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    Sur les pistes du Sahel

    Par Jacqueline Gascuel

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    La poussière rougeâtre envahit nos six camionnettes blanches ; le sable et les ornières nous causent quelques angoisses ; au bout d'un long ruban goudronné, nous devons patienter pour prendre le bac sur le Niger parce que les chameaux ont la priorité... (pourtant ils ont beaucoup moins envie que nous de l'emprunter !). Partout des dents blanches illuminent des visages bien noirs et les éclats de rire font oublier les difficultés. Hélas ! Les carences alimentaires et la pauvreté se laissent deviner derrière la maigreur de certains enfants ou leur impérieux désir de vendre une modeste marchandise (mouchoirs en papier, fruits ou jouets en fil de fer).

    Dans un petit village de brousse, nous assistons à une soirée d'information sur le sida. Le générateur ronronne. Attirés par la lumière et la sono, les villageois se pressent, curieux. Le film défile et les questions fusent. Nous ne comprendrons que les quelques bribes que nous traduira un instituteur, car le débat se déroule en morée. Mais nous saurons quand même ce qui préoccupe les jeunes : pourquoi parle-t-on toujours des Noirs à propos du sida ? S'agit-il d'une maladie d'étudiants (sous-entendu de la ville) ? Une fille demande une démonstration de mise en place d'un préservatif... Une de nos camionnettes va servir à l'animateur pour poursuivre son travail. Mais le matin elle sera à la disposition des jeunes femmes qui mènent une campagne de renutrition dans les campagnes.

    Un tiers des enfants de moins de 5 ans y souffrent de carence alimentaire, un autre tiers est menacé parce que la sécheresse a sévi en 2000 : il faut aider les mères à leur donner chaque jour une bouillie équilibrée. Dans ce hameau, les femmes vont chercher l'eau à 3 km, allument le feu et font cuire la ration quotidienne, les enfants attendent, un responsable surveille leur courbe de poids... Pour notre arrivée, les femmes abandonnent leurs marmites et pendant une heure nous réjouissent de leurs chants et de leur danse de bienvenue ! L'association de solidarité burkinabé à laquelle nous livrons une de nos voitures va pouvoir doubler le nombre des villages où elle intervient.

    Sur les rives du Bani, nous retrouvons un verger là où l'an dernier nous n'avions vu que quelques trous destinés aux poteaux de la future clôture, protection indispensable contre les troupeaux errants. Depuis, la palissade a été mise en place, la maison du jardinier a été construite et une grosse pompe remonte l'eau du fleuve... car 10 000 arbres ont été plantés par les villageois. Et une belle mangue se balance déjà sur un manguier de 80 cm : elle aurait dû être supprimée pour faciliter la reprise du plant, mais joue le rôle de témoin.

    En septembre paraîtront les premiers régimes de bananes. « Là où il y a l'eau, la chaleur et la terre, nous dit l'animateur du projet un prêtre malien, personne ne devrait avoir faim. Cette rapidité d'évolution de l'entreprise nous remplit de stupéfaction, et d'interrogations aussi. Pourquoi tant de projets se perdent-ils dans les sables ? Pourquoi tant d'argent ne sert-il qu'à alimenter corrompus et corrupteurs (ce sont les mêmes d'ailleurs) ? Pourquoi tant de coopérants (1) s'ennuient-ils dans la capitale, entre le bar et la piscine, avec l'impression que rien ne peut aboutir ?

    Ce n'est pas le seul coin de paradis que nous verrons au milieu de l'aridité sahélienne : nous avons la chance d'être une toute petite association (2) , sans grands moyens, mais très proche du terrain et avec des partenaires africains que nous admirons beaucoup pour leurs grandes qualités humaines et leur profonde foi en l'avenir de leur pays.

    Livres

    Suis-je très loin des bibliothèques ? Pas tant que vous le croyez ! Au milieu d'un bric-à-brac invraisemblable (une moto, un poste de soudure, trois fauteuils de handicapés, des ordinateurs et des imprimantes, des caisses de médicaments, des ballons de foot, etc), j'ai pu glisser une quarantaine de cartons de livres ! Les principaux bénéficiaires en ont été un collège (3) et un lycée professionnel. Au collège de Koudougou, nous avions déjà constitué une bonne bibliothèque (ouverte à tous les adolescents de la ville et même fréquentée, nous a-t-on dit, par quelques étudiants).

    Cette année, nous leur avons donné des manuels de seconde : au Burkina, il existe des manuels pour le premier cycle mais, au-delà, les professeurs - et les élèves - doivent se débrouiller. Il en résulte de superbes cahiers... N'empêche que les manuels ont suscité beaucoup d'enthousiasme (ceux-ci nous avaient été donnés par deux collèges, au moment où les programmes français changeaient). Au lycée professionnel, nos ouvrages alimentent un bon fonds technique (ils se trouvent dans un atelier sous la responsabilité d'enseignants spécialisés). Ils servent bien sûr aux enseignants, mais ils vont aussi permettre de pousser certains élèves jusqu'au niveau du BTS. Actuellement, ils préparent des CAP en quatre ans (les enfants entrent au centre après le certificat d'études et suivent une première année générale avant de se spécialiser en bâtiment ou électricité-électronique).

    Que cet article soit l'occasion de remercier tous les collègues qui m'ont aidée : des fonds de livres, des contacts avec des CDI, des ordinateurs, tout cela a été très bien venu (4) . Malheureusement, j'ai découvert à ma grande confusion que l'an dernier j'avais fourni une Encyelopedia universalis, édition de 1980, incomplète (les tomes 10 à 15 manquent). Je ne pense pas qu'elle nous ait été donnée ainsi : un carton s'est-il égaré ? Entre « Listz» et «Thérapeutique», les lycéens sont obligés de se contenter d'un modeste Larousse. Ils m'ont gentiment fait remarquer que ce n'était pas très commode, surtout avec une encyclopédie qui multipliait les renvois ! Alors si vous remplacez votre Universalis par une édition récente ou un cédérom, faites-moi signe...

    1. Je n'ai pas dit tous : certains font un travail admirable... mais au passage nous avons appris que les envoyés de la Communauté européenne ne savaient où investir leur considérable dotation budgétaire ! retour au texte

    2. Unisahel, créée il y a une quinzaine d'années, qui emmène régulièrement des voitures neuves aux pays de la zone sahélienne. Elles sont offertes à des structures de développement (éducation, santé, économie agricole). Tout le budget de l'association passe dans l'achat de voitures et de pièces détachées pour les voitures fournies dans le passé. Pour le reste, nous faisons appel aux dons. retour au texte

    3. Établissement qui assure le premier et le deuxième cycle secondaire, avec préparation du bac D. retour au texte

    4. Biblionef n'a pas répondu à mes lettres : cet organisme existe-t-il encore ? retour au texte