Éditorial décembre 2019

Nathalie MArcerou-Ramel« Notre identité est faite de la manière dont nos données sont collectées. » C’est le constat stimulant qu’a posé le philologue et historien des religions Milad Doueihi, grand témoin de la Biennale du numérique qui s’est déroulée à l’Enssib, les 18 et 19 novembre. Il a rappelé qu’au moment de l’apparition du Web, le vocabulaire employé pour en désigner les outils et les processus était largement emprunté à l’exploration maritime : « navigation », « port », « explorer », etc. L’accès à l’information semblait libre, dans un territoire sans limite, où se mouvaient surfeurs et pirates. On assiste depuis quelques années à un glissement sémantique, qui témoigne d’un puissant retour du territorial, de la géolocalisation, lesquels peuvent induire une forme de colonialisation du web. Deuxième constat : le savoir est désormais produit sous deux formes, un savoir humain, que l’on pourrait qualifier de « classique » et, en parallèle, un savoir automatique, algorithmique, dont la masse et l’échelle nous échappent. S’agit-il du même ordre du savoir ? Ces enjeux sont au cœur des métiers de l’information, de la documentation, des bibliothèques et de leur devenir.
 
Comment une grande école comme l’Enssib s’empare-t-elle de ces questions ? La première réponse consiste à faire évoluer ses formations de spécialistes des données et du management de l’information, qu’elles s’adressent aux étudiants des masters et diplômes d’établissement universitaires, aux fonctionnaires stagiaires ou aux professionnels en poste. En 2020, l’Enssib proposera un nouveau cours sur les données aux étudiants en première année de master Sciences de l’information et des bibliothèques, une unité d’enseignement Données et Science ouverte au sein de la formation des conservateurs de bibliothèque et, pour la deuxième année consécutive, un parcours de formation tout au long de la vie (FTLV) intitulé Ouvrir la Science et les données : discuté avec l’ADBU, ce parcours intègre des stages développés avec l’ABES, la BnF, l’Urfist de Bordeaux, l’Université de Lille… Il permet aussi de formaliser un véritable partenariat avec l’Inist autour de la fouille de texte, dont l’Enssib ne peut que se réjouir. L’ensemble du programme 2020 de FTLV est consultable en ligne, sur le site de l’École.
L’Enssib développe également la recherche et la diffusion des savoirs dans ces domaines. La Biennale fut, à cet égard, un temps fort de l’année 2019. Dans ce cadre a été décerné le prix de l’innovation du numérique à Limédia, bibliothèque numérique partagée du Sillon lorrain, qui se propose d’articuler finement ressources numériques et territoires, en les accompagnant de services sur place et à distance : une autre manière de créer une « géolocalisation » intelligente et ouverte.
Sans souci d’exhaustivité, nous signalons ici deux autres initiatives :
- la publication d’une éditorialisation du blog S.I.Lex de Lionel Maurel à travers un livre dirigé par Sarah Clément et Mélanie Leroy-Terquem, publié aux Presses de l’Enssib dans la collection La numérique dirigée par Muriel Amar ;
- un ensemble de publications et de manifestations sur le thème de l’éducation aux médias et à l’information (EMI) : deux publications aux Presses de l’Enssib, un stage de FTLV, l’accueil d’un colloque académique sur la critique des sources, le tout appuyé, au printemps, par un dossier numérique du Bulletin des bibliothèques de France consacré aux nouveaux enjeux de l’information. Un groupe de travail interne à l’Enssib coordonne le développement de ces actions dans un champ qui se trouve au cœur-même du nom de l’Enssib.
Il s’agit donc pour nous, par différents moyens, de construire des propositions réflexives sur les questions complexes qu’a si bien formalisées Milad Doueihi et de montrer que les métiers de l’information et de la documentation, en ce qu’ils participent à la collecte, la description, la conservation, la mise à disposition des données et à la transmission de compétences informationnelles, jouent un rôle majeur dans la construction de nouvelles identités.
 

Toute l’équipe de l’Enssib se joint à moi pour vous souhaiter d’excellentes fêtes de fin d’année !

 
Nathalie Marcerou-Ramel