Index des revues

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    • Pierrot, Roger
      Introduction, p.061.
    • Boussion, Annie, Chaumié, Marthe, Feuillebois, Geneviève, Guérin, Edmond, Labarre, Alain, Nicole-Genty, Geneviève
      Sections, p.063-070.
    • Cambuzat, Madelaine, Gascuel, Jacqueline, Gueth, Francis
      Groupes régionaux, p.073-089.

    Sections

    Par Alain Labarre
    Par E. Guérin, Président de la Section des bibliothèques publiques de l'A.B.F.
    Par Annie Boussion
    Par Geneviève Nicole-Genty
    Par Marthe Chaumié
    Par Geneviève Feuillebois

    BIBLIOTHEQUE NATIONALE

    La Bibliothèque nationale a solennellement célébré l'Année internationale du livre en interrompant le rythme habituel de ses expositions pour consacrer six mois et deux galeries à une grande manifestation sur le livre.

    La préparation a posé bien des problèmes aux organisateurs. Fallait-il se contenter d'exposer les « trésors » de la Bibliothèque nationale pour répondre aux voeux d'une élite de curieux et d'amateurs, ou bien essayer d'attirer un public plus large en faisant découvrir la variété des aspects sous lesquels le livre peut être envisagé ? Devait-on ne choisir que certains de ces aspects, ou bien considérer le livre dans son ensemble ? Fallait-il suivre l'évolution du livre sur un plan purement chronologique, ou bien préférer un cadre méthodique qui rende un meilleur compte de la diversité de ses formes et de ses fonctions ? Devait-on conserver la séparation classique entre manuscrits et imprimés, ou bien souligner la continuité et les interférences entre les uns et les autres ? Après que les avantages et les inconvénients de chaque solution aient été pesés, le parti fut adopté d'envisager le livre dans son ensemble et de suivre un plan méthodique en mêlant manuscrits et imprimés. Il en résultait une multiplication de subdivisions qui ne permettait pas de « traiter » chaque problème, mais seulement de l'« évoquer » ; la tâche était intéressante, mais délicate, et nécessitait un choix draconien parmi les documents susceptibles d'être présentés. En contrepartie, ce plan avait l'immense avantage d'ouvrir les yeux du public sur la variété du phénomène « livre » et sur l'évolution qui a conduit à l'objet que nous connaissons encore sous ce nom.

    Le but de cet article n'est pas d'énumérer les pièces et les documents qui ont été présentés - le catalogue publié à cette occasion le fait amplement (1) - mais plutôt de donner un fil conducteur pour suivre le plan de l'exposition et comprendre l'enchaînement de ses diverses parties. Il faut encore remarquer que, si la Bibliothèque nationale n'a pas voulu centrer l'exposition sur l'étalage de ses « trésors », les organisateurs se sont efforcés, dans la mesure du possible, d'illustrer les différentes séquences de leur plan par des documents spectaculaires et des ouvrages précieux ou remarquables à divers égards.

    L'exposition s'ordonnait en trois parties principales : « Genèse et métamorphose du livre occidental» (c'est-à-dire la fabrication du livre), «Production et diffusion» (c'est-à-dire le commerce du livre), « Le Livre et son public » (c'est-à-dire les usages du livre), encadrées par une introduction et une conclusion particulièrement spectaculaires.

    L'introduction « Ex Oriente lux » rappelait la riche protohistoire du livre au Moyen et en Extrême-Orient, à l'aide d'une cinquantaine de pièces exceptionnelles, empruntées pour la plupart au Cabinet oriental de la Bibliothèque nationale. Malgré l'âge vénérable de ces documents, cette section n'en était pas moins d'actualité à notre époque où l'on multiplie les questions sur l'évolution et l'avenir du livre, en montrant que celui-ci ne datait pas de Gutenberg, mais que, à travers une longue histoire, il avait déjà connu une grande variété de supports et de formes. La conclusion voulait laisser le visiteur sur une impression d'émerveillement en rassemblant sous ses yeux un choix de 80 des plus belles pièces conservées par la Bibliothèque nationale : manuscrits richement enluminés, livres à reliure remarquable, impressions de luxe, qui déroulaient un panorama de l'art du livre européen, et surtout français, depuis l'époque carolingienne jusqu'aux livres contemporains illustrés par les meilleurs artistes de l'Ecole de Paris. Mais ce n'était pas là l'essentiel de l'exposition.

    Avec 320 numéros, la première partie y tenait une place primordiale. Il est vrai qu'il s'agissait d'illustrer tous les aspects de la fabrication du livre et de sa présentation matérielle. Le manuscrit était l'unique forme du livre dans l'Occident médiéval ; son support ordinaire, le parchemin, était expliqué dans les détails de sa préparation, de ses aspects, de son usage ; des miniatures, des sculptures, des instruments anciens apprenaient aux visiteurs comment et dans quelles conditions les moines copistes travaillaient dans le scriptorium. La production du papier en Occident constituait une jonction logique entre le livre manuscrit, qui l'a utilisé plus qu'on ne le pense, et le livre imprimé qui n'aurait pas pu se développer sans ce support ; des planches et des instruments initiaient à tous les détails de sa fabrication artisanale, tandis que des documents du dix-huitième siècle montraient la variété des efforts entrepris pour pallier l'insuffisance de la matière première, le chiffon, et tenter de renouveler celle-ci à partir des végétaux les plus divers. Le livre imprimé pouvait alors être abordé ; à côté des essais de Gutenberg, le « premier grand livre européen », la Bible à 42 lignes, était mise en vedette au centre de la Galerie Mansart ; un bref tour d'horizon évoquait ensuite la rapide diffusion de l'imprimerie, tant en Europe que dans les autres continents, de Mexico à Goa. La technologie de l'imprimerie était largement développée à l'aide de documents variés et suggestifs, de l'estampe à la presse miniature ; fonte des caractères, composition typographique, correction des épreuves, organisation de l'atelier d'imprimerie, étaient ainsi passés en revue. On en venait enfin à l'écriture ; quelques manuscrits du cinquième au quinzième siècles évoquaient son développement au cours du Moyen Age, et la lettre d'imprimerie était traitée avec abondance, dans sa conception, sa fabrication et ses aspects.

    Après la fabrication du livre, plusieurs sections analysaient sa présentation matérielle. Le visiteur pouvait voir quelques particularités de la facture et de la mise en page des manuscrits, constater comment les incunables ont d'abord conservé la présentation des manuscrits, et observer l'évolution qui a amené le livre imprimé à prendre progressivement sa forme propre. Les deux sections suivantes faisaient preuve d'originalité en traitant des callingrammes, des recherches de mise en page et des formes insolites du livre, surtout en ne se contentant pas de montrer des documents curieux, mais en opérant des rapprochements prouvant que les recherches contemporaines les plus hardies ont souvent eu des ancêtres lointains. L'illustration et la décoration du livre constituaient un chapitre particulièrement spectaculaire ; à l'aide d'exemples évocateurs, le visiteur pouvait suivre l'évolution des techniques et des formes, tant dans l'enluminure des manuscrits que dans l'illustration propre au livre imprimé, et voir comment depuis un siècle la photographie s'est implantée dans cette illustration jusqu'à y prendre une place prépondérante. Cette partie se terminait par une étude de la présentation extérieure du livre en une section très documentée qui montrait les origines orientales de la reliure, sa technique dans l'Occident médiéval, les principales formes prises par le décor des reliures, et même des gardes et des tranches ; plus humble, mais d'une signification sociologique certaine, la couverture imprimée ou illustrée et le cartonnage d'éditeur n'avaient pas été oubliés.

    Une fois fabriqué, le livre devait être diffusé ; c'est ce qu'évoquait la seconde partie de l'exposition. Quelques documents montraient d'abord comment la production des manuscrits a évolué pendant la période monastique, puis pendant la période laïque où cette production a commencé à s'organiser d'une façon commerciale. Mais, c'est l'imprimerie qui, en multipliant les livres, a transformé la façon de les vendre : le livre imprimé n'était pas produit comme le manuscrit un à un et à la demande ; il fallait susciter une clientèle par une publicité que rappelaient d'anciens placards et d'anciens catalogues de libraires, mais aussi des affiches illustrées du dix-neuvième siècle et des prospectus offrant des primes hétéroclites pour allécher les acheteurs de livres. Le lieu de vente ordinaire était la boutique du libraire ; des estampes de diverses époques permettaient d'en suivre l'évolution à travers plusieurs siècles ; mais il y avait d'autres moyens d'accès au livre : ventes publiques, colportage, cabinets de lecture, etc. On ne pouvait pas traiter la production et le commerce du livre sans faire état du travail des hommes qui y participaient ; divers documents évoquaient aussi bien les privilèges et franchises dont jouissaient les membres des métiers du livre que les contraintes nombreuses auxquelles ils étaient soumis ; des registres rappelaient les différentes étapes de la profession, de l'apprentissage à la maîtrise, et la réunion de ses membres dans les confréries. La police du livre faisait l'objet d'une autre section ; pour éviter la contrefaçon qui frustrait les imprimeurs les plus entreprenants du fruit de leur initiative, ceux-ci prirent l'habitude de demander aux autorités des « privilèges » garantissant une exclusivité temporaire aux ouvrages qu'ils publiaient ; mais en devenant obligatoires, ces privilèges vinrent s'insérer dans un système de censure qui s'était largement développé depuis les luttes idéologiques et religieuses du seizième siècle ; cette section était illustrée par quelques exemples curieux de règlements, de contrefaçons, de livres contrefaits, de privilèges, d'interdictions diverses, de livres condamnés, etc. ; le dépôt légal était même évoqué au passage. Enfin le rôle essentiel que joue l'auteur dans la production du livre n'avait pas été oublié ; à l'aide de documents originaux, une section montrait comment sa condition, partie du mécénat, est parvenue à la propriété intellectuelle, lui permettant de tirer un revenu normal de ses ouvrages.

    Fabrication et diffusion ne rendent encore qu'un compte imparfait du livre, car celui-ci n'atteint sa finalité propre et ne prend son entière signification qu'entre les mains de ses lecteurs. Aussi la troisième partie était-elle consacrée au public et aux usages du livre. Une première section évoquait justement ce public par les traces tangibles que les possesseurs ont laissées sur leurs livres, marques de provenance et notes manuscrites, et par des estampes et des tableaux montrant diverses attitudes de lecteurs. Une tâche essentielle du livre dans l'histoire de la culture a été la transmission de la pensée antique ; c'est ce que montraient quelques manuscrits médiévaux significatifs, des éditions « princeps » d'auteurs grecs et latins, des éditions critiques de diverses époques, des traductions, et des oeuvres originales s'inspirant largement de l'Antiquité classique. Ces textes n'étaient pas seulement réservés à une élite restreinte, comme en témoignaient les efforts entrepris par Aide manuce au seizième siècle, les Elzevier au dix-septième et les Didot au début du dix-neuvième pour mettre à la disposition d'un public large les textes classiques sous un format réduit et à un prix modéré, « livres de poche » avant la lettre. En outre, le livre n'est pas seulement destiné aux heures d'étude ou de loisir, car de nombreuses catégories en sont d'un usage courant dans la pratique de la vie quotidienne. L'usage du livre s'apprend dès le plus jeune âge, puisqu'il est mis entre les mains des enfants qui entrent à l'école et, plus tard, chacun fait appel aux encyclopédies et aux dictionnaires quand il a besoin du moindre renseignement ou qu'il veut raviver des connaissances oubliées ; c'est le livre que l'on emporte à l'église pour participer à l'office, que ce soit le Missel des catholiques ou le recueil de Psaumes des protestants ; c'est encore le livre qui tient au courant des événements proches ou lointains, même après la naissance du périodique, sous la forme des « occasionnels » et des « canards ». C'est aussi au livre que l'on fait appel pour entretenir sa santé, ce dont témoignent nombre d'ouvrages de médecine en langue vulgaire, riches en recettes de tous ordres, et, comme pour bien se porter, il faut bien se nourrir, cuisiniers et cuisinières avaient toujours un manuel sous la main. Quand il s'agissait d'entretenir sa maison ou de cultiver son jardin, on disposait encore de livres donnant de sages conseils et des recettes pratiques. Il y a longtemps enfin que les voyageurs emportaient des livres avec eux pour s'assurer de leur itinéraire, et chaque époque a connu des guides appropriés, celle des voyages à pied ou à cheval, celle des diligences, celle des chemins de fer (que l'on pense au succès des Baedeker et des Joanne), celle de l'automobile même (guide Michelin). Tous ces usages quotidiens du livre étaient évoqués brièvement en 55 numéros, mais ce sujet mériterait de plus amples développements et pourrait fournir des thèmes à plusieurs expositions particulières. Du moins, cette section montrait aux visiteurs que tous les livres, jusqu'aux plus humbles, dont ils usent chaque jour, ont hérité d'une longue tradition, et que leur étude rétrospective apprend beaucoup sur la vie quotidienne de nos ancêtres. Malgré le peu de place qui restait aux organisateurs, ceux-ci n'avaient pas oublié que le livre a été longtemps le véhicule essentiel des idées, même s'ils ont dû se contenter d'esquisser à gros traits l'évolution de la littérature d'imagination à l'aide de quinze documents, manuscrits et imprimés, du treizième au dix-neuvième siècles, tous français, sauf l'édition princeps de la « Divina commedia », exposée dans cette section pour commémorer le cinquième centenaire de son impression. Enfin une place était faite à un type très particulier de livre, les partitions et impressions musicales, que l'on ne pouvait négliger dans une exposition consacrée à l'ensemble du Livre.

    Que conclure de cette vaste exposition ? Certains visiteurs ont pu être déçus de ne pas voir tel document qu'ils attendaient, mais les sections étaient nombreuses et chacune ne pouvait présenter qu'un nombre limité de pièces. D'autres ont remarqué la prédominance du livre français et ont parfois feint de croire que l'exposition lui était exclusivement consacrée ; en fait son but n'était pas de présenter le livre français, mais le livre en général à l'aide d'exemples surtout français ; ce qui était normal, puisqu'elle constituait un point fort de la participation de la France à l'Année internationale du livre et qu'elle avait pour base principale les fonds de notre Bibliothèque nationale ; il faut d'ailleurs remarquer que, sur 385 livres imprimés, exposés, 103 (donc plus du quart) n'étaient pas français et que la proportion semblait le même pour les manuscrits, sans compter les 52 pièces de la riche introduction orientale. Enfin, cette exposition n'a pas été seulement une manifestation de prestige conçue pour mettre en valeur les trésors de la Bibliothèque nationale ; elle a aussi essayé de montrer aux 54 000 visiteurs qui s'y sont succédés que cette documentation rétrospective, même rare et précieuse, n'avait pas seulement une valeur artistique et bibliophilique (ce qui n'est pas à négliger), mais aussi l'intérêt sociologique de témoigner sur les goûts, les idées et les préoccupations des gens du passé et de constituer la source d'où découle le livre d'aujourd'hui.

    BIBLIOTHEQUES PUBLIQUES

    Prononçant le discours d'ouverture de la 38e session du Conseil général de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires, le 28 août 1972 à BUDAPEST, le Président LIEBAERS s'interrogeait en ces termes : « Quelle est la part prise par les bibliothécaires dans cette Année internationale du livre et, plus particulièrement, quelle est celle de la F.I.A.B. ? » Se poser la même question au niveau, certes plus modeste, des bibliothécaires de Bibliothèques publiques et de leur organisation professionnelle, la Section des bibliothèques publiques de l'Association des bibliothécaires français, n'est peut-être pas inutile. Essayer d'y répondre conduit à une constatation assez remarquable : la réponse sera différente selon que l'interrogation sera posée à titre individuel, au travailleur exerçant son activité dans une Bibliothèque publique, ou, au contraire au niveau collectif, celui de la Section des bibliothèques publiques. En effet, il est évident que chacun des adhérents de la Section a participé, en tant que bibliothécaire, responsable ou non d'un établissement, à la célébration de l'Année internationale du livre. Et il est également indiscutable que ce même adhérent se soit senti beaucoup moins concerné comme membre de son organisation professionnelle.

    II ne saurait s'agir, dans le cadre de cet article, d'établir le bilan des diverses et nombreuses manifestations que les Bibliothèques publiques ont organisées au cours de l'année 1972. Nous espérons simplement, en proposant les quelques réflexions qui suivent à l'attention des lecteurs de cette revue, provoquer la discussion et engager le débat.

    A la lumière de ce qui est actuellement connu, nous voudrions insister sur cette première constatation : dans la plupart des cas, ce sont des bibliothécaires, et particulièrement ceux des Bibliothèques publiques, qui ont pris l'initiative de commémorer l'événement. Très souvent, parmi les professionnels du livre, ce sont eux qui ont été les promoteurs de l'action en essayant d'intéresser à leur entreprise un certain nombre d'organismes ou de personnalités qu'ils jugeaient intéressés par le problème. Si cette activité n'a pas toujours connu la réussite qu'ils en escomptaient, elle leur a cependant permis de prendre des contacts utiles et qui peuvent devenir fructueux. C'est un résultat positif et encourageant pour l'avenir.

    Relevons ensuite les formes extrêmement variées que cette célébration de l'Année internationale du livre a revêtues. De l'édition de la carte postale illustrée à la reconstitution d'une petite Bibliothèque publique dans l'enceinte d'une foire commerciale internationale, toutes les formes de publicité et d'animation des bibliothèques ont été utilisées. L'imagination de nos collègues a pu se donner libre cours et ce ne sont point les idées qui leur ont manqué. Si leur action a été quelquefois limitée, c'est bien plutôt par manque de moyens. Les budgets de leurs établissements sont serrés et, trop souvent, il leur a fallu procéder à des choix difficiles et douloureux. Concevoir et exécuter des actions promotionnelles de grande envergure, c'est risquer de remettre en cause le développement des services traditionnels de leurs bibliothèques, c'est plus prosaïquement s'interdire d'acheter de nouveaux livres en quantité suffisante, et, par voie de conséquence, mécontenter les lecteurs. Alors à quoi bon recruter de nouveaux lecteurs, si c'est pour perdre les anciens ? Et très souvent les bibliothécaires, encore une fois, ont dû suppléer ce manque de moyens par un accroissement de leur activité.

    Ce n'est donc pas sans quelque envie qu'ils ont assisté, cette fois sans y participer, à certaines opérations publicitaires importantes. Et ils ont essayé de comparer les budgets mis en oeuvre à ces occasions avec ceux dont ils disposaient pour leurs établissements. Bien sûr, ils n'auraient pas forcément choisi la distribution gratuite de livres de poche ou d'albums de bandes dessinées, voire de lots de romans classiques reliés, pour faire connaître leur bibliothèque et le livre. Mais, ils sont actuellement persuadés qu'ils auraient trouvé une aussi bonne utilisation de ces sommes que d'autres, pour promouvoir le livre et la lecture.

    Au cours de leurs déplacements estivaux, ils ont pu en outre prendre conscience de la notion de « réseau » que leur organisation professionnelle étudie et propose en leur nom. Ils ont très certainement regretté que le réseau des Bibliothèques publiques ne soit pas aussi étoffé que celui des stations-service. Et ils ont constaté une nouvelle fois que leur isolement professionnel représentait pour eux un grave handicap. Peut-être ont-ils été ainsi amenés, franchissant un nouveau pas dans leur raisonnement, à regretter que les activités qu'ils ont consacrées à l'Année du livre ne soient pas davantage connues et exploitées. Il est de fait que bon nombre de réalisations intéressantes, dont l'audience a été limitée à une seule ville, auraient mérité de bénéficier d'une diffusion plus large au niveau du département, de la région, de l'ensemble du pays même. Les conditions de travail de nos bibliothèques ne le permettent pas et l'on ne peut faire grief à leurs responsables de cette insuffisance.

    Peut-être faut-il remarquer que beaucoup de ces activités auraient existé, même s'il n'y avait pas eu l'Année internationale du livre. Cette dernière leur a sans doute procuré une audience accrue, un impact plus profond, mais, très souvent elle n'a pas été la cause première de leur existence. Pour les bibliothécaires, l'Année internationale du livre n'a pas commencé le 1er janvier pour se terminer brutalement le 31 décembre 1972. L'ouverture de leurs établissements sur l'extérieur, l'utilisation du livre comme moyen éducatif, la nécessité de la lecture, sont les éléments constants de l'action quotidienne qu'ils mènent pour essayer de développer leurs établissements. Simplement, profitant de l'intérêt suscité par l'événement, ils ont pu intéresser un nouveau public aux bibliothèques.

    C'est sans doute à ce niveau que le concours des associations professionnelles aurait pu, aurait dû se manifester. Il leur incombait certainement d'être le lien entre les différentes bibliothèques, de prendre en charge les initiatives individuelles, de les encourager, les aider et les faire connaître. Ainsi, aurait-on pu espérer que l'intérêt suscité par l'Année internationale du livre se transformât en un vaste mouvement d'opinion capable de permettre la réalisation d'une nouvelle étape dans le développement des Bibliothèques publiques de ce pays.

    Ne rêvons pas : il n'en a pas été ainsi, il ne pouvait en être ainsi. La Section des bibliothèques publiques, en particulier, n'a pas fait preuve d'une plus grande efficacité dans ce domaine comme en d'autres. Il ne s'agit pas ici pour son président en exercice, de faire son autocritique. Il constate un fait brutal, mais précis : les moyens dont dispose la Section des bibliothèques publiques ne lui permettent pas de mener la politique que ses organismes responsables ont déterminée.

    Elle n'a cependant pas été indifférente devant l'événement et elle n'en a pas été totalement absente: les débats du congrès de l'ABF de COLMAR l'ont bien prouvé et la motion sur les Bibliothèques publiques votée le 7 mai 1972 posait le problème en termes non équivoques. Mais ce texte a-t-il eu toute l'audience souhaitable ? De qui est-il connu, en dehors du cercle très restreint des professionnels des bibliothèques ? « Exiger que soit étudié, préparé et réalisé un réseau national des Bibliothèques publiques », ne suffit pas si cette exigence est connue seulement de quelques initiés. Il faut la faire passer dans le grand public, si l'on veut se donner quelques chances de réussite. Or, si les budgets de nos bibliothèques sont trop souvent étriqués, celui de la Section des bibliothèques publiques l'est encore bien davantage. Et il n'est pas question, dans les circonstances actuelles, de concevoir une quelconque campagne d'information et de promotion en faveur des Bibliothèques publiques.

    L'Année internationale du livre nous offrait pourtant une belle occasion de réaliser un tel dessein. Cela n'a pas été possible. Regrettons-le, en espérant que ce qui n'a pas été fait en 1972 le sera très prochainement. Lentement, mais sûrement, l'idée de lecture publique progresse dans ce pays. Pour nous, bibliothécaires, l'Année internationale du livre continue...

    BIBLIOTHEQUES SPECIALISEES

    Il était à prévoir que l'Année internationale du livre, en raison même de son caractère général, ne donnerait pas lieu à de nombreuses manifestations dans les bibliothèques spécialisées. Dotées de fonds souvent austères et de peu d'intérêt pour le lecteur ou le bibliophile ordinaires, ces dernières choisissent plutôt pour thème de leurs expositions un événement relevant de leur spécialité.

    Quelques bibliothèques pourvues de fonds anciens et précieux comme celles de l'Académie de médecine, du Muséum national d'histoire naturelle ou de l'Observatoire de Paris, ont vu là, cependant, l'occasion de montrer des richesses parfois inconnues de leurs utilisateurs habituels.

    Le cas était différent pour la Bibliothèque Forney, seule bibliothèque « d'art et d'industrie » existant en France, qui se devait, en raison même de son caractère spécifique, de célébrer le livre dans ses aspects techniques ; ce qu'elle a fait dans sa très belle exposition les techniques de la fabrication du livre (voir ci-dessous, page 77).

    Bibliothèque de l'Académie nationale de médecine

    La Bibliothèque de l'Académie nationale de médecine possède une riche collection de 6.000 ouvrages médicaux anciens (dont 120 incunables), qui fut constituée par son premier bibliothécaire, l'historien de la médecine Charles Daremberg.

    A l'occasion de l'Année internationale du livre, quelques-uns des plus beaux livres de cette collection ont été exposés.

    A côté d'ouvrages classiques, tels que les oeuvres de Arnaud de Villeneuve, de Dioscoride ou de Colombo, des éditions d'Hippocrate et de Galien du XVIe siècle, les Opera omnia de Paracelse, les oeuvres de Harvey ou de Lavater, on s'est attaché plus particulièrement dans cette exposition à montrer certaines oeuvres, peut-être moins connues, mais dont l'illustration a paru particulièrement digne de retenir l'intérêt.

    C'est ainsi qu'on pouvait admirer, par exemple, le Speculum naturale de Vincent de Beauvais (1473), sorte d'encyclopédie scientifique du XVe siècle, incunable magnifiquement enluminé, la Gross Chirurgei de W. Ryff, chirurgien de Strasbourg au XVIe siècle, dont le frontispice représente une image particulièrement réaliste d'amputation de jambe, ou VExercitatio de vena medinensi de G. Welsch, où furent dessinées pour la première fois des images de filaires de Médine très significatives.

    Les ouvrages présentés dans cette exposition ont été accompagnés de quelques instruments utilisés depuis le début de 'imprimerie, ainsi que d'objets se rapportant à la médecine des XVIIe et XVIIIe siècles.

    Bibliothèque centrale du Muséum national d'histoire naturelle

    A l'occasion de l'Année du livre, la Bibliothèque centrale du Muséum a présenté du 15 au 30 novembre 1972 dans la salle de la Réserve et sous le titre L'Iconographie botanique en France à la fin du siècle de Louis XIV un ensemble de 53 documents : imprimés, manuscrits, dessins, peintures sur vélin et gravures à l'eau forte, rédigés, publiés, exécutés entre 1666 et 1717 (si l'on ne tient pas compte des corrections et additions apportées, tout au long du XVIIIe siècle aux cuivres des 319 gravures connues sous le titre Recueil des plantes gravées par ordre du roi Louis XIV et dont la réunion et la diffusion sous forme de recueils factices datent seulement des environs de 1770).

    La partie la plus importante de cette présentation était consacrée aux diverses étapes d'un ambitieux projet de la jeune Académie des sciences (fondée en 1666) : celui d'un « grand ouvrage de botanique », digne du roi qui allait lui accorder son patronage, et de l'Académie. La partie iconographique de cette publication, due à Abraham Bosse, à Louis de Chatillon et surtout à Nicolas Robert (ancien peintre de Gaston d'Orléans, devenu « peintre du roi pour la miniature », grâce à Colbert, à qui l'on doit la continuation de la collection des vélins légués à Louis XIV par son oncle) a seule vu le jour.

    Les dessins des plantes à la sanguine, exécutés à l'intention de cette publication ont été rapprochés, sur la grande table de la Réserve, des différents états des planches gravées et, le cas échéant, des peintures sur vélin de Robert, ainsi que de quelques textes manuscrits se rapportant aux diverses phases du travail de correction des planches.

    Le texte de la publication ne parut jamais. La décision d'arrêter le travail de rédaction des notices fut prise en 1694 et c'est aussi en 1694 que Tournefort, entré en 1691 à l'Académie, publie ses Eléments de botanique, événement qui, ajouté aux difficultés financières et à la disparition de Colbert, patron de l'entreprise, a certainement joué un rôle dans l'abandon du projet initial.

    C'est au Voyage du Levant de Tournefort, publié en 1717, après la mort de son auteur, qu'était consacrée la seconde partie de cette présentation. La Bibliothèque du Muséum d'histoire naturelle conserve, en effet, de nombreux documents manuscrits relatifs à cette expédition, et, en particulier, les dessins exécutés sous la direction de Tournefort par son peintre attitré, Aubriet, successeur, après Joubert, de Nicolas Robert, dans sa charge de « peintre pour la miniature ».

    Nous avons rapproché quelques uns de ces dessins des planches gravées pour illustrer l'ouvrage et des vélins exécutés par Aubriet après son retour d'après ces mêmes dessins.

    Indépendamment du double intérêt scientifique et artistique présenté par les documents exposés, ce rassemblement permettait de mettre en lumière un aspect souvent méconnu de la collection des vélins du Muséum : les liens d'influence réciproque qui l'ont unie, à travers les âges, à toute une série d'entreprises et depublications dans le domaine des sciences naturelles.

    Bibliothèque de l'Observatoire de Paris

    A l'Observatoire de Paris, au mois de mars 1972, la bibliothèque a exposé quelquesuns des plus beaux livres : incunables, éditions originales de Copernic, Galilée, Tycho Brahé, Apianus, Kepler, Newton, Cellarius, etc..., ainsi que des volumes de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.

    Cette exposition était destinée à l'ensemble des personnels des Observatoires de Paris-Meudon (environ 600 personnes). Elle a été précédée d'un exposé de deux heures sur l'histoire du livre qui fut suivi avec beaucoup d'intérêt, non seulement par les chercheurs, mais par les techniciens de laboratoires ainsi que par les personnels administratifs et de service qui ont beaucoup apprécié cette initiative.

    1. Bibliothèque nationale : le Livre. - Paris, 1972. - X - 227 p., III., 8 pl. en coul. (Service de ventes de la Bibliothèque nationale, 58 rue Richelieu, 75084 PARIS - CEDEX 02. - 20 F.) retour au texte