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Voyage à Londres et Conférence sur les périodiques d'Art : 6-11 avril 1976

1976
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    Voyage à Londres et Conférence sur les périodiques d'Art : 6-11 avril 1976

    Par Annie Rabant

    A l'occasion d'une conférence internationale sur les périodiques d'art organisée par ARLIS Grande Bretagne et ARLIS/NA, la sous-section a passé une semaine à Londres et Brighton.

    Le programme comptait deux parties distinctes : les 6, 7 et 8 avril au matin, nous avons visité des biblothèques d'art à Londres, et du 8 au 11 avril inclus, nous avons participé à la conférence sur les périodiques.

    Environ 25 bibliothécaires ont pris part à ce voyage. Le mot « environ » peut sembler curieux, mais certains n'ayant suivi que la première partie du programme, les autres la seconde, d'autres encore la moitié de chacune des activités, il est très difficile de donner un chiffre valable.

    Notre collègue anglais Trevor Fawcett avait préparé pour nous un programme extrêmement intéressant.

    La première visite a été celle de l'Institut Courtauld (Courtauld Institute of Art) fondé en 1931. Mr Michael Doran, présenta la bibliothèque, en accès libre, ouverte aux chercheurs, aux étudiants avancés, et aux professeurs. Le bâtiment lui-même offre un intérêt, car il a conservé sa décoration d'origine (1770) dûe à Robert Adam. C'est la seule maison de Portman Square, qui a été épargnée par les bombardements.

    80.000 volumes, y compris les brochures essentiellement en anglais, italien et français sont rangés selon la classification du Congrès, avec quelques adaptations apportées pour les besoins précis de cette bibliothèque. Un catalogue-auteurs, un catalogue-systématique et un catalogue-matières limité aux noms d'artistes aident le chercheur.

    La bibliothèque possède 150 périodiques avec dépouillement sur fiches manuscrites commencé en 1935. Le classement est celui de la bibliothèque du Congrès. L'Institut possède en outre 20.000 catalogues d'expositions dont les plus anciens remontent au XVIIIe siècle, et sont classés sur rayons par pays, villes et dates. Distincte de cette bibliothèque figurent deux collections de documentation iconographique :

    - Mr Christopher Wright, présenta la collection Witt. Cet avocat, Mr Witt, rassembla au début du siècle des reproductions photographiques qu'il mit à la disposition du grand public en 1951, par testament. Le classement d'origine par Ecoles et par artistes a été conservé. La collection s'enrichit constamment de photographies originales, de coupures de catalogues de ventes et d'expositions et dépasse aujourd'hui le million de documents, ce qui en fait une des premières collections iconographiques du monde.

    La collection Conway conserve la documentation iconographique pour tous les autres arts : sculpture, boiserie, luminaire, etc..

    L'après-midi, M. Libota et ses collègues, nous reçurent à l'lnstitut Warburg. La bibliothèque créée par Aby Warburg, historien d'art spécialiste de la Renaissance italienne à Hambourg, a été transférée à Londres dès 1934 grâce à des mécènes. 200.000 volumes en accès libre sont rangés sur 4 étages, selon une classification alpha-numérique originale représentée au dos des volumes par des bandes de couleurs. Le fonds comporte une documentation sur l'art, l'archéologie, la littérature, la religion, l'histoire des sciences et des philosophies, l'histoire politique et sociale.

    Le but de cette collection est de mettre en évidence la pérennité des thèmes antiques dans la civilisation de l'Europe occidentale. Une collection iconographique que nous a présenté Michael Evans complète la collection des livres. Elle est classée dans des tiroirs selon un ordre méthodique. Elle est une source iconographique précieuse et bien connue des historiens de l'art.

    Le mercredi 7 avril, nous avons été accueillis par Miss Williams dans la section d'art de la bibliothèque de référence de Westminster.

    25.000 volumes, 3.000 périodiques (dont certains considérés comme des usuels), 15.000 diapositives sont disponibles pour le prêt. La collection de diapositives ne concerne que la peinture. Elle est rangée par noms d'artistes dans des classeurs à dossiers suspendus, dans des planches tranparentes comportant 25 diapositives. Cette méthode de conservation est intéressante par son peu d'encombrement.

    La bibliothèque possède encore une collection de 3.000 affiches modernes et quelques dossiers iconographiques classés par artistes et par sujets. Pour l'instant, l'accès aux rayons a été supprimé en raison des vols trop nombreux. Mais il va être incessamment rétabli, quand les livres auront été équipés du système de contrôle 3 M (bandes magnétiques) qui est utilisé dans les autres sections de la bibliothèque.

    L'après-midi a été consacré à une visite d'un tout autre type, celle de la Royal Academy of arts, installée dans Burlington House à Picadilly, avec d'autres associations telles que la Geological Society et la Society of Antiquaris (fondée en 1768). Elle possède une collection de 15.000 volumes sur l'art de l'antiquité et de l'époque classique. Son accroissement s'est beaucoup ralenti car les dons des membres de l'Académie se font rares. Actuellement, le budget actuel est de £ 200.

    Le premier catalogue de la bibliothèque par Thomas Stothard était illustré de dessins et écrit à la main, le premier catalogue imprimé date de 1802.

    Il faut noter, dans cette bibliothèque, des manuscrits - notamment des lettres d'artistes - et quelques incunables, des livres d'anatomie, de magnifiques reliures.

    Miss Parker, nous avait sorti les trésors de la bibliothèque et nous avons pu feuilleter et admirer les pièces les plus belles de sa collection.

    La journée se termina par une réception à la bibliothèque du Royal College of Art, où pour la première fois des bibliothécaires français ont rencontré leurs collègues américains d'ARLIS/NA.

    Cette bibliothèque s'intéresse tout particulièrement è l'art décoratif. Les livres sont classés suivant un ordre systématique. Mr Hans Brill, qui nous a fait les honneurs de sa maison nous a expliqué que l'absence d'étiquettes au dos des volumes contribuait à donner aux lecteurs l'impression de se sentir dans une bibliothèque privée. Les lecteurs sont d'ailleurs peu nombreux, 80 environ, « étudiants avancés » en histoire de l'art.

    Enfin, la dernière visite a eu lieu le jeudi matin. Elle a été consacrée à la National Art Library, Victoria and Albert Museum.

    Miss Whalley nous a reçus d'abord dans son bureau pour nous explique ren détail les problèmes de cette importante collection de 500.000 volumes constituée par moitié de livres étrangers et surtout orientée vers l'art décoratif.

    Les livres sont rangés sur les rayons par format et numéros d'entrée. Etant donné qu'il n'y a pas d'accès libre aux rayons, la bibliothèque possède en plus du fichierauteurs, un fichier analytique, qu'on rencontre très rarement dans les bibliothèques anglaises.

    Il est constitué par des notices collées très légèrement sur des registres à feuillets mobiles. Les remaniements sont rendus nécessaires par l'insertion de nouvelles notices. Le système de registre a pour le lecteur de grands avantages puisqu'il permet de prendre connaissance très rapidement de tout ce que la bibliothèque possède sur un même sujet. Un des gros inconvénients de ce catalogue est que les cotes n'y figurent pas.

    En effet, les cotes liées au rangement sur rayons sont sujettes à des modifications et ne sont portées que sur le catalogue-auteurs. Les disciplines couvertes débordent les domaines auxquels est consacré le musée lui-même.

    Outre l'histoire de l'art, l'histoire sociale, l'histoire culturelle, l'ethnographie, figurent dans la collection. Ajoutons une des plus importantes collections de catalogues de ventes : Sotheby, Christie, Parke-Bernet, en série complète depuis l'origine. Une collection de 20.000 livres d'enfants est recensée grâce à un fichier auteurs et à un catalogue par titres. Il faut encore citer le fonds «Harrod», consacré aux livres illustrés de l'époque victorienne, le fonds Clements (reliures armoriées), des manuscrits à peintures.

    Quelques acharnés se firent annoncer à la National Slide Art Library : Collection de 95.000 diapositives réservées au personnel enseignant.

    Les diapositives sont rangées dans 3 fichiers tournants qui peuvent contenir chacun 40.000 diapositives. 3 personnes sont occupées à longueur de journées à sortir et à reclasser les diapositives dans les fichiers. Le prêt se fait par la poste dans des boîtes dont nous avons admiré la solidité. Un catalogue sur fiches souples comportant un tirage en noir sur papier relié par volumes est à la disposition du chercheur ainsi que des catalogues imprimés par sujets, « Furniture Woodwork and Interior decoration British Isles » de 178 pages. Mlle Caroline Harden, responsable de ce service a bien voulu répondre à toutes nos très nombreuses questions, car aucun service de ce genre à ma connaissance n'existe en France. Malheureusement, la visite a dû être écourtée puisque la conférence s'ouvrait à 14 h.

    Le groupe de Français et 2 ou 3 représentants du Danemark, de la Suède, de l'Allemagne, de la Suisse, de l'Australie, du Nigéria s'étaient joints au groupe ARLIS/ Grande Bretagne (60 participants environ) et ARLIS/NA (32 participants).

    Cette session consacrée aux périodiques d'art débuta dans le Théâtre du British Museum par deux exposés très nourris, illustrés par des diapositives qui préparaient à la visite de l'exposition sur les périodiques. Mr Fawcett, Secrétaire d'ARLIS-Grande-Bretagne nous a parlé des périodiques du début du XIXe siècle. M. Clive Phillpot, bibliothécaire de Chelsea School of Art, nous a entretenus des périodiques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Ce dernier exposé a fait connaître à certains d'entre nous des revues très confidentielles qu'on trouve difficilement dans les bibliothèqus. Par exemple : Der Sturm, Lacerba, Blast, Cabaret Voltaire, 291.

    En une heure, nous avons hâtivement pris connaissance de l'excellente exposition consacrée à l'évolution des périodiques d'art. Des panneaux reproduisant les couvertures les plus anciennes, les portraits des directeurs les plus illustres montraient les différentes tendances de ces revues jusqu'à nos jours.

    Un catalogue a été publié à l'occasion de cette présentation. Souhaitons que cette exposition puisse être accueillie aussi à Paris.

    L'ensemble du groupe s'est ensuite rendu à l'Université de Sussex à Brighton où se tenait le Congrès, préparé matériellement par Mr Hunnisett, bien connu de nous, puisque sa thèse porte sur les bibliothèques d'art françaises, et par Mr Coulson, trésorier d'ARLIS.

    Le vendredi 9 avril Mr. Freitag a fait un très long exposé bien documenté sur les acquisitions des périodiques. Il a essayé de définir les périodiques d'art, la place qu'ils occupent (2,7%) dans la production générale. Il a aussi tenté d'établir ce que devrait être une collection de périodiques d'art. Il serait très nécessaire que Mr Freitag publie le texte de sa communication.

    Miss Jasia Reichardt a exposé d'une manière très dynamique le rôle des magasines comme source d'information sur l'art contemporain. Critique d'art elle-même, elle a insisté sur les difficultés de l'objectivité. Elle considère que les meilleurs témoignages sont les interview d'artstes et les interview des personnes qui les connaissent. Les articles écrits par les artistes eux-mêmes et les commentaires des journalistes sont quelquefois des reportages désastreux. Jasia Reichardt a voulu nous donner un aperçu de ce qu'elle considérait comme le périodique idéal pour refléter l'art contemporain.

    L'après-midi, le groupe se dispersa en séminaires de travail portant sur plusieurs sujets.

    Mr Bourne, de la British Library, dirigeait le débat sur le contrôle bibliographique des périodiques. Il exposa les avantages de l'ISSN (International Standar Serials Number) qui offre la possibilité d'identifier un périodique.

    Mr Rinehart, responsable du RILA (Répertoire International de littérature d'art) a expliqué le fonctionnement de ce nouveau répertoire dont le premier numéro doit paraître en juin 1976. Une fois de plus la difficulté de recenser des informations a été évoquée (thèses par exemple).

    Un autre groupe s'est intéressé aux premiers périodiques d'art. Une liste très utile a été distribuée aux participants.

    Une quatrième commission, dirigée par l'artiste J.A. Walker s'est penchée sur le problème des relations entre la création artistique contemporaine et les périodiques.

    Le cinquième groupe s'est occupé des « comics ».

    Le sixième séminaire a parlé des petits périodiques éphémères et clandestins dont les collections n'existent que grâce à des collectionneurs passionnés.

    Le septième groupe étudia les périodiques d'art décoratif (Art et décoration, Die Flache, Ver Sacrum...) à l'aide de projection de diapositives. La discussion a montré l'influence des artistes de renom qui illustraient ces revues, sur l'art décoratif.

    Enfin les huitième et neuvième groupes discutèrent du problème de la conservation matérielle des revues, des microfilms, microfiches et reprints.

    La parole fut donnée le deuxième jour aux éditeurs de revues et aux artistes. Le rédacteur de Studio International et un représentant de Flash Art exposèrent leur point de vue. Le premier reprit un manifeste publié dans sa revue sur les périodiques d'art. Il faut éviter, selon lui, d'être inféodé à des galeries, se méfier de l'enthousiasme qu'on peut avoir et faire cas des informations d'avant garde. Il envisage de choisir un thème pour chacun de ses numéros.

    A travers Flash Art il a surtout été question des difficultés économiques des revues. Le point essentiel semble être le circuit de distribution. Comment joindre les bibliothèques concernées ? AIRLIS newsletter pourrait effectivement être d'un intérêt capital pour ces revues.

    Plusieurs artistes avaient été invités pour discuter ouvertement de leurs rapports avec les périodiques d'art. Ils ont contesté l'existence même de ces périodiques d'art dont les « textes sont orientés ». Ils recherchent l'objectivité, et seul un catalogue de reproduction pourrait la donner. On leur a fait observer que cela supposerait une sélection et avec ou sans texte, l'objectivité ne serait qu'imparfaitement atteinte.

    Le samedi matin 10 avril fut consacré au projet de créer un ARLIS International. Mr Fawcett donna l'exemple de l'AIBM (Association Internationale des Bibliothèques Musicales) fondé en 1951 et a mis en évidence les problèmes auxquels se heurtent de telles associations (langue, politique, coût de l'organisation des congrès, publications, etc...).

    Mme Viaux insista sur le fait qu'ARLIS International devrait participer aux travaux de la F.I.A.B. Elle rappela brièvement les grandes étapes de cet ancêtre de la Société internationale de bibliothécaires, et mentionna les travaux essentiels en cours : ISBD (G) ISBD (M), ISBD (S).

    Elle informa l'assemblée que dans les nouveaux statuts de la F.I.A.B. qui seront sans doute approuvés à la conférence de Lausanne en août 1976, il est prévu un statut consultatif pour « les sociétés internationales ou multi-nationales qui s'intéressent à un ou plusieurs aspects des bibliothèques et de la bibliothéconomie » (Art. 3A1).

    Mrs Dwyer exposa les difficultés d'une association de bibliothécaires d'art au Canada en raison de l'immensité du pays.

    Mlle Hoffberg a conclu la séance en donnant la lecture du projet des statuts d'ARLIS International.

    Les 9 points de l'article 2 des statuts définissent l'objet de la création de cette nouvelle association :

    • 1) Renforcer les liens de coopération entre bibliothèques d'art.
    • 2) Constituer une organisation internationale représentative chargée de stimuler et coordonner toutes les activités de ces bibliothèques.
    • 3) Etudier au niveau national et international et faciliter la réalisation de tous les projets concernant la bibliothéconomie d'art.
    • 4) Eucourager au niveau international et sur des bases prééxistantes, l'échange et le prêt de tous les documents en rapport avec les arts visuels.
    • 5) Stimuler par tous les moyens l'inventaire rapide de toutes les collections qui ne sont pas encore inventoriées ni classifiées afin de les rendre accessibles aux chercheurs
    • 6) Coopérer afin de conserver, protéger et éviter les risques de toutes sortes pour préserver l'héritage de l'humanité dans le domaine des arts visuels et des archives d'art.
    • 7) Coopérer avec d'autres organisations nationales et internationales dans les domaines de l'art, l'histoire de l'art, la documentation et la bibliothéconomie.
    • 8) Se réunir périodiquement aux congrès internationaux des bibliothécaires d'art.
    • 9) La société poursuit exclusivement et directement des buts présentant un intérêt public.

    Une vive discussion a suivi son exposé. Il en résulte qu'il ne semble pas que la création de ARLIS International puisse être décidé dans l'immédiat, pour l'année à venir. Il sera seulement créé un Comité permanent.

    Après 6 jours de travail, nous avons bénéficié de quelques heures de détente à Brighton. Un temps magnifique incitait les Anglais à prendre des bains de soleil sur la plage. Nous avons été plus sérieux, nous avons visité le musée.

    Une collection de meubles modern' style, dans laquelle figurent des pièces intéressantes de Majorelle, De Feure, Rulhman, et des meubles recouverts de peau d'antilopes et de chèvres nous a paru plein d'intérêt.

    Le musée présente aussi la vie à Brighton au XIXe siècle et au début du XXe : costumes, coquillages, objets divers animent d'amusants documents graphiques. Le musée expose aussi d'une façon originale une belle collection de céramiques. Les pièces sont groupées par thèmes : vin, ferme, guerre... Ainsi peut-on voir des bibles en porcelaine servant de pichets.

    Le clou du congrès restera la visite du Pavillon royal. Etonnante construction d'un style oriental fantaisiste créé par Georges IV (1762-1830) lorsque Prince de Galles puis régent, il tentait d'échapper à la pesante vie de la cour.

    La structure du pavillon est dûe à l'architecte bien connu John Nash (1752-1835).

    Cette construction des premières années du XIXe siècle a été sauvée de la destruction par les habitants de Brighton qui l'ont acheté à la Reine Victoria et l'ont restauré sous la direction de Clifford Musgrave. La visite s'est terminée par l'immense cuisine où officiait le célèbre Careme (1816), et par un cocktail offert aux congressistes par le Maire et son épouse.

    La présence d'un groupe de bibliothécaires français à Londres et à Brighton a été extrêmement utile.

    Sans cet effort de la Sous-Section, les problèmes de la création d'un ARLIS International aurait été débattus sans notre avis.

    Les bibliothécaires français seront représentés dans le comité permanent d'ARLIS, aussi bien que dans le comité de rédaction Art Libraries Journal, dont le premier numéro a paru au moment de la conférence.

    Ajoutons que les frais occasionnés par cette semaine de séjour en Angleterre ont été à la charge de la majorité des participants. Si nous voulons poursuivre cet effort, il sera indispensable que nos organismes de tutelle respectifs veuillent bien nous accorder quelques frais de mission.