Les cadres d'emploi, les grades, les fonctions des personnels de bibliothèques sont nettement différenciés : néanmoins pour le public, nous sommes tous des bibliothécaires, terme un peu vague qui désigne la personne que l'usager commun de nos services voit et éventuellement interroge. Ce peut effectivement être un bibliothécaire (au sens professionnel du terme), voire un conservateur, mais souvent il s'agit d'un employé de bibliothèque (dans les bibliothèques municipales), d'un magasinier (dans les bibliothèques dépendant de l'Etat), parfois même de personnels vacataires. Un point commun à tous ces personnels est l'absence générale de formation préalable à leur recrutement et le fait qu'ils sont surtout formés "sur le tas" : ils débutent donc en principe dans leurs fonctions sans qualification particulière en matière de bibliothéconomie, ce qui les différencie nettement des "professionnels des bibliothèques", ainsi que se nomment eux-mêmes bibliothécaires et conservateurs. Il y a là quelque injustice, car enfin un magasinier ou un employé de bibliothèque nous semble être devenu un professionnel lui aussi au bout de quelques années d'expérience : et c'est manquer de respect et de vérité que d'affirmer péremptoirement lors d'une visite de bibliothèque : "Ici, nous avons trois professionnels et quatre employés", genre de phrase très courante, et qui blesse les employés dont il est question quand ils l'entendent. Mais n'est-ce pas la conséquence de l'absence de formation initiale ?
Les tâches des magasiniers (pour plus de commodité, nous emploierons désormais ce terme qui englobera tous les employés de bibliothèque) peuvent être regroupées autour de 4 pôles :
Toutes ces tâches ne sont pas également valorisantes : en particulier, les deux dernières, classement et manutention sont, comme tout ce qui touche en France au travail manuel, parfois vécus comme un mal nécessaire. Par contre, toutes les tâches directement reliées au service du public, comme l'accueil et le prêt, sont plus valorisantes. Il importe donc que l'organisation du travail entraîne une certaine mobilité dans l'équipe, permettant à chacun d'être d'une certaine manière polyvalent et tour à tour en position valorisante.
Mais n'est-ce pas le manque de formation qui donne l'impression d'un travail peu valorisé ? Il nous semble qu'un magasinier à qui l'on aurait appris clairement ce que sont les classifications, quel est l'intérêt de la cotation ou du recolement, pourquoi il est préférable que les documents soient bien classés, ne se sentirait pas abaissé d'avoir à refaire sans cesse les mêmes gestes de classement et de reclassement, et au contraire considérerait que c'est là une responsabilité essentielle.
Il est certain qu'il y a chez les magasiniers un besoin de formation, parfois exprimé, le plus souvent latent. Si l'on veut que nos bibliothèques soient performantes, il conviendrait même de susciter les besoins de formation ou "de les aider à s'exprimer, de pousser les magasiniers à partir en stage, de les rendre peu à peu experts dans les tâches qui leur sont confiées et, pour certains d'entre eux, de les soutenir pour mener à bien leurs tentatives de promotion interne. Ce dernier point est délicat : les chefs d'établissement ou les chefs de service hésitent parfois à autoriser leurs magasiniers à suivre la formation professionnelle moyenne (du type CAFB), de crainte peut-être d'un échec qui peut aigrir les intéressés, plus sûrement par peur d'une demande croissante de leur part, ce qui risquerait de décimer les rangs d'un personnel déjà jugé trop peu nombreux.
Il nous semble que la formation des magasiniers devrait s'engager sur trois points :
Il faudra continuer à travailler tout en étudiant, et les soirées ou week-ends seront largement occupés par cette préparation plus ou moins pesante selon qu'il s'agit du concours de magasinier en chef, d'inspecteur de magasinage ou de bibliothécaire adjoint ou d'un autre concours. Dans certains cas, il est indispensable que le magasinier accepte de passer un test qui permet d'évaluer son niveau. Un test n'a rien d'humiliant et peut être au contraire un bon indicateur, car il est inutile de perdre son temps à suivre des études si le niveau est insuffisant.
Des stages de remise à niveau, notamment dans le domaine de l'écrit, sont souvent un préalable à la préparation à un concours.
Nous voulons que règne dans nos établissements un climat positif, que le savoir-faire de chacun y soit au maximum valorisé, que le service se déroule dans de bonnes conditions, que les usagers soient bien accueillis, renseignés, aidés s'il y a lieu. Les magasiniers et employés de bibliothèque sont au coeur du dispositif permettant la mise en place de ce souci de qualité du service : à nous de les rendre disponibles, compétents, accueillants, responsables et fiers de la tâche qu'ils accomplissent ou de l'établissement où ils travaillent, en un mot fiers d'euxmêmes.