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Le Conseil de conservation et la formation des bibliothèques françaises.

1967
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    Par Suzanne Honoré
    Pierre Riberette

    Le Conseil de conservation et la formation des bibliothèques françaises.

    - Paris, Bibliothèque nationale, 1966. - 23,5 cm, pp. 213-286. (Extrait des Actes du 90e Congrès national des sociétés savantes, Nice, 1965. Section d'histoire moderne et contemporaine. T. II).

    Remercions M. Riberette pour cette belle étude très nourrie sur le « Conseil de conservation des objets de sciences et d'arts», qui prit la suite de la Commission des monuments, créée en 1790 et remplacée le 18 décembre 1793 par la Commission temporaire des arts, et dont le rôle était de veiller sur les livres et objets d'art confisqués sur les communautés ecclésiastiques, puis sur les biens des émigrés et de gérer les dépôts qui les rassemblaient à Paris et en province. Etude d'autant plus utile que, si les procès-verbaux des Commissions précédentes ont été publiés in extenso, ceux du Conseil de conservation attendent encore cet honneur dans les cartons des Archives nationales. D'après la saveur des extraits dont M. Riberette nous donne un avant-goût, il est bien regrettable qu'aucun de nos confrères ne s'avise de les en tirer.

    Le Conseil de conservation, réorganisé le 19 décembre 1795, est alors rattaché au Ministère de l'Intérieur, Direction générale de l'instruction publique, et comprend huit membres, dont les plus actifs dans le domaine des livres sont assurément son président Leblond, ancien bibliothécaire du Collège des Quatre-Nations, membre de l'Académie des Inscriptions, et Antoine-Alexandre Barbier. M. Riberette nous retrace les conflits quotidiens de ces deux éminents bibliographes avec Ameilhon, le fondateur des dépôts littéraires, lutte qui se termina par la défaite d'Ameilhon, renvoyé à la Bibliothèque de l'Arsenal et obligé de céder la clef de ses dépôts. Barbier au contraire, qui bientôt succède à Leblond, fait interrompre les travaux d'inventaire pour distribuer les livres aux bibliothèques. C'est lui « le véritable organisateur des bibliothèques provinciales en France ». C'est en effet sous son impulsion et celle de Leblond que les opérations de triage des livres sont vivement menées, avec l'encouragement des ministres persuadés que la vente des livres écartés va renflouer les finances de l'Etat. Présomption mal fondée : outre que l'Institut, s'il permit à Paris des mises au rebut garanties par la valeur des bibliographes qui présidaient à l'opération, ne les autorisa pas en province, cette vente d'ouvrages de théologie et de jurisprudence s'avéra si difficile que les livres de rebut furent bientôt portés par charretées à l'Arsenal pour en faire des cartouches.

    A qui profitèrent ces distributions ? La Bibliothèque nationale prit 300 000 volumes environ, ce qui ne l'empêcha pas de se plaindre âprement des enrichissements dont la Mazarine était redevable à Leblond, et de la prétention des trois autres bibliothèques publiques (Mazarine, Arsenal, Sainte-Geneviève) à se parer indûment du titre de « nationales ». Les bibliothèques des ministères - Justice, Finances, Intérieur - comptent également parmi les bénéficiaires. Barbier compose avec amour le fonds de la Bibliothèque du Directoire, donné par la suite au Conseil d'Etat dont il est nommé bibliothécaire. Enfin les bibliothèques des communes, créées par un décret de la Convention du 27 janvier 1794, se constituent largement à partir des livres accumulés dans les dépôts des départements.

    Barbier et ses collègues n'avaient pas eu tort de hâter la distribution des livres des dépôts : après Thermidor, commencent les restitutions aux familles des condamnés, puis, un peu plus tard, aux émigrés qui rentrent peu à peu. De pénibles transactions se déroulent, Barbier tâchant de faire prévaloir la doctrine que les livres déjà donnés à une bibliothèque n'en doivent plus sortir et qu'il appartient au Ministre des Finances d'offrir une compensation pécuniaire aux intéressés. Enfin les ministres offrent aux libraires, à titre de subventions pour des éditions nouvelles, des lots considérables des ouvrages restants, malgré les protestations du Conseil de conservation, si incommode que Lucien Bonaparte finit par le dissoudre en vendémiaire an IX.