
Nathalie Marcerou-Ramel
Directrice de l'Enssib
© Cédric Vigneault, Enssib
Le 12 août 2022, l’écrivain Salman Rushdie a été poignardé alors qu’il s’apprêtait à donner une conférence, à New York. Cette agression sauvage, survenue trente ans après la fatwa délivrée contre lui pose une question fondamentale : peut-on voir sa vie gâchée et menacée pour avoir écrit ? À cette question, la réponse devrait être définitivement et unanimement négative.
Au-delà de l’attaque contre la liberté d’expression, le traitement accordé à cet « événement » interroge. La caisse de résonance qu’ont fournie les réseaux sociaux à certaines formulations trop rapides a fini par effacer cet événement derrière son écho médiatique et par déformer la perception que nous pouvions en avoir. Ces phénomènes doivent plus que jamais intéresser les spécialistes de la diffusion de l’information que nous sommes et que nous formons. Le rapport à l’information, l’« éducation au débat » (selon la proposition de Romain Badouard dans l’ouvrage Éducation critique aux médias et à l’information en contexte numérique, Presses de l’Enssib, 2020) devraient faire l’objet d’un enseignement précoce. La compréhension des enjeux informationnels devient capitale, au même titre que les enjeux de transition écologique ou de transition numérique auxquels ils ne se réduisent pas.
À l’Enssib, ces convictions s’incarnent depuis plusieurs années dans un certain nombre d’initiatives concrètes - formations, projets éditoriaux, journées d’études - et de partenariats en matière d’éducation aux médias et à l’information et de développement de l’esprit critique : vous en trouverez mention dans le rapport d’activité 2021 de l’établissement récemment publié. Portés par une mission dédiée, ils s’inscrivent désormais dans une perspective scientifique : en témoigne le programme de la journée internationale d’étude organisée le 14 octobre, grâce au financement obtenu par l’Enssib et l’École des bibliothécaires et documentalistes de Dakar (EBAD) via un appel à projet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) en matière de lutte contre la désinformation. Parce que ces problématiques sont internationales, cette journée marquera la préfiguration d’un réseau scientifique francophone en EMI. En effet, pour répondre au 4e axe de son programme de lutte contre la désinformation, l’OIF a lancé une cartographie des centres et structures de recherche en matière de lutte contre la désinformation, confiée au réseau Théophraste (réseaux d’écoles francophones de journalisme) et un appel à communications scientifiques : Susan Kovacs, professeure en Sciences de l’information et de la communication à l’Enssib, et Thomas Chaimbault-Petitjean ont participé à la sélection et à la relecture des travaux, qui seront présentés le 14 octobre.
Signalons également que l’étude de faisabilité préfigurant un Observatoire international pour l’information et la démocratie a été publiée le 22 septembre 2022 et qu’elle est consultable sur le site du Forum on Information & democracy. En février 2022, l’Enssib a été consultée par Chloé Fiodiere et notre collègue Florian Forestier, tous deux chargés, avec Yves Serra, de réfléchir à la préfiguration de ce futur observatoire. C’est pourquoi nous nous permettons de relayer la parution de ce rapport.
« Son combat est le nôtre », a écrit le Président de la République dans son message de soutien à Salman Rushdie. Alors que, deux ans après son assassinat, un hommage est rendu au professeur Samuel Paty, il nous semble nécessaire de le conserver en mémoire.
Nathalie Marcerou-Ramel, directrice de l’Enssib