Le nouveau bâtiment de la bibliothèque municipale de Munster a été inauguré en 1993, et offert en « cadeau aux citoyens de la ville à l'occasion de la célébration des 1 200 ans de leur cité. Il a été conçu par un couple d'architectes, Peter Wilson et Julia Bolles-Wilson, lauréats du concours.
La bibliothèque se trouve en plein coeur du centre historique de la ville, à proximité immédiate de l'église gothique Saint-Lambert et de la Krameramsthaus, maison de la Guilde des marchands, de style Renaissance néerlandaise. Bâtie sur un terrain précédemment occupé par des habitations et des commerces détruits pendant la Seconde Guerre mondiale, la bibliothèque est d'une architecture moderne qui crée des relations riches avec l'image de la ville et les bâtiments qui l'entourent.
Elle comprend deux bâtiments reliés par une passerelle. Le premier, qui inclut l'entrée, constitue avec l'immeuble mitoyen un triangle formant une cour intérieure, jardin d'agrément tant pour les habitants de l'immeuble que pour les usagers de la bibliothèque. L'autre bâtiment, dont la forme en arc de cercle rappelle celle d'un bateau, est un « solitaire qui épouse la courbe d'une rue moyenâgeuse. Cette ruelle, qui traverse la bibliothèque, est dans l'axe de l'église Saint-Lambert : la bibliothèque-bâtiment marque ainsi la ville, de même que la bibliothèque-institution marque la vie culturelle munstéroise.
À l'intérieur, l'esthétique de l'architecture étonne le visiteur par la diversité des espaces. On pénètre dans la bibliothèque par un grand portail blanc qui évoque un visage, ou deux visages qui se regardent. Le hall d'entrée conserve tout d'abord un petit air d'extérieur avec le café et sa terrasse sur la rue. On longe ensuite la banque de prêt pour arriver dans la bibliothèque proprement dite. Le rez-de-chaussée est une sorte de marché du livre, où les livres ne sont rangés ni par ordre alphabétique ni selon une classification, mais suivant les centres d'intérêt des lecteurs. Comme dans un supermarché, on se sert directement sur les rayons, sans la consultation préalable d'un catalogue ou la médiation d'un(e) bibliothécaire.
Un système d'escalier monumental conduit au sous-sol à la bibliothèque pour enfants, et au premier étage où l'on tombe directement sur une banque d'information. Sur la gauche de cette banque se trouvent les postes de travail multimédias, où l'on peut consulter les catalogues de la bibliothèque, faire des recherches dans des bases de données sur cédé-rom ou surfer sur internet.
À droite de la banque d'information commence la passerelle qui relie les deux corps de bâtiment. Elle conduit à l'aile en forme de bateau, de trois étages, où les livres sont présentés selon la classification. Fauteuils et canapés invitent ici à la lecture, des tables permettant le travail personnel ou en groupe.
Chaque étage revêt un caractère propre : l'étage supérieur, par exemple, est une mezzanine où réapparaissent sous une forme moderne les traits de la bibliothèque classique. Les fenêtres, de différentes formes, sont disposées de telle manière que le soleil ne pénètre jamais directement mais que l'espace est toujours inondé de lumière. On subodore ici la variété des horizons qu'Albert Camus voyait quand il fréquentait la bibliothèque de son enfance (1) .
Au sous-sol, les deux corps de bâtiment sont reliés et présentent une collection en art, musique et théâtre qui va des classiques imprimés aux nouveaux médias tels que CD audio, vidéos, DVD et cédé-roms. On franchit alors une porte qui ramène à la banque de prêt et à la sortie, ainsi qu'à la bibliothèque pour enfants : là, juste à côté des albums illustrés, les plus petits trouvent un grand chien en bois à escalader. Un grand espace peut servir aussi bien de salle de jeux que de salle de spectacle. La bibliothèque pour enfants ouvre sur le jardin de la cour intérieure.
Le cadeau d'anniversaire connaît un franc succès auprès des Munstérois : juste après l'ouverture, le nombre des lecteurs inscrits triplait et les prêts augmentaient de 70 % pour se stabiliser à 1,3 million par an. L'architecture elle-même, qui fait de chaque visite une expérience esthétique, a beaucoup contribué à cette réussite. La bibliothèque municipale de Münster est d'ailleurs devenue l'une des bibliothèques publiques les plus fréquentées d'Allemagne.
Parallèlement, ce succès prouve que la fonction d'un bâtiment ne doit pas forcément reculer au profit de son architecture, bien que l'on se soit ici sciemment quelque peu éloigné du précepte de Mies van der Rohe « form follows function (la forme suit la fonction). Après sept ans de fonctionnement, il n'est pas immodeste de dire qu'entre une architecture forte, moderne, et une bibliothèque vivante il y a bien eu symbiose.