Je souhaite pour cet expo| sé m'en tenir strictement à l'intitulé proposé par les organisateurs : la carte documentaire de la Bibliothèque de France. La carte documentaire de la Bibliothèque de France, c'est-à-dire en fait l'insertion de la Bibliothèque de France dans la carte documentaire française. Beau sujet mais qui pourrait laisser perplexe. Nul n'ignore en effet que la Bibliothèque de France est la future bibliothèque nationale. Or je ne crois pas avoir jamais entendu un exposé sur la carte documentaire de la Bibliothèque nationale.
Je n'ignore pas que pour les bibliothécaires, gens plutôt démocrates par fonction mais aussi souvent par nature, la référence au Prince agace. Il nous faut pourtant bien une fois de plus repartir des propos présidentiels qui ont largement déterminé les orientations de départ de ce grand projet.
Au départ, il s'agissait de réaliser une grande bibliothèque couvrant tous les champs de la connaissance, accessible à tous les publics, reliée aux autres bibliothèques et utilisant les technologies les plus modernes pour transmettre ses données à distance.
Ce n'est que plus tard que vinrent les missions d'une bibliothèque nationale, plus précisément quand fut décidé le transfert des collections. La Bibliothèque de France est donc un mixte : sa première définition, qui a toujours été présente et le demeure plus que jamais, retentit sur sa désignation comme bibliothèque nationale et transforme l'approche que l'on avait de la Bibliothèque nationale. C'est là aux yeux de certains sa faiblesse. C'est pour d'autres son originalité et sa force. La conséquence en est en tout cas que pour parler du réseau documentaire de la Bibliothèque de France il faut commencer par s'interroger sur la place d'une bibliothèque nationale dans le réseau documentaire.
A cet égard, il n'existe pas de réponse unique. Il n'existe pas de tables de la loi autres que celles écrites par l'histoire, différentes d'un pays à l'autre. Les débats en cours depuis plusieurs années au sein de la section des bibliothèques nationales de l'IFLA en témoignent : de l'extrême centralisation jusqu'aux figures les plus diverses de la décentralisation, tous les cas se rencontrent, qu'il s'agisse de la collecte, du traitement bibliographique, de la conservation. Seule l'histoire en ce domaine forge la légitimité. Mais l'histoire évolue et la légitimité traduit toujours une forme d'adaptation aux réalités.
Cela vaut évidemment pour notre pays. La logique patrimoniale, dont généreusement nous pourrions situer l'origine en 1537, ne se conçoit plus hors du dialogue permanent avec l'idéal républicain forgé deux siècles et demi plus tard. En d'autres termes collecter le patrimoine documentaire et le conserver oui, mais aussi le rendre accessible, accessible "à tous ceux qui cherchent" pour reprendre l'une des premières expressions du Président de la République.
L'accessibilité du patrimoine, concept clé du projet de la Bibliothèque de France et en quelque sorte la dot de la mariée puisque mariage il y a eu avec la Bibliothèque nationale, mariage au départ de raison, devenant par raison et par sentiment mariage d'amour et même d'amour fusionnel, c'est ce que souhaitent aujourd'hui ardemment les mariés.
Mais ceci a bien des conséquences et notamment pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, que la Bibliothèque de France n'a en vérité d'autre choix, fonctionnel et politique, que la mise en réseau avec d'autres bibliothèques pour au moins quatre raisons :
il n'y a pas d'un côté une collection unique complète et définitive et, de l'autre, une myriade de collections sans intérêt. Même les collections de la Nationale ne sont pas complètes, loin s'en faut. Par suite des confiscations révolutionnaires et de la restitution qui s'en est suivie, les bibliothèques municipales détiennent à elles seules autant de livres anciens que la Bibliothèque nationale. C'est l'ensemble de ces richesses qu'il faut pouvoir prendre en compte.
. le patrimoine national est en luimême un bien collectif et ne saurait demeurer l'apanage d'une institution unique. Qu'il y ait une responsabilité nationale c'est évident, qu'il revienne à l'Etat de légiférer et de veiller à ce que cette responsabilité s'exerce dans des institutions qui offrent toutes garanties, ce devrait être évident. Cela ne signifie pas qu'il ne puisse y avoir partage. La décentralisation intervenue depuis 1983 et la responsabilisation croissante des collectivités locales dans les domaines du savoir et de la lecture ne sauraient à cet égard laisser indifférent.
la Bibliothèque de France est une bibliothèque pour la recherche. La richesse de ses collections l'institue ainsi. Or qui dit recherche dit réseau. Vous connaissez les débats en cours sur la nature des faits scientifiques et la thèse selon laquelle un fait scientifique est en lui-même un réseau. L'information participe en tout cas du fait scientifique selon des règles de circulation qui obéissent aujourd'hui à des lois n'ayant plus grand chose à voir avec la logique pyramidale que nous avons bien connue. Il existe des réseaux sans tête, il existe des réseaux sans centre. La Bibliothèque de France, si elle est une bibliothèque pour la recherche, se veut une bibliothèque ouverte et accessible y compris à distance. Le lecteur, toutes les études dont nous disposons nous le montrent, acceptera d'ailleurs de moins en moins de devoir se rendre systématiquement à Paris pour y demander un ouvrage qu'il n'est même pas sûr de trouver. De là à penser qu'il faut utiliser les technologies modernes de transmission à distance pour organiser un véritable partage des ressources documentaires, il n'y a qu'un pas. Signalons à ce sujet que si l'on peut parler de France des bibliothèques à deux vitesses pour reprendre l'expression de Pascal Sanz c'est bien la situation actuelle que l'on devrait désigner ainsi : il n'y a pas aujourd'hui en France égalité d'accès au patrimoine. Par ses stratégies multiples de fourniture de documents, la Bibliothèque de France entend modifier profondément cette situation. Je prendrai deux exemples.
L'accélération du programme de reproduction, 500.000 documents reproduits sur microformes d'ici 1995, facilitera la communication sur place mais aussi à distance de ces documents jusqu'à présent peu accessibles. Les programmes de numérisation portent sur 300.000 ouvrages dans un premier temps c'est-à-dire 1995, sur un million de documents à terme, vont profondément bouleverser également les conditions d'accès au patrimoine, y compris à distance. Certes les problèmes de copyright, les problèmes aussi de coûts de transmission restent de réels obstacles à une large accessibilité, c'est pourquoi il y a là deux chantiers majeurs de l'année 1991.
Enfin, comme vous le savez, la Bibliothèque de France a reçu mission de couvrir "tous les champs de la connaissance". Or le désir d'être exhaustif en un seul site est une gageure qui conduit à des maux de plus en plus irrémédiables au fur et à mesure que croissent les flux d'information. C'est ainsi que les plus grandes bibliothèques sont progressivement passées du sentiment euphorique que procure une position que l'on croit à tort hégémonique au découragement qui naît de l'isolement et de l'engorgement. Il n'y a donc d'autre solution pour la Bibliothèque de France, future Bibliothèque nationale, que le partage. Comment, avec qui, selon quelles modalités ? Il n'est que temps, à ce stade, de faire le point sur la situation française.
Les choses seraient évidemment plus simples s'il existait une politique documentaire nationale. Ne nous voilons pas la face. Cette politique n'existe pas. Il existe une politique de l'Education Nationale, une politique de la Culture, une politique de la Recherche et/ou du CNRS, des politiques définies par différents ministères, des politiques définies par des grandes entreprises, il existe même un conseil supérieur des bibliothèques dont nous attendons beaucoup sur ce sujet.
Mais il n'existe pas à ce jour une politique nationale.
Et ce n'est pas à la Bibliothèque de France de l'instituer. Il pourrait être tentant de profiter de la dynamique de ce grand projet pour imaginer un accouchement au forceps. Ce serait la pire des erreurs. Pas seulement parce qu'il s'agirait d'un retour au passé en contradiction flagrante avec les principes que j'évoquais à l'instant mais surtout parce qu'une telle tentative serait une fois de plus vouée à l'échec. La Bibliothèque de France ne peut qu'adapter sa volonté de travailler en réseau à l'état du réseau.
Faute donc d'une prédétermination suffisante, la stratégie des responsables du projet a consisté d'une part à proposer un positionnement de la Bibliothèque de France qui tienne compte de toutes les données disparates du réseau documentaire français, d'autre part à rechercher une association avec les éléments les plus dynamiques du réseau, ceci dans une double optique : complémentarité en termes de collections et de services, accessibilité.
Il y a que ce que vous savez, ce que nous savions tous. Cela nous a paru insuffisant et nous avons souhaité faire appel à un regard extérieur. Une étude a donc été demandée, en l'occurence à Bossard Consultant. Je ne vous en infligerai pas un compte rendu détaillé, d'autant que nous la ferons bientôt paraître (ainsi que d'autres études). Plutôt que de dresser un état exhaustif de la carte documentaire française, entreprise de titan qui reste à mener, nous avions orienté l'étude vers deux objectifs :
Je rappellerai simplement quelques unes des données recueillies.
La situation française se caractérise par une extrême disparité : disparité des tailles d'établissements et des collections.
Les 200 grands pôles documentaires identifiés concentrent environ 56 millions de volumes qui relèvent pour 43% du ministère de l'Education Nationale, pour 26% des bibliothèques municipales, pour 21% de la Culture (dont 10 millions de volumes pour la seule Bibliothèque nationale) et pour 10% de différents ministères. Une trentaine de pôles documentaires ont des fonds égaux ou supérieurs à 500.000 ouvrages (dont la moitié dans des villes de plus de 100.000 habitants).
Huit bibliothèques seulement franchissent le seuil de un million d'ouvrages (dont deux bibliothèques municipales).
Si l'on considère la notion de réseau local, cinq villes atteignent le seuil de 1,5 million de volumes (réseau BM + BU : Lyon, Strasbourg, Gre-noble, Montpellier, Bordeaux).
Si l'on croise les données relatives aux ouvrages et les données relatives aux périodiques, sur les 15 plus grands pôles documentaires en terme d'ouvrages (> 500.000 ouvrages) et les 15 plus grands pôles documentaires en terme de périodiques en cours (> 3.000) seuls six établissements sont présents sur les deux types de collections. C'est peu comparé aux pays étrangers.
Si l'on considère maintenant les disciplines (tout en sachant la difficulté qu'il y a à agréger des données plutôt hétérogènes), les sciences humaines ou sociales concentrent environ 80% des ressources documentaires hors Bibliothèque nationale.
Les ressources documentaires en terme d'ouvrages de Droit, Economie, Gestion et Sciences Politiques, sont bien représentées mais largement dans les "autres ministères et institutions" dont les bibliothèques sont souvent peu accessibles (exemple : bibliothèques législatives). Quant aux fonds Sciences et Techniques, 13% des collections recensées, ils sont gérés pour moitié par des établissements hors tutelle de l'Education Nationale. Si l'on excepte la médecine, il y a une forte disproportion entre le pourcentage des ouvrages en sciences et le pourcentage des enseignants chercheurs dans les disciplines scientifiques.
Quant à la situation de la Bibliothèque nationale, elle est à peu près connue. Seule véritable macro-masse du paysage français, c'est un gisement unique pour les sciences humaines. Ainsi la liste partielle extraite du Conspectus fait par le service des acquisitions de la Bibliothèque nationale fait ressortir que sont très bien couvertes (niveau 4) l'histoire de France, la philosophie occidentale, les religions, l'histoire, la littérature et la linguistique de l'Antiquité, gréco-latine, la linguistique générale, l'histoire des pays d'Europe, la littérature française, etc. Sont considérées comme bien couvertes : l'histoire américaine, l'histoire des sciences exactes, diverses langues. Sont considérées comme lacunaires : la littérature anglaise, la sociologie et l'économie, la science politique et enfin sont considérées comme hors champs : les sciences et les techniques, la pédagogie, la géographie physique, la préhistoire.
Les lignes de force du diagnostic établi pour la Bibliothèque de France sont donc les suivantes :
Par ailleurs il ressort des travaux des commissions d'acquisition réunies discipline par discipline depuis le mois de mai un double constat :
Le risque majeur pour la Bibliothèque de France n'est pas tant de doublonner éventuellement tel ou tel domaine ou discipline que d'aboutir à un positionnement composite, sans unité réelle, sans ligne de force. Il convient donc d'articuler l'existant de la Bibliothèque nationale et les axes de développement des nouveaux champs à couvrir. Au vu de ces différentes données, l'offre de la future bibliothèque peut grossièrement se segmenter selon trois micro-disciplines :
La pertinence ou l'opportunité d'une bibliothèque de recherche et/ou d'étude peuvent alors être validées pour chaque macro-discipline, en tenant compte :
Cette analyse permet de formaliser les axes majeurs de l'offre documentaire dans sa phase de démarrage et débouche sur les conclusions suivantes :
La dimension interdisciplinaire de la Bibliothèque de France doit être une des lignes de force systématique de l'offre documentaire de la Bibliothèque de France. Plus que d'une spécialisation sur telle ou telle discipline cette ligne de force ne peut résulter que d'une offre globalement riche sur l'ensemble du champs du savoir. Deux conditions doivent être réunies pour mettre en oeuvre et rendre exploitable une telle offre :
Ainsi se dessine la maquette documentaire de la Bibliothèque de France :
Mais dans tous les cas, c'est bien la vocation encyclopédique qui doit primer : autant dire que la Bibliothèque de France ne cherchera pas à afficher un positionnement en terme de super CADIST. D'une certaine façon cette conclusion non prévue au départ renforce l'hypothèse de départ de travailler le plus possible en réseau ce qui n'exclut pas la recherche de partenaires privilégiés. Il va de soi en effet qu'encyclopédisme n'est pas exhaustivité.
Le premier outil d'un véritable travail en commun, on ne le dira jamais assez, c'est évidemment un catalogue collectif des ouvrages. Jacques Bour-gain a fait hier le point sur l'avancée de ce projet. Je n'y reviendrai pas sauf pour souligner qu'à l'évidence le réseau documentaire de la Bibliothèque de France dépendra largement de l'existence et de l'efficacité du catalogue collectif qui pourrait devenir empiriquement l'instrument d'initialisation d'une politique documentaire nationale. De manière générale, l'effort qui semble se dessiner au niveau national pour la rétroconversion des catalogues, efforts auxquels la Bibliothèque de France va s'associer financièrement au delà de la seule Bibliothèque nationale, intéresse aussi bien le catalogue collectif en tant que tel que la possibilité pour des bibliothèques de s'associer à la Bibliothèque de France. J'en arrive ainsi au deuxième axe de travail en commun : les bibliothèques associées.
Permettez-moi à ce sujet de vous lire les conclusions de l'étude Bossard :
"Une plus forte collaboration en terme d'offre documentaire en vue d'une meilleure complémentarité des collections et donc d'une meilleure couverture est une absolue nécessité reconnue par tous les professionnels. Mais au-delà de l'impulsion de la Bibliothèque de France en particulier pour le catalogue collectif national, et d'une meilleure coordination des politiques d'acquisition entre les différents réseaux, le rôle de catalyseur des pôles associés suppose d'élargir l'association à la mise en oeuvre de technologies ou services spécialisés en amont et en aval de l'offre documentaire traditionnelle.
Un pôle associé concrétise alors une collaboration dans les deux sens : la Bibliothèque de France peut expérimenter et tester des technologies nouvelles sur son propre site pour en diffuser les enseignements vers les pôles associés.
A l'inverse un pôle associé peut servir de banc-test à un projet ou une expérimentation (exemple technologies d'archivage) dont les résultats seront précieux pour la Bibliothèque de France en phase de généralisation. Ce rôle de laboratoire pour de nouveaux produits ou services (déjà assuré pour partie à la Bibliothèque publique d'information) doit faire partie intégrante du contenu possible des pôles associés.
Sur la base de données déjà recueillies, on peut distinguer à l'heure actuelle deux grands types de "pôles associés" :
c'est-à-dire des relais ou les têtes de pont de la Bibliothèque de France dans le cadre des missions nationales qui lui sont assignées. Sans vouloir prédécouper finement celles-ci, on peut citer la localisation et le signalement des documents (en particulier via le catalogue collectif national), les missions de sauvegarde et de conservation des collections, le dépôt légal...
Ces missions nationales sont déjà partagées avec certaines bibliothèques nationales (ex dépôt légal imprimeur), de fait avec certaines bibliothèques universitaires, établissements spécialisés ayant des fonds anciens.
Dans cette optique, les métropoles "régionales" doivent constituer potentiellement des pôles associés majeurs en raison de l'importance de leurs fonds (en particulier les fonds anciens des bibliothèques municipales) et leur potentialité de relais local notamment pour l'accueil d'un large public, d'un public en tout cas plus large que les seuls chercheurs.
A ce stade, on peut envisager une hypothèse de pôles associés dans chaque grande métropole régionale ayant un spectre homogène de missions mais avec des niveaux de collaboration modulés pour tenir compte :
Selon les grandes métropoles régionales, on trouve des traditions, des degrés de collaboration entre réseaux, des implications des collectivités qui varient sensiblement. Dans la mesure du possible, il serait souhaitable de pouvoir s'appuyer sur une formalisation minimale des ambitions au travers par exemple d'un schéma directeur documentaire régional qui associe les partenaires et structure les projets.
La spécialisation peut être de deux ordres :
Sur ce segment des pôles associés spécialisés, on peut systématiser a priori leur développement dans les métropoles régionales dans la mesure où :
Dans tous les cas, la démarche des pôles associés doit rester fortement interactive, c'est-à-dire que les projets et les propositions doivent aussi émaner des futurs partenaires pour formaliser et valider le sérieux de leur implication future.
Le cadre de référence des pôles associés régionaux nous semble devoir être proposé, en premier lieu, systématiquement à toutes les grandes métropoles régionales.
Les potentiels de développement les plus forts, les attentes les plus nettes nous paraissent être concentrés globalement dans les grandes bibliothèques et médiathèques municipales. De même, les ambitions et les capacités d'innovation, au-delà des effets d'annonce, nous paraissent réelles dans les grandes structures documentaires financées par les collectivités. Nos premières conclusions que devront asseoir les études spécifiques sur les grandes métropoles documentaires (BM + BU + autres) aboutissent à :
Au regard de ces conclusions que nous faisons nôtres se dégagent des hypothèses de travail et des perspectives. Les hypothèses concernent les modalités d'association, les perspectives sont celles que les différentes administrations veulent bien laisser entrevoir.
Les modalités tout d'abord. Pour des bibliothèques ou des regroupements de bibliothèques dont la qualité des collections ou l'intérêt du développement en cours seront véritablement attestés, on peut envisager trois types de conventions correspondant à trois types d'association qui traduisent plusieurs niveaux de services se cumulant du plus simple au plus sophistiqué :
Intégration systématique du catalogue de la bibliothèque dans celui de la Bibliothèque de France.
Ce pourrait être une simple variante du catalogue collectif national.
C'est plus que cela si un accord de coopération en bonne et due forme prévoit une fonction d'accueil relais pour les lecteurs, un échange de services précis tel que fourniture de bibliographies spécialisées, recherche déportée, rôle de conseil et expertise auprès de la Bibliothèque de France, fourniture de dossiers thématiques spécialisés.
Aux prestations précédentes s'ajoute un plan concerté d'acquisitions de documents primaires avec possibilité de transmission à distance sur le réseau de la Bibliothèque de France, ce qui suppose que la bibliothèque associée soit équipée d'une station de numérisation et de stations de lecture assistée par ordinateur telles qu'on en trouvera à la Bibliothèque de France.
Troisième niveau d'association, le plus élaboré : aux fonctions précédentes s'ajoute la délégation de certaines missions patrimoniales pouvant aller jusqu'à la conservation, ce qui suppose des équipements adéquats et donc des investissements lourds. Cela est vrai aussi dès qu'il est question d'accueil du public.
Sans préjuger des choix qui seront faits les projets d'association émanant de collectivités locales devront le plus souvent correspondre à une réalisation nouvelle. Aujourd'hui, Limoges, Marseille, Poitiers, Rennes, Saint-Etienne, Dijon sont porteuses d'un tel projet. D'autres collectivités vont se déclarer candidates à une association avec la Bibliothèque de France.
Du point de vue de la Bibliothèque de France, trois critères seront déterminants :
Mais du point de vue de la collectivité, il ne fait pas de doute qu'une participation conséquente de l'Etat sera attendue. Or si la Bibliothèque de France peut envisager de participer à certains investissements technologiques (par exemple pour la transmission à distance) à certaines dépenses de type documentaire voire aux dépenses de conservation en cas de décentralisation du dépôt légal, il ne lui appartient pas de financer les investissements lourds. Elle n'a pas à se substituer aux tutelles dont c'est la responsabilité.
De l'issue des réflexions en cours sur ce sujet au Ministère de la Culture dépendra largement la réalisation d'un réseau des pôles régionaux d'équilibre. La Direction du Livre et de la Lecture souhaite favoriser un programme de médiathèques régionales et trouver les modes de subventionnement adéquats. On ne saurait que l'y encourager.
Du côté des bibliothèques universitaires et des bibliothèques spécialisées, les choses se présentent en principe de manière plus simple puisque les conventions avec la Bibliothèque de France devraient essentiellement porter sur des échanges de services (ce serait le cas par exemple avec l'INIST) ou sur la concertation des politiques documentaires. L'Education Nationale ayant de surcroît annoncé des intentions de conduire l'étude de schémas régionaux de développement qui prennent en compte les aspirations régionales et les priorités nationales, il n'est pas exclu que les pôles européens à fort volet documentaire que vise l'Education Nationale recoupent pour partie la volonté de rééquilibrage de la DLL et le besoin de relais régionaux de la Bibliothèque de France.
Un groupe de travail qui réunit l'Education Nationale, la Culture, la DATAR et prochainement la recherche, a commencé de brasser l'ensemble de ces données et devrait sous peu proposer à l'avis du Conseil supérieur des bibliothèques et à l'ensemble des partenaires intéressés le plan d'action suivant :
Cette démarche permettra de vérifier les hypothèses dont j'ai fait état mais surtout elle nous semble de nature à déclencher une salutaire dynamique pour la mise en oeuvre d'un programme national.
Tel est donc le point de la réflexion et des travaux. Je n'ai développé ni la politique de transmission à distance de la Bibliothèque de France, ni la politique de prêt du futur établissement, ni les problèmes très matériels et très concrets du réseau physique et de ses coûts. Sur ces diverses questions, nous sommes diversement avancés et nous ne vous ferions encore que des réponses partielles.
Mais outre qu'il faut garder de quoi alimenter les prochains congrès de l'ABF, il m'a surtout semblé que la question posée était avant tout d'ordre politique. Il m'a donc paru utile de montrer que beaucoup reste à faire et qu'il serait très dommageable de tout attendre de la Bibliothèque de France.
La Bibliothèque de France a besoin des autres bibliothèques au même titre que les autres bibliothèques peuvent bénéficier de l'effet de la Bibliothèque de France. A condition de conjuguer nos efforts. Il n'y a pas encore de temps perdu, mais il n'y a plus de temps à perdre.