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    LIBRA

    Par Jacqueline GASCUEL, conservateur en chef Bibliothèque centrale de prêt des Yvelines

    Libra, comme vous le savez, ce n'est pas la «balance» des signes du zodiaque, c'est un «logiciel intégré pour bibliothèques en réseau automatisé». Ce qui veut dire que ce logiciel n'est pas uniquement un logiciel de rédaction des catalogues de la bibliothèque mais qu'il se donne pour objectif de gérer aussi les prêts, les acquisitions, etc. 75% des utilisateurs de Libra sont des BCP (soit 53 BCP) ; 20% sont des BM ; sont aussi dans ce réseau des Bibliothèques d'art qui dépendent du Ministère de la Culture.

    Quand on parle de Libra, on parle assez souvent en termes affectifs : «on est pour, on est contre,» «on aime, on n'aime pas»... J'essaierai tout d'abord d'expliquer ces réactions passionnelles puis je donnerai quelques indications concrètes sur ce que sont aujourd'hui, pour notre BCP, les objectifs, les résultats, la structure du travail.

    Les Bibliothèques Centrales de Prêt et leurs catalogues...

    Les BCP sont des bibliothèques très spécifiques qui n'ont pas de lecteurs ; ensuite qui n'ont pas de livres. Plus précisément qui n'ont pas leurs livres dans leurs bibliothèques mais dans des bibliothèques relais auxquelles ils sont prêtés non pas 15 jours, 3 semaines ou 1 mois, mais 3 mois, 6 mois ou un an...

    Donc il est certain que la fonction catalogue a toujours été, dans les BCP, relativement secondaire. Je pense qu'on compterait sur les doigts d'une main les BCP qui ont aujourd'hui un catalogue matière... peut-être sur les doigts des 2 mains. Et quand le catalogue existe, il n'est pas toujours fiable. J'ai mis deux ans à m'apercevoir que celui de la BCP des Yvelines ne 1 ' était pas , puisqu ' il y avait eu des éliminations massives sans que les fiches aient été retirées du catalogue et qu'il y avait eu au moins deux années sans aucun catalogage. Et je me demande s'il ne vaut pas mieux parfois aller acheter tout de suite chez un libraire un ouvrage dont une bibliothèque relais à besoin.. quitte à avoir un exemplaire de plus, que de perdre du temps à faire des catalogues ! De toutes façons, si le bouquin figure dans le catalogue, on ne sait ni dans quel dépôt il est, ni s'il est sorti pour 3 mois ou un an.

    Il y a des choses qu'on n'avoue pas toujours : pourtant il est vrai que beaucoup de BCP considéraient leurs catalogues comme relativement secondaires et en tout cas faisaient des catalogages extrêmement simplifiés voire partiels. Assez curieusement Libra a commencé par mettre à notre disposition la fonction catalogage, dont nous n'éprouvions pas la nécessité ; sans nous fournir ce que nous attendions avec impatience : un allège-ment des tâches liées à la gestion des prêts.

    Les BCP et leurs partenaires

    La deuxième cause d'irritation par rapport Libra, c'est que nous avons toujours été bercés par 1 ' administration de promesses non tenues. J'éviterai de vous en donner la liste, je prendrai simplement 3 exemples :

    • 1982, à la journée des BCP : «le logiciel Libra sera en place fin 1982»,
    • 1984 : «le logiciel Libra est défini : acquisitions, catalogage, prêts : toutes les BCP avant fin 1986...»
    • 1986 : la lettre de la DLL présente une excellente notice sur Libra rédigée au présent.

    La réalité est hélas bien différente ! Une petite partie des fonctions étaient réellement en service à la date annoncée et le sont seules encore aujourd'hui, plusieurs années après.

    Autre cause d'irritation : nous étions des utilisateurs captifs, on nous donnait Libra gratuitement et c'était à prendre ou à laisser. Aujourd'hui nous sommes décentralisés et certains Conseils généraux font pression pour que nous échappions à Libra. Et nous ne sommes pas dans une situation facile, puisque Libra nous donne un catalogue dont le Conseil Général ne saisit pas toute l'importance et ne nous donne pas la gestion de nos prêts qui nous permettrait d'afficher des résultats.

    Les soucis relatifs au matériel

    Dernière cause d'irritation : les difficultés que nous avons eus avec le matériel. Nous avons tous eu du matériel qui a mis 12 à 20 mois pour commencer à fonctioner et qui dans certains cas est entré en fonction alors qu'il n'était plus sous garantie. Nous mettions un temps considérable à détecter les causes de pannes dont personne ne voulait assumer la responsabilité : logiciel? matériel ? ligne PTT ? et dont nous risquions d'avoir la charge financière.

    La mise en service

    Nous avons donc tous vécu une période d'irritation et je dirais même d'hostilité. C'était le cas de mon établissement, comme dans beaucoup d'autres, jusqu'au jour où nous avons pris le parti d'en rire. Et l'irritation s'est transformée en «une tranche de franche rigolade». Quand «Oscar» (1) faisait des caprices, quand il n'était pas sympa, tout le monde était autour de lui pour voir ce qu'il faisait ; pourquoi il le faisait, quand est-ce qu'il fallait commencer à travailler... Il était très souvent paresseux... Puis il est devenu quasiment le Directeur de la BCP, car c'est lui qui a dicté les horaires du personnel, qui lui a imposé de travailler le samedi, de travailler le soir jusqu'à 19h... et tout ça s'est fait avec beaucoup d'enthousiasme et de bonne humeur.

    Pour ne rien vous cacher, le personnel manifestait cet enthousiasme parce qu'il croyait qu'au bout de quelques mois nous allions gérer le prêt grâce à Libra. En effet, le travail en BCP consiste trop souvent à déplacer des tonnes de livres et à reclasser des montagnes de fiches de prêt. L'espoir d'être libérés d'un travail austère a été un puissant atout pour vaincre toutes les difficultés du parcours... Et encore aujourd'hui cet espoir tenace nous anime.

    Pendant l'année 1986, nous nous sommes adaptés, progressivement, aux exigences d'Oscar grâce à l'impulsion donnée par une nouvelle bibliothécaire adjointe, très calme et douée d'un certain sens de l'outil informatique ; grâce aussi au plaisir communicatif que prenaient trois jeunes TUC à pianoter sur un terminal. Dans une première phase nous sommes arrivés à traiter notre saisie informatique aussi vite que notre catalogue manuel ; aujourd'hui notre rythme de travail a triplé... ce qui est déterminant !

    Je peux donner quelques chiffres portant sur 30 000 livres (58% d'ouvrages acquis en 1986 ou 1987 et 42% d'ouvrages pris dans les fonds antérieurs car nous menons en parallèle ces deux tâches). Nous en avons trouvé 90% dans la base (9,6% manquaient en 1986, 10,7% en 1987). En effet, la base alimentée par les BCP, la BPI et la BN compte 320 000 notices.

    Lorsqu'on ne trouve pas un bouquin dans la base, on peut toujours le mettre de côté et le reprendre la semaine suivante : c'est un catalogage partagé, si vous ne cataloguez pas, vous aurez peut-être la chance que le voisin catalogue. Quant à nous, nous devenons chaque jour un plus courageux au travail !... Nous le serons encore plus quand le système deviendra payant : nous serons alors payés pour les notices rédigées par nos soins, mais nous paierons les autres.

    Les rythmes de travail

    Je vous ai dit que la mise en route avait été progressive... il a fallu apprivoiser «Oscar» à moins que ce ne soit «Oscar» qui nous ait tous apprivoisé ?... Au bout de 18 mois le rythme de travail a triplé et est devenu très performant !

    En tenant compte du fait que nous avons tantôt 1, tantôt 2 exemplaires, il nous faut en moyenne 4h45 de travail pour traiter 100 livres. Les bibliothécaires ne sont que catalogueurs ; ils ont 1 ou 2 séances de travail de 2h sur terminal, soit, ensemble, lOh ou 12h de saisie par semaine (catalogage et saisie de numéro d'identification). Le personnel administratif et les TUC font la reprise des ouvrages qui sont dans la base (saisie, mise à l'inventaire avec le numéro d'identification) à raison de 2 ou 3 plages de 2h par semaine.

    J'admire beaucouip les collègues qui peuvent passer des journées entières devant un terminal : le travail est fatigant, à un rythme que nous souhaitons très rapide. C'est pourquoi nous limitons toujours à 2h par jour le temps passé avec «Oscar». Les catalogueurs arrivent à passer 10 titres en lh ; en reprise nous traitons jusqu'à 30 livres à l'heure.

    Un certain nombre de choses du programme sont un peu gênantes : on nous demande à chaque livre saisi s'il il est affecté à la Centrale ou à l'annexe et si la durée du prêt en est normale. Et nous avons déjà répondu 30 000 fois que nous n'avions pas d'annexe et 30 000 fois que la durée de prêt n'est pas définie à priori... Mais «Oscar» n'a toujours pas compris.

    Le prix de revient

    L'utilisation de Libra était gratuite tant que nous dépendions de la Direction du Livre. Nous n'avions à notre charge que la maintenance des appareils et la ligne téléphonique. Avoir été ainsi bénéficiaire d'un système automatisé gratuit pendant 4 ans est un privilège incontestable.

    Maintenant que nous sommes décentralisés, on parle de mettre à notre charge un certain nombre de dépenses, qui devraient nous mettre la notice à moins de 10F, compte-tenu du temps du personnel (le personnel qualifié est peu employé = 1/4 du temps) et des divers frais de maintenance, de participation à la base ; une partie des charges demeurant financée par la Direction du Livre. Mais en 1987, nous n'avons même pas eu à payer une quote part.

    Les produits annexes

    Pour l'instant nous n'avons pas accès à la base des mots matières et il nous est difficile de l'interroger par d'autres accès. En principe la liste Blanc-Montmayeur et Danset, publiée par le Cercle de la Librairie a été rachetée par Libra qui doit la mettre dans la base, de même qu'il doit mettre la liste Rameau. Nous tirons donc des étiquettes qui, collées sur un bristol, sont intercalées dans notre ancien catalogue sur fiches. Nous tirons aussi des étiquettes de prêt, car nos dépositaires continuent à gérer un prêt par cartes de transaction.

    C'est un système un peu archaïque... mais nous avons besoin de nos catalogues dès maintenant ; nous n'avons pas une confiance totale dans ce que pourra nous donner Libra ; et puis nous n'avons encore saisi qu'une faible partie de notre fonds, et nous souhaitons fusionner le catalogue en cours avec celui commencé en 1980 (nous en avons aussi un plus ancien... commencé en 1946).

    Pour publier chaque année un catalogue des ouvrages acquis nous dactylographions notre liste d'acquisitions avant de la multigraphier, car le tirage en 150 exemplaires des listings que nous donne Libra, coûterait beaucoup plus cher.

    En guise de conclusion

    Le niveau de catalogage nous convient très bien. Les bibliothèques d'art qui travaillent sur Libra ont des exigences que nous n'avons pas en lecture publique et sont moins satisfaites. Ce sont des bibliothèques de recherche : et elles souhaiteraient semble-t-il être plus précises... et pourtant la notice provient parfois d'une reprise du catalogue BN ou BPI.

    Ce qui pour nous est très déterminant c'est le temps gagné, et surtout le temps du personnel qualifié qui est en nombre si dérisoire !... Et c'est aussi parce que le personnel est en nombre si dérisoire que nous nous impatientons de ne pas passer à la phase de gestion des prêts, des acquisitions, des statistiques, etc.

    1. C'est le nom que nous avons donné au ternminal retour au texte