(En) être ou ne pas (en) être ?

Nathalie Marcerou-Ramel
Directrice de l'Enssib

 

Photo © Laurence Papoutchian

Le 8 avril 2021, lors d’une convention managériale de l’État, le Président de la République a annoncé la transformation de l'ENA en un Institut du service public : dès janvier 2022, les candidats reçus aux concours intègreront le nouvel ISP. Les diplômés verront leurs modalités d’affectation modifiées : ils ne pourront rejoindre les grands corps qu’après une expérience de terrain. Enfin, un tronc d’enseignement de 6 mois commun à 14 écoles de service public sera mis en place, dès 2022 également. Ces décisions s’inscrivent dans la ligne de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 et du rapport de la mission « Haute fonction publique » conduite par Frédéric Thiriez, publié en février 2020.

Comme toute école formant – notamment mais pas uniquement pour ce qui la concerne – des hauts fonctionnaires, les conservateurs des bibliothèques de l’Etat et de la Ville de Paris, l’Enssib suit avec attention la mise en œuvre de cette réforme, et ce depuis 2019. Dès le rapport Thiriez, un périmètre d’étude strict a été défini, intégrant « les corps relevant de l’encadrement supérieur et dirigeant des trois versants de la fonction publique, hors enseignants et militaires : corps ENA, corps Polytechnique, administrateurs territoriaux, directeurs d’hôpital et d’établissement sanitaire, social et médico-social, directeurs d’organismes de sécurité sociale, directeurs des services pénitentiaires et directeurs d’insertion et de probation, commissaires de police, magistrats de l’ordre judiciaire ». Les conservateurs, des bibliothèques comme du patrimoine, ne figuraient pas dans cette liste. Et, à ce stade, l’Enssib n’est pas concernée par la mise en place du tronc commun, un point sur lequel elle n’a pas manqué d’interroger ses tutelles.

14 écoles de la fonction publique travaillent donc actuellement à élaborer un dispositif commun de formations qui devraient pour l’essentiel être dispensées à distance, sans que la nature de l’accompagnement pédagogique encadrant ces modules ou du travail personnel attendu des élèves ne soit encore clairement établie. Dès la réunion des directeurs et directrices du réseau des écoles de service public (RESP) à laquelle nous avions participé en octobre 2020, 4 thématiques émergeaient : la transformation numérique, les inégalités sociales, le rapport à la science, la transition écologique. Une cinquième apparaît désormais dans la liste, de manière légitime, puisqu’il s’agit des principes républicains et de la laïcité.  

Les conservateurs doivent-ils « en être ou ne pas en être » ? Il n’appartient pas à l’Enssib de répondre seule à cette question, qui intéresse l’ensemble des filières « bibliothèque », de l’État comme de la fonction publique territoriale. Il est probable qu’après cette première vague, de nouveaux arbitrages seront rendus, ce qui permettra à d’autres formations de rejoindre le dispositif, dans un second temps. Les thématiques du tronc commun entrent en résonance avec certains enseignements dispensés à l’Enssib, qui s’interroge déjà sur la manière dont elle pourrait intégrer les modules à ses dispositifs de formation, voire y contribuer : il lui semblerait notamment important que les cadres de la haute fonction publique soient formés aux grands enjeux informationnels, un sujet que celui de la transformation numérique n’épuise pas.

Le 3 mai prochain, la première édition de leurs assises, que plusieurs promotions de conservateurs.trices territoriaux.ales de bibliothèques organiseront en partenariat avec l’Institut national des études territoriales (INET), abordera le sujet. Ces assises visent - selon l’invitation reçue à y participer - à « rendre visible la contribution de la lecture publique aux politiques portées par les collectivités territoriales, positionner le cadre d’emploi et formuler un projet d’avenir pour en défendre le statut » : une initiative que nous ne pouvons que saluer et relayer.