Au centre du débat de la commission se trouve le projet d'une bibliothèque nationale de prêt. Pour quoi faire et pour qui ? Plusieurs thèses étaient en présence en fonction des situations caractéristiques : les bibliothèques parisiennes, dans leur ensemble, sont en position d'offre, elles font du prêt « actif » surtout dans les disciplines scientifiques et médicales où la province, emprunteuse, est en position de demande : c'est le cas de toutes les BU (par exemple à Nancy). Dans les domaines littéraires et juridiques les bibliothèques anciennes (« vielles » BU et BMC) offrent. Les jeunes BU sont en position générale de demande.
La création au Mans d'un centre national de prêt, dont on a pu croire qu'il rêverait d'égaler l'opulente B.L.L.D. (British Library Lending Division), a donc suscité les réactions suivantes :
Après cette présentation des thèses en présence, la mise au point que distribue M. Nortier permet de trouver une plate-forme commune. Il n'est pas question de viser les objectifs que la B.L.L.D. atteint grâce à un équipement énorme, restant en voie d'expansion après le départ de M. Urqhardt : 20 hectares, 72 miles de rayons (qui seront remplis en 1977), un budget de 4 millions de livres sterling (dont un quart provient de la vente des formulaires de demande), 550 personnes employées, plus tard 1.000. Mais il faut en retenir la gestion matérielle, une chaîne continue du circuit, de l'arrivée de la demande à l'envoi du volume.
Le C.N.P. (centre national de prêt, tel est son nom) doit servir aux demandes venant de France comme de l'étranger (qui cherche la documentation française spécialisée) ; à long terme la bibliothèque nationale de prêt de chaque pays doit être à même de fournir sa production nationale, dans une perspective tablant sur le maintien des politiques de prêt des différents pays, mais dès à présent nous devons avoir une conception à l'échelle européenne. Dans ces perspectives, le C.N.P. serait un élément nouveau, non pas supplémentaire mais complémentaire, assurant une rapidité d'exécution qui justifierait l'extension de ses missions.
Sans attendre la mise en activité complète du C.N.P., la commission a rappelé des améliorations possibles sans délai du système de prêt existant, préconisées à plusieurs reprises depuis le congrès de Toulouse tenu sur ce sujet en 1970 :
Sur le C.N.P. les points dégagés par M. Nortier ont recueilli l'assentiment de la commission.
Le C.N.P. n'a pas l'ambition de détenir le monopole du prêt interbibliothèques, et au regret de ceux qui sont toujours en position de demande, ne peut prétendre être la bibliothèaue obligée de première intervention, mais il pourrait être le recours privilégié dans les domaines où il aurait vocation d'amasser des collections exhaustives, même si actuellement la presque totalité des ouvrages français utiles aux B.U est disponible.
Le C.N.P. ne supprime en aucune façon la coopération directe facilitée par les catalogues collectifs auxquels bien entendu il participera.
Le C.N.P. devra avoir une organisation permettant de satisfaire rapidement les demandes le concernant. De 15 actuellement, l'effectif pourrait en 10 ans passer à 100 personnes. 250.000 demandes annuelles seraient alors traitées au lieu de 25.000, soit la moitié du trafic national actuel (C.N.R.S. : 237.000 en 1974). L'économie serait appréciable si l'on songe que le traitement d'une demande a été évalué par la B.U. de Nancy à 2 heures de travail.
Dans le domaine français, le C.N.P. s'attachera particulièrement à rassembler les ouvrages de la production à venir qui sont difficiles d'accès ou très coûteux, pour aider les bibliothèques françaises les moins bien pourvues ainsi que les bibliothèques étrangères qui cherchent la documentation française spécialisée. Depuis 1956 la B.N.P.- C.N.P. a choisi dans les entrées du Dépôt légal les périodiques que l'on peut s'attendre à voir consulter, certains acquérant un intérêt inattendu lors de leur naissance. Mais le C.N.P. ne s'oblige pas à tout prendre puisqu'il gardera une antenne auprès de la Bibliothèque nationale, à l'instar de la B.L.L.D. faisant appel en cas de besoin aux collections de la division de référence de la British Library et pour les demandes marginales même, grâce aux catalogues collectifs, à quelques grandes bibliothèques britanniques générales ou spécialisées.
Constatant que les positions diverses ne parvenaient pas encore à une harmonisation parfaite des points de vue, le rapporteur a intégré les remarques échangées dans un système pragmatique.
Le but reste de localiser rapidement l'endroit où une demande peut être satisfaite. Par le dépôt légal, le C.N.P. est en mesure d'amasser automatiquement les monographies françaises à paraître, mais cette catégorie de documents ne pose pas de problèmes importants pour l'amélioration du prêt en France.
Ce sont les périodiques étrangers des domaines scientifiques (80 % du trafic) qui forment les besoins les plus urgents et les lacunes les mieux connues (enquêtes universitaires sur les suppressions d'abonnement aux périodiques médicaux) : le C.N.P. doit immédiatement prendre le relai des abonnements aux titres disparus, en attendant la reprise normale des abonnements par toutes les bibliothèques qui en ont besoin. Le groupe de travail tout récemment créé autour de M. Archimbaud peut sans retard apporter son concours à cette opération.
Ce cas précis des périodiques médicaux doit constituer la mise à l'épreuve du C.N.P. constituant ainsi un fonds d'intérêt national.
La détermination d'autres disciplines suivrait au fur et à mesure, telle la psychologie dont une liste des périodiques essentiels est en préparation par la Maison des sciences humaines.
Mais pour rejoindre les fortes préoccupations exprimées depuis quelque temps la solution choisie varierait dans chaque cas :
Cette organisation nuancée doit être l'oeuvre d'une commission créée par l'administration et donner lieu à la publication à intervalles rapprochés (annuels) d'un bref guide de l'orientation des demandes, par discipline. Elle éviterait ainsi l'extension arbitraire des missions du C.N.P. dès lors qu'une bibliothèque existante est volontaire pour jouer le rôle.
Dans ces perspectives, le C.N.P. acquerra les ouvrages en français publiés hors de France, notamment en Afrique francophone.
Parallèlement à cette mise en place progressive, le C.N.P. accueille dès à présent les collections peu consultées dont les bibliothèques désirent se débarrasser pour gagner de la place. Ce don peut n'être qu'un simple dépôt, révocable, si la condition juridique du fonds considéré l'exige. Cette dernière modalité est possible pour d'autres bibliothèques, comme les bibliothèques d'instituts et laboratoires, si la B.U. locale ne peut ou ne veut recueillir elle-même ces ouvrages. On évitera que cet abandon d'ouvrages jugés superflus accumule au C.N.P. des doubles, triples ou quadruples exemplaires d'ouvrages rarement consultés, par la diffusion aux bibliothèques de listes d'offres, comme le fait la B.L.L.D. (En France les bibliothèques universitaires, la bibliothèque municipale de Douai, en usent déjà ainsi).
En sens inverse, les bibliothèques peuvent envoyer au C.N.P. des listes d'ouvrages recherchés, (tomes manquants, ouvrages locaux disparus, etc.).
Pour éviter l'image d'un cimetière ou la résurrection des livres est sujette à une intermittente évocation des morts, à distance, une salle de lecture est prévue (comme à Boston-Spa). Cette commodité du C.N.P. ne sera pas spécieuse, du moins dans les domaines littéraires et juridiques, représentés par des collèges universitaires au Mans.
Sur les modalités de la communication le rapport préalable mentionnait l'importance des catalogues collectifs, objet de la commission n° 3 ; la question a néanmoins été abordée à propos du C.C.O.E. : il apparait qu'il n'y aurait pas d'inconvénient à supprimer l'échelon régional prévu pour le C.C.O.E. dans les « vieilles » B.U. car l'expérience montre que toutes les demandes d'ouvrages étrangers récents sont envoyées automatiquement au C.C.O.E., preuve qu'un établissement national actif est seul nécessaire s'il est efficace. Dans ces conditions, les bibliothèques pourraient aussi bien envoyer directement à Paris la fiche désormais unique des acquisitions étrangères. Au demeurant la suite du C.C.O.E. sera à moyen terme couverte par le CAPAR. Il a été vivement souhaité que la parution d'un IPPEC complet soit plus fréquent.
Le rapport préalable posait le problème du choix entre télex et télécopie.
Dans l'état actuel le prix de revient de la télécopie étant en moyenne vingt fois plus élevé que la photocopie, il n'y a pas lieu de vouloir créer ces équipements dont l'installation est déjà très coûteuse. Si le progrès de la technique réussit à obtenir une prise de vue, et une transmission véritablement instantanées, cette pratique deviendra alors tout à fait recommandable.
Quant au télex, l'état actuel du prêt-interbibliothèque montre que la transmission postale des demandes ne joue aucun rôle dans les délais de satisfaction. Ce n'est que dans des cas limités, très particuliers, qu'un équipement en télex se révèle rentable, du moins pour le prêt. On a cité à cet égard le succès de la liaison par télex entre bibliothèques spécialisées comme Paris-Pharmacie et le centre universitaire de Châtenay-Malabry ou l'Ecole des mines et le B.R.G.M. d'Orléans.
En ce qui concerne la photocopie qui porte pour une large part sur des ouvrages anciens, ou sur des périodiques récents mais également épuisés, l'expérience anglaise démontre que le développement de la photocopie ne lèse pas les intérêts légitimes des auteurs (en fait des éditeurs). La commission recommande justement de refuser la photocopie d'un article faisant l'essentiel d'un fascicule disponible de périodique.
Il serait raisonnable aussi de freiner la photocopie intégrale de livres, que le lecteur n'utilise pas à coup sûr alors que le livre subit sûrement un vieillissement précoce. Les bibliothécaires plaident la cause du livre fatigué par la photocopie jusqu'à usure complète. En tout cas la photocopie intégrale doit être faite par la bibliothèque détenant le livre afin d'éviter d'envoyer l'ouvrage au loin pour cette opération, si d'emblée le lecteur est certain d'avoir besoin du texte in extenso.