Cécile Capot

A l’occasion de son intervention à l'Enssib le 4 mars prochain, nous avons rencontré Cécile Capot, responsable scientifique de l'exposition "Déshabiller le livre", présentée jusqu’au 10 mars 2019 au Centre culturel irlandais. Cécile Capot est également élève-conservatrice des bibliothèques à l’Enssib.
 
Photo : Mathieu Bidaux

Interview Cécile Capot, responsable scientifique de l’exposition Déshabiller le livre, Centre culturel irlandais

L’exposition que vous présentez actuellement au Centre culturel irlandais met à l’honneur la reliure à l’époque moderne en s’appuyant sur une vingtaine d’ouvrages conservés à la Bibliothèque patrimoniale du Centre. Comment est né un tel projet ? 
J’ai découvert la reliure à l’occasion d’un Master à l’Ecole des Chartes et cet objet m’a tellement fascinée que j’ai décidé de m’y intéresser plus particulièrement. Parallèlement, j’ai appris que le Centre culturel irlandais mettait chaque année au concours des bourses d’études pour favoriser l’exploration des collections de sa Bibliothèque patrimoniale. J’avais tellement envie de découvrir ces collections que j’ai présenté ma candidature, en proposant de travailler sur un corpus de livres issus des établissements religieux parisiens. J’ai eu la chance d’être retenue, ce qui m’a permis de bénéficier de conditions privilégiées pour réaliser un mémoire de recherche. Cette chance s’est répétée en 2018 puisque mon mémoire a été sélectionné pour l’attribution d’une seconde bourse, avec pour objectif la programmation d’une exposition temporaire à l’attention du grand public. 

Véritable voyage au cœur des livres, l’exposition propose au visiteur de découvrir tout ce dont témoigne la reliure (circulation des ouvrages, propriétaires successifs, appartenance à une bibliothèque…). Comment s’organise le parcours de cette découverte ? 
L’exposition vise avant tout à partager avec les visiteurs toutes les richesses de la reliure. Cet objet, parfois très modeste, recèle d’innombrables informations quand on dispose des clefs de compréhension.  C’est ce à quoi je me suis attachée : donner au public les moyens de déchiffrer la reliure. En parcourant les cinq sections de l’exposition, le visiteur apprend à répondre à différentes questions : comment reconnaître le type de peau qui recouvre un ouvrage ? En quoi la reliure informe-t-elle de l’appartenance sociale des propriétaires des livres ? Comment dater une reliure à partir de sa décoration ? Ou encore en quoi les reliures renseignent-elles sur les usages et les goûts de leurs propriétaires ? Et bien d’autres questions !

La préparation de cette exposition vous a certainement amenée à quelques surprises. Pourriez-vous nous en livrer une ? 
Lors de mon travail de recherche sur les ouvrages de la Bibliothèque patrimoniale du Centre culturel irlandais, j’ai été marquée par la place du réemploi dans la reliure. Les pages de manuscrits ou de livres anciens étaient souvent récupérées et il n’est pas rare de trouver un extrait de manuscrit ou un texte ancien réutilisé dans la fabrication des reliures. C’est ainsi que j’ai découvert une pleine page de manuscrit datant de la seconde moitié du XIIIe siècle, écrite dans le cadre de la Pecia, un système de copie à destination des étudiants afin qu’ils aient accèdent aux ouvrages nécessaires à leur formation. 

Vous êtes élève-conservatrice des bibliothèques à l’Enssib. En quoi votre formation vous a-t-elle aidée pour conduire ce projet d’exposition ? 
L’Enssib m’a permis de suivre des cours sur la valorisation patrimoniale, qui traitaient notamment des expositions temporaires. Les échanges que j’ai pu avoir à propos de mon projet avec des personnes travaillant à l’Enssib m’ont également permis d’avancer. Enfin, l’Enssib favorise le contact avec des professionnels des bibliothèques, sans être dans un écosystème trop fermé. Cela m’a également aidée dans la conduite et la mise en œuvre de l’exposition, en me permettant de prendre de la hauteur. 

Pourriez-vous nous expliquer comment votre parcours universitaire d’historienne vous a conduit à l’Enssib ? 
Le lien entre l’histoire et les bibliothèques est très naturel car le travail de tout historien tourne autour des sources, des documents. C’est ainsi que je suis arrivée au monde des bibliothèques, sous l’angle du patrimoine. J’ai ensuite poursuivi plusieurs projets professionnels alliant le patrimoine, les archives, l’informatique. En découvrant les bibliothèques, j’ai eu l’impression que tout un monde s’ouvrait à moi, conciliant mes centres d’intérêt et en m’en faisant découvrir de nombreux autres.

Pour conclure, quel conseil de lecture pourriez-vous nous donner pour découvrir la reliure ? 
Pour comprendre la reliure, je conseille de lire non pas un ouvrage mais un article, qui fût pour moi un véritable outil de travail. Intitulé « Reliures françaises soignées et courantes (mi-XVe siècle – XIXe siècle) : éléments d’identification », cet article de Fabienne Le Bars m’a beaucoup aidée dans mon travail de recherche. 

Pour les personnes ne pouvant se déplacer ou souhaitant prolonger le plaisir, cet article présente l’exposition : https://histoirelivre.hypotheses.org/3611