Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Intervention de Daniel Renoult

    Par Daniel Renoult
    Je voudrais tout d'abord remercier l'Association des Bibliothécaires Français de nous convier, à ces échanges lors de son congrès annuel. Il s'agit d'une tradition, à laquelle nous attachons les uns et les autres une légitime importance. Dialogue et discussion sont plus indispensables encore en cette période de changements exceptionnels pour les bibliothèques: évolutions institutionnelles et techniques, développement de l'enseignement supérieur, préparation de la Bibliothèque de France. Intervenant en quelques années, ces transformations impliquent sans aucun doute une concertation étroite entre tous les acteurs. Nous aurons l'occasion tout à l'heure d'échanger librement, je voudrais au préalable vous donner le point de vue de la direction responsable des bibliothèques de l'enseignement supérieur, la Direction de la programmation et du développement universitaire (DPDU), sur les évolutions en cours dans les bibliothèques universitaires, les développements récents des réseaux, et enfin vous faire part des réflexions menées sur la lecture étudiante dans le cadre de la mission "lecture" que la DPDU vient de créer.

    Des bibliothèques universitaires en pleine évolution

    L'effort mené depuis quatre ans pour redresser la situation des bibliothèques universitaires se poursuit. Avec un triplement des ressources financières, les crédits de fonctionnement sont passés de 85,6 millions de francs en 1987 à 251,2 millions en 1992 auxquels s'ajoutent 43,6 millions pour les catalogues nationaux et la formation. Plus de 300 emplois ont été créés. La part du budget pour le personnel, 467 millions de francs, porte donc à près de 762 millions la somme globale apportée par l'Etat au fonctionnement des bibliothèques universitaires pour l'année 1992.

    Parce qu'ils commencent à porter leurs fruits en termes d'accueil des étudiants, d'acquisition, d'horaires d'ouverture (la moitié des bibliothèques universitaires ouvrent désormais plus de 55 heures par semaine), ces efforts commencent à être reconnus. Mais je voudrais souligner que nos objectifs ne sont pas uniquement quantitatifs. L'élaboration des contrats quadriennaux se fonde sur les projets des universités : ainsi sont pris en compte les objectifs qualitatifs et les priorités croisées de l'Etat et des établissements. A cette fin, la méthode contractuelle fournit à chacun des partenaires un cadre de travail pluriannuel, qui rompt avec l'application mécanique de critères normés pour l'affectation de moyens. Par ailleurs l'approche géographique, par zones de contractualisation, a permis d'utiliser les contrats comme outils d'aménagement du territoire. Ainsi les régions du nord et de l'ouest qui connaissaient à la fois un retard marqué et un développement très rapide de la population étudiante ont bénéficié d'une part proportionnellement plus importante (40%) des moyens de l'Etat.

    Déjà présent dans la politique contractuelle, le partenariat avec les collectivités territoriales s'est surtout développé dans le cadre du schéma Université 2000. Pour la période 1990-1995, 32 milliards de francs sont mobilisés pour l'enseignement supérieur. S'agissant des bibliothèques l'objectif est la création en 10 ans de 35.000 places nouvelles.

    Bien entendu, nous devons faire face aussi à de réelles difficultés. L'une d'entre elles, spécifique au monde universitaire est la dispersion documentaire. Il existe 79 BU mais plus de 1200 bibliothèques dépendant de laboratoires ou d'UFR qui constituent une constellation peu organisée. C'est pour résoudre ce problème, que les universités procèdent à la mise en place des services communs de la documentation. L'Etat encourage ces restructurations en essayant de les soutenir par des créations d'emplois qualifiés.

    Une autre difficulté et non des moindres tient aux traditions culturelles de notre pays. Le réflexe "bibliothèque" y est encore faible, et il nous faut activement mobiliser les partenaires pour susciter, par exemple, de vrais projets de construction.

    Pour plus de détails sur ces différents aspects de la situation des bibliothèques universitaires, des publications viennent opportunément donner un éclairage récent: un article dans Le Débat du mois de mai 92 ; une étude de Pierre Carbone, paru dans le Bulletin des Bibliothèques de France (1) sur la progression des bibliothèques depuis le rapport Vandevoorde ; l'Atlas de la France universitaire élaboré sous la direction d'Armand Frémont et qui contient un chapitre sur les bibliothèques ; un rapport de Marc Chauveinc (Enquête sur la fonction documentaire dans les universités françaises) sur les bibliothèques des unités de formation et de recherche (UFR).

    Des réseaux en développement

    Le réseau des acquisitions pour la recherche, celui des centres d'acquisition et de diffusion de l'information scientifique et technique (CADIST), est de mieux en mieux utilisé et connu. Le Répertoire des bibliothèques de recher-he au service de l'enseignement supérieur, paru en janvier dernier à la Documentation Française, en donne une description très précise.

    S'agissant des réseaux informatiques, la DPDU vient de lancer un schéma directeur visant à intégrer et à améliorer les services nationaux existants qui constituent déjà un acquis considérable : le Catalogue collectif national des publications en série (CCN), Pancatalogue, Téléthèses, Prêt entre bibliothèques (PEB). Améliorer l'ensemble de ces applications, les rendre plus conviviales, les associer au Catalogue collectif de France (CCF), tels sont les grands objectifs poursuivis. Une enquête sur les attentes et les besoins des utilisateurs de ces outils collectifs sera conduite simultanément.

    Le programme Pancatalogue avance au rythme prévu. Ce catalogue collectif est devenu en quelque sorte une grosse machine polyglotte qui sait interroger simultanément des réseaux différents (BN-Opale, SIBIL, OCLC). Un important programme de rétroconversion de fichiers vient d'être lancé. L'accord qui va bientôt être signé entre la DPDU et la BDF porte sur seize millions de francs en 1992, financés à hauteur de 8 MF pour chacune des parties. Les bibliothèques traitées en priorité seront celles ayant des fonds de recherche, notamment les CADIST. Le traitement se fera par lots (par exemple, à la Bibliothèque Cujas, le fonds de 1950 à nos jours). En ce qui concerne le Catalogue collectif de France, les partenaires seront associés sous la forme d'un Groupement d'intérêt public (GIP).

    L'expérience FOUDRE s'achève. Opération pilote, elle a permis de tester en vraie grandeur sur 12 bibliothèques et pendant 16 mois, la numérisation d'articles et leur transmission à distance. Son coût (5,5 millions) a été supporté par l'Etat (67%), France Télécom (22%), et Télésystèmes (11%). Un bilan positif a été établi : le taux de satisfaction des demandes (80 à 90%) , la qualité des documents reçus (très bonne) et la rapidité des transactions attestent la fiabilité des techniques employées. La démonstration est faite des possibilités ottertes par de telles méthodes. L'expérience a permis aussi d'identifier certaines limites : évolution très rapide des matériels, coût de la maintenance, faible taux des demandes renouvelées du même article.

    De notre point de vue, les conditions ne sont pas encore réunies pour banaliser ce type de méthode. Certains préalables sont nécessaires. Premier préalable, il est nécessaire de passer des accords avec les auteurs, les éditeurs et leurs ayants droits. Ensuite, il faut encore améliorer la normalisation, notamment au niveau européen, afin d'arriver au stade où les logiciels seront de véritables progiciels. Enfin il nous faut mieux identifier les disciplines et les sites où l'utilisation de ces techniques se justifie. Dans l'immédiat nous allons étudier ces questions dans le cadre d'un programme pilote avec des partenaires européens.

    La lecture étudiante

    La DPDU vient de créer une "mission lecture étudiante". Pourquoi ? La lecture étudiante n'est plus quelque chose qui va de soi. Les modèles classiques d'incitation à la lecture ne fonctionnent que pour les étudiants qui réussissent. Or le taux d'échec est très important au cours des deux premières années d'étude à l'université. Ces nouveaux étudiants qui entrent aujourd'hui à l'université (58% d'une classe d'âge arrive au niveau du baccalauréat) n'ont plus vraiment les mêmes caractéristiques que leurs prédécesseurs : ce ne sont plus seulement des "héritiers". Il est donc indispensable de s'interroger non plus seulement sur l'offre, mais aussi sur la demande. Il devient inévitable de critiquer les modèles sur lesquels nous avons vécu. La mission lecture créée à la DPDU, n'est donc pas une administration de plus mais une instance de réflexion et d'incitation. Elle vise à susciter des initiatives dans le domaine, à les fédérer pour organiser un véritable réseau d'expérimentation et d'innovation. Certaines universités ont mis en place des structures d'incitation et de suivi à la lecture (Lille 3, Grenoble 2, Toulouse 2, Rennes 2...), d'autres développent des recherches ou des enquêtes (IUFM de Versailles, Paris 7, Paris 3...). Un moment fort de la mission pour la constitution du réseau sera l'organisation, à Royaumont, en juillet, d'un colloque sur la lecture étudiante auquel seront associés universitaires, éditeurs, libraires, bibliothécaires, journalistes. D'autres actions suivront comme par exemple les journées universitaires de l'édition (rencontre enseignants, auteurs, éditeurs), des manifestations universitaires locales liées à la Fureur de lire, des semaines universitaires du livre, toutes actions menées en coordination avec la Direction du Livre et de la Lecture et la Direction du Développement et des Formations.

    Je vous le disais au début de mon intervention : nos efforts commencent à porter leurs fruits. La réflexion conjointe des présidents d'université et des directeurs de bibliothèques universitaires, qui s'est concrétisée, les 20 et 21 mai par une rencontre à Nice, marque le franchissement d'une étape. Présidents d'université et bibliothécaires s'accordent mieux pour définir leurs responsabilités réciproques dans la conduite des politiques documentaires d'université. Nous les aiderons à mener à bien les restructurations nécessaires, à changer l'image des bibliothèques universitaires et à passer d'une problématique de l'offre à une problématique de la demande (en matière de lecture mais aussi de réseaux, d'informatique...). L'université s'ouvre sur l'extérieur, les liens qui se sont établis aussi bien avec les bibliothèques municipales qu'avec des organismes tels le CNRS, le CEA, l'INSERM doivent se renforcer. Tous solidaires dans la chaîne du livre, il nous faut tisser des réseaux, développer des pôles de compétence et d'excellence et consolider nos liens.

    1. Bulletin des Bibliothèques de France, Paiù, T.37, n' 4, 1992. retour au texte