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Comparaison des statuts du personnel d'état et du personnel communal

1977
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    Comparaison des statuts du personnel d'état et du personnel communal


    Exposé d'Henri Comte, Maître assistant à l'Université de Lyon II, chargé de cours à l'E.N.S.B.

    Il y a trente ans, le 5 octobre 1946, l'Assemblée constituante adoptait, à l'unanimité, un statut général des fonctionnaires de l'Etat. Six ans plus tard une loi du 28 avril 1952 dotait également le personnel communal d'un statut général. Ces deux grands textes législatifs ont été salués, à juste titre, comme d'importantes conquêtes sociales. Avec le recul, cependant, les deux statuts paraissent avoir connu des fortunes assez différentes.

    Le statut général des fonctionnaires d'Etat, bien que n'ayant pas été acquis sans d'importantes difficultés, n'a guère été remis en question. L'ordonnance du 4 février 1959, qui a remplacé la loi du 5 octobre 1946, ne lui a apporté que des modifications mineures. Ce statut est donc entré dans les moeurs, reconnu, et nul ne propose aujourd'hui de lui apporter des révisions fondamentales. Le statut général du personnel communal, en revanche, n'a pas connu une réussite comparable. Il a fait l'objet d'importantes retouches, en 1969 puis en 1972. De plus, tel qu'il est, il demeure l'objet de critiques nombreuses dont certaines mettent en cause les principes de base qui ont servi à son édification. Pourquoi ce succès d'une part, ces difficultés persistantes d'autre part ? Telle est la question à laquelle on voudrait essayer d'apporter quelques éléments de réponse à l'occasion de cette intervention.

    Un rapide survol de l'historique des deux statuts révèle déjà certains facteurs de divergence. Il convient de noter, tout d'abord, que l'établissement d'un statut général des fonctionnaires est une vieille idée, inscrite au programme de revendication des partis de gauche dès les débuts de la IIIe République et même incluse dans le programme gouvernemental de plusieurs ministères, dès avant la première guerre mondiale. Les partisans d'un tel statut en attendaient deux sortes d'heureuses conséquences. Envisagé du point de vue de l'administration, le statut général avait l'avantage d'introduire une certaine unification des règles applicables aux fonctionnaires, et par là, de permettre la simplification et la rationalisation de la gestion de la fonction publique. Envisagé du point de vue des fonctionnaires il paraissait de nature à codifier précisement les rapports entre l'administration et ses agents et, ainsi, à apporter à ces derniers une meilleure protection de leurs droits contre l'arbitraire administratif. Cependant l'accord général sur l'intérêt et l'utilité de l'adoption d'un statut général n'a conduit à aucune réalisation concrète avant 1946. En effet, sur deux points essentiels, le droit syndical et le droit de grève, aucun accord n'avait jamais pu être trouvé. La reconnaissance de ces deux droits aux fonctionnaires, à la Libération, a permis de lever cet ultime obstacle à l'adoption du statut général des fonctionnaires de l'Etat. Pourtant, il faut encore attendre six années supplémentaires pour que le personnel communal obtienne, à son tour, un statut général. Ce retard s'explique par les difficultés spécifiques que soulève l'élaboration d'un statut général pour le personnel des collectivités locales. Dans le cas des fonctionnaires d'Etat deux parties seulement sont en présence. L'Etat d'un côté, les fonctionnaires de l'autre. Un compromis peut être difficile à trouver mais, une fois conclu, a toute chance d'être durable. Dans le cas du personnel communal trois parties, et non pas seulement deux, ont des intérêts à faire valoir. Les communes et les fonctionnaires municipaux, bien entendu, mais aussi l'Etat. Car seule l'autorité centrale est à même de réaliser le minimum d'unification des gestions municipales qu'implique l'idée même d'un statut général. Le compromis à établir, et surtout à maintenir, se trouve être dès lors moins assuré. Les ménages à trois, comme l'on sait, font souvent problème.

    Au lieu d'un dialogue-confrontation aux contours nets et aux enjeux précis, entre deux partenaires-adversaires, on entre dans le jeu compliqué, mouvant et propice aux retournements, des relations triangulaires où chaque partie est toujours tentée de jouer de la rivalité des deux autres et ne craint rien tant que de subir leur coalition. D'où un système de relations complexes, non dépourvues de chausse-trappes et d'arrière-pensées et débouchant, en définitive, sur des compromis à la fois moins élaborés et moins stables.

    L'un et l'autre statut général s'étaient vus assigner trois objectifs essentiels : unifier la situation juridique des agents ; organiser la gestion de la fonction publique ; assurer la protection des droits et intérêts légitimes des agents.

    On voudrait indiquer, à la lumière des remarques précédentes, dans quelle mesure ces objectifs ont été atteints, ou plutôt, puisque notre optique est comparatiste, dans quelle mesure ils ne l'ont pas été avec le même succès.

    1 - L'OBJECTIF D'UNIFICATION DE LA CONDITION DES PERSONNELS

    Antérieurement à l'intervention des statuts généraux la situation de la fonction publique, tant nationale que communale, était caractérisée par une diversité et un émiet-tement confinant... à l'anarchie. S'agissant des fonctionnaires d'Etat, chaque ministère gérait de façon autonome son personnel, sans principes directeurs clairement définis ni règles communes préalablement établies. Tel groupe d'agents relevant de tel ministère pouvait ainsi bénéficier d'avantages de carrière et de rémunération substantiellement plus avantageux que ceux de tel autre groupe exerçant des fonctions similaires dans un autre ministère ou même simplement dans un autre service de ce même ministère. D'où l'existence de multiples inégalités, injustices et privilèges préjudiciables à l'égalité de traitement des agents. D'où également une gestion particulièrement complexe et empirique de la fonction publique, difficilement compatible avec la définition et l'application d'une politique cohérente du personnel. S'agissant du personnel communal les mêmes inconvénients se retrouvaient, multipliés du fait qu'il y avait, au fond, autant de statuts du personnel que de communes...

    L'édiction d'un statut général des fonctionnaires constitue, assurément, un moyen de porter remède à cette situation. Cependant pour que ce remède soit pleinement efficace, faut que le statut général remplisse deux conditions. Il importe, en premier lieu que sa portée soit réellement générale, c'est-à-dire qu'il s'applique bien à tous les personnels de l'administration. Il importe, en second lieu, que le statut ait une portée effective, c'est-à-dire qu'il ne se borne pas à l'édiction de quelques directives très générales, dans l'application desquelles renaîtrait une trop grande diversité, mais qu'il comporte au contraire un corps de règles contraignantes et précises, régissant les principaux aspects de la situation juridique des agents. Or, à ce double point de vue le statut général du personnel communal est en retrait sur le statut général des fonctionnaires d'Etat.

    • a) Une unification incomplète :

    Le statut du personnel d'Etat, non plus que celui du personnel communal, ne méritent leur qualificatif de « général ».

    S'agissant du personnel d'Etat, le statut ne bénéficie qu'aux agents ayant la qualité juridique de fonctionnaires. Il ne s'applique donc ni aux agents privés de l'administration ni à ses agents publics non titulaires tels que les auxiliaires, temporaires, vacataires, contractuels, intérimaires... De plus il ne s'applique pas à tous les agents fonctionnaires. Ainsi l'article 1er du statut général exclut-il de son champ d'application les personnels administratifs des assemblées parlementaires, les magistrats de l'ordre judiciaire, les personnels militaires ainsi que les personnels des administrations, services et établissements publics de l'Etat qui présentent un caractère industriel ou commercial.

    S'agissant du personnel des communes, le champ d'application du statut est encore moins général. Ainsi ne peuvent invoquer son bénéfice : les personnels non titulaires (1/4 de l'effectif total en 1967), les agents occupant des emplois à temps incomplet (30.000 communes sur 37.000 environ n'utilisent que ce type de personnel), les agents occupant des emplois à temps complet mais soit dans les communes de moins de 2.000 habitants (seuil de la nomenclature du Ministère de l'Intérieur), soit dans les établissements publics industriels et commerciaux des communes soit au service de la Ville de Paris. La somme de ces exceptions est considérable. C'est peut-être près de la moitié du personnel communal qui, sans justification toujours très convaincante, est maintenu en dehors du champ d'application du statut général.

    • b) Une unification dont la portée est relative :

    L'unification résultant de l'édiction d'un statut général ne peut être que relative. La diversité professionnelle existant au sein de l'administration constitue une limite naturelle aux possibilités d'extension d'une réglementation uniformisante. Ainsi des statuts particuliers sont-ils nécessaires pour définir les conditions d'application des règles du statut général aux exigences et besoins variables des services. Il tombe sous le sens que l'aménagement du recrutement, l'organisation des carrières, la fixation des niveaux de rémunération sont et ne peuvent être qu'étroitement conditionnés par l'aspect professionnel des fonctions pour lesquelles sont recrutés les agents. Cependant à cette limite technique, commune aux deux statuts, s'en ajoute une autre, propre au statut général du personnel communal. Il s'agit de la prise en compte, génératrice de diversité, de l'autonomie communale. C'est en matière de recrutement des agents que se manifeste, avec le plus de netteté, l'incidence du principe de l'autonomie communale sur le statut du personnel.

    En premier lieu le recrutement à certains hauts emplois : secrétaire général, secrétaire général-adjoint, secrétaire de mairie, directeur des services techniques demeure discrétionnaire. Le statut n'imposant aucune règle contraignante, chaque maire demeure libre d'établir lui-même les critères de recrutement à ces emplois. Le respect de l'autonomie communale fait échec à toute réglementation du recrutement.

    En second lieu, s'agissant de la généralité des emplois, l'autorité municipale dispose d'une certaine liberté de choix quant au mode de recrutement à mettre en oeuvre pour l'accès aux emplois communaux. Alors que le statut général des fonctionnaires d'Etat impose la règle du concours, le statut général du personnel communal offre généralement le choix entre deux ou plusieurs des cinq procédés suivants : concours sur épreuves ; concours sur titres ; examen professionnel ; liste d'aptitude ; choix discrétionnaire parmi le personnel communal par voie de mutation (agent d'une autre commune ayant occupé pendant deux ans un emploi de même niveau) ou de promotion (agent ayant occupé, pendant trois ans, un emploi de niveau hiérarchique immédiatement inférieur).

    La mise en oeuvre du statut général du personnel communal revêt ainsi un caractère nettement diversifié. Elle autorise le maintien de gestions communales relativement autonomes et, de ce fait, n'a pas abouti à une unification aussi poussée que dans le cadre de la fonction publique d'Etat.

    2 - L'OBJECTIF D'ORGANISATION

    Le second grand objectif poursuivi par les auteurs des statuts a été d'organiser sur une base permanente et institutionnelle les rapports entre les pouvoirs publics et leurs agents. Concrètement la visée était double. Il s'agissait d'une part d'associer les fonctionnaires aux décisions importantes touchant au déroulement des carrières, d'autre part de leur permettre une certaine participation aux décisions relatives à la marche même des services. Les solutions retenues montrent que, dans ce domaine également, le statut du personnel municipal est en retrait par rapport aux solutions retenues pour le personnel d'Etat.

    • a) Les organes de participation dans la fonction publique d'Etat :

    Ils sont au nombre de trois.

    • 1) Il existe tout d'abord, au niveau des corps de fonctionnaires, les Commissions administratives paritaires. Composées en nombre égal de représentants élus des fonctionnaires et de représentants désignés de l'Administration, celles-ci ont pour rôle de se prononcer sur les principales décisions individuelles intéressant le déroulement des carrières : titularisations, notation annuelle, inscription au tableau d'avancement, mesures disciplinaires, etc... Leur pouvoir n'est que consultatif mais, en pratique, pèse d'un poids très important dans la prise des décisions par l'autorité administrative.
    • 2) Il existe ensuite, au niveau des services, (généralement les directions ministérielles) les comités techniques paritaires. Ces derniers sont également composés, pour moitié de représentants de l'administration et pour moitié de représentants des fonctionnaires, directement désignés par les organisations syndicales représentatives. Leur rôle est d'assurer une certaine participation des agents à la marche des services. A cet effet ils peuvent être consultés pour toutes les questions touchant à l'organisation et au fonctionnement de l'administration dont ils relèvent. De plus, comme les questions touchant au bon fonctionnement des services ne peuvent être envisagées indépendamment des moyens en personnels nécessaires à leur activité, ils sont également compétents pour connaître des problèmes statutaires. En pratique, c'est d'ailleurs cet aspect de leur compétence qui mobilise le plus clair de leur activité, accréditant l'idée commune mais inexacte que telle est juridiquement leur fonction principale.
    • 3) Il existe enfin, à l'échelon national, le Conseil supérieur de la fonction publique. Son rôle est double. D'une part il émet des avis sur les questions générales intéressant la gestion de la fonction publique. A cet égard il complète et coiffe le réseau des Comités techniques paritaires. D'autre part il statue comme instance d'appel de certaines décisions prises sur avis des commissions administratives paritaires. Il n'a à ces deux titres, qu'un pouvoir d'avis.

    • b) Les organes de participation dans la fonction publique communale :

    La conception comme les modalités de leur organisation doivent beaucoup au modèle de la fonction publique d'Etat. Cependant une limitation apparait immédiatement : la participation des agents intéresse la gestion du personnel mais n'a pas été étendue à la gestion des services. Il n'existe pas, autrement dit, d'exact équivalent aux comités techniques paritaires.

    En ce qui concerne les commissions paritaires, l'étroitesse du cadre communal a justifié l'établissement d'une distinction.

    Les communes employant plus de 100 agents à temps complet sont dotées de commissions paritaires municipales.

    Les communes employant moins de 100 agents à temps incomplet sont obligatoirement affiliées à un syndicat de communes pour le personnel qui, dans le cadre du département, sert de support au fonctionnement d'une commission paritaire intercommunale.

    Ces commissions sont composées de manière analogue aux Commissions administratives paritaires et, à peu de choses près, exercent les mêmes compétences.

    A l'échelon national, la Commission paritaire nationale est l'organe central de gestion de la fonction publique communale. Ses compétences sont plus étendues que celles du Conseil supérieur de la fonction publique. En premier lieu elle dispose, en certaines matières d'un véritable pouvoir de décision. (C'est par exemple une décision de la Commission nationale paritaire du 27 décembre 1961 qui a déterminé les éléments de la notation du personnel communal). En second lieu la commission nationale paritaire est obligatoirement consultée pour tous les textes d'application du statut général alors que la consultation du Conseil supérieur de la fonction publique n'est plus, depuis 1959, que facultative. En pratique la commission nationale constitue un organe extrêmement actif de proposition et de discussion dont le rôle est loin d'être négligeable dans l'élaboration de la politique de gestion du personnel communal. On ne saurait cependant sous-estimer le fait que l'essentiel de ses compétences sont consultatives et que le pouvoir de décision demeure aux mains du Ministre de l'Intérieur, autorité de tutelle des communes... c'est dire que si, à l'échelon national, le dialogue collectif entre les communes et leur personnel est effectif, sa portée est néanmoins assez limitée. Les accords susceptibles de se conclure entre les parties ont valeur de propositions, non de décisions. L'autonomie communale trouve ainsi, très concrètement, sa limite vis-à-vis du pouvoir central.

    3 - L'OBJECTIF DE PROTECTION DES DROITS ET INTÉRÊTS LÉGITIMES DES FONCTIONNAIRES

    L'intervention d'un statut général était attendue depuis longtemps par les fonctionnaires tant de l'Etat que des communes. Elle avait en effet la valeur d'une conquête sociale importante en ce qu'elle signifiait l'établissement d'un régime uniforme et généralisé de règles garantissant de manière précise les droits attachés à la condition de fonctionnaire public.

    Or cette condition, telle qu'elle résulte de la comparaison des deux statuts, n'appa-rait pas rigoureusement identique, ni même équivalente. On peut ainsi observer que si les fonctionnaires communaux bénéficient d'une protection accrue sur le plan disciplinaire, par rapport aux fonctionnaires d'Etat, ils sont, en revanche, dans une situation moins favorable que ces derniers en matière de rémunération et de carrière.

    a) Les fonctionnaires communaux bénéficient d'une protection accrue en matière disciplinaire.

    Dans ses grandes lignes, le régime disciplinaire des fonctionnaires municipaux n'est guère différent de celui des fonctionnaires de l'Etat : comparution obligatoire devant une Commission de discipline, respect des droits de la défense, application du principe de la légalité des peines, prononcé de la sanction par l'autorité hiérarchique. Sur certains points, cependant, les garanties qu'il offre aux fonctionnaires municipaux apparaissent plus étendues que celles dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat.

    On observera tout d'abord que les conseils de discipline, communaux pour les communes occupant plus de 100 agents à temps complet, intercommunaux pour les autres, sont présidés par un magistrat, ce qui est une garantie d'impartialité non négligeable.

    Ensuite, et surtout, la procédure et les règles disciplinaires sont plus favorables aux agents communaux. Comme pour les fonctionnaires de l'Etat, l'autorité hiérarchique peut prononcer une sanction plus sévère que celle proposée par le Conseil de discipline ; cependant, dans ce cas, l'intéressé est dispensé de demander l'avis conforme du Conseil de discipline pour se pourvoir devant l'instance disciplinaire supérieure, en l'occurence le Conseil de discipline départemental.

    Le Conseil départemental, également présidé par un magistrat, statue par un vote à bulletins secrets à la majorité de ses membres. L'agent qui s'est pourvu bénéficie alors de cette règle, qui n'a pas d'équivalent pour les fonctionnaires de l'Etat, que l'autorité hiérarchique ne peut alors prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le Conseil de discipline.

    Ces innovations sont intéressantes et on a même pu souhaiter, non sans raison, leur extension au personnel d'Etat (Méjean F. - Statuts comparés des fonctionnaires de l'Etat et des personnels communaux, in Revue administrative, 1952, p. 249).

    b) Les fonctionnaires communaux sont dans une situation défavorisée en matière de rémunération et de carrière.

    Pour les fonctionnaires municipaux, la parité de rémunération avec les fonctionnaires de l'Etat représente un maximum infranchissable. L'article 514 du code de l'Administration communale prévoit en effet « les rémunérations allouées par les communes à leurs agents ne peuvent en aucun cas dépasser celles que l'Etat attribue à ses fonctionnaires remplissant des fonctions équivalentes ».

    Ce désavantage de principe se reflète largement dans la pratique. Selon l'article 510 du Code de l'administration communale, le Ministre de l'Intérieur, sur avis du Ministère des Finances et de la Commission nationale paritaire est habilité à établir des « échelles de traitement» pour les emplois communaux. Jusqu'à une époque récente les municipalités pouvaient fixer librement les rémunérations de leurs agents dans les limites de ces échelles. Elles avaient donc le droit, éventuellement, d'adopter pour leurs agents un éventail de rémunération moins avantageux que celui établi par le Ministre de l'Intérieur. Cette faculté, maintenue au nom de l'autonomie municipale était une caricature de cette autonomie puisque le seul usage pratique qui pouvait en être fait était de désavantager les agents de la commune en leur attribuant une rémunération plus faible que celle proposée par le Ministère. La loi n° 69-1137 du 20-12-1969 ayant supprimé cette pseudo-liberté, les fonctionnaires municipaux sont désormais assurés de bénéficier intégralement des « échelles de rémunération ». Le même texte apporte également d'autres améliorations. Ainsi le supplément familial de traitement qui n'était auparavant qu'un élément constitutif facultatif du traitement en devient un élément obligatoire.

    Bien que l'évolution récente tende à réduire l'écart entre les deux catégories de fonctionnaires, la parité est encore assez loin d'être atteinte : les échelles de rémunération établies pour le personnel municipal maintiennent ainsi, à niveau égal de qualification, un assez net décalage en sa défaveur.

    Moins favorisé en matière de rémunération, le fonctionnaire municipal ne bénéficie pas non plus, en matière d'avancement, de l'équivalence de situation avec le fonctionnaire d'Etat. Le problème des carrières municipales constitue, assurément l'un des plus délicats à résoudre. La transposition des formules retenues pour la fonction publique d'Etat exigerait en effet un cadre unifié d'organisation des carrières c'est-à-dire, en pratique, une gestion intercommunale du personnel. Or cette gestion se heurte à l'obstacle de l'autonomie communale, envisagée comme conférant à chaque commune individuellement des compétences étendues pour gérer son personnel. Cette situation a des incidences très directes sur les conditions du déroulement des carrières communales.

    Les difficultés sont surtout importantes pour les agents des petites communes qui ne peuvent espérer trouver, sur place, un emploi d'avancement. Dès lors l'agent ne peut avancer que s'il remplit les conditions requises pour occuper un emploi de niveau hiérarchique supérieur et, en outre, que s'il trouve un emploi correspondant à cet avancement. Or cette seconde condition, inexistante pour les fonctionnaires d'Etat, est en pratique assez difficile à remplir.

    En effet les maires des communes plus importantes, où de tels emplois existent, ont naturellement tendance à les réserver pour l'avancement de leurs propres agents. A supposer même qu'ils ne le fassent pas, ils peuvent encore pourvoir à ces emplois en organisant un recrutement extérieur ou même en faisant appel à des fonctionnaires d'Etat détachés.

    La loi du 13 juillet 1973 a introduit certaines réformes destinées à améliorer cette situation.

    En premier lieu cette loi garantit au fonctionnaire qui accède à un nouvel emploi dans une autre commune le maintien de l'intégralité des droits qu'il a acquis dans son ancien emploi. Les carrières peuvent donc désormais, comme pour les fonctionnaires d'Etat, se dérouler sans « discontinuité ».

    En second lieu une bourse de l'emploi a été créée afin de recenser les emplois vacants et de les porter à la connaissance des fonctionnaires éventuellement susceptibles d'y être nommés en avancement.

    En troisième lieu, enfin, un mécanisme de listes d'aptitude a été prévu. Sur ces listes seront inscrits, par ordre alphabétique, d'une part les candidats extérieurs qui auront subis avec succès les épreuves d'un concours, d'autre part les fonctionnaires « promouvables » qui auront obtenu, au titre de la promotion interne, d'être inscrits sur cette liste.

    Il est vraisemblable que, pour certaines catégories d'emplois, l'inscription sur ces listes sera érigée en condition préalable à toute nomination. Il demeurera que la promotion restera conditionnée par le choix individuel des maires de chaque commune. Un fonctionnaire inscrit sur la liste pourra ainsi, s'il n'est pas « décroché » par un maire, demeurer indéfiniment sans promotion, bien que ses mérites aient été officiellement reconnus.

    Ainsi, en dépit de l'intervention de la loi du 13 juillet 1973, dont l'application, au demeurant, est loin d'être encore effective, la parité de situation entre le personnel communal et le personnel d'Etat est encore assez loin d'être atteinte. Des progrès sont encore à attendre qui supposent, peut-être, une meilleure clarification des rapports entre les diverses parties concernées.

    Des maires, qui sont les employeurs, on peut espérer une attitude individuelle et collective réellement attentive aux problèmes de personnels. L'application du statut communal, en ce qu'elle dépend d'eux, pourrait ainsi être plus activement poursuivie, par exemple par la diminution du recours aux agents hors-statut et par la participation plus effective aux organes de gestion intercommunaux. N'est-il pas paradoxal que, 25 ans après l'adoption du statut général du personnel communal, certains départements soient encore dépourvus de syndicats de gestion du personnel, dont la constitution est pourtant obligatoire ?

    De l'administration centrale on peut également attendre certains changements d'attitude. Maîtresse des rémunérations ne devrait-elle pas, en ce domaine, faire une place plus importante au dialogue direct entre les représentants des communes et du personnel communal ? L'autonomie communale, c'est d'abord l'autonomie vis-à-vis du pouvoir central de l'Etat. Il est anormal qu'elle n'ait pas en matière de rémunération, un caractère plus effectif.

    Des personnels eux-mêmes, enfin, on peut souhaiter l'acceptation d'un important effort de formation et de perfectionnement sans lequel il serait vain de leur part d'espérer obtenir la parité qu'ils demandent, à juste titre, avec la fonction publique d'Etat.