrange de familiarité et de réserve manifeste peut-être la place spécifique qu'occupe la bibliothèque parmi les institutions urbaines : moins intimidante que le musée, plus directement utile que le conservatoire, moins contraignante que l'école, moins dangereuse que la rue... Place spécifique, aussi, parce que la bibliothèque est un entre-deux, " à la frontière du travail et du loisir " (Anne-Marie Chartier, jean Hébrard) : entre-deux qui engendre peut-être ce mélange de familiarité et de réserve. »

    Qu'en est-il maintenant du droit des usagers ?

    J'ai évoqué le droit à la culture et les valeurs républicaines qui le fondent, mais le terme d'usager renvoie à beaucoup d'autres questions.

    Rappelons que, d'un point de vue général, l'usager utilise un bien public en l'occurrence, parce qu'il répond à un besoin quelle que soit la nature de ce besoin et parce que les conditions, notamment tarifaires, de cette réponse lui conviennent. La qualité des lieux, l'intelligence mise dans l'incitation à la découverte, le lien éducation-lecture, donc enfants-famille, les horaires adaptés ont, partout où cela a été décidé, fait progresser le nombre, la nature et l'intérêt des usagers. Toutes les études, toutes les enquêtes le montrent. On notera l'importance que les usagers accordent aux horaires d'accès aux services publics comme le souligne le rapport d'Edmond Hervé, Député-Maire de Rennes sur " le temps ». Mais attention, la demande d'accès plus large dans le temps vient d'abord d'usagers eux-mêmes sur-occupés et sur-consommateurs de services publics, notamment culturels. L'égalité d'accès de toutes les catégories de la population appelle aussi la prise en compte d'autres types de demandes.

    Mais comment gérer l'extrême diversité des besoins liée à la diversification des publics des bibliothèques, ainsi que de leurs missions (on parle aujourd'hui de la nécessité de la collecte de la mémoire orale) ? Le risque n'est-il pas de vouloir répondre par les seuls moyens professionnels des établissements à toutes les attentes nouvelles, qu'elles relèvent du savoir, de la création, de la documentation ou de la simple, mais capitale, socialisation, et aujourd'hui, du besoin d'accès à l'information ou à la communication électronique ?

    Par ailleurs - et c'est un point capital face à l'éclatement des attentes, des contenus et des pratiques -, le livre et la documentation doivent rester la référence de vos métiers et la référence pour les usagers dans une société très virtuelle. Il faut sans doute penser aujourd'hui l'usager de différentes manières : l'usager présent, qui est là, l'usager absent, que l'on souhaite voir venir, et aussi l'usager comme partenaire.

    Les plus compétents d'entre eux, mais aussi les relais d'usagers potentiels, les associations et les structures avec lesquelles vous travaillez, de nombreux exemples le prouvent, peuvent trouver leur place dans un service public dont le personnel est d'abord pleinement responsable des missions de base, en particulier la constitution des fonds et leur mise à disposition, et en même temps garant de la qualité des nouvelles activités et du sens à leur donner. J'évoque la notion de partenariat parce qu'elle est ici capitale : usager client certes, mais usager partenaire, c'est-à-dire associé, quelle que soit la forme, à la vie et au devenir des bibliothèques.

    L'usager partenaire ?

    Après avoir relevé le défi de la diffusion, celui des nouvelles technologies, les bibliothèques peuvent-elles relever celui de la démocratie en inscrivant les usagers dans le service public non comme prescripteur mais bien comme partenaire ? Partenaires, ils peuvent l'être à partir de leurs besoins propres et en même temps à partir des besoins collectifs culturels, sociaux, éducatifs, qui se rattachent à la légitimité de vos établissements. Cela ne signifie pas pallier des carences par le bénévolat, mais peut signifier élargir le cercle des convictions et des acteurs du service public de l'information et de la lecture.

    Parce qu'il n'y a pas égalité des usagers devant le savoir et les modalités d'accès à ce savoir et à la lecture, le principe d'équité doit présider à l'affectation des moyens humains des bibliothèques. Ce terme a déjà été prononcé ici à propos de l'équité territoriale.

    L'autonomie des usagers par leur formation et l'accompagnement professionnel est un objectif majeur qui doit en même temps, parce que c'est le cas, contribuer à leur appropriation du service public et à la prise de conscience de son caractère indispensable pour la personne elle-même, comme pour la collectivité. Qu'un usager prenne conscience du rôle de la bibliothèque, pour ceux qu'il côtoie, pour lui-même, pour son environnement, fait qu'il adhère à la notion même de service public et à l'occasion en devient son défenseur.

    Ainsi devient-on, vous le savez, d'usager occasionnel à usager régulier, mais aussi à usager citoyen, car la bibliothèque peut être un lien décisif entre l'usage personnalisé et l'intérêt général, entre l'usager et la collectivité. C'est ici qu'il faut rappeler que les services publics sont des vecteurs premiers de la cohésion sociale. Sans eux, à condition bien sûr qu'ils soient appropriés, le « chacun pour soi prend le pas sur le « vivre ensemble ». Ce n'est pas tant leur seul usage qui est le garant de cette cohésion, c'est la représentation qu'ils ont de la volonté collective d'améliorer la vie des gens et leur insertion dans un système de références et de valeurs.

    L'enjeu majeur de la démocratie de proximité

    Je n'aborde pas ici la diversité des usagers des bibliothèques, les questions essentielles des usagers des bibliothèques universitaires et de la qualité en jeu des services et des capacités d'accompagnement qui sont offerts, rappelées par Madame Weil. Les retards sont considérables, plusieurs rapports l'ont souligné, alors même que la démocratisation de l'université devrait s'accompagner d'un effort sans précédent pour l'accès à l'information et à la culture générale des étudiants. De même, la formation des enfants et des jeunes à l'accès aux livres, aux supports de l'information, à leur usage, à la familiarité avec les espaces et leurs règles du jeu. Cela constitue un enjeu capital qui, en lien avec l'école, est une mission essentielle des professionnels. Au-delà des questions techniques, d'organisation, de formation à de nouveaux métiers, de positionnement des professionnels sur les questions en débat, il faut s'interroger sur les enjeux politiques publics que soulèvent aujourd'hui les bibliothèques : quelle place veut-on leur donner dans la cité et dans la démocratie locale ? Les cités sont petites, moyennes ou grandes, peu importe, car les mêmes questions se posent.

    Ainsi le projet de loi sur la démocratie de proximité débattu en juin prévoit des commissions consultatives des services publics dans les communes de plus de 10 000 habitants et des conseils de quartiers dans les villes de plus de 20 000 habitants. Pour répondre à cet impératif, si la loi est votée, il faut réaffirmer les missions des professionnels garants de la pluralité des choix culturels des bibliothèques, donc des acquisitions, et se garder à cet égard de la confusion des rôles avec ceux des usagers. Ces derniers et leurs représentants associatifs devraient, dans ces instances prioritairement, être les relais des milieux concernés par les missions culturelles éducatives sociales des établissements. Il faut faire de ces dispositions législatives une opportunité pour que les conditions de l'exercice de vos missions premières, leur développement, et les conditions des nouvelles missions soient garantis. On peut penser, à titre d'exemple, à la création de centres de documentation sociale, aux arbitrages nécessaires pour les moyens destinés aux missions éducatives des bibliothèques dont on connaît les résultats. Les études et recherches sur les usagers, leurs attentes, leurs pratiques, devraient alimenter en continu ces débats si l'on veut éviter l'unicité de vue des usagers qui disposent du savoir et qui s'approprient naturellement le service public et les espaces démocratiques. Les travaux qui vont être engagés dans l'agglomération grenobloise autour du monde des livres vont dans ce sens (2) .

    Les élus et l'État ont ici un rôle essentiel, celui de fixer en commun, avec les professionnels, les règles du jeu à venir.

    Un nouvel espace peut aussi représenter une opportunité pour concilier le besoin de proximité pour la diversification de l'accès à l'offre culturelle par les usagers, c'est l'espace intercommunal urbain ou rural et la question des réseaux. Je n'insiste pas, mais c'est un point capital pour, notamment, le positionnement des usagers vis-à-vis de vos activités (ils sont impliqués à une échelle où l'on peut penser globalement le rôle des services publics).

    En conclusion

    il faut d'abord se convaincre que l'on avance, quand on se donne des perspectives, des principes clairs, du temps, des moyens légitimés.

    • M Il faut, nous l'avions dit à La Rochelle, refonder en permanence le service public de l'information et de la lecture en actualisant ses finalités. Les formations et les méthodes adoptées seront un outil décisif de cette actualisation, notamment celles des usagers, petits et grands.
    • M Il faut que les bibliothèques reflètent la diversité culturelle de la société : les initiatives internationales liées à la présence en France des communautés d'origine étrangère peuvent y contribuer de manière dynamique.
    • B Il faut considérer que l'équité dans l'usage des moyens, la redéfinition du rôle de chacun en fonction d'objectifs prioritaires pour répondre à l'accompagnement des usagers, la recherche de partenariats, sont les voies de l'égalité républicaine.
    • M Il faut enfin rechercher un équilibre des pouvoirs et des rôles entre :
      • la volonté politique, celle des élus et de l'État, celle de la représentation nationale ;
      • la responsabilité professionnelle réaffirmée ;
      • le bon positionnement des usagers et du monde associatif.

    Ce triptyque peut, à terme, conforter la légitimité des bibliothèques dans leur environnement et au plan national.

    Au centre de ce triptyque, le projet d'établissement peut trouver sa pleine utilité et donner des perspectives et des règles du jeu. Le projet d'Établissement Public de Coopération Culturelle (EPCC), dont le texte vient d'être adopté à l'unanimité par le Sénat, est un outil qu'il ne faudra pas négliger, s'il aboutit, pour bâtir des partenariats durables, sur la base du projet d'établissement à l'échelle intercommunale, départementale ou régionale.

    Je l'ai rappelé, une nouvelle étape de la décentralisation est à l'oeuvre. À celles et ceux qui craignent que la décentralisation engendre l'inégalité des usagers devant le service public, on rappellera le succès de l'attribution des bibliothèques centrales de prêts aux départements. On rappellera aussi que les services publics nationaux comme l'Éducation ou la police ne sont pas mis en oeuvre de manière égale auprès de tous. Il faut par contre, car les risques d'inégalité sont persistants, une alliance renouvelée entre des pouvoirs publics volontaires, des usagers impliqués, des professionnels confirmés. Une loi serait utile pour rappeler les devoirs de chacun, les droits aussi, souligner l'équilibre nécessaire des pouvoirs entre le national et le local, mettre le service public au coeur du pacte républicain selon la formule de M. Autin.

    Pour cela, il faut travailler sans hâte et revenir toujours à l'essentiel pour que les décisions soient éclairées.

    Il faudra aussi du temps, comme il en faut souvent aux usagers, pour découvrir ce qu'ils ne connaissent pas et se passionner pour des objets et des causes auxquels ils ne songeaient pas.

    1. Cette commission, dont la présidence a été confiée à P. Mauroy par le Premier ministre, a été chargée de proposer le cadre et les axes d'une nouvelle étape de décentralisation. retour au texte

    2. Ils réunissent la DRAC, la ville et l'agglomération, l'Université des sciences sociales, Médiat et l'Observatoire des politiques culturelles. retour au texte