Éditorial - Janvier 2025

Nathalie Marcerou-Ramel

Nathalie Marcerou-Ramel
Directrice de l'Enssib
 

 

 

Au rythme des chevaux qui, dans les années 50 encore, occupaient les espaces aujourd’hui dévolus à l’Enssib, ceux de l’ancien hippodrome du Grand-Camp à Villeurbanne, s’ouvre une année 2025 que toute l’équipe de l’Enssib vous souhaite dynamique, et, malgré tout, sereine.

 
Des chantiers importants attendent l’établissement en cette année, au cours de laquelle s’engage le processus d’évaluation quinquennal par le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) : lancement d'une nouvelle formation en gouvernance responsable des données, évaluation après 18 mois d'implication dans le tronc commun piloté par l'INSP, accueil d’une Erasmus Staff Week, lancement d'un réseau de recherche, nouvelles collaborations et contributions à des appels à projet, décision sur un possible passage de l'établissement aux responsabilités et compétences élargies, et, comme notre carte de vœux le met en évidence, adoption prochaine d’un schéma directeur « développement durable et responsabilité sociétale et environnementale ».

 
C’est en toute fidélité avec ses engagements en matière de RSE que l’établissement a lancé ce programme de travail. La conférence inaugurale organisée à l’occasion de l’accueil de la nouvelle promotion de conservateurs stagiaires, DCB 34, a porté sur les manipulations de l’information. Avec deux nombres clés, 105 et 17, David Colon, professeur agrégé d’histoire à Sciences Po Paris, a planté un décor glaçant : 17 milliards de dollars, c’est le montant évalué de l’économie de la désinformation ; 105 dollars, le montant à débourser pour créer un faux site d’information. La désinformation est devenue un « business rentable », amplifiée par la caisse de résonance des réseaux sociaux et déjà aggravée par le développement des intelligences artificielles (IA) génératives. La prochaine journée du programme « éducation aux médias et à l’information » de l’Enssib, le 12 février, proposera d’ailleurs une initiation aux enjeux informationnels de l’IA.

 
Comment lutter ? Il y a urgence, avant que ne s’engage une autre étape, celle que David Colon appelle « la guerre cognitive algorithmique ». Les États généraux de l’information, dans leur rapport rendu en septembre 2024, ont formulé 15 propositions. L’Enssib, qui a apporté sa contribution à cette réflexion, avait déjà fait siennes les deux premières : faire de l’éducation à l’esprit critique et aux médias à l’école une priorité (et les bibliothèques peuvent grandement y contribuer) ; neutraliser la désinformation par une sensibilisation préventive à grande échelle : école, universités et entreprises. Mais, au-delà de cette approche professionnelle, nécessairement limitée, comment toucher la société civile et répondre à celles et ceux qui estiment que la lutte contre la désinformation constitue une limite à leur liberté de penser ? Tout l’enjeu est là : si la désinformation est un virus, peut-être faut-il apprendre à la traiter comme telle et utiliser une approche médicale, celle de l’infodémiologie (science de la gestion des infodémies), comme l’a proposé l’organisation mondiale de la santé dès 2020. Celles et ceux que le sujet intriguent pourront consulter le site « Inoculation science » de l’Université de Cambridge et découvrir des outils tels que Bad News ou Harmony Square. Nul doute que ces enjeux seront au cœur des débats de la profession en 2025 : le thème du prochain congrès de l’Association des bibliothécaires de France, en juin, est l’esprit critique et, comme l’a rappelé Sandrine Gropp, nouvelle présidente de l’ADBU, dans ses vœux à l’association, « investir dans les bibliothèques, c'est investir pour une société plus juste ».

 
Je salue pour finir le choix très opportun, dans le contexte que nous connaissons, de la promotion de conservateurs stagiaires DCB34 qui a retenu pour nom de baptême celui de Madeleine Riffaud, poétesse, journaliste et figure de la résistance sous le nom de « Rainer », décédée en novembre 2024.

 

 

Nathalie Marcerou-Ramel,
Directrice de l’Enssib