Index des revues

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    Groupe de Lorraine

    Réunion du 16 octobre 1972


    Nous étions ce lundi-là une bonne cinquantaine qui avions réussi à trouver dans la banlieue nancéienne le centre « Rencontres » de Tomblaie- Saint-Max, qui nous accueillait libéralement.

    La journée avait pour thème : « Relations publiques et publicité ». L'intention subtile de ce thème était de montrer aux bibliothécaires qu'ils n'ont rien à vendre, donc qu'ils ne peuvent pas copier la publicité commerciale, contrairement à ce qu'on fait parfois dans cette Année internationale du livre. Par contre, les bibliothécaires ont à prêter leurs ouvrages, ce qui exige de savoir techniquement soigner sa clientèle, c'est-à-dire d'avoir des idées nettes sur ce que sont les relations publiques.

    En matinée, M. Mossovic, libraire à Nancy, nous a fait part de sa philosophie professionnelle, qui consiste justement à soigner ses relations avec sa clientèle bien plus qu'à faire une publicité coûteuse. Tout en se défendant de faire une conférence, il sut charmer son auditoire en faisant part de ses réflexions sur son magasin, puis sur ses clients. Tout le monde sait qu'un magasin doit être avenant, avoir de larges horaires d'ouverture, une bonne luminosité, présenter des parcours étudiés pour les visiteurs. Il y a aussi des techniques maintenant indiscutées : c'est une catastrophe que les livres tournent le dos au public, il faut en présenter le plat, il faut aussi constamment chercher des modifications. C'est là qu'intervient l'élément humain : le libraire. Celui-ci doit être persuadé de sa vocation et que le livre est un objet de choix adapté à tous et à toutes les circonstances. Entièrement libéré de la gestion administrative (confiée à un comptable), le libraire doit avoir une connaissance globale des produits qu'il présente, doit savoir quels renseignements sont parvenus à ses clients par la télévision, les revues ou autrement et peut ainsi se consacrer aux tâches d'animation. Le magasin de M. Mossovic possède une galerie d'exposition de peintures, gravures et autres oeuvres d'art : le rite des accablants vernissages y a été supprimé, mais on diffuse un texte de présentation qui explique mieux les oeuvres présentées ; l'artiste vient au cours de son exposition et s'est toujours montré heureux de rencontrer de vrais amateurs informés et intéressés. Quant aux clients, il faut distinguer les passagers et les habitués. L'accueil le plus simple, le plus humain, même avec des notabilités reconnues, permet de comprendre la demande du visiteur : elle est souvent fausse, mal dite, vague et hors des réalités ; il faut alors savoir déjouer la déception, envoyer chez un confrère (l'expérience prouve que ce geste n'est jamais perdu), renseigner positivement avec des paroles d'espoir. Mais si le visiteur finalement est «ferré», il faut avoir de grandes exigences à son égard, demander des références bibliographiques complètes, déballer devant lui son Biblio ou un autre répertoire et faire valoir sa compétence. Vis-à-vis des habitués, il est bon de travailler sur un fichier qui catégorise chacun. M. Mossovic s'est délibérément amputé des livres de poche en l'expliquant à sa clientèle Il faut beaucoup écrire, envoyer des prospectus, mais en faisant un certain choix, adresser la liste des revues reçues en librairie en expliquant leur intérêt et donner ainsi à son commerce une personnalité et de la qualité. Lors du récent congrès national des libraires à Nancy, une circulaire de M. Mossovic commençait par : « Nous sommes le libraire qui refusons le plus de vente... » Ainsi les relations publiques débouchent sur la meilleure publicité, la réputation que font les clients de bouche à oreille.

    Après le repas, les bibliothécaires étaient conviés à un film de Roger Louis, animateur connu de la télévision, sur la publicité, qui détaillait les procédés et les étapes techniques pour lancer un produit.

    La deuxième causerie de la journée était donnée par M. Laprevote, assistant à la Faculté de Droit de Nancy et professeur à l'IUT-Information du cours de relations publiques. Ces fonctions ont permis à cet éminent membre de l'enseignement de se faire une conception propre du sujet et de l'appliquer aux bibliothèques. Pour lui, les relations publiques, distinctes de la publicité, de la propagande, du marketing, des relations humaines ou industrielles, sont l'oeuvre d'un groupe chargé d'expliquer les mesures prises et d'établir de bonnes relations avec les intéressés. Quoiqu'on puisse considérer « La Guerre des Gaules » ou les phalanstères de Fourier comme des actes de relations publiques, on estime que c'est le journaliste Lee, propagandiste en 1912 de Rockefeller, qui fut l'initiateur.

    Il y a aujourd'hui 100 cabinets spécialisés, surtout aux environs de Paris. Les administrations se sont lancées dans les relations publiques : les services fiscaux en améliorant les modèles de déclarations des revenus, l'armée en pratiquant des journées portes ouvertes. Et le conférencier donna des exemples locaux montrant que les relations publiques sont entrées dans les domaines les plus variés. Techniquement cela exige d'abord une étude préalable de son public et des moyens qu'on emploiera pour le toucher, puis une mise en oeuvre de ces moyens ce qui s'accompagne d'une budgétisation du projet et d'une volonté d'information, par exemple pour faire connaître sa bibliothèque, son mécanisme, ses ressources, sa gestion, ses objectifs, son budget, etc... Enfin il faut une phase de contrôle des résultats quantitativement et qualitativement. Cette causerie, comme celle du matin, donna lieu à de nombreuses interventions, en particulier sur les bulletins de liaison, les registres de desiderata des lecteurs, les équipes d'animation, la publication des rapports de gestion, les tracts publicitaires, les moyens d'atteindre le public non lecteur.

    Les bibliothécaires de Lorraine seront désormais préparés à accroître leur audience et leur incidence sociale.