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    Rapport moral

    Par Marc CHAUVEINC, Président

    Souvenez-vous, le dernier rapport moral était plutôt miste. Le manque de crédits, les conflits personnels ou politiques, le désintérêt général pour nos bibliothèques supprimaient toute perspective d'avenir et provoquaient chez beaucoup d'entre nous un manque d'enthousiasme, une repliement sur soi et une lassitude généralisée. A quoi bon se battre pour une mission à laquelle nous étions seuls à croire ?

    La situation a tout doucement évolué cette année :

    1. Dans notre Association d'abord qui a vu renaître et se développer certains groupes régionaux. La présence de représentants du Bureau national aux réunions de ces groupes a permis, je crois, d'assurer très naturellement de nouveaux liens et un contact plus francs, qui résout les incompréhensions entre les différents échelons. Même si certains groupes ont préféré l'autonomie locale, d'autres ont admis, grâce au dialogue ainsi instauré, que les deux instances de l'Association étaient nécessaires.

    Je n'en veux pour preuve que l'enseignement professionnel. Grâce aux efforts de Mme F. Froissart et de Melle M. Beaudiquez, une harmonisation des programmes, une coordination des activités et une officialisation des diplômes ont pu être obtenues. Tout le monde s'en félicite. Cette formation est importante et devra, quoiqu'il arrive, être maintenue parce qu'elle est fondamentale pour le développement de toutes les bibliothèques.

    La Section des Bibliothèques publiques a manifesté tout son caractère pugnace et décidé lors de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale. Elle a pu obtenir par son action auprès des représentants du peuple un relèvement des crédits affectés aux Bibliothèques publiques de 5 millions de francs. Cette action a prouvé que la voix des bibliothèques pouvait se faire entendre avec efficacité.

    Le Bureau national et la Section des Bibliothèques universitaires ont participé à un groupe de travail interassociatons sur l'Accès aux document, lancé lors de notre réunion commune en mars 1980. Ce groupe de travail qui réunit des représentants de l'ABF (Mme Casseyre, M. Pallier, M. Chauveinc), de l'ADBU (M. Brouillard), de l'AENSB, de l'ADEBD et de l'ADBS (M. Meyriat, Cheval-lier, Jung, Mme Moreau, Mme Fayard) a préparé une déclaration résumant ses propositions en matière de catalogue collectif et de centres de prêt et l'a soumis à diverses personnalités susceptibles d'en promouvoir la réalisation. L'accueil fut plutôt bienveillant et les propositions acceptées.

    C'est, en ces années 80, une question fondamentale qui conditionne tout le développement de nos bibliothèques. Si elles veulent se mettre au diapason des bases de données et de la télématique, elles doivent offrir, par l'intermédiaire d'un réseau et de centres de prêt, un accès rapide, simple et complet aux documents.

    Nous avons retiré de nos entretiens la certitude que quelque chose serait bientôt fait.

    Une autre activité importante de l'Association est son Bulletin. Je ne reviens plus sur le succès de librairie du Métier de bibliothécaire qui a dépassé toutes nos espérances.

    La modification du Bulletin : le format, la présentation sont plus modernes, a permis de relancer un soutien publicitaire qui flanchait. Malheureusement la politique éditoriale reste encore trop vacillante, la difficulté de trouver des articles toujours aussi désespérante. Le Bulletin vit sans véritable Rédacteur en chef après le départ de Renée Lemaître, sans Comité de rédaction et cela manque à son épanouissement. Chaque numéro suscite d'abord de profondes inquiétudes, pour finalement être toujours trop plein, ce qui tout compte fait est rassurant. Le Bulletin oscille entre différentes tendances. La décision de ne plus attribuer un numéro à chaque Section fut une erreur, car plus personne ne s'est senti responsable de la publication. Nous vous proposons donc de revenir à l'ancienne méthode. Par ailleurs, nous avions dû supprimer les comptes rendus d'activité pour nous conformer à la Commission paritaire de la Presse, certains sont très bons et leur absence fait nettement défaut pour que le Bulletin soit un véritable témoin de la vie des bibliothèques et de l'Association pour nous-mêmes et pour les futurs collègues.

    2. Il y a une deuxième raison d'être moins pessimiste. La situation a aussi changé dans la société. Pour des motifs obscurs et qu'il est peut être inutile d'élucider, le mur qui nous entourait s'est entrouvert. Il nous a semblé, je ne sais si cette impression est par vous confirmée, que les bibliothèques étaient mieux comprises, qu'elles suscitaient chez les élus ou dans les milieux politiques un nouvel intérêt, que nous soyons devenus d'un certain intérêt électoral après les piscines, que certains besoins se sont fait sentir dans la population, qu'à force de nous diminuer on s'est enfin aperçu que nous servions à quelque chose, il semble bien que nous ayons touché le fond et qu'une légère remontée s'amorce.

    Il semble que sous la pression des chercheurs, sous l'effet du développement de la télématique, les responsables ont pris conscience qu'il existait en France un problème de documentation et de l'accès au livre. Tout le monde-a voulu se pencher sur ce nouveau problème. D'autre part, plusieurs rapports sur les bibliothèque ont été demandés à des personnalités diverses.

    M. Vandevoorde, Directeur du Livre, a été chargé d'une étude sur les bibliothèques publiques (incluant les Bibliothèques universitaires), devant proposer un certain nombre de réformes. Le Sénateur Chaumont a aussi été chargé d'un rapport pour le Premier Ministre sur les bibliothèques d'études et spécialement la Bibliothèques nationale, les Bibliothèques universitaires et celles des grands établissements. Je suis persuadé, grâce à la participation à ce rapport de bibliothécaires compétents, que les propositions du sénateur seront conformes à nos souhaits.

    L'Administrateur général de la Bibliothèque nationale a été chargé d'un rapport sur les « Grands instruments bibliographiques » et un groupe de travail a préparé des conclusions qui aboutissent à proposer une banque de données bibliographiques accessible en conversationnel par le Cercle de la Librairie, par la Bibliothèque nationale et par d'autres bibliothèques. Il y aura aussi partage des tâches entre le Cercle qui devra assurer toutes les publications cumulatives à partir du volume mensuel. Mais l'interrogation en ligne apportera à elle seule une dimension nouvelle à la bibliothéconomie des années 80.

    Une Commission interparlementaire a par ailleurs été réunie pour étudier les difficultés des bibliothèques sous la direction de M. Fuchs, Maire de Colmar. Elle a auditionné une délégation de l'ABF et demandé que tous les documents statistiques sur les bibliothèques lui soient adressés. La Commission a fait preuve, lors de notre entrevue, d'une compétence et d'un intérêt.

    L'ABF a aussi été consultée par la Direction des Collectivités locales du Ministère de l'Intérieur pour échanger les points de vue sur la nécessité d'obtenir un statut du personnel communal. Il est très important que ce personnel ait enfin des possibilités de promotion qui l'assimilent au personnel d'Etat. Restera le filtre de la Direction du Budget. Plusieurs partis politiques ont d'autre part consulté notre Association sur les projets d'organisation des bibliothèques et préparé avant les élections des rapports complets annonçant leurs propositions en matière de lecture publique.

    Une précaution toutefois s'impose. Je ne suis pas aveugle et ne peux croire les yeux fermés que tous ces rapports déboucheront sur des résultats. Rappelons-nous que la loi sur les bibliothèques a été enterrée. Il convient donc d'être très prudent et d'attendre que ces rapports soient publiés et que des décisions soient prises pour se réjouir totalement. Néanmoins, cet intérêt permet un espoir.

    Parmi les autres éléments positifs de cette dernière année, j'en voudrais signaler trois.

    L'activité toujours positive de la Direction du Livre, les efforts qu'elle déploit en faveur de la lecture publique et les consultations régulières avec notre Association.

    La création des CADIST. J'entends déjà des protestations. On peut en effet être contre et persuadé qu'ils sont voués à l'échec à brève échéance ; il est fort possible qu'ils ne soient qu'un cautère sur une jambe de bois. Il est certain qu'ils constituent une solution très partielle à un problème beaucoup plus large dont la seule réponse possible et efficace et l'injection de nouveaux crédits à toutes les bibliothèques pour arrêter l'hémorragie documentaire qu'elles subissent.

    Néanmoins, je les considère comme positifs dans la mesure où ils témoignent d'une volonté d'action du Ministère des Universités en faveur des bibliothèques (cela vaut mieux que de ne rien faire), d'une certaine reconnaissance du rôle des bibliothèques, même si cela se limite à quelques « centres d'excellence » et parce que leur création a apporté un supplément financier au budget des bibliothèques universitaires qui n'est pas négligeable, même s'il n'est pas réparti.

    Enfin la création d'une Direction de l'Information scientifique et technique au Ministère des Universités a semble-t-il débloqué une situation totalement bouchée l'année dernière (ce qui justifiait mon pessimisme).

    Les contacts pris par l'Association avec son Directeur Monsieur Varloot ont montré qu'il avait la ferme intention de sortir les bibliothèques de leur ghetto et de développer en France les instruments informatiques indispensables à une meilleure diffusion de l'information et à un meilleur statut social des bibliothèques. Il a non seulement approuvé le rapport du groupe interassociation et nous a assuré que, dès que la totalité de son service serait en place, les premières études concerneraient la mise en place d'un réseau informatisé des bibliothèques et la création d'une base de donnée télématique. Ce n'est pas pour rien que M. Varloot vient de la Direction générale des Télécommunications ! Il semble même aller plus loin en visant une mise à la disposition du public par le moyen des terminaux-annuaires de ces catalogues collectifs en lignes. Son appui à l'automatisation de la Bibliothèque nationale prouve aussi qu'il soutient la création d'une Base nationale de données bibliographiques.

    Tous ces signes n'apportent encore qu'un espoir, faible mais certain. A nous de le confirmer par une pression continuelle sur les pouvoirs publics, afin que la loi sur les bibliothèques voit le jour, ainsi que le réseau bilbiographique informatisé ; par des études et travaux professionnels donnant aux responsables les matériaux d'un projet sérieux, la profession peut faire avancer certains projets. Malheureusement elle est, sur ce plan, morte. Personne n'analyse, n'étudie, ne chiffre le fonctionnement de son établissement. Trop littéraires nous préférons travailler sur des auteurs que de mettre, en bons techniciens, nos institutions en statistiques. Seule pourtant cette présentation permettra aux autres de nous prendre aux sérieux.

    Il faudra confirmer cet espoir aussi par un renforcement des structures de concertation et l'ABF est à cet égard la mieux placée pour faire entendre la voix de la profession en dehors de toute contrainte administrative.

    Arrivant à la fin de mon mandat, je souhaite longue vie à l'ABF et suffisamment d'énergie pour devenir un pôle d'attraction de tous ceux qui travaillent dans ce beau métier.