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    Groupe de Lorraine

    Réunion du 27 janvier 1975 à Nancy


    Les quelques 70 bibliothécaires lorrains réunis dans une salle de l'hôtel de Ville place Stanislas (Salle Chepfer) ont entendu le matin une conférence de M. Gérard Thirion, conservateur en chef de la Bibliothèque interuniversitaire de Nancy, qui étudiait la situation des bibliothèques universitaires françaises et particulièrement celle de Nancy. Dans un exposé très chiffré et par le fait très riche de renseignements, M. Thirion reprenait les thèmes du Livre Noir des Bibliothèques d'Universités en les réactualisant à 1975. Ainsi il traduisit l'action de la Direction des bibliothèques en comparant la stagnation évidente avant 1950 à l'évolution qui a suivi, notamment jusqu'en 1970. De 1890 à 1950, il n'y a pas eu pratiquement de construction de bibliothèques et les instructions de 1878 restaient en vigueur sans modification. Nancy a bénéficié d'un régime d'exception : après l'incendie de la B.U. en 1918, les autorités universitaires ont ouvert une section de médecine en 1934, tandis qu'on construisait l'actuelle Bibliothèque centrale inaugurée par le Président Lebrun en 1937. Nancy était donc en pointe. La Direction des bibliothèques, en dehors d'autres réformes (statuts des sous-bibliothécaires, des magasiniers, catalogue de thèses, répertoires collectifs, etc.), a repensé la construction en établissant les B.U. sur deux niveaux, dont l'un avec accès libre aux rayons des secteurs spécialisés ; par ailleurs, les bibliothèques sont établies dans le cadre des anciennes facultés (droit, sciences, lettres...). 92 bibliothèques ont été bâties en 15 ans environ, au rythme d'environ 30.000 m- par an. Cependant, par suite de l'accroissement du nombre des étudiants, la surface consacrée à chacun reste trop restreinte : 0,90 m- en province, moins de 0,50 m- à Paris.

    Le conférencier analyse ensuite les effets de 1968, et en particulier le décret du 23 décembre 1970 qui transforme les pouvoirs des directeurs de B.U. et institue un Conseil de bibliothèque. On constate que, dans les 17 B.U. existant avant 1960, tous les directeurs ont été remplacés de 1969 à 1974 et que les effectifs d'étudiants ont augmenté d'au moins 50%, tandis que le personnel a augmenté de moins de 20%. Par ailleurs, l'inflation a tué les effets de l'augmentation des crédits et même les charges (notamment de chauffage) se sont beaucoup accrues. Résultat : en 1969, une B.U. dépensait 32 F par étudiant, en 1973, 31,80 F, ce qui équivaut à une baisse d'au moins 1/3 en pouvoir d'achat.

    Enfin, M. Thirion attire l'attention sur les problèmes d'aujourd'hui et de demain dans un exposé documenté et chiffré. En résumé, il y a le problème des périodiques (53.000 titres pour toutes les B.U. en France, chiffre très faible), celui du prêt interuniversitaire qui a besoin d'être accéléré (Télex), celui de la reliure qu'on réduit à presque rien par manque de crédits, celui de la concurrence entre U.E.R. et B.U., les U.E.R. ayant des possibilités d'achat bien supérieures aux B.U. Un colloque doit se réunir au printemps et faire un plan de restauration : il y aura vraisemblablement une restructuration de la Direction des bibliothèques, un plan d'intégration avec les bibliothèques d'instituts, création de bibliothèques d'U.E.R. et peut-être de bibliothèques régionales.

    Evidemment un sujet pareil ne pouvait que provoquer un afflux de questions de la part des auditeurs. On a évoqué une comparaison avec l'Allemagne où une harmonisation entre Bibliothèques jentrales et Bibliothèques d'Instituts est déjà pratiquée. Y aura-t-il aussi harmonisation avec les bibliothèques publiques et municipales ? On prévoit une loi sur les bibliothèques publiques, mais il ne semble pas qu'on se rapproche d'une fusion ou d'une confusion avec les unoiversitaires.

    Dans l'après-midi, après un repas en commun, le sujet était tout autre. M. Marc Lefèvre, chef de section à la Bibliothèque royale de Bruxelles et directeur de la Bibliographie nationale belge, venait entretenir les bibliothécaires lorrains des problèmes de l'édition belge. Dans une salle voisine en effet était ouverte une exposition de livres belges, qui dura du 25 janvier au 9 février, tous livres de langue française. M. Lefèvre analysa les problèmes belges en détail. En matière d'édition, il y a présentement 27 maisons centenaires et 2 bi-centenaires et de nombreux éditeurs occasionnels ; 3 éditeurs drainent 31 % du chiffre d'affaires national ; 38 % sont à Bruxelles, 12 % en Wallonie et 45 % en Flandres. Le principal problème est celui de l'exportation, notamment vers la France (3/5 de l'édition), ce qui a donné naissance à des maisons franco-belges. En ce moment, l'inflation provoque une crise de mévente

    Pour ce qui concerne le livre, on connaît les statistiques de 1973 ; sur 8.953 titres, 5.180 sont en néerlandais, 3.621 en français. Les spécialités belges sont le livre de noche où Marabout fut pionnier, le livre d'art surtout pour la qualité de l'illustration, le livre de prières (pour mémoire) et surtout maintenant la bande dessinée destinée avant tout aux jeunes, c'est-à-dire traditionnelle et aux héros sans défauts.

    M. Lefèvre envisage la diffusion du livre à partir du service de la bibliographie nationale qu'il connaît bien. Les numéros d'ISBN et d'ISSN sont bien plus largement répandus qu'en France et la bibliographie de Belgique est sur la voie de l'automatisation. On considère que 52,8 % des personnes ne vont jamais dans les bibliothèques ; 32 % sont amenés au livre par un ami, 10,5 % par la télévision et 16 % par la radio. En gros, la lecture croît jusqu'à l'âge de 12 ans, puis il y a un trou et elle reprend à partir de 18 ans. Les hommes lisent de plus en plus à partir de 30 ans. 53 % seulement des vacanciers avaient lu pendant leurs vacances et ce sont surtout des femmes. De toutes façons, les services de lecture sont tels que quiconque peut y accéder facilement.

    A la suite de cet exposé remarquable, des questions furent posées sur l'ISBN, sur la datation des livres belges (dont la datation régulière est récente) et sur le peu d'adaptation des livres scientifiques belges au marché français. Mais rapidement les bibliothécaires se dirigèrent vers la très belle exposition de l'édition belge de langue française de la salle voisine, où un catalogue gratuit était distribué et où chacun pouvait feuilleter les livres à loisir. Il y a là des découvertes à faire en particulier en matière de livres d'art et de livres pour enfants ; ce comptoir était d'ailleurs couronné par des dessins originaux de Hergé dont on voyait la transformation jusqu'au stade de l'impression. Cette exposition, constituée dans le cadre d'un accord culturel franco-belge, est itinérante et pourra être vue dans plus de vingt grandes villes françaises.