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    L'informatisation des CDI

    Par Marie-Edith Morlet, Direction de la Documentation Centre National de Documentation Pédagogique

    Sur les quelque 7 000 Centres de Documentation et d'Information d'établissements scolaires du Second degré (1) , on peut évaluer à un peu moins des deux tiers le nombre de centres "informatisés". Certes, cette notion recouvre des réalités diverses, allant de l'implantation d'un logiciel documentaire simple, sur un seul ordinateur, à une configuration en réseau interne donnant la possibilité d'utiliser un logiciel et des CD-ROM à partir de plusieurs postes. Il faut cependant reconnaître que le phénomène d'informatisation, quel que soit son degré de sophistication, constitue une transformation importante des CDI qui auraient pu paraître mal préparés à un tel changement.

    Quels ont été les prémices de l'introduction de l'informatique dans les CDI ? Quels en sont les objectifs et les modalités spécifiques ? Quels outils sont utilisés actuellement dans les Centres ? Quels dispositifs, nationaux et régionaux, ont permis la généralisation et la réussite de cette opération ? Tous points qui sont autant d'éléments à prendre en compte pour comprendre l'état actuel de cette informatisation et envisager les possibilités d'évolution pour les quelques années à venir.

    Les prémices

    Les premiers, quelques CRDP avaient utilisé l'informatique pour aider au travail des documentalistes. Avant même les premières expériences d'informatique pédagogique, le CRDP de Toulouse avait mis au point un système informatique, Récolte, travaillant principalement sur le catalogage, plus tard le CRDP de Bordeaux avait choisi une application télématique, Télémédiathèque, orientée vers la réservation des documents à distance, le CRDP de Lyon une application pédagogique, Sidéral, exploitant les fonctionnalités du minitel pour une consultation de base sur plusieurs postes dans les CDI. Enfin un travail mené par une équipe composée de membres du CNDP, du Ministère de l'éducation nationale, et de l'Université de Rennes avait abouti au logiciel Orchidée orienté vers la pédagogie de la recherche documentaire.

    Parallèlement à ces développements informatiques, était menée la réalisation de langages documentaires adaptés au public de l'enseignement secondaire et permettant une recherche informatisée : Thelyce, puis Mémobase, dont la réunion devait être à l'origine du thésaurus Motbis, adopté en 1990 par l'ensemble du public scolaire.

    A partir des années 1986-1987, l'informatique s'est répandue d'une façon plus générale dans les établissements scolaires. Nourri des premières expériences, empruntant à chacune le meilleur de ses réflexions, s'est dégagé à cette époque un consensus sur les objectifs de l'utilisation des nouvelles technologies informatiques et la définition des fonctionnalités des outils à mettre en place dans les Centres de Documentation.

    Les objectifs

    Inspirés de la définition des missions des documentalistes énoncée par la Circulaire du Ministère de l'Education nationale du 13 mars 1986, ils concernent trois domaines : l'action pédagogique, la gestion documentaire, la communication.

    L'action pédagogique : Les documentalistes veulent disposer de logiciels qui leur permettent d'initier les élèves à la recherche documentaire, qui autorisent le développement d'exercices progressifs d'apprentissage de recherche fonctionnelle, allant de la formulation d'équations de recherche simple, jusqu'à l'acquisition de la capacité à mettre en place des stratégies de recherche adaptées à tous les types de bases de données. L'utilisation d'un thésaurus restant à la base des premières recherches.

    La gestion du fonds documentaire : Les documentalistes demandent des outils de gestion qui accroissent l'efficacité du système documentaire en optimisant la recherche et le prêt, qui leur facilitent le travail journalier en les libérant des tâches répétitives et leur donnent des possibilités nouvelles de gestion (statistiques, opérations comptables etc.).

    La communication Les documentalistes recherchent des outils de communication qui favorisent, à l'intérieur de l'établissement scolaire, le travail en équipe et transforment le CDI en centre de communication de l'établissement, qui, à l'extérieur, incitent à la communication avec les partenaires par un travail documentaire partagé et harmonisé, et qui par une compatibilité informatique et documentaire (langage, format), facilitent tous les transferts.

    Les outils

    L'évolution du marché du logiciel, celle de la capacité et du coût du matériel informatique, ont permis de mettre à la disposition des CDI des outils qui peuvent répondre plus ou moins parfaitement à leurs attentes.

    Pour l'initiation des élèves à la recherche et pour leur propre gestion des fonds, ils peuvent disposer de logiciels de recherche et gestion documentaire, fonctionnant sur un matériel simple (type PC ou compatible 286 ou 386 avec disque dur de 40 MO) qui allient la souplesse et la variété de modes de recherche, particulièrement l'utilisation du thésaurus, aux fonctionnalités de base des logiciels de gestion de bibliothèques (prêt, commandes, inventaire, statistiques..).

    Sans vouloir dresser un catalogue exhaustif des logiciels correspondant à cette définition, on peut citer quelques logiciels parmi les plus utilisés dans l'Education nationale (les chiffres de diffusion indiqués incluant aussi bien les versions monopostes que les versions réseau).

    Certains logiciels, qui existaient précédemment, ont vu leurs auteurs développer des versions adaptées aux CDI comme Diderot, Diderot-Polybase, Superdoc, Alexandrie... :

    • Diderot et Diderot-Polybase, de la société Polyphot, diffusé dans près de 700 établissements, plus particulièrement dans les Académies de Besançon, Créteil, Paris et Toulouse ;
    • Superdoc, de la société Aidel, présent dans la région Rhône-Alpes et l'Académie d'Aix-Marseille, choisi pour équiper les CDI de ses établissements scolaires par l'Académie de Rennes depuis 1989, diffusé dans 370 CDI environ ;
    • Alexandrie, de la Société GB Concept, présentant la particularité de fonctionner sur du matériel Apple, très peu répandu dans les CDI, équipés pour la plus part de PC et compatibles.

    D'autres logiciels ont été spécialement créés pour répondre aux besoins spécifiques des collèges et des lycées. On peut particulièrement citer Memolog, Azurdoc... :

    • Memolog, dont la première version date de 1987, édité par le CNDP, diffusé par le CRDP de Poitou-Charente, présent dans un peu plus de 3 000 CDI répartis dans toute la France ;
    • Azurdoc, développé par la société RSC et l'Université de Nice, à la demande du Conseil général des Alpes Maritimes pour équiper, depuis 1990, tous les collèges de son département (62 actuellement), dans le cadre d'une politique documentaire concertée et menée par le Centre Départemental des Alpes Maritimes.

    En complément des logiciels de gestion et de recherche documentaires, les Centres de Documentation et d'Information disposent de plus en plus de lecteurs et de disques CD-ROM. Ces disques, en plus de leur intérêt documentaire évident, permettent de former les élèves à des logiciels de recherche de types variés et à la consultation de bases de données importantes. Ils constituent des réserves de données à importer dans les bases locales. Le parc des lecteurs de CD-ROM des établissements scolaires peut être évalué à 2 000 environ, la plupart se trouvant dans les CDI.

    Parmi les CD-ROM les plus utilisés dans les CDI, on peut citer Le Monde, Le Monde en chiffres, Megastat, Le Robert électronique, Zyzomis, ou encore les catalogues de références bibliographiques, le CD-ROM Electre du Cercle de la Librairie, les CD-ROM BN Opale de la Bibliothèque nationale.

    Enfin des logiciels de gestion de réseau interne (LANMAN 2, NETWARE et JONET), nouvellement venus et encore peu répandus, permettent l'utilisation des logiciels documentaires sur plusieurs postes. Le réseau interne favorise la communication dans l'établissement, élargit la notion d'espace documentaire et optimise l'utilisation des ressources documentaires et matérielles du CDI. Il est encore malheureusement d'un maniement difficile pour les documentalistes.

    Il faut citer, en outre, un outil qui, s'il n'est pas informatique, concourt actuellement à la réalisation des objectifs pédagogiques de l'utilisation des nouvelles technologies dans les CDI : le thésaurus Motbis. Ce thésaurus qui est intégré aux logiciels de recherche documentaire cités, a été réalisé sous la direction du CNDP par une équipe de documentalistes de CDI, de documentalistes de CRDP, et de professeurs.

    Les dispositifs nationaux...

    Le Ministère de l'Education nationale, par les actions de la Direction des Lycées et des Collèges, a mené une politique fortement incitative pour l'informatisation de la gestion et de la recherche documentaires et la diffusion des nouvelles technologies dans les CDI.

    Par le choix du type de logiciels documentaires et du langage documentaire Motbis, le Ministère a d'une part validé les options qui avaient été prises d'une façon plus officieuse. Il a d'autre part permis la diffusion rapide des produits par l'octroi de prix préférentiels. Dès 1990, en effet, par l'octroi d'un contrat de type "licence mixte" (2) pour les logiciels Polybase/Diderot, Diderot et Atoutdoc, et d'une convention pour le logiciel Memolog, il a permis leur acquisition par de nombreux établissements scolaires.

    De la même façon, soucieuse de faire connaître les potentialités du CD-ROM et de susciter à partir de son utilisation des pratiques pédagogiques et documentaires innovantes, dès 1988 la DLC avait acquis 650 lecteurs et mis à la disposition des Académies 1 300 disques ; à partir de 1990 elle a octroyé des contrats de licence mixte pour les CD-ROM Le Monde, Le Monde en chiffres, Le Robert électronique, Zyzomis, puis pour les catalogues de références bibliographiques Electre et de la Bibliographie nationale française.

    On doit signaler également son action en faveur de l'établissement des réseaux internes par l'équipement de sites pilotes, l'acquisition de droits d'usage des logiciels LANMAN 2, NETWARE et 10NET, et la prise en compte des versions réseau des logiciels documentaires.

    et régionaux

    Mais l'informatisation d'un CDI ne consiste pas seulement dans la mise en place d'un système informatique et d'un logiciel pour gérer et utiliser son fonds documentaire. C'est une opération plus vaste :

    • qui remet en question les pratiques documentaires des documentalistes, des professeurs, des élèves ;
    • qui établit des liens différents avec l'ensemble de l'établissement scolaire ;
    • qui établit des liens différents avec l'environnement départemental, académique avec des avantages et des contraintes ;
    • qui nécessite d'importants moyens humains, et financiers.

    Pour ces raisons, les opérations d'informatisation qui ont été mises en place et qui se poursuivent avec succès sont, le plus souvent, des opérations collectives, académiques ou départementales, fonctionnant suivant une démarche de projet global et de mise en cohérence qui prévoit les actions suivantes :

    • L'aide au choix des logiciels documentaires : information sur les fonctionnalités des logiciels ; information sur les recommandations et la position du ministère ; aide méthodologique au choix ; recommandations et incitations académiques ; choix départementaux ou académiques.
    • La formation des documentalistes et des professeurs : aux techniques documentaires ; à l'informatique documentaire ; à l'utilisation des logiciels sélectionnés ; à la mise en place d'un projet s'incluant dans un projet d'établissement.
    • L'aide à l'équipement : recherche de financement ; recherche de partenaire ; plan concerté.
    • L'appui technique : permanences pour accueillir et conseiller ; assistance téléphonique plus ou moins poussée.
    • Le suivi documentaire et pédagogique : mise en place de réseaux documentaires ; partage du travail ; fourniture de données ; réalisations d'outils de formation ; animations.

    L'importance et la variété de ces actions impliquent la participation de plusieurs instances académiques, régionales ou départementales dans une démarche de partenariat :

    • Les Rectorats (MAFPEN, Centres de ressources, délégations aux technologies nouvelles) ;
    • les CRDP et CDDP ;
    • les inspections académiques ;
    • les collectivités locales.

    La répartition des responsabilités pourrait être schématisée de la façon suivante : les collectivités territoriales votent, les rectorats et leurs services forment, le réseau CRDP-CDDP assure le suivi documentaire et l'animation. Les tâches peuvent être déléguées, suivant les disponibilités en hommes et en moyens de chacune des instances dans chaque académie. Les CRDP assurent souvent un rôle de conseil. un rôle de pilotage en collaboration avec les Rectorats et participent largement aux formations assurées sous la responsabilité des MAFPEN.

    Il n'est pas dans les objectifs de cet article de dresser un inventaire des réalisations des Académies, mais on peut citer quelques types de mise en place de plans d'informatisation prenant en compte tous les éléments déjà évoqués, harmonisés de façon particulière selon les conditions locales.

    Il est bien entendu, par ailleurs, qu'il ne faut ignorer les démarches de certains CDI qui se sont informatisés d'une façon isolée, avec des logiciels différents de ceux qui ont été cités.

    L'Académie de Rennes, par exemple, a mené une politique allant jusqu'au choix d'un seul logiciel, l'équipement en matériel de tous les CDI de l'enseignement public de l'Académie et la fourniture des produits documentaires. Un partenariat étroit a permis de réaliser, en quatre ans, la mise en place de configurations de quatre postes dans tous les CDI de l'Académie, financée par les collectivités locales (265 CDI informatisés en novembre 1992), la fourniture du logiciel Superdoc et les formations par le Rectorat, et la diffusion de données (plus de 10 000 notices bibliographiques) par le CRDP.

    L'Académie de Besançon, dans le cadre d'un plan général de modernisation de la documentation basé sur l'établissement de réseaux documentaires, aura terminé en 1994, avec l'aide des collectivités locales, l'équipement de tous les CDI en matériels et en logiciels, Diderot-Polybase pour la plus part.

    Plusieurs Académies, telle l'Académie de Bordeaux avec Memolog, ou Toulouse avec Diderot, ont établi une forte cohérence académique sur le choix du logiciel et des matériels, les formations et le suivi, laissant à chaque département l'initiative de son plan d'équipement. Dans ce cas les établissements sont équipés, soit sur ressources propres, soit par les conseils généraux qui assurent l'équipement en matériel des collèges de leurs départements.

    D'autres, plus libérales, comme Aix-Mar-seille ou Dijon tout en pilotant l'opération d'informatisation, prenant en charge la mise en place d'équipes de formateurs, l'animation de stages académiques ou départementaux et l'aide à la définition du projet des établissements, laissent le choix du logiciel et des équipements, dans le cadre des recommandations généralement admises.

    On peut faire une place à part à l'Académie de Poitiers où le CRDP de Poitiers diffuse le logiciel Memolog. Outre l'équipement et le suivi de l'informatisation de tous les CDI de l'Académie, il remplit une tâche nationale en assurant le suivi, la maintenance de son logiciel par convention avec d'autres académies, ainsi que la diffusion de données intégrables et de documents pédagogiques.

    Si l'informatisation des CDI a été possible grâce à une coordination d'actions nationales de la Direction des lycées et des collèges et du CNDP, d'une part, et d'actions régionales des Rectorats et des CRDP, d'autre part, il faut souligner qu'elle est due aussi en grande partie à l'esprit d'innovation et à la bonne volonté des documentalistes en place dans les établissements scolaires. Accaparés par les tâches multiples qu'ils ont à remplir, ils ont cependant consacré un temps important à la remise à niveau dans le domaine des techniques documentaires et à l'adaptation aux nouvelles technologies qui, avant de leur faciliter le travail, leur ont demandé un effort certain.

    Pour que cette transformation se poursuive et s'étende à tous les CDI, il faudrait qu'un certain nombre de mesures s'ajoutent à celles qui ont déjà été prises. La création du CAPES de documentation, celle des IUFM, avec l'introduction des nouvelles technologies dans les programmes résoudra, à terme, le problème des formations des documentalistes et des professeurs.

    Il sera indispensable que les logiciels documentaires adoptés évoluent en développant toutes les fonctionnalités d'échanges et d'harmonisation documentaire et informatique avec les partenaires de l'Education nationale : formats d'échanges, harmonisation et récupération des notices, aussi bien qu'extensions télématiques. Cela permettra l'établissement de réseaux documentaires entraînant une économie de moyens humains et financiers.

    La fourniture de produits documentaires et pédagogigues d'accompagnement de l'informatisation, déjà entreprise par le CRDP de Poitiers pour les utilisateurs de Memolog, Memofiches, Memodocs, Memoedits, Memoclé, par le CNDP, par la mise à disposition des notices catalographiques de sa base nationale sous forme du logiciel Inter-o-doc, des disquettes de notices Périomicro et Micronotices, bientôt récupérables sur tous les logiciels documentaires, par certains Centres comme Rennes et Nice, pour les utilisateurs de Superdoc et Azurdoc, à partir de la base du CNDP, semble être une condition indispensable à la poursuite de l'informatisation des CDI.

    1. Les chiffres avancés dans cet article ne concernent que les établissements d'enseignement public, et sont donnés à titre indicatif. retour au texte

    2. Une licence mixte est un marché entre le Ministère de l'Education nationale et un éditeur, portant sur un droit d'usage d'un ou plusieurs logiciels. En échange d'une somme forfaitaire versée directement par le Ministère à l'éditeur, les établissements scolaires ont accès à l'achat de ces logiciels à un coût inférieur au prix public. retour au texte