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La réunion des bibliothécaires du Sud-Ouest à Albi

1955
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    La réunion des bibliothécaires du Sud-Ouest à Albi

    (Bibliothèque Rochegude, 12-13 juin 1955)


    Nombreux sont parmi nous ceux qui se rappellent avec bonheur et nostalgie les journées où se retrouvaient ici les Bibliothécaires champenois autour du regretté Henri Vendel, là ceux du Centre autour de M. Georges Collon, et il semble que l'on conserve un souvenir particulièrement agréable, à Montpellier, de telle excursion récemment organisée par M. François Pitangue. Aussi, quand Mlle Paule Masson soumit au bureau de notre Association l'idée de réunir à Albi nos collègues du Sud-Ouest, son projet rencontra-t-il l'adhésion unanime.

    En conviant les Bibliothécaires de la région à se réunir dans le charmant hôtel de briques qui garde, en bordure d'un beau parc, le nom de l'Amiral de Rochegude, notre vice-présidente ne s'était pas seulement proposée de leur procurer le plaisir de se rencontrer. L'ordre du jour montrait déjà que, sans en prendre le titre, les journées d'Albi constituaient un véritable congrès; et comme elles coïncidaient avec la réunion dans cette ville de la Fédération des Sociétés Savantes Pyrénées-Languedoc-Gascogne, elles mirent à même les Bibliothécaires de prendre contact avec un grand nombre d'universitaires et de personnalités scientifiques venus de toute la région. Le patronage de l'A.B.F. était acquis d'avance à cette manifestation et si M. Maurice Piquard se trouva retenu à Paris par le déménagement de ses services et ne put, au dernier moment, venir présider la réunion d'Albi, notre Association y délégua deux membres de son bureau, M. Jacques Guignard, vice-président, et Mlle G. Dol-Fuss, trésorier. De son côté, la Direction des Bibliothèques avait tenu à montrer une fois de plus l'intérêt qu'elle porte à la vie de l'A.B.F., et M. Julien Cain avait chargé M. l'Inspecteur général Pierre Lelièvre de le représenter.

    Le succès dépassa les espérances les plus optimistes, et si quelques-uns de nos collègues ne purent se rendre à Albi comme ils en avaient manifesté l'intention, les participants furent nombreux. Ils représentaient des bibliothèques de types fort divers, puisqu'il y avait là :

    Mlle Cassagnau (B.M. Albi), Mlle MéJean (B.M. Arles), Mlle Pechdo (B.M. Aurillac), Mlle Bataille (B.M. Bordeaux), Mlle Doublet (B.U. Bordeaux), M. Delfau (B.M. Cahors), M. Descadeillas (B.M. Carcassonne), M. Pons (Bibliothèque circulante Foix), M. Fabriès (B.M. Lavaur), M. Valen-tin (B.M. Lunel), Mlle Alméras (B.U. Montpellier), Mlle Fabre-Aubrespy (B.C.P. Montpellier), M. Fontevielle (B.C.P. Montpellier), M. Pitangue (B.U. et B.C.P. Montpellier), Mme de La Motte (B.M. et B.C.P. Périgueux), M. Schmidt (B.M. Perpignan), Mlle Arduin (B.U. Toulouse), Mlle Arthaud (B.U. Toulouse), Mme Bernadat (B.M. Toulouse), Mme Bosc (B.U. Toulouse), M. Caillet (B.M. Toulouse), Mlle Condamin (Centre pédagogique, Toulouse), Mlle LoubatiÈres (B.U. Toulouse), M. Merlaud (B.C.P. Toulouse), Mlle Pouy (B.M. Toulouse), Mlle Rouquette (B.C.P. Toulouse).

    La réunion s'ouvrit le dimanche matin, à 9 h. 45, dans la salle de lecture de la Bibliothèque municipale où quelques-uns des manuscrits, des livres et des reliures légués en 1834 par l'Amiral DE Rochegude avaient été disposés dans des vitrines. Après que Mlle Masson eut souhaité la bienvenue aux participants, M. Guignard lut le message qu'avait envoyé M. Piquard pour dire ses excuses et ses regrets d'une absence qui lui était particulièrement sensible, n'oubliant pas qu'autrefois « en un temps où les bibliothécaires pouvaient se sentir plus isolés qu'ils ne le sont aujourd'hui, des journées comme celles-là étaient un réconfort et un encouragement ». Le président insista à son tour sur l'importance qu'attachait l'A.B.F. à cette réunion, son désir de voir se créer d'autres sections locales et s'y rattacher aussi ceux de nos collègues qui ne dépendent point de la Direction. Puis M. Lelièvre, rappelant qu'il avait lui-même dirigé une de nos grandes municipales et présidé un temps l'A.B.F., exprima la joie qu'il avait à se retrouver parmi ses collègues.

    La séance de travail allait commencer - séance fort sérieuse, comme on pense, mais d'où l'humour et la gentillesse ne furent pourtant point bannis. On le vit bien quand Mlle Arduin, précisant le titre de sa communication (Les « Vedettes » et le Bibliothécaire), indiqua d'abord, avec l'esprit qui allait charmer nos collègues durant tout son exposé, qu'elle ne parlerait point des rapports du Bibliothécaire avec les studios d'Hollywood... mais seulement dès mots mis « en vedette » sur les fiches des catalogues des bibliothèques.

    Retraçant l'historique du catalogue analytique, elle exposa les raisons qui ont fait préférer celui-ci au catalogue systématique, et tout en reconnaissant les avantages de l'analytique, indiqua par l'exposé d'une série de cas précis les difficultés que représentent l'établissement et le choix des vedettes. Celles-ci demeurent toutefois un instrument d'indication et de recherche extrêmement précieux, et ce fut aussi la conclusion du président qui, reprenant les termes dont s'était servi Mlle Arduin, rappela qu'en dernier ressort la parole restait au Bibliothécaire. De son côté, M. Lelièvre souligna que pour faciliter la tâche de nos collègues la Direction des Bibliothèques avait diffusé des listes de mots-vedettes et que le vrai travail de recherches s'effectue en définitive dans les ouvrages de bilbiographie.

    Deux projets de bibliothèques publiques furent ensuite présentés à nos collègues. L'un, étudié par M. Maurice Caillet, est celui d'une bibliothèque de quartier de 10.000 volumes qui doit être prochainement construite à Toulouse dans un immeuble où se trouvera également une école, ce qui a permis d'obtenir déjà des facilités pour la construction, et en fournira d'autres pour le gardiennage, le chauffage, etc. La bibliothèque sera construite à l'intersection de deux rues, l'entrée se fera par l'une de celles-ci, et une grande vitrine d'angle donnant jour à l'extérieur du bâtiment sera réservée à des expositions temporaires destinées à retenir l'attention des passants. Dans la salle de lecture, l'emplacement de la table du bibliothécaire doit permettre de surveiller en enfilade les tables de lecture (une table de huit places, trois tables individuelles disposées devant la vitrine, une grande table ronde entourée de fauteuils confortables pour la lecture des journaux et revues), les rayonnages disposés en éventail. Le bureau du bibliothécaire communique directement, d'un côté avec le bureau du prêt, de l'autre avec la salle de manutention.

    Le projet présenté par Mlle P. Masson est celui d'une bibliothèque enfantine, depuis longtemps à l'étude, mais dont la réalisation a rencontré des difficultés, la municipalité d'Albi ayant dû faire passer par priorité des travaux d'adduction d'eau. Grâce à la ténacité de Mlle Masson, le projet est près d'aboutir. La bibliothèque sera aménagée dans un pavillon neuf, qui sera construit dans le parc Rochegude, situation évidemment idéale pour les enfants, et l'on y aura accès, soit par le boulevard, soit par le parc. Une cloison mobile vitrée permettra de transformer la salle de lecture en salle de plein air. A côté de la salle de lecture est prévue une salle du conte. La Bibliothèque pourra abriter 50.00 ouvrages. En contrebas de la Bibliothèque enfantine est prévu un magasin de livres qui sera une annexe de la Bibliothèque municipale. L'aménagement intérieur n'est pas encore tout à fait décidé.

    Différentes questions ont été posées à M. Caillet et à Mlle Masson, par M. Guignard et par M. LeliÈvre. M. l'Inspecteur général a indiqué la part que la Direction des Bibliothèques prenait à ces travaux.

    M. Descadeillas communique ensuite ses « Remarques sur la fréquentation des salles de lecture ». M. Descadeillas a établi des courbes de fréquentation et les a comparées avec celles de la Bibliothèque municipale de Toulouse. Il y a dans les deux cas un parallélisme assez frappant. Mais M. Descadeillas n'a pas encore déterminé la raison de ces variations et de ce parallélisme; il demande à ses collègues de lui communiquer leurs observations à ce sujet. M. Guignard évoque des causes possibles : enquêtes municipales, concours de journaux, conditions atmosphériques... M. LeliÈvre fait remarquer que, de toutes façons, les courbes de fréquentation depuis la guerre accusent une progression constante du nombre de lecteurs.

    La parole est ensuite donnée à M. Schmidt, pour sa communication sur « Les Bibliothèques municipales et la jeunesse ouvrière ». Notre collègue a proposé à un certain nombre d'entreprises de la ville de leur accorder des dépôts collectifs d'ouvrages. Peu d'entreprises ont répondu à cette suggestion. Seul, le magasin des « Dames de France » a déjà un dépôt organisé. De grosses industries comme les papeteries Job ne s'intéressent pas à cette initiative. Des réponses que donne M. Schmidt à différentes questions qui lui sont posées, il ressort que l'on ne saurait conclure de tels succès à l'intérêt que porte à la lecture telle catégorie d'employés ou d'ouvriers et que la position prise par les directeurs d'entreprise a été prépondérante. Le problème serait du reste de savoir si, dans les villes, plutôt que d'aller au devant des lecteurs, il ne vaut pas mieux les attirer à la Bibliothèque municipale ou dans les Bibliothèques de quartier, comme le soulignent Mlle Méjean et M. Pitangue.

    Mais l'heure ne permet pas de poser cette question pourtant capitale. M. Ricard, maire d'Albi, et le Dr Devoisins, président de la Société des Amis de la Bibliothèque municipale, viennent d'arriver. Sur une grande table dressée en plein air sous les platanes qui ombragent la statue de l'Amiral Rochegude, les coupes de Gaillac attendent les congressistes. C'est aussi l'heure des toasts et M. le Maire d'Albi, le président de la Société des Amis des Bibliothèques, le président, M. l'Inspecteur général célèbrent tour à tour les Bibliothèques, la lecture et les Bibliothécaires, les beautés d'Albi et de l'amitié professionnelle.

    Un déjeuner suivit, comme on sait les ordonner dans cette région de fins gourmets. Mlle Masson avait eu la charmante idée de le faire servir à quelques kilomètres de la ville, sur les bords du Tarn, dans un site verdoyant, où les Albigeois viennent volontiers canoter. L'heure n'était plus aux discours, mais celle de l'étude n'était point passée...

    Après le déjeuner, on revint à Allbi visiter, sous la direction de Mlle P. Masson, la moderne Bibliothèque centrale de prêt. M. Pitangue présenta ensuite, avec sa verve coutumière, le bibliobus de l'Hérault - une fourgonnette Citroën de 11 CV - spécialement aménagée par la Maison Jamme de Montpellier (1) . Puis on s'en fut visiter au Musée Toulouse-Lautrec l'exposition de la Vie intellectuelle à Albi, des origines à la Révolution, organisée à l'occasion de la réunion des Sociétés Savantes et préparée avec beaucoup de science par Mlle P. Masson. A peine resta-t-il assez de temps, avant la fermeture du Musée, pour traverser les salles où sont les chefs-d'oeuvre de Toulouse-Lautrec. Mais les visiteurs purent admirer à loisir la cathédrale Sainte-Cécile, les vieux quartiers et les jardins à terrasses qui dominent le Tarn.

    Bien des participants durent quitter Albi ce soir-là. Mais ceux qui eurent la chance de pouvoir rester, prirent place le lendemain matin - avec quelques;-uns des membres du Congrès des Sociétés Savantes - dans un car qui les conduisit du Prieuré de Lescure (xIIe siècle) au défilé d'Ambialet, puis, par Valence, Blaye et Monestiés, dans la pittoresque cité de Cordes. Le déjeuner, que présidait M. le doyen FoucheR ne le cédait en rien à celui de la veille, mais ne put faire négliger aux congressistes le charme de cette ville ancienne et le panorama que l'on découvre de ses hauteurs. Au Cayla, le château d'Eugénie de Guérin, en plein soleil sur sa colline entourée de bois sombres, leur réservait pourtant d'autres émotions, et Gaillac allait leur ouvrir ses caves avant l'heure de la dispersion.

    Heureux pays, pensera-t-on, et heureux bibliothécaires de s'y retrouver ainsi pour étudier en commun, pour le plus grand profit de tous, les questions que pose leur métier. Puisse plutôt l'exemple de nos confrères du Sud-Ouest être suivi par d'autres, et les sections locales de l'A.B.F. se multiplier, pour resserrer les liens professionnels, ceux de la confiance réciproque et de l'amitié.

    1. Sur la lecture publique clans l'Hérault et ce bibliobus, voir Ce que lisent les Français, dans Réalités, n° 114 (Juillet 1955), p. 54-59. retour au texte