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La Formation professionnelle des bibliothécaires en Europe

1967
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    Par Paule Salvan

    La Formation professionnelle des bibliothécaires en Europe

    Rapport établi par la Commission de la formation professionnelle de la F.I.A.B. (In Libri, 1966, N° 4, pp. 283-311).

    Les 22, 23 et 24 mai 1965 se réunissait à Paris un colloque consacré à la formation professionnelle des bibliothécaires. Participaient à ce colloque divers spécialistes et responsables de la formation des bibliothécaires des pays européens, y compris l'Europe de l'Est. C'est dire l'intérêt des échanges d'informations qui ont permis à MM. Piquard et Lethève - respectivement président et secrétaire de la Commission de formation professionnelle de la F.I.A.B. - de rédiger un rapport d'ensemble opérant la synthèse des renseignements recueillis.

    Synthèse particulièrement difficile, on en conviendra : si les problèmes fondamentaux sont les mêmes de l'Atlantique à l'Oural, les structures sont extrêmement diverses. L'évolution historique des pays de la vieille Europe, leurs options idéologiques conditionnent naturellement le choix des solutions. Ajoutons-y les difficultés de terminologie, par exemple l'ambiguïté qui marque, un peu partout, ce terme de « bibliothécaire », qui recouvre divers niveaux de formation et diverses formes d'activité, et la confusion qui s'établit parfois entre ce que nous appelons, en France, le personnel « scientifique » et le personnel « technique ».

    Aussi est-il difficile d'y voir clair lorsque l'on tente d'établir des comparaisons sans disposer des éléments d'information essentiels ou sans être en mesure de replacer ces éléments dans leur contexte administratif et social.

    On saura gré aux rapporteurs d'avoir mis l'accent sur ces données fondamentales et d'en avoir dressé un tableau qui permet une comparaison rapide. Pour chaque pays sont indiqués, dans les colonnes appropriées : les diplômes universitaires requis pour l'accès à la profession, l'âge moyen des candidats, les institutions responsables, la durée de la scolarité, éventuellement les stages requis, les examens et les diplômes consacrant la formation professionnelle. Une colonne d'observations permet d'apporter certaines précisions nécessaires.

    Un tel tableau, si utile soit-il, ne serait guère exploitable s'il n'avait été précédé d'une synthèse très claire qui dégage les caractéristiques de la formation professionnelle en opérant les regroupements qui s'imposent. Dans chaque « famille » apparaissent certaines tendances, certaines options déterminantes. Aux pays occidentaux (République fédérale allemande, Autriche, Belgique, pays scandinaves, France, Italie, Espagne, Portugal, Suisse) riches d'un lourd et prestigieux passé, incombe la tâche délicate d'obtenir des pouvoirs publics les moyens de faire face à leurs obligations nouvelles.

    La plupart de ces pays - la France constituant une exception notable - n'exigent pas le même niveau de formation pour les bibliothèques dites de lecture publique (terme que personnellement nous trouvons regrettable) que pour les bibliothèques « savantes ». La formation des bibliothécaires appelés à servir dans les bibliothèques « savantes » est confiée soit à des écoles (France, Allemagne fédérale), soit à des Instituts d'Université, soit à une grande bibliothèque (Belgique, Suède). Un niveau universitaire élevé est exigé (par exemple la licence en Belgique, Espagne et en France, la « laurea » en Italie). La durée de la formation professionnelle est variable : neuf mois au Danemark, un an en République fédérale allemande, Finlande et Italie. Au deuxième niveau (baccalauréat ou examen probatoire) sont recrutés les futurs assistants des bibliothèques savantes ou des bibliothèques de lecture publique ; on estime généralement que la durée de la formation professionnelle doit être plus longue que pour les candidats appelés à servir dans les bibliothèques savantes : deux ou trois ans - avec éventuellement un stage préalable (Danemark).

    Les rapporteurs ont eu soin de mettre à part la Grande-Bretagne, où les bibliothécaires « constituent légalement une véritable corporation au sens médiéval du terme, dont la Library Association est l'expression », ce qui implique une formation pratique développée, le succès à un examen professionnel et l'appartenance à la L.A. On sait que la préparation à l'examen incombe à diverses écoles dont quatre rattachées à une Université (Londres, Sheffield, Belfast, Strathclyde) et neuf collèges municipaux, soit deux à trois ans d'étude.

    La souplesse et l'efficacité de ce système ont été soulignés dans l'article de M. B. Palmer, paru dans ce même Bulletin (1) et il y a lieu d'observer que depuis le colloque, des progrès spectaculaires ont été marqués en Grande-Bretagne et que les écoles de Sheffield et Strathclyde ont une importance particulière en ce qui concerne notamment l'utilisation des techniques nouvelles et les orientations actuelles de la recherche.

    Avec les Républiques socialistes (République démocratique allemande. U.R.S.S., Pologne, Hongrie, Roumanie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie) on aborde un tout autre domaine, bien qu'il s'agisse, là encore, de pays d'ancienne culture et bibliothéconomiquement évolués. Les pouvoirs publics ont naturellement compris toute l'importance des bibliothèques pour le développement économique et culturel. Aussi les diverses Républiques ont prévu une formation professionnelle soigneusement élaborée à divers niveaux et suivant diverses modalités (cours à plein temps - cours du soir - cours par correspondance, etc.). Pour les bibliothèques savantes : écoles supérieures autonomes (4 en U R S S ) ou chaires spéciales de bibliothéconomie (en Hongrie, Pologne, URSS, Tchécoslovaquie, Yougoslavie), les conditions d'entrée étant les mêmes que pour l'accès aux Universités. La durée de la formation professionnelle est de quatre ans en URSS, cinq ans en République démocratique allemande, Hongrie, Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie - le tout sanctionné par des examens et remise d'un mémoire. Une formation spéciale est prévue pour des spécialistes, double solution au problème qui se pose partout : assurer le recrutement de bibliothécaires qualifiés à la fois sur le plan des techniques professionnelles et de la spécialisation scientifique Le niveau recherché est atteint notamment en Pologne avec le degré de Docteur en bibliothéconomie.

    Au niveau inférieur (assistants de bibliothèques techniques, bibliothécaires de lecture publique) une formation générale est assurée en même temps que la formation professionnelle, donnée soit dans des Instituts de bibliothéconomie, soit dans des écoles spéciales ou des écoles techniques et secondaires avec des études à plein temps de deux à trois ans et des stages probatoires.

    Un soin particulier est apporté à la promotion du travail et l'on évite les solutions de facilité en permettant aux candidats d'acquérir le même niveau de formation que leurs camarades.

    Quels enseignements pourrait-on tirer d'efforts qui aboutissent, nous l'avons dit, à des solutions conditionnées par les structures nationales ? Le Colloque de 1965 a permis, en dépit de cette diversité, de dégager des tendances communes. Certaines se retrouvent dans la plupart des pays (2) : elles visent à revaloriser la profession, notamment par l'allongement de la scolarité. D'autres sont plus spécifiquement européennes.

    Quoi qu'il en soit, les discussions du colloque et le rapport de la F.I.A.B. constituent pour nous, Français, un utile sujet de méditation, et c'est sur ce point qu'on nous permettra de conclure. Plus que l'exemple anglais, difficilement exportable, les réalisations d'Allemagne et d'Europe de l'Est nous paraissent riches d'enseignements

    Un pays comme la France devrait aboutir à une formation efficace au niveau de la spécialisation et de la recherche bibliologique. Cette formation, on le sait, ne peut être vraiment assurée dans les conditions actuelles. Elle était cependant prévue dans le projet primitif de l'E.N.S.B. qui comportait deux ans de scolarité. Comment ne souhaiterions-nous pas aboutir, à l'exemple des pays de l'Est, à une formation professionnelle prolongée, éventuellement jumelée avec l'achèvement des études d'enseignement supérieur ? On peut se demander alors si, compte tenu de la réforme de l'Enseignement supérieur, la durée primitivement prévue n'est pas, d'ores et déjà, insuffisante...

    Souhaitons, en tout état de cause, que les échanges de vues réguliers entre pays européens aboutissent à l'adoption de solutions sinon uniformes, du moins relativement voisines. Si la normalisation des méthodes est possible sur le plan national - et il est bien évident que la structure centralisée de la France facilite une telle normalisation - elle devient de plus en plus indispensable sur le plan international et notamment entre pays européens. L'organisation de colloques devrait permettre d'obtenir des progrès décisifs dans ce domaine.

    1. N° 49, 4e trimestre 1965, pp. 245-248. retour au texte

    2. Voir : Education for librarianship abroad (In : Library Trends, vol. 12, n° 2. Introduction). retour au texte