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Quand les archivistes oublient les bibliothèques

1978
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    Quand les archivistes oublient les bibliothèques

    Par P. Gras.

    L'Association des archivistes français a fait paraître un Manuel d'archiviste dont le besoin se faisait sentir et auquel des éloges mérités ont été accordés (1) . Tout ce qui concerne les Archives paraît avoir été dit ; il suffit de consulter l'Index alphabétique à la fin du volume.

    Après une lecture attentive, cependant, une constatation s'impose : il semblerait que les dépôts d'archives ont été implantés dans une sorte de « désert documentaire » où ils doivent tout faire et où ils doivent s'équiper pour tout faire. Un étranger, ou un novice, qui lirait ce volume ne se douterait même pas qu'il existe en France des bibliothèques municipales et que beaucoup comprennent un fonds ancien avec une partie locale, fonds qui appartient d'ailleurs à l'Etat.

    Que ce fond soit quelquefois réduit, c'est certain ; que, n'ayant pas eu la chance de bénéficier comme les Archives départementales d'une nationalisation totale du personnel scientifique et technique, certaines de ces bibliothèques soient quelque peu, et quelquefois totalement, en « sommeil », pour employer la pudique expression officielle, c'est encore certain.

    Il paraît cependant curieux que ce Manuel ne fasse que de rares allusions aux bibliothèques municipales. On admet (p. 406) que les « documents scientifiques et littéraires » (correspondances, notes de travail, manuscrits d'oeuvres) sont « souvent déposés dans les bibliothèques publiques », ou que les « archives imprimées » se trouvent et se consultent aussi bien dans les archives que dans les bibliothèques (pp. 502-503). Mais, par « bibliothèques », il semble qu'on entende surtout la Bibliothèque nationale ; elle paraît la seule à posséder un Cabinet d'estampes (p. 497) et seule à bénéficier du Dépôt légal (p. 504).

    Dans les renseignements donnés sur le Dépôt légal, il n'est pas indiqué, même incidemment, que, depuis 1943, les imprimeurs provinciaux versent toute leur production, périodiques compris ,à une Bibliothèque municipale, en principe celle de la ville qui est chef-lieu de la Région (2) et que, des deux exemplaires versés, l'un est envoyé à la Bibliothèque nationale, l'autre reste sur place (3) .

    Quelques bibliothèques municipales sont certes citées dans les notes de la page 509, mais il aurait été certainement bon d'être plus précis à l'intention des jeunes archivistes qui voudraient établir le répertoire de la presse de leur département ; il aurait fallu leur signaler qu'en dehors de tout dépôt obligatoire les bibliothèques municipales ont reçu ou reçoivent encore souvent un service gratuit du journal local et aussi que parmi les bibliothèques dont on les invite à dépouiller le catalogue (p. 511) il n'y a pas seulement celles du département, mais aussi celle qu'il faut bien appeler « régionale ».

    Le problème de la répartition des « documents audio-visuels » entre Archives, bibliothèques, musées, cinémathèques, est bien posé (p. 543). Mais il n'est fait aucune allusion aux bibliothèques municipales en ce qui concerne les « documents iconographiques ». Certes la situation varie beaucoup selon les villes ; on s'étonne cependant qu'il ne soit pas conseillé aux archivistes départementaux de s'assurer que la bibliothèque municipale du chef-lieu ne possède pas déjà une collection de gravures, de photographies ou de cartes postales avant de commencer à en constituer une ; certes, on nous assure qu' « il est facile aujourd'hui de constituer un Cabinet d'estampes dans un dépôt d'archives » (p. 498), que de telles collections sont «peu dispendieuses» (p. 660), mais le souci des deniers publics devrait d'abord inciter à voir s'il n'y a pas double emploi ou risque d'une concurrence néfaste à tous.

    En cherchant bien, on trouve des mentions de bibliothèques municipales, « classées ou contrôlées » lorsqu'il est traité du prêt des livres des bibliothèques des dépôts d'archives (p. 646), mais quand il est question de l'importance à donner à ces bibliothèques, on prévoit seulement le cas d' « une ville dotée d'une grande bibliothèque universitaire » (p. 637). Il ne doit sans doute pas exister de grandes bibliothèques municipales !

    1. Manuel d'archivistique. Théorie et pratique des Archives publiques en France... par l'Association des archivistes français. - Paris, SEVPEN, 1970. - ln-8°, 807 p. retour au texte

    2. Il faut noter et peut-être regretter que les circonscriptions du dépôt légal sont toujours actuellement les anciennes régions du régime de Vichy, avec quelques modifications qui ne les ont pas encore fait coïncider entièrement avec les « régions de programme » d'aujourd'hui. retour au texte

    3. Il est très contestable de dire (page 511, n° 4) que le dépôt légal est d'abord un dépôt d'imprimeur ; il concerne aussi bien l'« éditeur » ; le « dépôt légal d'éditeur » frappe toutes les publications, y compris les périodiques; pour ceux-ci s'y ajoutent les dépôts « administratif » et « judiciaire ». retour au texte