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A propos de l'image de marque des bibliothécaires

1978
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    A propos de l'image de marque des bibliothécaires

    Par L. Baize

    En septembre 1977, les éditions Casterman ont publié (dans la collection Orientations E 3) un petit livre d'Elie Reboul, chargé de l'enseignement de la documentation pédagogique à l'I.N.T.D. (Institut national des techniques documentaires) et au C.N.T.E. (Centre national de télé enseignement), intitulé «Information et Pédagogie».

    Il faut remercier l'auteur de son effort pour mettre des problèmes complexes et peu connus à la portée du grand public, c'est-à-dire les parents et l'ensemble des enseignants.

    Cependant - pour avoir lu une grande partie de ce qui a été publié ces dernières années sur les problèmes de la documentation, de l'auto-documentation, du travail individuel ou par petits groupes, sur les C.D.I. (Centre de documentation et d'information des établissements du Second Degré), je pense devoir m'élever au nom d'un effort nécessaire d'objectivité de l'information des non-spécialistes contre des erreurs, des inexactitudes, des jugements tendancieux et inactuels de M. Reboul. En 1974, déjà, dans un « Guide du bibliothécaire-documentaliste » (hors commerce) dont j'avais rendu compte dans «Lecture et Bibliothèques» (n° 35, juillet-septembre 1975), M. Reboul insistait abusivement sur l'aspect de conservation des bibliothèques, insistant volontairement sur ce qui distingue (du moins en théorie) les techniques bibliothéconomiques et celles employées dans les Centres de documentation (donc, dans les C.D.I.).

    Plus précisément, dans «Information et Pédagogie» (entre les pp. 129 et 140), comme j'ai essayé de l'expliquer à M. Reboul lui-même, il y a des erreurs et des inexactitudes qui risquent de nuire à I' « image de marque » des bibliothèques et qui ne rendent absolument pas compte de l'effort - encore trop récent et très insuffisant mais réel - de large ouverture des bibliothèques publiques vers l'ensemble de la population, à commencer par l'accueil des enfants et des adolescents ; avec un très net changement de mentalité des nouvelles générations de bibliothécaires et l'effort d'offrir dans les bibliothèques de création récente d'autres documents que les livres (disques et cassettes, diapositives, reproductions, dossiers de presse; listes bibliographiques).

    Passons sur des erreurs telles que celle de parler comme d'un service encore existant de la Direction des Bibliothèques (supprimée en juillet/août 1975), d'employer le terme de « bibliobus » pour Bibliothèque centrale de prêt.

    Mais est-il normal de lire (p. 131) que « les bibliothèques,..., nationales ou municipales, ..., dans leur état actuel, ne sont pas faites pour les enfants et restent très peu accessibles aux adolescents. » ?

    Et encore : « Les bibliothécaires... n'ont pas le temps de guider leurs lecteurs », [ce qui] suppose des usagers très au courant des règles de leur fonctionnement » ?

    Que viennent faire là les bibliothèques nationales (celle de Paris et celle de Strasbourg) qui, de tout temps, en raison de la nature de leurs collections, de la rareté, du caractère précieux et très spécialisé des documents conservés (souvent en langue ancienne ou étrangère) n'auraient aucun intérêt à s'ouvrir aux enfants ?

    Quant aux municipales, quelles sont celles dont la clientèle n'est pas constituée pour plus du quart par des enfants d'âge scolaire ? plusieurs dizaines de bibliothèques centrales ont été construites depuis vingt ans. Combien d'entre elles ne comportent pas de Section jeunesse ? Combien d'annexes de quartier ont été ouvertes, dans les villes grandes et moyennes, et de bibilobus mis en service, au profit d'abord des enfants ?

    Pas un mot sur les services rendus par les bibliobus des B.C.P. aux élèves des établissements scolaires, en milieu rural mais aussi dans des villes ; ni sur la participation des B.M. et B.C.P. aux animations, expositions, semaines, quinzaines ou journées d'études : par exemple, à Nantes, Limoges (Salon annuel de la bande dessinée), Toulouse (idem), Metz, Mende, etc.

    Comment peut-on croire aujourd'hui (pp. 130 et 136) que « les organismes de conservation [dont font partie les bibliothèques] s'intéressent plus aux documents qu'à leurs utilisateurs [ce que]... nul ne saurait... leur reprocher car leur rôle est précisément de conserver»... Et plus loin : « En outre, chacun d'eux [il s'agit toujours des organismes de conservation] : ...ne collectionne qu'un certain type de documents et un seul... Les centres de documentation, eux, s'intéressent aux utilisateurs et leurs proposent des documents de toute sorte... ». On voit mal à quoi servirait une bibliothèque qui « ne s'intéresserait pas aux utilisateurs » ; à quoi sert un livre qui n'est pas lu ? Les restrictions au prêt - il y en a de moins en moins dans les bibliothèques publiques - ne sont justifiées que par la nécessité de limiter les pertes, les vols, la détérioration de documents qu'on peut juger utiles aux générations futures.

    Quant à ne prêter qu'un seul type de documents... Rappelons qu'il y a aujourd'hui plus de 100 discothèques qui fonctionnent auprès ou dans une B.M., que dans les constructions nouvelles, le local de la discothèque est toujours prévu, même s'il n'est pas mis en service immédiatement faute de crédit et de personnel ; l'audiovisuel (à Caen, par exemple) fait son entrée dans les bibliothèques publiques.

    On pourrait dire encore beaucoup d'autres choses :

    • - que la meilleure façon d'apprendre vite et bien à se servir de la documentation, d'une classification ou d'un fichier ce peut être - au lieu de faire des exercices de simulation « en classe » - de fréquenter, dès la maternelle, les Sections enfantines des bibliothèques publiques ;
    • - que les bibliothécaires ne refusent pas de travailler avec les enseignants - bien au contraire -, soit par des visites de classes à la bibliothèque, limitées trop souvent par l'exiguïté des locaux et le manque de personnel, soit par des prêts de livres ou tout autre mode de collaboration ;
    • - que la distinction entre lecture de loisir et lecture utilitaire (bas de la p. 131), si elle commode, paraît bien schématique ;
    • - qu'il existe un très grand nombre de points communs - au niveau des techniques (par exemple : bibliographie, catalogage,...) entre les différentes professions qui s'occu-pant d'Information et de Communication (le n° 277-278, octobre-novembre 1976, de la revue de l'O.N.I.S.E.P. : «Avenirs» les regroupe opportunément). Surtout si l'on veut bien considérer - et MM. M. Sire et E. Reboul l'admettent - que, pour l'instant, les bibliothécaires-documentalistes des établissements secondaires, responsables des C.D.I., achètent, traitent et proposent à leur client (élève ou enseignant) des livres et des périodiques dans la très grande majorité des cas ;
    • - que ce n'est pas par hasard que le Certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaires (C.A.F.B.), examen professionnel de valeur reconnue, comporte une option destinée à préparer le candidat à s'occuper plus spécialement d'une « bibliothèque enfantine et/ou d'un centre de documentation » ;
    • - qu'aussi longtemps que - et on en est encore loin - tous les établissements secondaires ne seront pas pourvu d'un C.D.I. convenablement installé et équipé (personnel, crédits d'achats de livres et documents, locaux...) les enfants d'âge scolaire devront faire appel aux bibliothèques publiques.

    Pour conclure - car cette opposition C.D.I. - Bibliothèques nous paraît absurde et stérile -, il nous reste à souhaiter que l'on étudie les points de convergence et de complémentarité, que l'on encourage une collaboration au bénéfice principalement des usagers. Peut-être l'A.B.F. pourra-t-elle y contribuer?