Le RESP ou le « goût des autres »

Nathalie Marcerou-Ramel
Directrice de l'Enssib

 

© Cédric Vigneault / Enssib

Alors que nous écrivons ces lignes, la réunion bisannuelle des directeurs du Réseau des écoles de service public (RESP) vient de s’achever : elle s’est tenue à Saint-Malo, les 8 et 9 juin, dans un cadre « face à la mer » aussi beau qu’inspirant. Les prochaines journées, en novembre, se tiendront à lInstitut National du Travail de l'Emploi et de la Formation Professionnelle (INTEFP) de Marcy-L’Etoile, institut dirigé par le président du réseau pour l’année 2022, Hervé Lanouzière.

S’il peut paraître convenu de se féliciter, après un séminaire, de la qualité des échanges, je ne vais pourtant pas déroger à la règle : ces journées, qui ont réuni 27 personnes représentant 23 écoles aux différences pourtant marquées, ont permis d’aborder, dans une ambiance conviviale et constructive, des questions aussi stratégiques que les conséquences durables de la crise sanitaire sur le fonctionnement des écoles de service public ou encore la refonte du dispositif des sessions inter-écoles, dispositif piloté par le RESP depuis 1993. Ces sessions permettent de faire travailler ensemble, autour de projets ou de cours, des groupes d’élèves issus de l’ensemble des écoles participantes.

Mais deux sujets majeurs auront occupé les directeurs et directrices durant ces journées : les valeurs du service public et l’attractivité des concours et métiers de la fonction publique.

 

Dans sa conférence inaugurale, Jean-Denis Combrexelle, ancien président de la Section du contentieux du Conseil d'État et désormais directeur de cabinet du garde des Sceaux, a pointé les exigences nouvelles qui s’imposent aux fonctionnaires : obligation de rapidité, l’action de la fonction publique se trouvant constamment comparée à celle des GAFAM1, de simplicité, alors que le droit administratif est de plus en plus complexe, et de responsabilité accrue, y compris personnelle. L’image du fonctionnaire semble écornée, alors que le besoin de fonction publique a cru, avec la crise sanitaire. Les écoles sont donc appelées  à former des fonctionnaires capables de diriger des équipes, dotés du  « goût des autres »2, manifestant de la joie de vivre, de l’enthousiasme : des fonctionnaires courageux, prêts, pour défendre la chose publique, à faire ce que l’on n’attend pas d’eux. Elles doivent également se rapprocher des universités : un message bien entendu par le réseau, et pas uniquement par le nouvel Institut national du service public ou les « grands établissements » que sont l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) et l’Enssib. Une synthèse des coopérations et besoins existants, ainsi que des contacts avec France Universités, sont d’ores et déjà envisagés. 

 

La baisse générale et parfois inquiétante du nombre de candidats inscrits et présents aux concours de la fonction publique a fait l’objet de discussions approfondies. Dans nos domaines, les concours des bibliothèques et du patrimoine attirent des candidatures, ce qui n’est plus le cas dans d’autres secteurs. Mais, selon le rapport de jury établi pour la session 2021 par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, on observe une baisse du nombre de candidats aux concours interne et externe de conservateur d’Etat de 45% depuis 2013, avec des taux de présence aux épreuves de 30 à 35% en 2021, ce qui doit alerter. Depuis 2012, la baisse des inscrits aux épreuves d’admissibilité des concours de conservateur du patrimoine s’établit à 38%. D’autres écoles plus « impactées » par le phénomène peinent à pourvoir les places offertes aux concours : pas de crise des valeurs, donc, mais une crise d’attractivité manifeste, qui conduit le RESP à lancer plusieurs enquêtes et à engager, avec les administrations centrales, des chantiers de remédiation, qui devront nécessairement être « courageux ».

 

Nathalie Marcerou-Ramel
Directrice de l'Enssib

 

1. GAFAM : acronyme désignant les cinq entreprises américaines du secteur de la technologie les plus populaires et cotées en bourse.

2. Le Goût des autres est un film français réalisé par Agnès Jaoui, sorti en 2000.