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Gestion automatisée du prêt à la bibliothèque publique de Massy

1980
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    Gestion automatisée du prêt à la bibliothèque publique de Massy

    Par Michèle GANOT

    BILAN

    Rappelons brièvement les conditions de l'installation de ce système de prêt automatisé. La Bibliothèque de Massy, bibliothèque d'application de l'Ecole Nationale Supérieure de Bibliothécaires, a dès son ouverture géré les prêts grâce à l'automatisation ; - c'était la première expérience de ce type en France et la Bibliothèque de Massy a, en ce sens, servi de cobaye avec tous les inconvénients et les rares avantages que nous allons voir.

    LE MATERIEL DE SAISIE

    Le système choisi était l'A.L.S. 1 (Automated Library System 1) fonctionnant grâce à des badges perforés pour les livres et les lecteurs. Les données étaient transmises par perforation sur bandes papier que nous envoyions tous les 15 jours pour traitement à une société de service (1) .

    Ce matériel de saisie, acheté en 1970, a fonctionné à peu près correctement jusqu'en 1978 mais est aujourd'hui usé. On peut d'ailleurs considérer comme amortis les frais d'acquisition de ce matériel qui avaient été inférieurs à 100 000 F.

    Il y a eu 11 pannes en 1979, chaque panne entraînant des erreurs dues au non enregistrement de sorties ou de retours de documents, erreurs qui se répercutent sur les 3 à 6 mois suivants. A la date du 25 octobre 1979, nous estimions que les traitements seraient erronés jusqu'en avril 1980, nous avons donc décidé d'arrêter le prêt automatisé et de prendre un temps de réflexion.

    L'A.L.S. 1 n'est plus fabriqué et a été remplacé par des systèmes plus modernes, cependant il est intéressant d'en analyser les avantages et les inconvénients puisque les bibliothèques françaises ont toujours recours à du matériel anglais faute de fabricant français.

    inconvénients :

    • - la maintenance assurée par des techniciens qui se déplacent de l'étranger est coûteuse. De même les frais de fabrication, de transport et de douane des cartes perforées sont importants. (Voir coût et estimation en annexe) ;
    • - les délais de déplacement des techniciens comme ceux des livraisons de fournitures sont longs ;
    • - les badges (ou cartes) amovibles peuvent être facilement perdus et ou intervertis. En outre, ceux des livres étaient en carton et relativement fragiles ;
    • - la bande papier n'est pas adaptée à l'enregistrement d'un grand nombre de données car sa lecture sur ordinateur est très lente. Il faut donc la transcrire sur un support magnétique d'où des frais supplémentaires et une fiabilité médiocre ;
    • - pour des raisons d'économie, la mémoire piège n'avait pas été achetée. Or l'absence de cet élément qui permet le signalement automatique de certains problèmes (non respect du règlement par exemple) entraîne un travail manuel de recherche et de surveillance très important.

    avantages :

    • Par contre le badge amovible est pratique en cas de panne car il permet de mettre en place immédiatement un système de prêt manuel ; l'enregistrement des sorties est simplement différé. Cet avantage n'est pas négligeable lorsque l'on sait que tous les matériels de saisie actuellement utilisés dans les bibliothèques ont des défaillances plus ou moins fréquentes. Ce serait un leurre de s'imaginer le contraire et il faut pour en éviter les inconvénients prévoir sur place 1 ou 2 personnes capables de faire de petites réparations. L'ignorance technique en l'occurence est génératrice d'innombrables tracasseries et erreurs, pour un incident quelquefois minime.
    • Certes d'énormes progrès ont été réalisés par la suite mettant à profit les erreurs commises et les tâtonnements : mais on ne saurait trop mettre en garde les bibliothécaires contre des programmes trop vite faits, trop rigides et dont l'évolution n'a pas été prévue. Nos documents n'avaient pas été mis en mémoire dans l'attente de la réalisation d'un fichier central de la Bibliographie de la France que nous espérions pouvoir utiliser. Aujourd'hui, il apparaît déraisonnable, étant donné le coût de revient d'un tel système, de se contenter de programmes restreints à la seule gestion car il n'est pas possible d'éditer des catalogues ni bien sûr d'obtenir des statistiques de prêt par discipline. De même ne pouvait figurer sur les lettres de rappel que le numéro du document réclamé et le recollement devait se faire manuellement.
    • Les erreurs dues aux programmes, ajoutées aux défaillances du matériel, ont abouti à des résultats tellement peu fiables que nos prêts n'étaient en fait plus gérés. En outre, il n'y avait plus aucun rapport entre le service rendu et le prix de revient de cette gestion.

    EVALUATION DES PRIX DE REVIENT

    Notre expérience riche en déboires nous a amené à réfléchir sur les critères qui devraient présider à l'automatisation quel que soit le système choisi. Le premier de ces critères est le prix de revient. Nous avons donc fait le calcul de ce prix, variable selon les systèmes utilisés, pour un même volume d'activités, à savoir :

    • 160 000 prêts par an
    • 3 000 inscriptions de nouveaux lecteurs
    • 5 000 pochettes imprimées et 500 pochettes vierges
    • 5 300 badges imprimés et 1 500 badges vierges
    • 40 bandes papier
    • 7 000 lettres de rappel

    LES PROGRAMMES

    Les premiers travaux d'analyse (1971) avaient été réalisés par un stagiaire de l'IRIA, sous la responsabilité d'un conservateur. Les traitements ont été assurés par l'Ecole des Mines puis par la société Artémis. Ces programmes étaient écrits en FORTRAN, langage mathématique mal adapté aux problèmes de gestion.

    Il est assez vite apparu un certain nombre de lacunes dans ces programmes qui nécessitaient de nouveaux développements : certains paramètres étaient insuffisants. Il nous était par exemple impossible de modifier :

    • - la durée et le nombre des prêts ;
    • - le tarif des amendes ;
    • - le texte des lettres de rappel ;
    • - les lettres destinées aux usagers bénéficiant d'un règlement spécial comme les collectivités, les écoles, etc...;
    • - des tranches numériques avaient été prévues pour les lecteurs adultes et pour les lecteurs enfants. Le nombre de lecteurs ayant très rapidement augmenté, ces chiffres étaient dépassés et l'ordinateur refusait de prendre en compte les lecteurs inscrits au-delà de la tranche prévue;
    • - les listings que nous obtenions étaient trop volumineux, inadaptés à nos besoins et difficiles à exploiter;
    • - nous constations les deux dernières années des irrégularités graves dans la prise en compte des données ; erreur portant sur les dates, lettres aberrantes ;
    • - la rédaction des programmes ayant été faite par un stagiaire, personne ne les connaissait suffisamment pour pouvoir entreprendre des modifi -cations après son départ.

    REMARQUES

    1) Les programmes de Grenoble sont beaucoup plus sophistiqués, (fichiers documents, emprunteurs, édition de catalogues... etc...) il est donc normal que le coût soit plus élevé.

    2) Si le prix de revient du prêt automatisé de Grenoble représente 10 % du « budget acquisition » des bibliothèques concernées, par contre celui de Massy en représente presque 50 % ! (compte tenu de l'augmentation constante des frais et de la diminution importante des crédits de la bibliothèque: environ 45 % en francs constants de 1974 à 1979).

    3) L'amortissement n'a pas été inclus mais en toute bonne comptabilité il devrait l'être.

    TEMPS DE PERSONNEL

    MASSY : un conservateur y consacrait les 3/4 de son temps : liaison avec le centre informatique de traitement et les ingénieurs de l'ALS. Surveillance du fonctionnement général, travail avec des analystes pour de nouveaux programmes, etc...

    • 3 personnes passaient environ une dizaine d'heures (au total) tous les 15 jours pour réceptionner le traitement (vérification des listings afin de dépister les plus grosses erreurs et envoi des lettres de rappel).

    • une secrétaire travaillait 4 heures environ par semaine pour remplir les bordereaux d'inscription des emprunteurs et une journée par mois pour la vérification des listings de mise à jour.

    GRENOBLE : une personne à temps plein pour la gestion générale plus les nombreuses heures que consacre le conservateur responsable des bibliothèques de la ville ainsi que l'informaticien de la société chargée du traitement.

    STRASBOURG (Plessey) : une personne à temps plein pour la gestion générale plus un gardien-technicien ayant suivi un stage chez Plessey, plus le travail du bureau informatique de la mairie.

    Tous nos collègues précisent qu'il est nécessaire d'apporter un très grand soin à la mise au point des programmes et donc de l'analyse préalable des besoins de la bibliothèque, d'avoir à leur disposition un service informatique compétent et disponible quand il le faut : trop souvent les problèmes de la bibliothèque passent en dernier parce que le service informatique est saturé. En outre, il faut tenir compte de la mise en route et du rodage : à Pantin, par exemple, il n'a pas été possible d'assurer les animations pendant un an.

    QUELQUES INDICATIONS SUR LES DELAIS D'EQUIPEMENT

    PANTIN : 4 personnes pendant 4 mois pour équiper 60 000 ouvrages et les périodiques : environ 100 titres de l'année en cours et des années antérieures.

    ANNECY : 2 personnes équipaient environ 500 livres par jour. Travail effectué : recherche de badge et collage, inscription sur bordereau, mise en place d'un système anti-vol.

    GRENOBLE : Bibliothèque du Jardin de ville, 8 personnes pendant 8 semaines pour 25 000 livres-travail effectué : vérification sur l'inventaire, collage des badges et inscription sur bordereaux.

    De ces quelques chiffres il ressort qu'une bibliothèque pauvre est bien obligée de choisir entre acheter plus de documents ou avoir un système de prêt perfectionné ; l'euphorie éventuelle du départ ne doit pas faire oublier que les machines s'usent et se démodent. Il faut donc prévoir non seulement un entretien régulier et coûteux mais aussi à terme leur remplacement.

    TRAITEMENT

    A ce jour, tous les systèmes de prêts automatisés sont en différés c'est-à-dire avec des traitements hebdomadaires ou par quinzaine assurés par des sociétés de service ou les services informatiques des municipalités. Cela signifie : la production de listings très volumineux fournissant des renseignements qui ne sont pas toujours exploités faute de temps et de personnel ; un coût de temps machine, de personnel, de papier élevé ; un retard plus ou moins important dans la mise à jour des données. Un système en temps réel, étant donné les progrès technologiques des mini et micro-ordinateurs, serait-il plus efficace et moins cher? Certes, nous pouvons toujours avoir notre propre opinion sur la question, mais il n'en reste pas moins que c'est à des organisations comme l'AUDIST ou la Direction du livre que revient la tâche de faire étudier le problème par des informaticiens afin de trouver la meilleure solution.

    BILAN DE 5 MOIS DE PRET MANUEL A MASSY

    Devant l'impossibilité de continuer le prêt automatisé, la Bibliothèque de Massy s'est donc vue contrainte d'aménager un système manuel, ce qui n'a pas été entièrement négatif.

    En raison de la taille du bâtiment, de la surface, de la disposition des services ou pour toute autre raison, le public de Massy restait anonyme pour le personnel. L'arrêt du système de prêt automatisé ainsi que les actions entreprises pour faire connaître aux usagers nos problèmes de tous ordres : régression de crédits, insuffisance de personnel, ont permis de dialoguer avec un grand nombre de personnes.

    Cependant, les lecteurs habitués justement à cet anonymat et à la grande souplesse du système automatisé ont quelque peine à se familiariser et à accepter les contraintes nouvelles du prêt manuel. De même le personnel trouve que le travail en service public est plus fatigant, et l'emploi de vacataires payés sur des crédits auparavant affectés à l'automatisation n'est pas sans poser des problèmes sur le plan des principes et de la pratique.

    D'autres inconvénients sont bien connus: les retours sont longs et fastidieux, la manipulation des fiches de prêt est particulièrement gênante à la discothèque. Pour pallier cette lenteur, il a fallu doubler le personnel en service public aux heures d'affluence et même ainsi, il est beaucoup moins disponible pour renseigner les usagers. De ce côté, il y a une incontestable diminution de la qualité du service rendu aux lecteurs. En outre, étant donné l'extrême simplification du système adopté, nous ne pouvons plus savoir qui a quoi, ou si un document a disparu. Par contre, nous n'avons ni plus ni moins de statistiques qu'auparavant (chiffres globaux de prêts de livres et de disques).

    POUR CONCLURE

    Si le système de prêt manuel à Massy n'a pas été un choix du mieux mais une obligation aménagée, il semble qu'il soit viable pour 160 000 prêts par an à condition que l'on ne cherche pas à affiner au maximum son fonctionnement ce qui demanderait beaucoup plus de temps ou de personnel.

    Le prêt automatisé dans la bibliothèque peut certainement rendre de grands services, encore faudrait-il pouvoir déterminer avec soin quel système est le meilleur en fonction des rapports coût/service rendu/budget de la bibliothèque.

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    Coût gestion A.L.S.1 en 1978 à Massy

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    Coût de gestion annuel - A.L.S.2, prévisions pour la bibliothèque de Grenoble

    1. Pour une description détaillée du système de prêt, se rapporter à NAVACELLE (Marie-Christine de) - La Gestion automatisée du prêt à la Bibliothèque publique de Massy. Bulletin des Bibliothèques de France Vol. 19 N° 6 1974, pages n° 285 à n° 305). retour au texte