Chloé Perrot

Doctorante en histoire de l’art moderne à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et titulaire du master Technologies numériques appliquées à l'histoire de l'École nationale des Chartes, Chloé Perrot a travaillé à la BIU Santé en tant que chargée de travaux numériques avant d’assumer un poste d’ingénieur de recherche pour le LabEx Littépub. Parallèlement à sa formation d’élève-conservatrice à l’Enssib, Chloé Perrot poursuit son doctorat en vue de soutenir fin 2020 sa thèse portant sur les iconologies françaises du XVIIIe siècle sous la direction du Pr Etienne Jollet (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et de M. Guilhem Scherf (École du Louvre).

Rencontre avec Chloé Perrot, élève-conservatrice des bibliothèques à l’Enssib (DCB 28), en stage à la Bibliothèque nationale de France (BnF)

À l’occasion de la conférence du GRHAM Un prodigieux « amas d’images », organisée le 21 novembre 2019 à l’Institut National d’Histoire de l’Art, Chloé Perrot nous explique comment elle a contribué à cet événement dans le cadre de son stage professionnel au département des Estampes et de la Photographie de la BnF.
 

1/ En tant qu'élève-conservatrice des bibliothèques à l’Enssib, vous effectuez actuellement un stage au département des Estampes et de la Photographie de la BnF. Pourriez-vous nous préciser comment s'est fait le choix de ce stage et quelle était votre motivation ?
Les estampes, et de manière plus large, les images, sont le fil conducteur de ma formation et de mes expériences professionnelles jusqu'à mon arrivée à l'Enssib. C'est donc tout naturellement que j'ai souhaité pouvoir passer quelques mois dans l’une plus importantes collections d'images, le département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France. J'avais par ailleurs pris conscience des difficultés liées au signalement des documents visuels lors d’une précédente expérience professionnelle en tant qu’ingénieur de recherche pour le LabEx Littépub, qui avait opté pour la bibliothèque numérique Omeka Classic. Donc, quand Mme Le Bitouzé, directrice adjointe du département, a évoqué la possibilité de travailler d'une part sur la rétroconversion de l'Inventaire du fonds français et d'autre part sur un outil qui permette aux lecteurs de mieux s'orienter dans les collections, j'ai été particulièrement enthousiaste.
 

2/ Votre stage comprend deux missions différentes, dont celle de la valorisation numérique d'une collection d'images. Pourriez-vous nous expliquer plus précisément en quoi cela consiste ?
Ma seconde mission de stage, la valorisation numérique d’une collection d’image, a rapidement été placée au premier plan. Elle répond en effet au souci de la BnF de développer de nouveaux services aux usagers dans la perspective de la réouverture du site « Richelieu », prévue en 2021. Avec l'aide plus que nécessaire du personnel du département, et en collaboration avec le service de coordination internet et réseaux, la délégation à la Stratégie et à la Recherche et le service dédié à l'innovation, je suis chargée de concevoir une salle de lecture virtuelle. Le terme peut être trompeur puisqu’il ne s'agit pas de créer une nouvelle bibliothèque numérique mais de fournir aux usagers tout ce qui est nécessaire à la connaissance des collections et de leur organisation. Pour cela, il ne suffit pas de mettre à disposition le cadre de classement, ce qui est déjà fait, mais de structurer les informations en partant des attentes des lecteurs et de leur manière d'aborder le fonds. L'objectif in fine est de permettre une exploitation optimale des quelques quinze millions de documents conservés par le département, en assurant la visibilité de ce que le Catalogue général ou Gallica ne montrent pas.
 

3/ Quelles compétences mobilise un tel stage ? Quelles sont les qualités requises et en quoi enrichit-il votre expérience ?
Ce stage mobilise des compétences assez diverses : la première est de comprendre l'organisation d'une collection d'images. Au cas d'espèce, le fonds est structuré sur les principes établis par les collectionneurs dès l'époque moderne et plus particulièrement sur ceux préconisés par l'Idée générale d'une collection complette d'Estampes de Carl Heinrich von Heineken, paru en 1771. Cet ancrage historique est important. Par ailleurs, dans la mesure où il s'agit de concevoir un outil numérique, il faut savoir quelles sont les possibilités techniques et plus particulièrement avoir conscience de celles offertes par les technologies utilisées par la BnF, tout en prévoyant la scalabilité ou montée en charge des outils. Je dirais donc qu'il faut pouvoir restituer l'architecture de l'information du XVIIIe siècle avec les moyens du XXIe siècle. Je pense que ma propre expérience de chercheur, et de lecteur-novice, a été un point de départ important pour mesurer les difficultés auxquelles les usagers peuvent être confrontés. Mais il a également fallu savoir s'en détacher car tout le monde n'a pas la même approche et les publics ne se résument pas aux seuls chercheurs. Quant à l’apport de ce stage professionnel, quatre mois dans le département constituent un enrichissement majeur sur des problématiques que j'avais seulement pressenties et pour lesquelles j'ai eu à proposer des solutions, en coordination avec les différents services et en étant à l'écoute de la demande des usagers. J'ai d'ailleurs pu prendre, à cette occasion, la mesure de l'efficacité de l'intelligence collective.
 

4/ Dans le cadre de votre stage, vous participez le jeudi 21 novembre 2019 à une conférence au Groupement de recherche en histoire de l'art moderne (GRHAM). Quel est l'objet de cette conférence ? En quoi consistera exactement votre participation ?
Mme Le Bitouzé présentera effectivement les collections du département le 21 novembre à 19h à l'INHA. Elle a souhaité que nous puissions coordonner une intervention à deux voix : elle reviendra sur les outils historiquement mis à disposition des usagers comme le Guide du lecteur d'Henri Bouchot (1895), qui explique le cadre de classement, ou encore l'Inventaire du fonds français, commencé dans les années 1930, et qui recense les œuvres de graveurs dans les collections. Pour ma part, je proposerai un aperçu du projet en cours de développement. Cette seconde partie sera construite en dialogue avec la salle, puisque l'auditoire sera essentiellement composé de chercheurs en histoire de l'art. Nous souhaitons en effet recueillir les diverses expériences dans la fréquentation du département et soumettre ce que nous avons déjà imaginé à la critique de ceux à qui la salle de lecture virtuelle est destinée, de manière à ne pas concevoir un outil pensé pour les lecteurs par les seuls bibliothécaires.
 

5/ Vous avez sûrement déjà une idée du poste que vous aimeriez occuper. En quoi ce stage professionnel vous aura-t-il permis de confirmer ou d'ajuster votre projet professionnel ?
Si la chance m'était donnée de pouvoir continuer à travailler dans une bibliothèque patrimoniale, voire une bibliothèque orientée vers la recherche en histoire de l'art, j'en serais particulièrement heureuse.
Ce stage est venu totalement confirmer ce désir, d'autant plus que j'ai pu vérifier que mes compétences numériques y seraient utiles. Mais de manière plus générale, j'ai trouvé que tous les projets menés au sein de la BnF, et auxquels les départements participent activement, sont particulièrement stimulants. C'est un établissement pour lequel j'espère avoir l'occasion de travailler au cours de ma carrière.
Je dois bien avouer que quitter le département va être difficile, tant j'ai eu la possibilité de m'y épanouir.
 

Propos recueillis par Véronique Branchut-Gendron
Le 20 novembre 2019