alcolm Walsby © Cédric Vigneault, Enssib

 

Historien de la Renaissance spécialiste des grandes familles aristocratiques françaises avant de se tourner vers l’histoire du livre, Malcolm Walsby a été post-doctorant de 2002 à 2011 et maître de conférences de 2007 à 2012 à l’université de Saint-Andrews (Écosse). Il a ensuite été maître de conférences à l’université Rennes 2. Il a rejoint l’Enssib comme professeur des universités en Histoire du livre en 2019 et a pris la direction de centre de recherche Gabriel Naudé en janvier 2020. Il est l’auteur de 12 livres et d’une trentaine d’articles scientifiques. Il est le cofondateur de l’Universal Short Title Catalogue, bibliographie des imprimés parus avant 1650. Il est également membre de six comités éditoriaux de revues et de collections en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.

Rencontre avec Malcolm Walsby, nouveau directeur de la recherche de l’Enssib

Historien spécialiste de l’histoire du livre, directeur du centre de recherche Gabriel Naudé depuis janvier 2020, Malcolm Walsby a été désigné pour succéder à Pascal Robert au poste de directeur de la recherche de l’Enssib à partir du 1er septembre 2022. Entretien autour des grands axes de son programme.

 

1/ Quels seront les grandes lignes de votre action en tant que directeur de la recherche de l’Enssib ?

Mon action s’articulera principalement autour de trois grands axes. Le premier sera de renforcer la recherche au sein de l’Enssib en travaillant sur la cohésion, sur le dialogue entre les deux domaines de recherche présents dans l’établissement, l’histoire du livre et les sciences de l’information et la communication. Le deuxième axe important sera d’assoir la présence de la recherche au-delà de l’Enssib, à l’échelle du pôle universitaire auquel elle est rattachée, et plus largement au niveau national. Le dernier axe, qui m’est cher, c’est le rayonnement international. L’Enssib dispose d’un énorme prestige, d’une compétence extraordinaire et d’un emplacement géographique qui peuvent en faire le point nodal dans la construction de réseaux dans nos domaines de compétences au niveau européen, voire francophone ou international. Je tiens à préciser que mon projet ne se construit pas hors-sol. Tout ce que je propose se bâtira sur les actions et les réussites de mon prédécesseur, Pascal Robert, ainsi que sur les équipes très efficaces de l’Enssib qui peuvent emmener ce projet, et sur l’activité des chercheurs qui permet ce type de transformation. Nombre d’actions ont déjà été mises en œuvre mais on peut en inventer de nouvelles pour aller encore plus loin.

 

2/ Pouvez-vous donner des exemples de ces nouvelles actions que vous comptez mettre en place ?

Concernant la cohésion de la recherche, je pense créer une journée annuelle avec une matinée consacrée à l’ensemble de la recherche qui se fait en interne et qui toucherait tous les publics de l’école, les enseignants chercheurs, les étudiants mais aussi les élèves conservateurs, et une deuxième partie de journée qui serait une présentation de la recherche au niveau local et national. Il faut renforcer et montrer la cohésion de nos centres de recherche, le centre Gabriel Naudé et Elico. Je pense créer un blog de la recherche qui témoignerait de cette activité commune mais également de la recherche qui se fait à tous les niveaux, pas seulement celui des enseignants chercheurs. Je souhaite aussi transformer la lettre de la recherche pour en faire un magazine, à l’image de ce qui existe dans d’autres institutions, qui soit agréable, attractif, qui donne envie de lire, en jouant sur les illustrations, la typographie, ce qui permettra de communiquer plus facilement, en particulier en direction de nos principaux partenaires. Un des enjeux qui me semble très important, c’est celui du financement. Rechercher des allocations pour le doctorat, non seulement auprès du ministère mais aussi dans du mécénat ou d’autres sources de financements permettra de développer la recherche et de lui donner plus de visibilité externe.

 

3/ Et concernant le rayonnement international ?

Pour ce qui est de la dimension internationale, j’aimerais créer un réseau d’établissements ayant une activité de recherche, organiser des visites pédagogiques partagées, et utiliser le positionnement stratégique de l’Enssib à Lyon pour en faire un atout dans la coordination de ce réseau. J’aimerais aussi qu’on repense la politique de professeurs invités en l’ouvrant à des chercheurs peut-être moins prestigieux mais qui viendraient avec leurs propres projets, leurs idées et l’envie de travailler avec des chercheurs de l’Enssib. Cela donnerait de la visibilité à notre volonté de développer la jeune recherche et de ne pas seulement s’appuyer sur une recherche déjà très établie, avec de grands professeurs.

 

4/ Comment voyez-vous l’articulation entre vos propositions et le nouveau projet d’établissement de l’Enssib, Expert 2026 ?

La recherche figure dans le premier chapitre du projet Expert 2026, aux côtés de la formation et de la valorisation, elle irrigue de surcroît les grands enjeux du projet, par exemple la science ouverte. Nous pouvons développer notre présence au sein des outils de la science ouverte, comme la plateforme nationale HAL, mettre en ligne les articles et travaux des chercheurs de l’Enssib, encourager la publication dans les revues en science ouverte. Il y a aussi des enjeux autour de l’axe concernant le développement durable, pour penser la recherche d’une manière verte, ce qui est une obligation aujourd’hui, et pas seulement à l’Enssib. La recherche peut aussi contribuer au travail sur la désinformation, en apportant une perspective historique ou des éléments sur la façon de gérer les données. Un angle également important, c’est de montrer comment la manière dont on publie a un impact sur la nature et la qualité des informations publiées. La recherche a aussi pour fonction d’aider l’Enssib à penser l’après-2026, de développer des réflexions, des travaux qui pourront être la base des axes du projet d’établissement suivant.

 

5/ Vous êtes historien du livre, spécialiste de la période moderne. En quoi cette expertise est-elle utile dans le domaine des sciences de l’information et de la communication, des bibliothèques, à l’heure de la science ouverte et de l’intelligence artificielle ?

Les livres anciens sont toujours là et forment encore une partie très importante des bibliothèques. Penser les bibliothèques sans leur pan historique constitué par ces fonds patrimoniaux serait une erreur d’approche. Quand on regarde l’histoire, on se rend compte que le livre est un objet fondamental pour la compréhension de notre passé. Quel objet créé au XVIe siècle, période dont je suis spécialiste comme vous l’avez rappelé, trouve-t-on aujourd’hui encore en grand nombre ? La réponse est : le livre. On a des centaines de milliers de livres datant de cette période, incomparablement plus que les objets des collections muséales. L’enjeu est de montrer l’intérêt artistique, technique, historique du livre. Autre élément important, la révolution médiatique provoquée par l’invention de l’imprimerie est comparable à celle que l’on connaît aujourd’hui avec l’avènement du numérique, par son impact politique mais aussi sur les individus. Les deux phénomènes ont créé une explosion du nombre d’informations disponibles très perturbante et qui conduit au besoin d’effectuer des sélections parmi ces informations. Au XXIe siècle, on crée sur son ordinateur des listes de musiques, de sites Web, de personnes avec qui on échange sur les réseaux sociaux. De la même manière, au XVIe siècle, les gens rassemblaient des textes hétérogènes dans des recueils, forme sur laquelle j’ai particulièrement travaillé. Dans les deux cas il s’agit de recréer de la stabilité dans un environnement qui a perdu ses repères. Donc je pense qu’il y a de la continuité dans la valeur de l’analyse. Il ne faut pas oublier que les sujets d’étude dont on s’empare aujourd’hui trouvent toujours un écho dans le passé.

 

6/ Allez-vous garder la direction du centre Gabriel Naudé ?

Oui, effectivement. Je suis arrivé à la tête du centre Gabriel Naudé il y a deux ans et demi et j’ai mis en place un programme sur 5 ans que j’aimerais mener à terme. Par ailleurs, je pense que cette double fonction sera utile pour coordonner le centre Gabriel Naudé et la recherche à l’Enssib. Le centre Gabriel Naudé a besoin de poursuivre son développement, notamment numérique, et d’attirer de nouvelles compétences. Les forces qui viendront appuyer le centre Gabriel Naudé permettront aussi à la recherche de grandir et réciproquement.

 

Propos recueillis par Véronique Heurtematte
Le 1er septembre 2022