Index des revues

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    Conclusions

    Par Michel Nortier

    Bien que je n'aie pu assister, à mon grand regret, au débat sur le prêt qui avait lieu l'an dernier à Dijon, la lecture des notes sténographiques prises lors de ce débat m'a permis d'en suivre toutes les étapes, et de mesurer, à travers les interventions multiples et souvent passionnées, l'importance attachée à ce problème par tous les participants. S'il m'est arrivé, au cours de cette lecture, de juger certaines affirmations erronées, de regretter de n'avoir pu rassurer par une précision indispensable tel de nos collègues insuffisamment informé, je me suis retrouvé bien d'accord sur les points les plus importants et sur les voeux exprimés à la fin.

    Aussi, est-ce très volontiers, qu'à la demande de Mme Honoré, j'accepte de dégager les grandes lignes de ce débat, en apportant éventuellement les quelques précisions indispensables, et surtout de présenter les conclusions et les voeux qui puissent recueillir l'assentiment de tous.

    On peut, semble-t-il, regrouper sous trois rubriques les diverses interventions des participants. Il y a d'abord celles qui concernent les difficultés que l'on pourrait appeler « de base », dès les premiers échanges, elles ont « fusé » de tous les bancs, se croisant ou s'entrechoquant parfois comme un tir bien nourri : problèmes de la présentation trop hâtive des demandes, des mauvaises transmissions, des refus inexpliqués et inexplicables, du manque de personnel compétent. On a, d'autre part, souligné l'absence d'instruments de travail, et celle d'un organisme central vraiment en mesure d'aider pleinement les bibliothèques. Mais sur ce point, d'ailleurs, tous ont reconnu qu'une meilleure information sur les possibilités actuelles de la recherche ne serait pas inutile ; car s'il y a des réalisations à faire naître, encore faut-il que celles qui existent soient utilisées au mieux. Enfin, aspect plus positif, un certain nombre de suggestions ont été faites pour l'immédiat, et des voeux ont été légitimement exprimés pour une amélioration effective de la marche générale du prêt au cours des prochaines années.

    Notre intention n'est pas d'entrer dans le détail de ces diverses interventions, mais au contraire, de les résumer en quelques mots et d'en exprimer l'essentiel. Nous n'atténuerons pas le côté négatif des premières, puisque tout naturellement, par compensation, elles ont amené les participants à formuler en fin de séance des propositions nettement constructives, dont la réalisation représenterait un pas en avant considérable.

    I - Difficultés « de base »

    Parmi toutes les difficultés évoquées plus ou moins rapidement, ce sont les suivantes qui ont paru le plus sensibles :

    • 1° Le manque de personnel, soit que le responsable qualifié chargé du prêt dans un établissement ne puisse y consacrer qu'une faible partie du temps qui serait nécessaire, soit que la tâche soit confiée à une personne insuffisamment préparée.
    • 2° L'absence de relations aisées entre les centres universitaires et la bibliothèque municipale d'une même ville, les transmissions d'un établissement à un autre restant encore trop restreintes, et la réalisation d'un catalogue collectif local se heurtant à de grosses difficultés (cf. Nancy).
    • 3° La mauvaise rédaction de beaucoup de demandes, où manquent souvent les précisions les plus utiles pour la poursuite de la recherche. Sur ce point, d'ailleurs, deux positions se sont affrontées, certains (spécialement dans les bibliothèques universitaires), pensant que ce sont les lecteurs qui doivent eux-mêmes formuler des demandes correctes, d'autres (surtout nos collègues des bibliothèques municipales) estimant qu'il est de leur devoir d'aider leurs usagers et de compléter leurs requêtes.
    • 4° Les annotations incomplètes apposées par les bibliothèques. Chaque centre ou section devrait posséder un timbre bien complet pour indiquer que l'ouvrage recherché ne figure pas dans ses collections : « Pas à la B.U. Médecine de... X» ou «Pas à la B.U. Sciences de... X» et non pas seulement: «Pas à... X», et donner des raisons précises lorsqu'il est amené à refuser un prêt.
    • 5° Les transmissions souvent inopportunes des demandes d'un centre à un autre, sans qu'il soit tenu compte suffisamment de la nature de l'ouvrage et de sa date. De nombreux exemples de ces transmissions fantaisistes ont été donnés, et nous-mêmes avons cité naguère un cas particulièrement typique (1) .
    • 6° Les délais souvent fort longs qui en résultent : satisfaction n'est donnée à une partie des demandes qu'au bout de plusieurs semaines, et parfois même, certaines n'obtiennent aucune réponse.
    • 7° Les demandes de prêt jugées irrecevables, en particulier celles, en provenance d'établissements étrangers, portant sur des ouvrages récents ou sur des revues. Sur ce point d'ailleurs le Service central des Prêts défend une position plus libérale, dans la mesure où se constituent justement des collections d'ouvrages et de revues spécialement réservées pour le prêt (2) , et compte tenu du fait qu'un établissement étranger ne peut acheter tous les ouvrages français, même récents, que demande un de ses lecteurs, pas plus qu'une bibliothèque française n'achète tous les ouvrages étrangers dont a besoin pour sa thèse un étudiant.

    II - Les possibilités actuelles de la recherche

    Beaucoup pensent que la France, dans le domaine de la recherche du livre, est particulièrement en retard, surtout si on met en avant les résultats obtenus par nos collègues suisses. Encore faut-il tenir compte, avant d'ébaucher une comparaison, des caractères particuliers des nombreuses collections françaises, extrêmement diverses quant à la nature et à la richesse de leur fonds. Quoi qu'il en soit, voici les points soulignés particulièrement par les participants au débat :

    • 1° L'absence d'un catalogue collectif des ouvrages français (voir toutefois les précisions apportées ci-après et les suggestions faites à ce propos).
    • 2° L'absence de moyens de reproduction, alors qu'un certain nombre de demandes pourraient être satisfaites par la fourniture (gratuite ou onéreuse suivant l'importance) (3) d'une xérocopie ou d'un microfilm.
    • 3° L'absence d'un « Guide du prêt entre bibliothèque», précisant les ressources particulières des principaux établissements, les catalogues ou répertoires collectifs existants, les règles à suivre dans la présentation et la transmission des demandes, et apportant quelques renseignements toujours utiles (tel le tableau de fermeture annuelle des bibliothèques) ou quelques conseils jamais négligeables.

    Ce n'est pas ici le lieu d'ébaucher ce guide, mais il est bon, certainement, de rappeler dès maintenant quelques-uns de ces catalogues collectifs et les ressources actuelles que tous les responsables de service de prêt se doivent d'avoir présents à l'esprit ; la plupart ont d'ailleurs été mentionnés rapidement au cours du colloque.

    Bibliothèques ou fonds de prêt

    a) Pour connaître les fonds particuliers des bibliothèques de France, on peut consulter les tables des deux Répertoires bien connus. Personne n'ignore plus, maintenant, la précieuse participation au prêt des Bibliothèques spécialisées de Paris.

    b) Pour les ouvrages scientifiques récents, on peut s'adresser à la Bibliothèque de la Faculté des Sciences d'Orsay, spécialement équipée pour aider les établissements similaires de France.

    c) Le Service central des Prêts a rassemblé depuis une dizaine d'années un fonds déjà important d'ouvrages de toutes disciplines, la plupart français et récents, mais comportant également des livres plus anciens et un fonds d'ouvrages slaves. Ce fonds atteint aujourd'hui, près de 15 000 volumes. Bien qu'il se soit constitué sans règles bien précises, du fait qu'il s'agit beaucoup plus de dons que d'attributions, il peut être considéré comme l'embryon d'une future Bibliothèque nationale de prêt, qui aura quant à elle, à s'enrichir plus méthodiquement des ouvrages de base, et à accroître ses fonds anciens par les dons de doubles que pourront lui faire les bibliothèques.

    d) Le Service central dispose également d'un fonds très large de périodiques français récents, constitué spécialement à l'intention de la future Bibliothèque nationale centrale de prêt par le département des Périodiques de la Bibliothèque nationale et entreposé à l'annexe de Versailles. Les collections commencent autour de 1955 (certaines débutent même en 1945) et s'arrêtent à l'avant-dernière année en cours (non comprise). Ces collections n'étant pas reliées, seuls le ou les fascicules utiles sont prêtés, d'où obligation ici très stricte d'indiquer l'article recherché.

    e) La Bibliothèque nationale conserve, comme l'un de nos collègues l'a rappelé, un fonds de publications des Sociétés savantes auquel le Service central peut faire appel dans la mesure où il constitue des doubles des collections de la Bibliothèque ; les séries vont, en général, sans discontinuité des années les plus anciennes à 1914.

    f) On ne peut pas ne pas mentionner encore ici le fonds de doubles de la Bibliothèque nationale, particulièrement important (il ne s'agit pas, comme on le croit encore, des ouvrages indiqués sur le Catalogue général des livres imprimés comme étant en « deux exemplaires », mais d'un fonds spécial inventorié à part). La richesse de ce fonds est telle qu'elle permet à la Bibliothèque nationale, où le prêt est limité à ces doubles, de se classer néanmoins parmi les premiers des établissements prêteurs.

    Répertoires et catalogues collectifs

    a) Le Catalogue collectif des ouvrages étrangers reçus en France, dont la création remonte en 1951, doit être consulté obligatoirement pour tous les ouvrages parus depuis cette date. Mais il ne faut pas hésiter à s'adresser également à lui pour des ouvrages plus anciens, non seulement parce que les bibliothèques ont pu en faire l'acquisition, mais parce que le Service possède maintenant des fichiers rétrospectifs (fiches de doubles de la Bibliothèque nationale et dépouillement du catalogue de Montpellier).

    b) Bien qu'il n'existe pas, ainsi que tous le regrettaient, d'équivalent du C.C.O.E. pour les ouvrages français, le fichier constitué par le Service central à partir des multiples recherches faites depuis quinze ans, peut servir, là aussi, d'embryon d'un catalogue collectif français.

    c) Le Catalogue des acquisitions des bibliothèques universitaires, dit de Montpellier, est un précieux instrument de travail que connaissent bien les centres universitaires. Le Service central en a mis sur fiches un exemplaire, ce qui en permet plus aisément la consultation. Rappelons qu'il a paru de 1893 à 1913, puis de 1925 à 1933. Les fiches qui avaient été encore rassemblées de 1936 à 1937 pour la poursuite de ce catalogue ont été versées au Service des prêts.

    d) Les bibliothécaires ont rappelé l'existence des catalogues plus ou moins anciens des fonds de certaines bibliothèques municipales (tels ceux de Troyes, de Nantes, de Chalon-sur-Saône et, plus récent, celui de Reims).

    e) L'Inventaire permanent des périodiques étrangers en cours reçus en France (I.P.P.E.C), dont la première édition, préparée à partir de 1953, est de 1955 et la 3e de 1961. Mlle Bossuat a souligné que le Service chargé de l'élaboration de cet inventaire, s'il n'était pas, et pour cause, en mesure de fournir des renseignements pour la période antérieure à 1953, possédait de très nombreux éléments pour l'identification des périodiques courants et regrettait qu'il ne soit pas fait davantage appel à ses ressources.

    f) A part l'Etat sommaire des périodiques étrangers reçus dans les bibliothèques... de Paris en 1948 (sciences humaines), qui n'a eu qu'une diffusion très restreinte (4 volumes in-4°, ronéotypés), il n'existe rien pour la période intermédiaire entre 1939 et 1955, si ce n'est le Répertoire des Périodiques slaves (état des collections en 1950, supplément 1951-1960 et tables), 4 vol. in-8°, 1956-1965.

    g) Par contre l'édition toute récente d'un tome (lettres R à Z) du Catalogue collectif des périodiques du début du XVIIe siècle à 1939 conservés dans les bibliothèques de Paris et dans les bibliothèques universitaires des départements (bien que ce catalogue ne porte que sur les revues essentielles va permettre à tous de disposer d'un excellent instrument de travail qui était jusqu'alors, réservé (dans sa forme ronéotypée), à un tout petit nombre d'établissements.

    III - Suggestions et voeux

    Tout un ensemble de suggestions et de voeux ont été exprimés à la suite des constatations précédentes, portant aussi bien sur certains détails matériels, dont l'application peut être immédiate, que sur des réalisations plus importantes qui sont affaire de temps, de crédits et de personnel. En les énumérant ici, nous traduisons le souhait de tous les participants du colloque de les voir adoptés d'emblée ou, suivant les cas, peu à peu réalisés, par ou avec le concours de tous ceux de nos collègues qui, à leur place propre, peuvent contribuer à une meilleure marche du prêt entre bibliothèques.

    Suggestions

    1° Ne mettre qu'un seul titre par demande. A noter que le Service central, qui doit, dans la plupart des cas, retransmettre à d'autres établissements les demandes qu'il reçoit, désire que chaque requête lui parvienne en double exemplaire.

    2° Donner des références complètes, avec lieu et date d'édition. Ces références devraient être vérifiées par les bibliothécaires, si elles paraissent douteuses. On peut indiquer la source de la référence, mais c'est surtout dans le cas où un titre donné ne se retrouve pas dans les répertoires courants (Lorenz, Librairie française, Biblio, catalogues de la Bibliothèque nationale) qu'il faut attirer l'attention des collègues.

    3° Faire indiquer toujours l'article recherché lorsque la demande porte sur un périodique, et préciser si on est disposé à prendre en charge les frais éventuels de reproduction.

    4° Ne transmettre les demandes qu'à bon escient. Je pense même qu'il faudrait renoncer au circuit spontané, sauf dans quelques cas bien déterminés, par exemple pour des ouvrages d'études devant se trouver dans l'une ou l'autre des bibliothèques universitaires françaises, ou des ouvrages locaux.

    5° Pour les ouvrages étrangers, il est aussi absolument préférable, si le catalogue collectif n'a pu donner aucune indication (rappelons que le C.C.O.E. consulte pour les ouvrages anciens le Catalogue de Montpellier), de s'adresser aussitôt et directement (sauf pour l'Angleterre) à une bibliothèque du pays éditeur.

    6° En conséquence des deux paragraphes précédents, il paraît inutile d'envisager une extension de la liste des bibliothèques figurant au verso des demandes (« grille »), mais plutôt une systématisation : grilles pour les B.U. de lettres ou pour celles de sciences ou pour celles de médecine, grilles pour les établissements d'une région déterminée, grilles pour les bibliothèques à fonds anciens de Paris, grilles pour les seules bibliothèques municipales importantes.

    7° Eviter le prêt des revues chaque fois que l'article recherché n'a qu'un petit nombre de pages. Cette règle, qui peut souffrir des exceptions pour des revues in-8° de faible poids, paraît impérative pour les revues in-4° et les journaux. Par exception, aucune restriction n'est mise à la circulation des fascicules de périodiques du fonds national de prêt, du fait que ceux-ci ne sont pas reliés et ont été rassemblés dans le but d'être prêtés.

    8° L'établissement qui refuse le prêt d'une revue indiquera s'il peut, et à quel prix, fournir une reproduction. Cette reproduction pourrait être faite d'office (si l'établissement est en mesure de la fournir) lorsque l'emprunteur l'a demandée, et, même s'il ne l'a pas envisagée, lorsqu'il s'agit d'un très court article (jusqu'à 5 images par exemple).

    Voeux émis par les bibliothèques

    1° Disposer d'un équipement de reproduction permettant notamment de donner immédiatement satisfaction aux demandes de prêt d'articles de revues de peu d'importance (cf. ci-dessus n° 7 et 8).

    2° Constituer un catalogue collectif des ouvrages français à l'aide, notamment, des catalogues imprimés existants qu'il suffirait de mettre sur fiches (4) et, sous réserve de ce qui est précisé ci-après, en rassemblant, comme pour le C.C.O.E., des fiches des nouvelles acquisitions. Pour ne pas être submergé, il faudrait sans doute faire un choix, regrouper des notices, procéder par pointage plutôt que multiplier les fiches. C'est d'ailleurs ce que fait le Service central qui annote un exemplaire du Catalogue des imprimés de la Bibliothèque nationale chaque fois qu'il est possible.

    3° Renforcer les moyens d'action du Service central en lui donnant le personnel et les locaux correspondants. « Plutôt que d'augmenter un peu le personnel de toutes les bibliothèques, il vaut mieux augmenter plus nettement celui d'un service central équipé en conséquence » ; il aurait alors aussi les moyens de développer sa bibliothèque de prêt.

    A ce moment, on pourrait envisager une centralisation plus poussée « dont personne ne serait jaloux », et dont le premier avantage serait de supprimer les longs circuits qui donnent aussi peu satisfaction.

    Cette centralisation, le Service central l'a toujours appelée de ses voeux, car il estime que, bien équipé, et compte tenu de la coopération si réelle de toutes les bibliothèques, à Paris comme en province, il serait alors en mesure de diriger au mieux les demandes qu'il recevrait. Toutefois, il semble que cette centralisation devrait avoir un échelon intermédiaire. Il faudrait que dans chaque ville universitaire, l'un des établissements (qui pourrait être, suivant les cas, la bibliothèque municipale ou la plus importante des sections universitaires) constitue un fichier collectif des ressources de la ville et si possible de la région, et serve obligatoirement de relais - mais de relais unique - entre les bibliothèques locales et le Service central.

    1. Cf. notre article Le Prêt entre bibliothèques en France, dans Bull. des bibliothèques de France, avril 1965, pp. 119-131,; mai 1965, pp. 155-160. retour au texte

    2. Je m'en suis largement expliqué dans l'article cité ci-dessus, pp. 164-165. retour au texte

    3. Dans l'article déjà cité, j'ai essayé de préciser jusqu'à quel point la gratuité d'un service peut être préférable à l'envoi onéreux. retour au texte

    4. La mise sur fiches des notices du Catalogue de Montpellier a été entièrement faite par des vacataires sous la direction du Service central de prêt (22 volumes de 10 000 notices chacun en moyenne). retour au texte