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Les nouvelles structures administratives et les missions des bibliothèques d'études et de recherche (Bibliothèques universitaires)

1974

    Les nouvelles structures administratives et les missions des bibliothèques d'études et de recherche (Bibliothèques universitaires)

    Rapport de synthèse présenté par joseph Hue au Congrès de l'A.B.F


    Mâcon, le 9 juin 1974

    La réunion commune des Sections des bibliothèques universitaires et des bibliothèques spécialisées comportait trois exposés - qui ont été suivis, faute de temps, d'une trop brève discussion.

    M. Diligent a exposé comment la surabondance de la documentation aboutissait en fait souvent à une sous-information du public ; il a déploré l'absence d'une bibliothèque administrative à l'usage de tous et le manque d'information des citoyens au niveau local.

    M. Littler, rapporteur du Groupe d'Alsace, a présenté une communication sur « la prise de conscience du rôle propre des bibliothèques universitaires au sein de la région », lié à la mise en place des nouvelles structures administratives régionales (1) .

    En voici la synthèse proposée par le groupe d'Alsace :Les nouvelles structures administratives de la région, définies par la loi du 5 juillet 1972 et les décrets du 5 septembre 1973, n'apportent en elles-mêmes aucun changement pour les bibliothèques universitaires, puisque celles-ci appartiennent à des établissements publics dont l'Etat lui-même exerce la tutelle. La mise en place de ces structures donne lieu cependant à une nouvelle prise de conscience du rôle propre des bibliothèques universitaires au sein de la région. La loi d'orientation de l'enseignement supérieur invitait l'Université à « participer au développement social et économique de chaque région » et à « concourir à la formation permanente à l'usage de toutes les catégories de la population (art. 1er) ». Les bibliothèques universitaires remplissent cette mission en ouvrant très largement leurs fonds au public non universitaire, comme le demande expressément le décret de 1970. Les collections déjà constituées dans le domaine des sciences, des techniques, de la vie sociale et culturelle, permettent d'accueillir ces nouvelles catégories de lecteurs. D'autre part, et cette fois à l'intention du public universitaire, les bibliothèques universitaires doivent réunir un fonds de documentation locale pour faciliter et stimuler les études d'intérêt régional. Elles contribuent de la sorte, à leur niveau propre, à réaliser la symbiose de l'Université et de la région. Le problème essentiel reste celui des moyens. Or, l'expérience douloureuse des dernières années montre combien il est difficile d'obtenir des moyens d'action suffisants. On a parfois remarqué que la création des centres universitaires nouveaux aboutit à un saupoudrage des crédits entre des bibliothèques plus nombreuses et qu'une telle dispersion est une cause de pauvreté. Bien que cette remarque soit matériellement fondée, il va de soi qu'il faut développer dans chaque ville universitaire une bibliothèque comportant l'essentiel des collections utiles à la recherche. Mais cette dispersion inévitable de l'effort financier amène à souhaiter qu'au delà de la politique normale d'acquisition, on cherche à constituer de véritables pôles de la documentation, qui permettent au chercheur avancé de ne pas se tourner toujours vers les fonds des bibliothèques parisiennes.

    Aussi paraît-il indispensable d'ériger quelques grandes bibliothèques universitaires en bibliothèques inter-régionales, qui auraient mission de réunir, à l'intention des chercheurs de plusieurs régions voisines, une documentation assez vaste pour répondre à l'ensemble de leurs besoins. Ces bibliothèques recevraient le statut d'établissement public à caractère scientifique et culturel. Leur nombre limité devrait permettre de les doter de moyens exceptionnels, afin de créer en province des pôles documentaires capables de fixer et même d'attirer la recherche. Elles pourraient disposer non seulement d'un fonds particulièrement riche, mais surtout d'un ensemble de services très complet, qui serait à la disposition des chercheurs, universitaires et autres, qui travaillent dans les bibliothèques voisines. A l'égard de celles-ci, les bibliothèques inter-régionales joueraient le rôle de l'auxiliaire efficace qui permet de mener à bien une recherche poussée. Pour un bon fonctionnement du prêt-inter, ou encore pour l'organisation de l'enseignement professionnel, ces établissements donneraient de nouveaux moyens d'action. Il va de soi qu'on ne peut demander au Ministère d'accomplir dans toutes les villes d'université un effort financier aussi complet. Cette création de bibliothèques inter-régionales permettrait de rétablir l'équilibre entre la région parisienne et les autres régions, ce qui correspond aux principes généraux des plans d'équipement. L'ensemble des bibliothques universitaires retrouverait ainsi une importance et une vitalité nouvelles.

    J'ai moi-même exposé les grandes lignes d'un plan de réflexions sur la définition et le rôle des bibliothèques universitaires, première étape du travail de réflexion mené par un groupe de conservateurs parisiens comprenant Mlle Blum, Mlle Dumaître, Mme Du-plessy, M. Guilbaud, M. Hue, Mlle Paul, M. Tuilier.

    Les Missions des bibliothèques d'étude et de recherche :

    La nouvelle structure administrative des B. U., fixée essentiellement par le décret du 23-12-1970, est originale à plus d'un titre.

    C'est d'abord une structure éclatée : conformément à l'esprit de la Loi d'orientation de 1968, la bibliothèque universitaire est liée à son université, et administrée par un conseil élu. Mais c'est aussi une structure coordonnée, qui, afin d'assurer l'utilisation optima des fonds de documentation, recrée, par rapport à la variété fondamentale, l'union et finalement l'unité de nos bibliothèques. Les B.I.U., services communs à plusieurs universités, en sont l'illustration la plus évidente ; mais le sont également la notion de budget propre (indépendant du budget de l'université), le rattachement au Ministère par l'intermédiaire d'un directeur nommé et par le contrôle de l'Inspection générale de la Direction des bibliothèques.

    La coexistence, au niveau de la structure administrative, des principes contraires de décentralisation et de centralisation n'est pas sans poser de graves problèmes, comme les premières années de fonctionnement l'ont montré.

    Afin d'échapper au danger de blocage, il est urgent et indispensable de s'élever du niveau administratif au niveau organique, et de définir une dynamique de nos établissements, que la structure administrative permet sans pouvoir l'assurer par elle-même. D'où le plan de cet exposé :

    STRUCTURES ET DEFINITIONS DES B. U.

    A - Problème de structures

    • 1. Application des textes réglementaires à Paris (B.U. et B.I.U.).
    • 2. Réflexions sur la structure et la définition des missions des B.U. telles qu'elles apparaissent dans les décrets et les statuts ou conventions des bibliothèques.

    B - Définition des organismes de bibliothèque - documentation

    • 1. Besoins et ressources au plan local.
    • 2. Besoins et ressources au plan régional.
    • 3. Besoins et ressources au plan national.

    C - « Le Bibliothécaire : professionnel à part entière de la documentation »

    • 1. Qualifications et formation professionnelle initiale.
    • 2. Formation continue.

    RESUME

    Nouvelles structures et définition des B.U.

    Les nouvelles structures qui favorisent le dialogue entre les professionnels et les utilisateurs peuvent permettre aux bibliothèques, organismes de conservation et de communication de redéfinir les problèmes généraux de l'information et de la documentation, et de mieux s'adapter aux besoins des utilisateurs.

    Si les nouvelles structures, plus conformes, semble-t-il, aux nécessités de la province, s'adaptent mal à Paris, cela est dû essentiellement au fait qu'en ce qui concerne les bibliothèques interuniversitaires des groupements artificiels ont lié administrativement des bibliothèques de caractère et d'importance très divers, et qu'il n'existe pas actuellement de Conseils permettant aux personnels et aux utilisateurs directs de définir en commun le fonctionnement et les orientations scientifiques de chaque bibliothèque.

    Les textes réglementaires et statutaires ont défini dans leurs grandes lignes deux orientations fondamentales pour les BU :

    • - Une mission locale et spécifique vis-à-vis de l'Université ou des universités desservies (missions d'orientation, d'étude, de recherche et d'enseignement, bibliographique et documentaire).
    • - Une mission de réseaux permettant une coordination en fonction des besoins : exploitation de l'ensemble des richesses documentaires, définition et application des méthodes, mise en oeuvre de techniques communes au niveau régional et national.

    Les orientations sont définies, mais on constate qu'il y a distorsion entre les services actuels et les besoins réels : cette distorsion est profondément ressentie par nos utilisateurs, comme l'ont bien fait sentir les critiques sévères sur les BU faites par la conférence des Présidents d'universités. Cela est dû sans doute à une crise actuelle des moyens, mais en même temps aux difficultés d'adaptation des services aux transformations rapides de l'Université ; elle est aussi la manifestation dans l'Université de la crise dénoncée par l'ensemble des professionnels de l'information.

    Pour toutes ces raisons, il nous apparaît évident et urgent qu'il fallait définir le contenu des missions, qui nous sont fixées par les textes, dans la perspective d'une politique d'ensemble de la documentation : la distinction que l'on constate actuellement en France entre les fonctions et les professions des bibliothèques d'une part et des centres de documentation d'autre part est tout à fait dépassée au regard des services que les utilisateurs attendent et sont en droit d'attendre. Il est donc indispensable de passer du niveau adminisratif au niveau organique en cherchant une dynamique des établissements.

    Les difficultés actuelles des BU, si elles limitent les réalisations dans l'immédiat, ne doivent cependant pas nous empêcher de poser les problèmes des finalités des BU et d'examiner quelles pourraient être leurs perspectives à plus long terme, en particulier en vue du 7e plan ; certaines réalisations significatives pouvant être mises en oeuvre plus rapidement.

    Les réalisations souhaitables

    L'inventaire des ressources locales et des besoins permettrait d'établir une carte nationale des spécialités et des personnels spécialisés, en tenant compte d'une part des fonds importants existant, d'autre Dart de l'implantation géographique des centres de recherches. Cet inventaire devrait aboutir à la création de catalogues collectifs généraux pour les besoins de la gestion, et de catalogues spécialisés pour les besoins de la recherche.

    A partir de ces inventaires et de ceux des ressources des autres bibliothèques et centres de documentation de la région seraient créés des réseaux régionaux permettant une certaine répartition des fonds spécialisés, leur exploitation ainsi que le partage des responsabilités scientifiques entre les différents établissements. Il est nécessaire enfin de définir au plan national une organisation d'ensemble des bibliothèques et organismes de documentation. Un essai de planification pourrait retenir les points forts des établissements importants qui seraient alors dotés des moyens nécessaires en crédits et en personnels pour assurer la continuité de cette mission.

    L'organisation des réseaux suppose dans la plupart des cas qu'il soit fait appel aux ressources actuelles de l'informatique documentaire et de gestion et demande que les bibliothécaires prennent part aux recherches menées dans ces domaines.

    D'autre part pour que le dialogue soit possible avec les spécialistes, le bibliothécaire doit avoir un niveau universitaire qui lui permette de s'insérer facilement dans les équipes de recherche.

    Formation universitaire et professionnelle

    L'analyse des besoins tant du point de vue des responsabilités scientifiques que des responsabilités d'administration et de gestion des services fait apparaître la nécessité de donner aux personnels scientifiques un enseignement universitaire et une formation professionnelle de haut niveau (niveau recherche au plan universitaire, niveau de spécialisation pour l'administration, l'automatisation et la documentation).

    La formation continue avec ses possibilités de recyclage peut permettre au bibliothécaire, soit de suivre l'évolution de sa propre discipline, soit de compléter ses connaissances, soit de changer d'orientation.

    La finalité des bibliothèques universitaires est donc, selon notre analyse, dans la création continue de structures documentaires souples, capables de s'adapter aux variétés et aux variations de la matière de la documentation d'une part, des groupes sociaux desservis d'autre part.

    Nos établissements sont par là-même indissolublement liés à l'ensemble des autres bibliothèques et centres de documentation à tous les niveaux local, régional, national, international. Ils doivent s'intégrer au vaste système de communication, de plus en plus complexe, que ce crée, par une nécessité vitale, toute société moderne de type avancé.

    Leur structure administrative nouvelle, quoi qu'imparfaite, est nettement mieux adaptée à ces buts que l'ancienne. Il sera nécessaire de l'améliorer, mais surtout, il sera essentiel de la faire vivre. Les bibliothèques ne peuvent plus être passives, se contentant de recevoir des livres et des lecteurs ; elles doivent devenir actives, mettant continuellement en contact les documents et les utilisateurs, les idées et les hommes, par le tissage de réseaux sans cesse plus larges et plus affinés.

    C'est pourquoi nous avons vu apparaître, au-delà des structures administratives et des structures documentaires, le rôle primordial des personnels chargés de les mettre en oeuvre. De là toute l'importance de la formation professionnelle

    Ce que nous demandons au bibliothécaire - qui doit être un professionnel à part entière de la documentation - dans les domaines de la spécialisation scientifique, de la technique documentaire, de la gestion administrative, peut paraître ambitieux et quelque peu technocratique. Mais il doit être possible, et c'est là le plus actuel des débats, d'insérer efficacement nos bibliothèques dans la vie moderne, tout en conservant et même en améliorant l'acquis des statuts des personnels.

    Si Mac Luhan a certainement tort d'attribuer à Gutenberg la « schizophrénie » de nos sociétés et de nos attitudes mentales, il a sûrement raison de la dénoncer, et de poser les problèmes non plus en termes d'opposition - ceci ou cela - mais en termes de conjonction - ceci et cela. Il est vital pour notre profession - qui a pour tâche spécifique de créer des liens - de trouver pour elle-même ses liaisons et ses solutions. Son attitude, face à l'avenir, doit être résolument structuraliste, c'est-à-dire qu'elle doit s'efforcer de saisir le réel, sous tous les aspects qui la concernent (documentaire, administratif, social) grâce à une anticipation constante par l'imaginaire.

    A la suite de ces trois exposés, une brève discussion a été engagée. Elle portait tout d'abord sur l'opportunité de proposer un plan ambitieux à une période où l'insuffisance des moyens rend difficile toutes réalisations pratiques.

    Est-ce utopique ou cela donne-t-il des chances d'obtenir plus d'audience, donc plus de crédits ?, certaines réalisations pouvant d'ailleurs être échelonnées dans le temps et pouvant même permettre des économies : l'organisation de réseaux éviterait gaspillage d'argent et de temps.

    Les représentants des bibliothèques spécialisées ont insisté sur l'intérêt de la coordination, plus particulièrement sur la création de réseaux verticaux par spécialités (réseaux sectoriels). Leurs interventions ont provoqué un rapide échange de vues sur les possibilités de travail documentaire dans les bibliothèques universitaires, par rapport au travail effectué dans les centres spécialisés. Cette discussion a été poursuivie dans la réunion de la Section des bibliothèques spécialisées.

    Enfin, à propos de la nécessité de rehausser l'image de marque du bibliothécaire, une discussion assez vive s'est instaurée sur l'obligation pour le bibliothécaire d'être d'un niveau universitaire élevé dans la discipline dont il est chargé à la bibliothèque pour ses travaux de constitution et d'exploitation des fonds scientifique et de recherche, étant entendu que cela ne serait possible dans un premier temps que dans les bibliothèques importantes par leur rôle national ou régional, voire interrégional, comme le propose le Groupe d'Alsace.

    Nous sommes bien conscients que l'affectation dans un poste selon la spécialité universitaire soulève des difficultés d'ordre pratique, mais une planification liée à l'augmentation des effectifs devrait permettre de surmonter ces difficultés.

    En conclusion, l'importance donnée dans les différents secteurs (Bibliothèques de lecture publique, Bibliothèque nationale, Bibliothèques universitaires, Bibliothèques spécialisées) au cours des exposés et des discussions, au problème de la coordination de tous les organismes documentaires (bibliothèques et centres de documentation spécialisés) et au problème de la formation universitaire et professionnelle montre quel devrait être le rôle moteur et coordinateu: de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique.

    1. Voir aussi dans « Vie de l'Association », pp. 194 et 195. retour au texte