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    Paule Thomas

    Par V Blum

    Au mois de juillet 1960 disparaissait prématurément notre collègue Paule Thomas, emportée à 33 ans par une douloureuse maladie. Malgré une trop brève carrière dans les bibliothèques, Paule Thomas avait su y montrer de brillantes qualités et y faire apprécier sa très grande activité et son profond dévouement à la cause de la lecture publique dont elle avait choisi la forme la plus défavorisée actuellement, les bibliothèques centrales de Prêt départementales.

    Ceux d'entre nous qui ont pu, au mois de juin 1959, assister à Orléans aux Journées de l'A.B.F., et y entendre Mlle Thomas parler du travail qu'elle avait entrepris dans le Loir-et-Cher, ont, comme tous ceux qui l'ont connue, appris avec surprise et chagrin sa brutale disparition. Ils avaient pu, à travers sa causerie, apprécier le dynamisme de cette jeune collègue, son activité dans de multiples domaines, et son dévouement aux bibliothèques.

    Bien que d'une santée déjà très éprouvée (elle avait dû, il y a quelques années, interrompre son activité), Paule Thomas n'avait pas hésité cependant à demander, dès son entrée dans les bibliothèques, un poste dans la lecture publique. D'abord sous-bibliothécaire à la B.C.P. de l'Isère, elle sollicita, dès qu'elle eut obtenu le concours de bibliothécaire, d'être envoyée dans une B.C.P., et fut affectée à celle du Loir-et-Cher. Elle y est restée à peine plus de deux ans : mais, durant cette période, et bien qu'assez vite elle ait été atteinte du mal qui devait l'enlever, elle se dépensa sans compter pour un travail qu'elle considérait, selon sa propre expression, comme une « vocation ».

    Paule Thomas se préoccupait tout spécialement de l'éducation des lecteurs. Aussi, dès son arrivée à Blois, s'efforça-t-elle d'y contribuer par des publications. La B.C.P. du Loir-et-Cher, comme beaucoup d'autres, publiait un modeste bulletin multigraphié destiné aux lecteurs : Paule Thomas le transforma, lui donna de plus grandes proportions et des buts plus ambitieux, pour en faire un instrument de formation des responsables locaux du Bibliobus. Elle y ajouta, à l'intention des lecteurs, un almanach imprimé, abondamment illustré, dont les articles très variés étaient destinés à susciter la curiosité des lecteurs sur des sujets divers. Ces intéressantes publications demandaient à Mlle Thomas un travail considérable mais qu'elle faisait volontiers parce qu'il lui paraissait essentiel ; elle croyait profondément qu'elle pourrait ainsi contribuer à l'éducation des populations rurales et les amener à des lectures d'un niveau supérieur.

    C'est dans cet esprit également qu'elle attachait beaucoup d'importance à toutes les manifestations culturelles locales, et qu'elle favorisait en particulier la préparation d'expositions dans les communes du département. Elle se dépensa également sans compter pour participer aux efforts de « Peuple et Culture » dans le Loir-et-Cher, et notamment à l'organisation de conférences. Elle voyait en effet combien la lecture pouvait bénéficier de l'extensiond'autres activités culturelles, et estimait à juste titre que tous les efforts pour l'éducation populaire devaient aller de pair.

    On ne peut passer sous silence un autre aspect de l'activité de Paule Thomas : elle pensait pouvoir faire progresser la lecture par des recherches poussées sur les lecteurs et leurs goûts. Elle essayait donc de réaliser des études d'aspect un peu sociologique sous forme de « dossiers de communes » où elle s'attachait à rassembler les caractères géographiques, économiques et sociaux du dépôt, les renseignements sur les lecteurs (catégories sociales, âge, etc.), ainsi que les particularités locales. En même temps, elle commençait à grouper des éléments chiffrés, d'après les demandes individuelles de prêt qu'elle étudiait systématiquement. Tous ces travaux étaient à un stade trop embryonnaire encore pour avoir pu donner des résultats originaux ou concluants. Certains aspects en étaient même assez discutables, et auraient probablement soulevé des objections de la part de beaucoup de collègues. Mais cela représentait un effort très intéressant en même temps qu'un gros travail ; il fallait à Mlle Thomas beaucoup de courage et de conviction pour s'y être lancée dès son entrée dans la lecture publique. Cela prouvait aussi qu'elle avait beaucoup réfléchi à tous ces problèmes avant même de pouvoir mettre ses idées en application, et que c'était avec de nombreux projets précis qu'elle commençait sa carrière.

    Cela ne peut qu'en faire déplorer davantage la tragique interruption, et faire mesurer la perte que représente pour les bibliothèques et la lecture publique sa disparition prématurée.

    Tous ceux qui l'ont connue ont été profondément affectés de sa mort qui a paru d'autant plus brutale que, jusqu'à la fin, Paule Thomas, en dépit de grandes souffrances, n'avait cessé de travailler, faisant passer le souci de l'oeuvre entreprise avant celui de sa santé et de sa vie qui lui échappait.