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Aperçu sur l'enseignement supérieur et ses bibliothèques en U.R.S.S.

1976
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    Aperçu sur l'enseignement supérieur et ses bibliothèques en U.R.S.S.

    Par Gérard Thirion

    Lors d'un voyage de deux semaines en U.R.S.S., en mai-juin 1976, avec le Conseil général de Meurthe-et-Moselle, j'ai voulu m'intéresser aux bibliothèques universitaires. Malgré quelques difficultés de type bureaucratique avec nos guides de l'Intourist, j'ai pu entrer en contact avec des collègues soviétiques qui se sont montrés très accueillants et m'ont fourni renseignements et documentation.

    Le rapport qui suit a dû déborder notre propos primitif, qui était Les bibliothèques universitaires.

    En effet, il est impossible de comprendre le système des bibliothèques soviétiques, si on n'a pas un petit aperçu sur l'enseignement supérieur.

    Autre limite : je suis parti, dès le départ, sur une fausse piste, celle des bibliothèques des universités, qui ne sont qu'une partie des bibliothèques de l'enseignement supérieur. Il aurait fallu voir aussi les bibliothèques des instituts polytechniques et de l'Académie des sciences. Ce sera le travail d'un autre « voyageur »

    Enfin, comme en tout travail de ce genre, je n'ai pas tout vu ; j'ai même vu peu de choses et ce sont les impressions que j'en ai dégagées que je rapporte, s'ajoutant à un résumé d'études publiées ailleurs.

    Avant de commencer cette étude, il est bon de rappeler :

    • - Que l'U.R.S.S. a une superficie équivalente à 40 fois la France, mais que la moitié de cette superficie n'a pratiquement pas d'habitants. Il doit y avoir 11.000 km d'Est en Ouest, soit plus que de Paris à San Francisco.
    • - Que la population est d'environ 250 millions d'habitants (5 fois la France], mais qu'une classe d'âge scolaire est proche de 5 millions d'habitants (6 fois la France), ceci pour que tous les chiffres de comparaison aient un sens.
    • - Que tout le monde comprend et lit le russe, mais que la moitié de la population seulement l'utilise couramment (il doit y avoir 50 ou 60 langues différentes, ce qui ne simplifie pas le travail des bibliothécaires).
    • - Qu'il n'y a pas de relation entre un prix de revient, un prix de vente et un salaire ; que la monnaie est inconvertissable en monnaie occidentale autrement que par un taux de change purement artificiel (1 rouble = 6,60 francs). - Qu'il n'y a pas de comparaison entre les salaires soviétiques et occidentaux : les salaires nous paraissent très faibles (en gros, 1 rouble de l'heure pour des salaires d'une bonne moyenne), mais sont compensés par de nombreux services sociaux pratiquement gratuits (logement, sécurité sociale, éducation, transports).

    1. L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN U.R.S.S.

    (1)

    10. La structure de l'enseignement en U.R.S.S.

    101 Crèches et écoles maternelles jusqu'à 6 ans inclus.

    Ecole secondaire du 1er cycle, durée 8 ans (7 à 14 ans) équivalent de notre enseignement élémentaire + C.E.S. (durée 9 ans en France).

    102 Enseignement secondaire du 2e cycle

    1. Enseignement général en 2 ans conduisant à un diplôme de fin d'études secondaires. Environ 2,4 à 2,5 millions de diplômés chaque année.

    2. Ecoles professionnelles et techniques, équivalent de nos C.E.T. et débouchant directement sur la vie active.

    3. Enseignement spécialisé ou Tekhnikums :

    • - cycle de 4 ans à la fin du 1er cycle ;
    • - Cycle de 2 ans à la suite du diplôme de fin d'études secondaires.

    Cet enseignement forme des techniciens et des techniciens supérieurs, souvent en liaison avec la profession. Il accepte des élèves en cours du soir ou par correspondance.

    Dans les catégories « industries, construction, transport, commerce et agriculture », il semble délivrer de 600 à 700.000 diplômes par an.

    Un quota de 5 % de ces diplômés peut se présenter aux concours de recrutement du Supérieur. Les autres, devront attendre quelques années de vie active avant de pouvoir s'y présenter.

    103 Enseignement supérieur

    1. Premier niveau : études en 4 ou 5 ans, et davantage pour les étudiants à temps partiel. Cet enseignement est beaucoup plus orienté vers des finalités professionnelles qu'en Europe occidentale. Il y a environ 4,6 millions d'étudiants (800.000 en France).

    2. Deuxième niveau (la Recherche) : cycle de 3 ans (temps plein) ou 4 ans (temps partiel), qui se déroule soit dans les établissements d'enseignement supérieur (pour 55 à 60 % des étudiants), soit dans les Académies des sciences, équivalent de notre C.N.R.S. en plus important (pour 40 à 45 % des étudiants).

    II y a environ 100.000 étudiants dans ce cycle, avec 25 à 30.000 diplômés par an ; les diplômes distribués concernent pour un tiers les sciences pures, un tiers la technologie et un tiers le reste. Il y a presque autant d'étudiants de 3e cycle en France, mais le taux de diplômés y est plus faible.

    11. L'enseignement supérieur de 1er niveau.

    111 Les types d'établissements

    1111 Les Universités ne sont qu'une soixantaine, avec une taille moyenne de l'ordre de 10.000 étudiants. On y enseigne les disciplines de caractère général et théorique (sciences pures et sciences humaines). Avec 500.000 étudiants environ, elles ne comprennent que de 10 à 12 % du total des étudiants de ce niveau.

    1112 Les Instituts polytechniques : il n'y a aussi qu'une soixantaine d'établissements. Leur taille m'a semblé plus importante que celle des Universités. Ils regroupent un certain nombre de facultés où sont enseignées les sciences appliquées.

    1113 Les Instituts spécialisés : plus de 700, dispersés sur l'ensemble du territoire de l'U.R.S.S. Ils correspondent le plus souvent à une seule spécialité (ou à un groupe de spécialités connexes). Les plus notables sont les Instituts de médecine, les Instituts pédagogiques (formation des maîtres), les Instituts de langues étrangères.

    112 Plein temps et temps partiel

    Les régimes « cours du soir » et « cours par correspondance » ont concerné, il y a une douzaine d'années, plus de 60 % des étudiants inscrits. Actuellement, ils n'en concernent plus que 50 % et la régression continue.

    D'après les statistiques 1971-1972 :

    Nouveaux entrants dans le supérieur : 920.000dont plein temps : 516.000soir : 125.000correspondance : 280.000Effectif des inscrits (études plus longues pour les temps partiels, donc plus nombreux) : 4.600.000dont plein temps : 2.300.000soir : 650.000correspondance : 1.650.000Diplômes décernés (1970-1971) : 672.000dont plein temps : 380.000soir : 86.000correspondance : 206.000

    Depuis ces statistiques, qui datent de quelques années, les effectifs ont augmenté comme ailleurs, mais comme chez nous, on est arrivé à un certain tassement.

    113 La sélection

    Elle existe et on ne s'en cache pas comme en France. Elle est liée à une planification de la formation des cadres selon des contingents fixés dans chaque établissement en fonction des prévisions économiques.

    Un concours est organisé portant sur les programmes des écoles secondaires (limite d'âge à 35 ans pour le plein temps). Ce concours devient de plus en plus sélectif au fur et à mesure que les diplômés du secondaire deviennent plus nombreux.

    Les diplômés du secondaire sont environ 2,5 millions soit à peu près 50 % d'une classe d'âge. Le concours ne donnera que 500.000 entrants dans le Supérieur, auxquels s'ajouteront, quelques années plus tard, environ 400.000 étudiants issus de la vie active, qu'ils aient ou non, le diplôme de fin d'études secondaires.

    Les bacheliers français sont proportionnellement moins nombreux, (et plus âgés de 2 ans) que les diplômés de fin d'études secondaires soviétiques. Mais la plupart d'entre eux entreront dans le Supérieur sans sélection. Comme très peu d'étudiants sont nonbacheliers, le résultat définitif donnera un taux global d'étudiants comparable dans les deux pays.

    Par contre, compte tenu des méthodes sélectives à l'entrée, le taux de réussite aux études supérieures est bien plus élevé en U.R.S.S. (plus de 70 %) qu'en France (moins de 40 %).

    Pendant une période qui s'est terminée vers 1965, le critère « temps de travail entre le secondaire et le supérieur » ainsi que les critères idéologiques ont joué dans ce concours d'accès au Supérieur. Il semble qu'actuellement il soit surtout basé sur les qualités intellectuelles du candidat.

    Ce système, dont l'application est liée à une adaptation à la conjoncture socioéconomique du moment, semble soulever des critiques et les nombreuses études publiées à ce sujet laissent percevoir un certain embarras des autorités. Entre autres, ces dernières s'efforcent actuellement, pour pallier l'inégalité de niveau des écoles secondaires (surtout en milieu rural), d'organiser des cours de préparation aux concours d'accès au Supérieur, réservés aux jeunes gens des milieux ruraux et ouvriers.

    114 Féminisation

    Le taux de féminisation, 49% en 1970, est un des plus élevés du monde. Par spécialités, on a 67 % en Education-Beaux-Arts, 60 % en Economie-Droit, 56 % en Médecine. 38 % en Technologie et 31 % en Agriculture.

    115 Spécialités enseignées

    (Statistiques 1970-71, tous établissements confondus)

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    Spécialités enseignées

    116 Comparaison avec la France

    Le matériel statistique est divers :

    • - les statistiques officielles de 1974-75,
    • - les diplômes de licence ou équivalent fin 2e cycle délivrés en 1972,
    • - les effectifs des grandes écoles en 1971-72,
    • - les diplômes d'ingénieurs délivrés en 1972.

    J'ai fusionné les effectifs des Universités (1974-75) et des grandes écoles (1971-72). La marge d'erreur doit être faible. J'ai effectué le rapprochement avec les diplômes de 1972 ; comme pour la statistique U.R.S.S., le rapport diplômés/inscrits est faussé par le décalage (un diplômé 1972 correspond, en gros, à une 1re inscription 4 ou 5 ans plus tôt, à l'époque où il y avait 20 à 30 % d'étudiants en moins) mais la comparaison reste valable.

    Vignette de l'image.Illustration
    Comparaison avec la France

    Ces effectifs ne tiennent pas compte : de la capacité en Droit (20.500), des I.U.T. (45.000), ni des classes préparatoires aux grandes écoles (30.000).

    Le rapport diplômés/inscrits est de 14,5 % en U.R.S.S., 8,9 % en France. La sélection n'existant pas en France, les interruptions d'études sont plus importantes, surtout chez les femmes.

    Mais le rapport diplômés/effectif d'une classe d'âge donne des chiffres comparables : 12 à 13% en U.R.S.S., 7 à 8 % en France, et ceci semble bien situer l'enseignement supérieur soviétique par rapport à l'enseignement supérieur français.

    L'autre grande donnée réside dans la grosse différence des études en technologie :

    • U.R.S.S. : technologie + agriculture 47,7% des étudiants
    • France : grandes écoles et facultés des sciences 28 % des étudiants
    et pour les diplômés dans les mêmes disciplines : plus de 300.000 en U.R.S.S., aux environs de 20.000 en France.

    117 La vie étudiante

    Ou plus exactement les impressions que je retire de deux semaines, pendant lesquelles j'ai pu me renseigner ou avoir des contacts.

    Ils m'ont semblé à la fois plus jeunes et plus âgés qu'en France ; leur allure extérieure est beaucoup plus proche de celle des jeunes travailleurs de leur âge.

    Ils disposent de cités universitaires et de cantines, mais à Irkoutsk comme à Moscou, j'ai vu des cités universitaires très éloignées des centres-villes (alors que les facultés étaient en ville).

    Les études sont totalement gratuites ; les étudiants reçoivent (bourse ? allocation d'étude ?) une rémunération qui leur permet de vivre. En échange, à leur sortie des études et durant deux années, ils doivent accepter le poste professionnel qu'on leur désigne.

    La formation idéologique n'est pas oubliée : à Leningrad, à l'entrée de l'Université, on trouve d'abord une maison des jeunes du Parti.

    2. LES BIBLIOTHEQUES EN U.R.S.S.

    (2)

    Il y avait certes des bibliothèques dans la Russie tsariste, surtout conçues pour les milieux académiques et aristocratiques. La révolution de 1917 va les enrichir, comme chez nous en 1789, des bibliothèques des monastères, des émigrés ou des sociétés privées.

    Mais c'est surtout à une action volontariste des autorités soviétiques que nous devons le développement considérable de la lecture en U.R.S.S.

    21. La lecture publique

    Les bibliothèques sont partout, dans les quartiers, dans les villages, pour les adultes et pour les enfants : 127.000 d'après une statistique de 1964.

    Peut-on avancer le chiffre de 5.000 bibliothèques à caractère public en France ?

    J'ai vu une bibliothèque de kolkhose en Asie centrale ; le village devait avoir 4 à 5.000 habitants, la commune (très étendue) 9.000. La bibliothèque tenait dans une grande pièce de 60 à 80 m2, était tenue par 2 personnes et devait avoir 4 à 5.000 volumes. A leur aspect « très fatigués » on peut conclure qu'ils servaient. Pas de bibliothéconomie bien compliquée mais une bibliothèque qui marchait.

    22. Les grandes bibliothèques encyclopédiques

    On les trouve au niveau des villes, des arrondissements, des territoires, des répupliques. La statistique de 1964 en accuse 9.000. Parmi elles, 150 bibliothèques (des régions, des républiques), sont vraiment importantes et sont comparables aux très grandes municipales françaises.

    La bibliothèque Pouchkine à Alma-Ata

    1. Présentation

    Alma-Ata est une ville d'Asie centrale, 500.000 habitants au moins, capitale de la République du Kazakhstan, ville universitaire.

    La bibliothèque Pouchkine fait figure de bibliothèque d'Etat ; elle a d'ailleurs le dépôt légal kazakh et a les charges bibliographiques nationales.

    Construite en 1970-71, plan parallélipipédique classique et fonctionnel, 23.000 m2 de planchers, environ 1.500 places assises, 3 millions de documents, 420 employés dont 260 bibliothécaires et 160 autres (ingénieurs, entretien, sécurité, administration).

    2. Description

    Deux niveaux de magasin en sous-sol, éclairés par cour anglaise, conception très classique, capacité d'environ 2 millions de volumes, rangement par cote topographique. Transporteur pneumatique dans toute la bibliothèque ; tube pneumatique pour les demandes.

    Grand hall d'accueil avec bureau des inscriptions, bureau de renseignements, plan de la bibliothèque, tableau lumineux indiquant les places encore disponibles. Hall d'expositions : permanente sur Lénine ; circonstancielle (sur l'Angola, lorsque je suis passé) : sur les nouvelles acquisitions (renouvelé chaque semaine).

    Catalogues : auteurs ; systématique ; biographique ; géographique ; régional kazakh.

    Section d'information bibliographique avec personnel bibliographe.

    Deux salles de conférences, une cafétéria, un réfectoire ouvert aux usagers, un laboratoire de langues.

    La grande salle de lecture polyvalente (subdivisée par des cloisons vitrées). La salle réservée aux chercheurs est plus confortable. Des tableaux lumineux indiquent aux lecteurs que les livres qu'ils ont demandés sont disponibles au bureau de prêt. J'ai noté le silence absolu qui règne dans ces salles où se trouvaient 5 à 600 lecteurs.

    La salle des périodiques avec la plupart des périodiques soviétiques et tous les périodiques kazakhs. Les périodiques restent cinq ans dans cette salle puis sont envoyés en magasins.

    Une salle de catalogoge et de travail pour les bibliothécaires avec 50 à 60 postes de travail.

    3. Les sections spécialisées

    Section des langues étrangères : 53 langues non soviétiques dont les principales sont l'anglais, l'allemand, le français et l'espagnol. Elle possède 170.000 documents (livres, périodiques, disques, cassettes) dont 20.000 en accès libre (classement C.D.U.). Elle a environ 5.000 lecteurs inscrits, la plupart étudiants, mais ces derniers ne peuvent que lire sur place.

    Section musique et art, avec salle et magasin classique, mais aussi 10 cabines d'écoute, magnétophones, cabinet d'instruments de musique, salle d'enregistrement.

    Section Kazakhe.

    Section livres précieux (25.000 documents) : papyrus, manuscrits d'Asie centrale enluminés, les premiers livres imprimés au Kazakhstan (vers les années 1860).

    Dans chaque section, on trouve un schéma classique : une salle de lecture, des rayonnages contenant les usuels et les périodiques concernant la spécialité, et un magasin adjacent en accès libre ; !e personnel bibliothécaire travaille dans la salle, assurant à la fois le service, l'information du lecteur et le travail intérieur.

    4. Fonctionnement

    Je n'ai pu avoir aucun renseignement budgétaire : le livre soviétique est peu coûteux, en moyenne 1 rouble ; on achète peu de livres étrangers et uniquement sur crédits spécifiques en devises (nos collègues soviétiques sont, de ce fait, très attachés à un système d'échanges). Le chiffre moyen des acquisitions est de l'ordre de 120.000 documents par an.

    Ouverture tous les jours, samedi et dimanche compris.

    A lire la plaquette de : Dautetova (N.K.) - Gosudarstvenaja Biblioteka Kasakskoj SSR im A.S. Puchkina. - Alma-Ata, izd. Kazakstan, 1974. - 74 p.

    5. Les bibliothécaires

    La vie des bibliothécaires : formation à Alma-Ata même dans deux sections « bibliothèque », l'une de l'Institut pédagogique, l'autre de l'Institut des langues étrangères. Durée des études : 4 ans après le diplôme de fin d'études secondaires ou un an après un diplôme de fin d'études supérieures. Personnel féminin à 90 %.

    Salaires : 90 roubles mensuels pour un débutant ; 130/140 roubles pour un bibliothécaire moyen ; 170/180 roubles pour un chef de service (par référence, un ouvrier qualifié gagne de 180 à 200 roubles et, ce qui s'apparente à notre S.M.I.C., est de 70 roubles).

    Impression d'ensemble : très classique (pas de bibliothéconomie compliquée), du sérieux et du bon travail, un accueil fort sympathique de la part des collègues.

    23. Les grandes bibliothèques d'étude

    Elles sont bien connues et fréquentées par les chercheurs et les bibliothécaires français et occidentaux. A Moscou, la Bibliothèque Lénine, la Bibliothèque fondamentale des sciences sociales, la Bibliothèque scientifique et technique d'Etat, la Bibliothèque publique historique d'Etat, la Bibliothèque Gorki, la Bibliothèque d'Etat des littératures étrangères ; à Leningrad, la Bibliothèque Saltykov-Chtchédrine, la Bibliothèque de l'Académie des sciences. Elles ont la classe internationale.

    La Bibliothèque d'Etat des littératures étrangères à Moscou

    J'ai pu visiter la Bibliothèque d'Etat des littératures étrangères à Moscou, mais cette visite improvisée a été malheureusement trop brève. C'est cette bibliothèque qui a été le siège du Congrès de la F.I.A.B., il y a quelques années.

    1. Présentation

    Fondée en 1921, elle est chargée de fournir aux lecteurs soviétiques les documents de caractère littéraire, social et politique concernant les pays étrangers. Outre un prêt interbibliothèque actif avec toute l'U.R.S.S., elle a 3.500 bibliothèques correspondantes (les plus diverses, de lecture publique comme d'établissements d'enseignement) à qui elle fournit la documentation étrangère (elle couvre 130 langues). Par ses publications, elle fait connaître les oeuvres étrangères en U.R.S.S.

    2. Caractéristiques

    24.000 m2 de plancher,90 km de rayonnages (magasin sur 16 niveaux),14 salles de lecture, 700 places,environ 4,5 millions de documents,acquisitions : 40.000 ouvrages par an,60.000 lecteurs inscrits ; 2.000 entrées par jour,700 employés dont 400 bibliothécaires.

    3. Description

    Je n'ai pas pu me livrer en un très court laps de temps à une étude systématique. J'ai remarqué au passage :

    • une très belle salle d'exposition,
    • la salle des catalogues : le catalogue-auteurs français occupait 200 tiroirs (100.000 documents),
    • la salle de français, 150 places, documentation très axée sur l'économie et le sociopolitique plus que sur le littéraire,
    • la salle des Beaux-Arts, avec un hall d'exposition, la salle encyclopédique et scientifique, la salle d'informations où j'ai trouvé tout ce qui est connu en matière de dictionnaires, d'encyclopédies et d'ouvrages de références et bibliographies,
    • la salle des nouveautés,
    • la salle des périodiques récents.

    4. Impressions

    A ce propos, ne sont en accès direct comme quotidiens français que L'Humanité et Le Drapeau Rouge. Parmi les autres revues, j'ai trouvé Elle : les jeunes femmes soviétiques sont, paraît-il, très friandes de magazines de mode français.

    Dans toutes les salles, comme dans toutes les autres bibliothèques soviétiques, se trouve une collection des oeuvres complètes de Lénine, qui semble jouir ici d'un véritable culte.

    L'ensemble audio-visuel est ce qui m'a le plus frappé durant cette visite : laboratoire de langues de 30 cabines, servant aux lecteurs comme à la formation du personnel, salle de lecture avec magnétophones et casques d'écoute, magasin de 6.000 cassettes d'apprentissage des langues, salle de cinéma, diapositives, films et divers matériels pédagogiques audio-visuels. L'ensemble m'a semblé être le plus important que j'ai jamais vu en bibliothèques (en France, Allemagne, Japon et U.R.S.S.).

    3. LES BIBLIOTHEQUES UNIVERSITAIRES

    Ce sont les bibliothèques des universités (j'ignore si bibliothèque interuniversitaire à un sens en U.R.S.S.) dont elles sont un service comme dans la plupart des pays du monde. Seulement, nous avons vu que les Universités ne représentaient qu'une partie de l'enseignement supérieur en U.R.S.S. : les bibliothèques que j'ai vues (Irkoutsk et Leningrad) jouent un rôle de culture générale, de centre bibliographique, de centrale de prêt interbibliothèques et de « présidence » locale (droit de regard sur les autres bibliothèques de l'enseignement supérieur ; rôle de coordination). Mais elles se trouvent quand même à côté des autres bibliothèques des Instituts polytechniques, pédagogiques, de médecine..., et à côté des grandes bibliothèques de recherche des sections locales de l'Académie des sciences.

    31. La Bibliothèque fondamentale de l'Université d'Irkoutsk

    1. Présentation

    Logée dans l'ancien palais du gouverneur militaire de Sibérie, la « Maison Blanche », très beau bâtiment, mais peu fonctionnel.

    L'Université, créée en 1918, est l'une des plus importantes de la Sibérie orientale : la bibliothèque a bénéficié de spoliations de plusieurs bibliothèques, d'où un bon fonds ancien.

    Public : 11.000 étudiants et professeurs de l'Université et 9.000 lecteurs issus des professions intellectuelles ou étudiants d'autres établissements.

    Il y a une dizaine de facultés : Physique, Mathématiques, Géologie, Géographie, Biologie, Histoire, Philologie, Chimie, Droit, Etudiants étrangers, et 4 instituts de recherche (3e cycle universitaire) : Physique, Chimie, Biologie, Observatoire.

    Mais sont en dehors de l'Université, l'Institut d'économie (10.000 étud.), d'agriculture (10.000), de médecine (10.000), de langues étrangères, de pédagogie, d'ingénieurs des chemins de fer et surtout l'Institut polytechnique (22.000 étud.) ; au total, 76.000 étudiants hors université contre 11.000 à l'Université.

    En outre, une importante section de l'Académie des sciences se trouve hors de la ville

    2. Caractéristiques

    La Bibliothèque centrale n'a que 10.000 m2, 10 salles de lecture, 700 places assises. Une construction de 30.000 m2 prévue avant guerre n'a encore pu voir le jour.

    Le fonds de 3,160 millions de documents est le plus important de Sibérie, réparti en 4 bâtiments.

    Acquisitions : 120.000 volumes par an, abonnement à 2.000 périodiques.

    Budget : 80 à 90.000 roubles par an, mais je rappelle que la valeur moyenne d'un livre est de 1 rouble : un gros dictionnaire in-quarto de plus de 1.500 pages que j'ai vu sur le bureau du directeur coûtait 5 roubles. Les 2.000 périodiques coûtent 25.000 roubles par an (à Nancy, 1.400 périodiques coûtent 400.000 F).

    La dotation budgétaire comprend : 3 roubles par étudiant, un crédit pour le fond bibliographique, un crédit pour les envois d'office de Moscou, un crédit pour les périodiques et une petite dotation en devises étrangères pour les achats à l'étranger.

    Il est impossible de comparer ce budget à celui de la B.U. de Nancy mais, pour le même nombre de lecteurs, on peut acheter 120.000 volumes à Irkoutsk et moins de 6.000 à Nancy.

    3. Description

    Les Services ou « rayons » :

    • rayon des commandes, achats et distribution aux bibliothèques filles.
    • rayon scientifique et bibliographique,
    • rayon renseignements et information,
    • rayon classification, rayon périodiques,
    • rayon prêt interbibliothèque,
    • rayon livres anciens, rares et précieux,
    • rayon service public et salles de lecture.

    Les salles de travail que j'ai vues :

    • salle des « thésards » : bibliographies, ouvrages de référence,
    • salle de lecture sciences humaines : histoire, économie politique, parti communiste,
    • salle du fonds ancien.

    Les catalogues :

    • alphabétique auteurs à base de fiches imprimées achetées à Moscou,
    • systématique C.D.U. avec catalogue de renvois,
    • en écriture latine, classement C.D.U. (le fonds français m'a semblé passablement vieilli et très marqué politiquement),
    • biographique avec oeuvres, des professeurs et chercheurs locaux (= nos fichiers « titres et travaux »).

    4. Le prêt interbibliothèque

    Le prêt interbibliothèque : c'est un système très hiérarchisé ; une bibliothèque locale ne peut faire appel qu'à quelques bibliothèques hiérarchiquement supérieures. La B.U. d'Irkoutsk se trouve ainsi la bibliothèque d'appel de toute la Sibérie orientale (531 bibliothèques correspondantes) et elle seule peut s'adresser à d'autres bibliothèques régionales, ou à Moscou.

    J'ai pu examiner les divers catalogues imprimés utilisés dans ce service :

    • Catalogue des livres étrangers possédés par les bibliothèques soviétiques.
    • Catalogue des périodiques étrangers en cours.
    • Catalogue des périodiques étrangers dans les bibliothèques soviétiques (1750-1965).
    • Catalogue des périodiques reçus dans les bibliothèques de la région d'Irkoutsk.

    5. Cours de bibliographie

    Ils sont obligatoires pour tous les étudiants de 1re année et sont assurés par nos collègues. En même temps, initiation à tous les moyens techniques de l'information (films, cassettes, microfiches).

    6. Le personnel

    Personnel : environ 190 personnes dont 151 bibliothécaires.

    Niveau du personnel bibliothécaire : diplômés du Supérieur : 60%; techniciens : 20 %; fin école secondaire : 20% (il y a obligation d'au moins 50 % de diplômés du Supérieur).

    Niveau professionnel : supérieur, 20 % ; technique, 40 % ; service, 40 %.

    (A Nancy, nous sommes 80 personnes au total et la ventilation par niveau est comparable, mais le public à desservir étant le même, il reste une relation de 80 à 190).

    32. La Bibliothèque universitaire de Léningrad

    1. Présentation

    L'Université de Leningrad est encore dans le bâtiment qui fut construit pour elle au XVIIIe siècle, au nord de la Neva ; l'Académie des sciences s'est établie à proximité. De nouveaux bâtiments sont en construction à 30 km, au bord du golf de Finlande, mais seules quelques facultés ont déménagé.

    La Bibliothèque centrale se trouve au 1er étage du vieux bâtiment universitaire, le long d'un couloir d'environ 200 mètres de long et 5 mètres de large ; d'un côté les fenêtres, de l'autre les rayonnages (vitrés) où sont rangés les vieux bouquins. Comme entrée d'une bibliothèque, c'est impressionnant.

    L'Université a 20.000 étudiants, mais la Bibliothèque a 30.000 lecteurs (dont des étudiants d'autres établissements non universitaires). Il y a quinze facultés et instituts : Philologie, Histoire, Droit, Philosophie, Economie politique, Géographie, Géologie, Biologie, Physique, Mathématiques appliquées, Chimie, Psychologie, Journalisme et Orientalistique.

    2. Caractéristiques

    La B.U. Centrale n'a que 3.000 m2 mais elle a 22 bibliothèques filles. Elle est ouverte de 10 h à 22 h mais le prêt à l'extérieur ne fonctionne que de 11 h à 19 h.

    Son fonds est de l'ordre de 5 millions de documents et elle reçoit 3.000 périodiques (1.400 russes, 1.600 étrangers dont 900 par échanges). Acquisitions annuelles : 180.000 documents. Prêts effectués : 2,5 millions par an (200.000 à Nancy).

    Crédits : 195.000 roubles (voir plus haut au sujet d'Irkoutsk).

    En début d'année (et ce sytème me semble généralisé en U.R.S.S.), les étudiants reçoivent de la B.U., en prêt, une dotation de 10 à 15 livres jugés fondamentaux. Certains n'éprouvent plus alors le besoin de revenir à la bibliothèque durant l'année.

    3. Description

    Les locaux sont manifestement saturés et encombrés et on fait ce qu'on peut dans le minimum d'espace. J'ai vu au passage :

    • Un fonds de culture générale, en accès libre, prêt selon un rythme analogue à Newark.
    • Un fonds de revues professionnelles (une quarantaine).
    • Une salle d'exposition.
    • Une petite salle de lecture d'une centaine de places, avec six lecteurs de microfiches. Silence absolu.
    • Une salle des usuels (8 à 10.000 volumes, quelques centaines de périodiques récents) : accès libre, quelques places assises.
    • Une salle de bibliographie : encyclopédies russes et étrangères, bibliographies nationales, bibliographies spécialisées (type bulletin du C.N.R.S.), quelques bibliographies étrangères.
    • Salle d'exposition des nouveautés (renouvelées chaque semaine) : les professeurs viennent les consulter, demander aux bibliothécaires de les commander en nombre. On peut obtenir des photocopies mais il y a un délai de 24 h (la photocopieuse est à l'Université). Des rayonnages contiennent les catalogues d'éditeurs classés systématiquement.
    • Un catalogue de dépouillement des périodiques, fiches imprimées exécutées par un service central. Ces fiches sont retirées et détruites au bout de quelques années.
    • Les catalogues publics : systématique avec classification numérique propre à l'U.R.S.S. ; alphabétique par mots matière ; alphabétique auteurs depuis 1953.
    • Les catalogues intérieurs : alphabétique auteurs complet (caractères cyrilliques, caractères latins). Divers catalogues de périodiques.

    Le prêt interbibliothèques :

    • emprunts au profit des bibliothèques de Léningrad,
    • prêts à d'autres grandes bibliothèques régionales d'U.R.S.S.,
    • relations avec l'étranger.

    4. Le personnel

    Le Personnel : 265 personnes dont 236 bibliothécaires.

    Il existe à Leningrad une école de niveau supérieur qui forme environ 250 bibliothécaires par an pour toute l'U.R.S.S. (et une école équivalente à Moscou).

    4. IMPRESSIONS D'ENSEMBLE

    41. En France, les Bibliothèques universitaires sont faites pour l'enseignement et la recherche. En U.R.S.S., elles sont surtout faites pour l'enseignement, étant « doublées » par les grandes bibliothèques de recherche de l'Académie des sciences. De ce fait, on ne trouve pas plus de périodiques dans une B.U. soviétique que dans une B.U. française (mais pour de toutes autres raisons).

    42. Pour des raisons analogues (B.U. d'enseignement), et pour d'autres (problèmes de devises certainement, de surveillance de l'information peut-être...) la documentation étrangère, si importante en Europe occidentale et au Japon, est très faible.

    43. La B.U. soviétique est une « maison-mère » avec l'ensemble des services intérieurs, le service bibliographique, le service du prêt interbibliothèques, les services administratifs et techniques lorsqu'ils ne sont pas à l'Université et le stockage des collections vieillies. Elle comporte aussi un fonds encyclopédique et de culture générale.

    44. Elle se subdivise ensuite en bibliothèque de facultés dans les locaux d'enseignement, de l'importance de 1 pour environ 1.000 étudiants, chargées du service public (contact avec les usagers, renseignements spécialisés, communication des documents).

    En France, la B.U. centrale n'est qu'un organe administratif et technique, les sections de B.U. étant de véritables bibliothèques complètes, doublées de façon anarchique par les bibliothèques d'Institut (qui n'existent pas en U.R.S.S.).

    45. Les budgets ne sont pas comparables avec les budgets français parce que le système économique est différent.

    Mais tout en permettant autant d'abonnements de périodiques qu'en France, ils permettent aussi d'acheter de 8 à 10 volumes par an et par étudiant contre 0,3 en France.

    46. Le personnel, tout aussi féminisé que chez nous, semble assez mal payé par rapport aux salaires pratiqués dans le pays (les travailleurs manuels sont favorisés par rapport aux intellectuels), mais ce personnel est environ 2,5 fois plus nombreux et de qualification identique.

    Notons au passage que la semaine de travail est de 40 heures et les congés de 1 mois par an comme pour tout fonctionnaire soviétique. Ceci et cela permet des horaires d'ouverture plus larges qu'en France.

    47. Sur le plan technique, je n'ai rien appris et rien vu qui ne soit pratiqué couramment en France. Nos collègues soviétiques m'ont semblé très pragmatiques et les bibliothèques sont d'abord pratiques, fréquentées et utiles.

    Gérard Thirion. Conservateur en chef.

    1. Cette première partie a été, pour l'essentiel, tiré de Revenko (Tamara), L'Enseignement supérieur en U.R.S.S., in : Notes et Etudes documentaires, n° 4176-78, 11 avril 1975. retour au texte

    2. J'ai utilisé pour celte deuxième partie l'article de Bonnières (F. de), Les Bibliothèques en U.R.S.S., in : Notes et Etudes documentaires, n° 3399, 9 juin 1967. retour au texte