Index des revues

  • Index des revues

Le prêt Interurbain et le Prêt International dans le cadre du Catalogue Collectif Suisse

1967
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Le Prêt Interurbain et le Prêt International dans le cadre du Catalogue Collectif Suisse

    Par Régis De Courten

    Mon but aujourd'hui n'est pas de concevoir de grandes théories. Il est avant tout pratique. Et en vous présentant le prêt interurbain et le prêt international dans le cadre du catalogue collectif suisse, loin de moi l'idée de vous en faire un modèle... (1a chanson de Gille que vous connaissez peut-être « Y en a pas comme nous » nous a corrigés de notre proverbiale immodestie !). Mais nous avons les mêmes problèmes et j'espère que tout à l'heure, de la discussion jailliront peut-être les ébauches de quelques solutions.

    Mon sujet, je le vois sous trois aspects : tout d'abord, je vous parlerai des structures, des principes du prêt interurbain. C'est l'ossature, ce qui est, ce sont les problèmes résolus.

    Ensuite, j'essaierai de faire vivre devant vous cet organisme qui bouge, qui croît sans cesse, ce coeur qui pulse qu'est le service du Catalogue collectif dans le réseau rayonnant du prêt interurbain. Ce sont les problèmes actuels.

    Enfin, je brosserai le tableau, peut-être un peu flou encore, des perspectives d'avenir, des voeux que nous pouvons tous former. Les problèmes qu'il y aura à résoudre.

    Le prêt interurbain, chez nous, est du ressort de l'Association des bibliothèques suisses, fondée, je vous le rappelle, à la fin du siècle dernier. La Suisse est une confédération d'Etats souverains : et souverains sans limites dans le domaine culturel. Une direction des bibliothèques y est une chose impensable. Notre Association est ainsi le seul organisme à pouvoir coiffer l'ensemble des bibliothèques : universitaires, scientifiques, cantonales, municipales, toutes indépendantes, toutes importantes, ne serait-ce que dans leur contexte historique. Et la Bibliothèque nationale suisse est l'une de ces bibliothèques. Pas plus, et c'est même la benjamine, créée deux ans avant l'A.B.S., en 1895.

    Pour faire marcher au mieux le prêt inter-bibliothèques, qu'avons-nous ?

    Une technique bien rôdée plus un instrument adéquat : le catalogue collectif, et tous deux sont des créations de l'A.B.S.

    En effet, le Comité de l'A.B.S. approuva, en juillet 1964, des « Recommandations pour le service du prêt interurbain des bibliothèques suisses », réglementation venant après beaucoup d'autres et qui contient 21 articles réunis dans les chapitres suivants : bibliothèques participantes, limitation du prêt, bulletin de prêt interurbain, vérification bibliographique, circuit de recherche et envoi du bulletin, prêt et envoi de la publication, renvoi de la publication, réclamation, remboursement des frais de port, suspension du prêt interurbain.

    En outre, l'A.B.S. a mis au point un bulletin de prêt qui semble donner toute satisfaction tant au point de vue de la sûreté dans la rédaction, dans la commande, dans le circuit, que dans les formalités du prêt proprement dit.

    De ce bulletin, je signalerai peut-être deux rubriques en particulier : l'une consacrée à la vérification bibliographique de la publication demandée - vérifications effectuées : oui, non, sans résultat ; l'autre à la possibilité de faire effectuer par les services du Catalogue collectif une commande à l'étranger lorsque l'ouvrage désiré ne se trouve pas en Suisse.

    Quant à l'instrument idéal du prêt interurbain, c'est bien sûr notre Catalogue collectif.

    Sa création est également due à une initiative de l'A.B.S., initiative qui aboutit après de longs efforts en 1927. Il est administré par la Bibliothèque nationale suisse dont il est l'un des services ; mais je vous rappellerai en passant que la création d'une bibliothèque nationale, comme celle d'un catalogue collectif des bibliothèques suisses faisait déjà partie du programme de l'éphémère République Helvétique en 1798-1803.

    En quelques mots, voici la fiche signalétique du Catalogue collectif suisse :

    2.500.000 fiches représentant l'apport de 800 bibliothèques réparties en différentes divisions : catalogue des auteurs (76 %), catalogue des anonymes (16 %), comprenant en difffférents catalogues : les anonymes «purs», les géographiques, les congrès, les organisations internationales, les Bibles, enfin le catalogue des périodiques qui représente 8 %, dont une partie est imprimée, comme vous le savez, sous le titre de « Répertoire des périodiques étrangers reçus par les Bibliothèques suisses ».

    Et il convient d'ajouter, dernier venu et en pleine réorganisation, le catalogue collectif des fonds russes, ou plutôt des publications en caractère cyrilliques.

    Je ne vais pas m'appesantir sur les problèmes posés par l'établissement du catalogue, par l'accroissement annuel de plus de 100.000 titres nouveaux, qu'il s'agit d'incorporer au catalogue principal dont les fiches sont classées selon le système Berghoeffer. Ces problèmes, bien sûr, liés à celui du personnel qualifié, vous les connaissez bien mieux que moi.

    Un catalogue collectif est avant tout un instrument pratique. Ce n'est pas une panacée au prêt inter-bibliothèques. Particulièrement dans la recherche de documents et de publications difficiles à se procurer. En effet, il ne contient ni les brochures et tirages à part, ni les « technical reports », les brevets, ni les partitions musicales, les cartes et plans, ni surtout la production littéraire suisse dès 1900, puisque la Bibliothèque nationale les rassemble systématiquement.

    Et voici : l'armature, l'ossature est en place. La Bibliothèque nationale d'un côté, une salle de bibliographie et d'ouvrages de référence de l'autre, en main une technique rôdée, le service du catalogue collectif se trouve dans les meilleures conditions pour remplir sa triple mission : canaliser le prêt interurbain, établir la base de départ du prêt international, se vouer sur le plan national, à l'information bibliographique.

    Mais je vous le disais il y a quelques instants : cet organisme vit. Et pour vous montrer comment il vit, le mieux à faire est de vous présenter un film en technicolor, d'une journée, exemplaire bien sûr, du Catalogue collectif suisse.

    Le générique tout d'abord : une quinzaine d'acteurs, tour à tour responsables de l'élaboration des différents catalogues et de leur utilisation, responsables du prêt, des recherches bibliographiques, des travaux administratifs.

    L'eau au moulin, c'est le courrier arrivant chaque matin.

    Premières lettres : il s'agit de trois bibliothèques, désireuses de participer au prêt interurbain, demandant les conditions d'affiliation au Catalogue collectif.

    Quel genre de bibliothèque est-ce ? La première possède une riche collection, mais vraiment par trop populaire. Nous sommes à la disposition de tous, mais pas pour leur fournir des « Princesse et martyre », des « 007 » ou du « Mouron pour les petits moineaux ». Nous refusons poliment. Je me demande où en est le projet d'un catalogue collectif des bibliothèques populaires dont on parle depuis un certain temps ?

    Les deux autres demandes proviennent d'instituts dont les collections de périodiques viennent d'être cataloguées. C'est justement ce qui nous intéresse.

    Je leur envoie un dossier fournissant toutes les explications nécessaires et je leur donne un numéro d'ordre, numéro qui se retrouvera sur chaque fiche des publications envoyées par eux.

    En outre, nous venons d'établir un fichier des 800 bibliothèques affiliées, classées par domaine de leur collection, selon la classification décimale. En le consultant, je m'aperçois que l'affiliation de ces deux nouveaux instituts comble heureusement une lacune dans un certain domaine.

    Du tri du courrier, qui sera distribué dans un moment, travelling sur des dos de bibliothécaires penchés sur des fichiers. C'est le travail d'inter calation dans le catalogue principal des fiches de l'accroissement de l'année passée et qui formaient déjà un supplément utilisable, avec report des cotes des ouvrages en plusieurs exemplaires sur une seule fiche.

    Avant cela, il y eut le tri du dernier arrivage : élimination s'il y a lieu, distribution aux personnes responsables de chaque catalogue.

    L'accroissement, c'est le problème numéro 1. Parfois le retard s'accumule. Le travail est fastidieux, il faut talonner le personnel. Problème de place aussi. Chaque année plus de 100.000 titres nouveaux.

    Actuellement nous faisons l'essai d'un fichier métallique, avec stockage en hauteur et amené automatique des tiroirs. Nous l'appelons le « Minotaure », un monstre d'acier de 3 mètres de haut et contenant 400.000 fiches ; et à ce sujet, je serais heureux de savoir si des bibliothèques françaises ont fait ou font l'expérience de ces fichiers métalliques ?

    Le courrier est maintenant trié et se distribue : chaque matin plus d'une centaine de bulletins de prêt interurbain, en provenance de toute la Suisse (l'année passée, quelque 30.000 bulletins).

    A cela viennent s'ajouter les commandes des lecteurs privés : 6.000 en 1965, les demandes et les commandes du prêt international, 3.000 au total, ainsi que l'information bibliographique, une douzaine de mille.

    Dans ces chiffres représentant uniquement les publications étrangères, je vous le rappelle, ne sont pas comptés les bulletins de prêt interurbain, du prêt international et du prêt à domicile adressés à la Bibliothèque nationale.

    C'est maintenant la fièvre dans notre service : pointage de chaque titre au catalogue, identification, vérification bibliographique, corrections à l'encre rouge, ce qui nous fait traiter de maîtres d'école !..

    Chacun court du catalogue des auteurs à celui des anonymes. En vain ! le titre recherché est peut-être un périodique, un congrès. Le petit détail qui vous mettra sur la piste du titre exact de l'ouvrage est recherché partout dans la bibliothèque : salle de lecture, salle des catalogues, fichiers du Cabinet des Estampes, du service des acquisitions, magasins ou compactus. Les bibliographies, les ouvrages de référence sont consultés fébrilement.

    Autant de bibliothécaires, autant de Sherlock Holmes, d'Hercule Poirot, de Rouletabille ou de Maigret !..

    Relevons peut-être dans tout cela quelques points significatifs seulement : tout d'abord le pourcentage des bulletins de prêt interurbain positifs, comme nous les appelons, c'est-à-dire ceux dont les titres figurent au catalogue - il est de 60 à 70 %, ce qui n'est pas mal à mon avis -.

    Ensuite, le problème de la vérification bibliographique : quant au temps, l'idéal serait évidemment que chaque titre soit identifié ; quant au plaisir, non, puisque cela nous priverait de celui de la recherche.

    Nous demandons aux bibliothèques universitaires, aux bibliothèques possédant l'appareil bibliographique nécessaire de vérifier chacun de leurs bulletins. Cette recommandation est plus ou moins suivie ! J'estime à 40 % au maximum le pourcentage des titres vérifiés. Les autres, eh bien c'est à nous de le faire, dans les limites du raisonnable du moins.

    Enfin, le problème de la rédaction des bulletins. Que d'erreurs commises par les bibliothécaires du Catalogue collectif, que de fausses pistes suivies, que de temps perdu par le seul fait d'une mauvaise rédaction, où parfois le manque de bons sens, de logique, rivalise avec le manque de culture. Un seul exemple en passant : Mollat Jean. XXII lettres communes. 1904 ; il s'agissait de Jean XXII, pape, Lettres communes éditées par Jean Mollat, Paris, 1904...

    Et le soir, les bulletins de prêt interurbain sont expédiés aux bibliothèques possédant l'ouvrage ou renvoyés à l'expéditeur, les commandes s'envolent vers d'autres cieux, les listes de renseignements bibliographiques envoyées aux chercheurs. Une journée est terminée.

    Ce tableau que je vous brosse, ces circuits que je vous décris, ces recommandations données, ces doléances parfois émises, tout cela, nous en avons fait les thèmes des « Journées du prêt interurbain des bibliothèques suisses », organisées l'année passée à la Bibliothèque nationale. Cette rencontre, réunissant une cinquantaine de responsables du prêt interurbain, avait justement pour but de mettre un peu d'huile dans les rouages de la machine, et a porté certains fruits.

    En conclusion, passons rapidement en revue les problèmes que nous aurons à résoudre dans les années qui viennent, afin que les instruments que nous mettons à la disposition des relations inter-bibliothèques sur le plan national comme sur le plan international, soient plus rapides, plus complets, plus sûrs.

    En premier lieu, parfaire les catalogues collectifs afin qu'ils représentent véritablement l'ensemble des collections d'une région, d'un pays ou même d'un groupe de pays.

    Chez nous, en Suisse, je pense particulièrement aux fonds anciens des si riches bibliothèques universitaires de Bâle et de Berne, qui n'ont jamais été incorporées au catalogue collectif, faute de catalogues imprimés ayant pu être découpés, je songe également aux collections d'un assez grand nombre d'instituts, de séminaires, d'organismes spécialisés divers qui ne peuvent annoncer leurs fonds, faute de personnel ou même faute de catalogues.

    Il s'agira alors de mettre en oeuvre des moyens adéquats de reproduction et ces moyens, malheureusement, coûtent chers. Je signalerai en passant que les essais que nous avons faits pour reproduire des fiches de format international au moyen de notre Xérox 914 ont été concluants à tous points de vue.

    Sur cette base, il faudra bien sûr se mettre à organiser une certaine coordination des acquisitions. Nous avons nous-mêmes commencé un essai timide dans le domaine des périodiques seulement ; nous en sommes un peu au stade du baigneur qui se contente de plonger son gros orteil dans l'eau en criant qu'elle est trop froide !

    Un effort devra également être tenté pour rendre plus facilement, plus rapidement accessibles les publications difficiles à se procurer sur le plan international tout particulièrement. Je pense ici à ces bêtes noires des bibliothécaires que sont les « technical reports », les brevets, les rapports des divers congrès et colloques, mais aussi les petites revues littéraires ou politiques éphémères souvent où se cachent la prose d'hommes devenus célèbres.

    Je forme surtout des voeux pour que le prêt international, sous quelle que forme que ce soit prêt proprement dit ou envoi de reproductions s'allège dans les délais les plus brefs des entraves qui le rendent encore trop administratif, trop onéreux, pas assez simple et efficient.

    Et, pour atteindre ce but, je suis persuadé que des réunions comme celle d'aujourd'hui, en créant des liens que je souhaite durables entre certains d'entre nous, passionnés de notre métier, du même coup abolissent les dernières barrières entre les bibliothèques de nations amies.

    Bibliothèque nationale de Berne.