Delphine Merrien en démonstration de BiblioTouch

Delphine Merrien procède à une démonstration de BiblioTouch à l’occasion de la Semaine de l’innovation publique 2019. 

Rencontre avec les acteurs du projet BiblioTouch, Delphine Merrien (Enssib), Vincent Autin (Biin) et Alix Ducros (Université Lyon 1)

À l’occasion de la libération du code de BiblioTouch, Delphine Merrien, responsable du pôle Prospective de l’Enssib, Vincent Autin, cofondateur de Biin, et Alix Ducros, doctorant à l’Université Lyon 1 (laboratoire LIRIS), reviennent sur ce projet hors normes, qu’ils auront conduit pendant six ans.  

1/ Comment est née la rencontre Enssib / Biin, celle d'une Grande École et d'une start-up ? D'où vient ce partenariat public / privé ? 

V. Autin : C’est l’Enssib qui a pris l’initiative de la rencontre, après avoir découvert le logiciel MuseoTouch, développé par Erasme pour explorer les collections de musées. L’Enssib a rapidement fait le rapprochement avec l’univers des livres, comprenant qu’une nouvelle forme d’exploration des collections des bibliothèques pouvait ainsi être envisagée. Pour cela, Biin est reparti de la technologie de MuseoTouch et s’est appuyé sur les compétences d’Alix Ducros, qui a rejoint notre équipe dans le cadre de son stage de Master 2 « Human Computer Interaction » (HCI) de l’Université de Paris-Sud (Paris XI). 
D. Merrien : C’est effectivement le directeur de la Recherche de l’Enssib, à l’époque Benoît Epron, qui en 2013 a initié la collaboration avec Biin. Il avait constaté le manque de visibilité des collections hybrides des bibliothèques et avait compris qu’une interface numérique pouvait constituer une solution. La question était donc « Comment rendre plus accessibles les collections en proposant une autre forme d’exploration ? » C’est Biin, en la personne de Vincent, qui a imaginé ce qui pouvait effectivement être possible.

2/ Comment avez-vous travaillé ensemble pour le projet BiblioTouch ? Comment s'est organisée votre collaboration ?
D. Merrien : Le travail conduit ensemble s’est caractérisé par une véritable collaboration, donnant lieu à des allers et retours pendant plusieurs mois, notamment pour définir le type de navigation, de repérage, de zoom… Nos discussions ont également porté sur la place de l’utilisateur, une marque de fabrique chez Biin, et qu’il importait d’avoir constamment en tête.
V. Autin : Dans un premier temps, nous avons décidé de tester le concept. Nous avons donc réalisé quelque chose avec peu de moyens, que nous avons présenté au congrès de l’IFLA en 2014. Ce prototype, qui comptait une cinquantaine de titres, nous a permis de répondre à la question suivante : « Est-ce qu’en proposant une présentation visuelle de la collection d’une bibliothèque, nous en favorisions la découverte du contenu ? » La réponse a été positive, ce qui nous a confirmé dans l’idée de poursuivre le projet. 
D. Merrien : L’exploration était en effet le point d’entrée naturelle de l’interface. Ce choix a conduit à un gros travail, qui n’apparaît pas au premier plan, pour créer des clefs de rebonds et que celles-ci semblent à la fois justes et naturelles. Il nous a fallu pour cela déconstruire l’indexation classique, un vrai pari !
V. Autin : Notre propos n’était effectivement pas de produire un outil hautement technologique mais de partir de l’utilisateur et de lui proposer une sorte de déambulation à travers la collection. Il s’agissait ainsi d’offrir à l’utilisateur un outil complémentaire au catalogue et un autre usage de la collection. L’idée de la carte s’est alors imposée, invitant à voyager à travers le fonds et à le découvrir autrement. 

3/ Qu'est-ce qui distingue un projet tel que BiblioTouch ? En quoi est-il innovant ?
V. Autin : La première caractéristique de ce projet est le temps que nous nous sommes donné pour le conduire. Ce temps, long, nous a permis de réfléchir sur la durée mais aussi de tester et de réajuster. Ce qui caractérise également le projet BiblioTouch, c’est que nous n’étions pas dans une relation « commanditaire / prestataire » mais bien dans une véritable collaboration. 
D. Merrien : Nous avons effectivement collaboré pendant six ans sur le projet BiblioTouch, en empruntant des chemins qui n’étaient pas balisés d’avance et qui imposaient une prise de risque. Ce fut une véritable école de persévérance mais aussi de polyvalence. 

4/ Plus globalement, en quoi ce partenariat a-t-il modifié ou enrichi vos pratiques
V. Autin : Avec BiblioTouch, nous avons pu travailler en mode « bac à sable » mais un bac à sable de grande envergure puisque l’Enssib nous offrait la possibilité d’accéder à 60 000 documents. C’était une tout autre échelle par rapport aux autres projets que nous avions menés.
D. Merrien : BiblioTouch constitue une expérience très particulière dans la vie de l’Enssib. Ce n’était pas un projet balisé, reprenant une méthode éprouvée, ce qui ne correspond pas au champ d’activité naturel d’une école de service public. Avec BiblioTouch, nous avons vécu une autre façon de travailler, qui nous inspire pour tous les projets suivants.

5/ BiblioTouch est conçu comme un bien commun. Pourquoi un tel choix ? Était-il partagé ?
A. Ducros : Pour ma part, je travaille essentiellement sur des projets en Open Source. J’adhère à cette idée, même si le secteur concurrentiel impose souvent un autre modèle. Dans le cas de BiblioTouch, le fait de disposer d’un financement de l’Enssib, c’est-à-dire d’argent public, rendait logique le choix de l’Open Source.  Par ailleurs, un tel choix offre une visibilité supplémentaire pour BiblioTouch. Enfin, cela constitue un gage de transparence vis-à-vis des utilisateurs, qui ne sont pas tracés. 
D. Merrien : Le choix de l’Open Source est conforme à la stratégie de l’Enssib, l’école étant largement engagée dans la Science ouverte, notamment par le biais de ses formations et de ses publications. La libre mise à disposition du code de BiblioTouch est donc une évidence !

6/ Et maintenant, comment voyez-vous la suite de BiblioTouch ? 
D. Merrien
: L’idée désormais est de faire connaître BiblioTouch comme un service qui fonctionne. Nous espérons qu’il réponde aux attentes des professionnels et des publics, qui nous ont guidées depuis le début et, surtout, que d’autres s’en saisissent. Pour BiblioTouch, est désormais venu le temps du partage !

BiblioTouch est maintenant disponible sous Licence CC-BY-NC-SA 4.0 International à l'adresse : https://gitlab.in2p3.fr/Enssib/bibliotouch

 

Propos recueillis par Véronique Branchut-Gendron
Le 10 février 2020