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    Bibliothèques universitaires

    Uaste programme !

    Par Marie-Françoise Bisbrouck, Chargée de mission pour la construction des BU Ministère de l'éducation nationale Sous-direction des bibliothèques

    Un peu d'histoire

    La situation dans laquelle se trouve la majorité des bâtiments des bibliothèques universitaires aujourd'hui n'est plus à décrire ; elle est à l'image de ce qu'est devenue la quasi-totalité des bâtiments des universités à l'issue d'une période d'environ vingt ans d'immobilisme durant lesquels aucune construction d'une certaine importance n'a été réalisée, pour faire face à l'afflux grandissant des étudiants, et où le parc immobilier très conséquent qui avait été mis en service durant les quinze années précédentes (1955-1970) n'a été que faiblement entretenu, entraînant une dégradation physique rapide des bâtiments, construits à la hâte dans les années soixante, et dans des matériaux souvent trop fragiles. Dans le même temps, le mobilier est resté inchangé depuis cette période, et nos bibliothèques universitaires apparaissent bien souvent, à l'aube des années 90, dans un état de misère physique proche du scandale. Le rapport Miquel a fait état de cette situation sans ambiguïté.

    Fort heureusement (et sous la pression de l'afflux des utilisateurs, il faut bien l'avouer) l'État a redécouvert ses universités au milieu des années 80 et met aujourd'hui sur pied, avec l'aide des collectivités territoriales - ce qui est une grande première - un important schéma de développement, sous la dénomination de " Schéma Universités 2000 ", qui de 1991 à 1995, doit permettre de remettre à niveau les universités, au moins en ce qui concerne leur capacité d'accueil d'une population étudiante sans cesse plus nombreuse.

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    Points de repère

    Une enveloppe financière non négligeable constitue la clé de voûte de ce plan quinquennal puisque 16 milliards de francs y auront été engagés par l'État d'ici 1995, tandis qu'une somme équivalente le sera par les collectivités territoriales, régions, départements ou communes, parfois les trois, selon leur degré d'intérêt, culturel, intellectuel, économique ou politique pour le développement de l'enseignement supérieur.

    Un plan d'urgence avait déjà été engagé par l'État pour les universités dès le début de l'année 1989 pour construire amphithéâtres, salles de travaux pratiques et de travaux dirigés et locaux administratifs (mais pas de bibliothèques universitaires !) dans quelques académies particulièrement en crise, tandis que le schéma de développement de l'enseignement supérieur, mis en place dès 1984, s'intensifiait avec la signature de contrats quinquennaux entre l'État et les régions, et avec la signature de contrats quadriennaux d'établissements à partir de 1989.

    Le Schéma Universités 2000, négocié en 1991, pour l'essentiel des académies à l'exclusion des académies de la région Ile-de-France constitue le volet construction des différents types de contrats existant ; il reprend donc, en principe, toutes les opérations importantes de travaux figurant dans les précédents contrats. Et seule l'inscription de ces travaux et constructions au Schéma Universités 2000 est désormais garante d'une réalisation.

    Une place difficile à trouver

    Comment les bibliothèques universitaires trouvent-elles leur place dans le Schéma Universités 2000 ?

    A dire vrai, elles la trouvent parfois avec quelques difficultés, et cela pour des raisons multiples :

    • En premier lieu, les crédits importants dégagés dans le cadre du plan quinquennal ne sont pas répartis en amont selon des quotas établis par grandes fonctions existant dans une université : enseignement magistral, enseignement de petits groupes, travaux en laboratoires, administration, restauration, logements, documentation, etc. Il n'y a donc pas 15 %, 20 %, voire 25 % de la dotation globale du Schéma Universités 2000 qui soient dévolus d'office à la transformation des services communs de la documentation. Une telle disposition aurait évidemment été très efficace et très confortable pour nous.
    • A l'origine du Schéma Universités 2000, ne figuraient que des opérations de constructions, réaménagements et extensions de bâtiments d'universités. Peu à peu y ont été incluses des opérations touchant les IUT, désormais considérés comme une priorité en création comme en extension du nombre des départements et donc en construction. Y ont été récemment ajoutées toutes les opérations de maintenance lourde des bâtiments existants, et tout ceci s'alimente désormais sur la même enveloppe budgétaire et ponctionne d'autant la part dévolue à l'origine aux seules constructions et extensions.
    • Il appartient au président de l'université, en accord avec le recteur, de déterminer les priorités pour son université, puis de les hiérarchiser pour tenir dans l'enveloppe budgétaire fixée et non susceptible de révision (en tout cas à la hausse !) négociée avec l'État et les différentes collectivités territoriales. Comme cette enveloppe ne peut permettre de réaliser tous les projets présentés par chaque université, quelques opérations de construction ou d'importants travaux d'aménagement de bibliothèques universitaires ont aujourd'hui été " oubliés " dans le Schéma Universités 2000, alors qu'ils avaient été inscrits dans l'un ou l'autre des contrats précédents.
    • Rien n'ayant été entrepris depuis près de vingt ans, il a fallu petit à petit remettre les esprits en marche en matière de prévisions, d'évolutions, de planification et de pédagogie au niveau de l'ensemble des universités ; et, finalement, après la lenteur du démarrage, une certaine précipitation a entouré l'élaboration des schémas directeurs d'académie sans que les services communs de la documentation aient bien toujours été associés en temps et en heure. Il reste qu'aujourd'hui, des enveloppes budgétaires ont été affectées à des opérations dont le contenu n'est pas encore parfaitement limpide.
    • La place du service commun de la documentation dans l'université n'est pas encore partout clairement reconnue, même si bien des présidents d'université et des enseignants constatent que la très forte augmentation des crédits de fonctionnement - et donc des acquisitions - depuis la fin 1988 rend aujourd'hui celui-ci parfaitement crédible en terme d'offre documentaire et commence à l'être en terme d'horaires d'ouverture. Force est bien de constater que les handicaps majeurs que constitue l'impossibilité d'accéder directement à l'essentiel des collections vivantes dans encore bon nombre de bibliothèques universitaires, l'insuffisance notoire du nombre de places de consultation, l'extrême inconfort et la pauvreté généralisée des installations ne sont pas encore suffisamment ressentis par les décideurs de l'université comme insupportables pour la vie et le travail de l'étudiant, à l'inverse d'un amphithéâtre, d'une salle de travaux dirigés ou d'un restaurant universitaire bondés.

    Des motifs de satisfaction

    De telles constatations ne doivent cependant pas conduire à penser que les bibliothèques universitaires sont exclues du Schéma Universités 2000 ; il n'en est rien car, même si nous ne parvenions pas à réaliser d'ici 1995 toutes les bibliothèques que nous savons être indispensables, bien des opérations nouvelles se feront durant ce plan quinquennal. L'objectif de 35 000 places supplémentaires en bibliothèques, tel qu'il figure dans le rapport Miquel, ne sera pas atteint ; plus probablement, près de la moitié d'entre elles seront réalisées, ce qui devrait déjà modifier sensiblement la physionomie du PBUF (paysage des bibliothèques universitaires françaises) en présentant des équipements de référence largement orientés vers le libre accès aux collections et vers une diversification des places de consultation et des documents proposés aux lecteurs.

    C'est ainsi que :

    • les constructions de la bibliothèque de Paris VIII-Saint-Denis (12 500 m2), la bibliothèque interuniversitaire des langues et civilisations orientales (9 000 m2), les bibliothèques du campus Jussieu (Lettres et Sciences humaines d'une part, bibliothèque interuniversitaire scientifique de recherche d'autre part, 19 000 m2 au total), la bibliothèque de Droit de Montpellier (15 000 m2), celles d'Amiens Droit-Sciences (environ 5 000 m2), de Bayonne (université de Pau, 1 800 m2), de La Réunion Droit-Lettres (environ 3. 000 m2en première tranche), etc. Sans oublier la construction du Centre technique du livre à Marne-la-Vallée qui devrait accueillir une partie des collections les moins utilisées des bibliothèques universitaires de la région Ile-de-France pour désengorger partiellement celles-ci (première tranche de 6 400 m2permettant le stockage de 100 km de documents avec une extension prévisible à 250 km),
    • les extensions importantes des bibliothèques de Besançon Droit (5 000 m2), et Médecine-Pharmacie (2 000 m2), de Dijon Droit-Lettres (5 000 m2), de Bordeaux Médecine-Pharmacie (2 000 m2), de Grenoble II (6 à 7 000 m2) ont aujourd'hui fait l'objet d'un programme technique détaillé et ont un architecte ou sont en cours de programmation, ce qui permettra le lancement du concours d'architectes d'ici la fin 1992.

    Il ne faut pas omettre non plus la création de sept universités nouvelles dans le cadre du Schéma Universités 2000 : quatre dans les villes nouvelles de la région parisienne (Cergy-Pontoise, Évry, Marne-la-Vallée et Saint-Quentin-en-Yvelines/Versailles), les universités d'Artois et du Littoral (région Nord-Pas-de-Calais) et l'université de La Rochelle ; cinq d'entre elles ont des bibliothèques en cours de programmation (les quatre de la région parisienne pour 8 000 à 12 000 m2chacune et l'université d'Artois pour environ 2 000 m2en première tranche ; l'une d'entre elles a son architecte (Saint-Quentin-en-Yvelines).

    Bien d'autres opérations sont de plus faible importance mais devraient donner un peu d'aisance à ces bibliothèques sans que celles-ci en soient toutefois radicalement transformées.

    La tentation du découpage

    L'une des difficultés majeures à laquelle nous serons fréquemment confrontés réside dans le fait qu'un certain nombre d'opérations feront l'objet d'un découpage en tranches appelées pudiquement fonctionnelles dont la réalisation sera étalée dans le temps pour des raisons financières. La sagesse et la prudence voudraient qu'on réalise en une seule fois les opérations de construction de bibliothèques, car les programmes de surfaces ne sont pas si importants qu'un découpage apparaisse indispensable, autrement que pour des raisons budgétaires. Les opérations supérieures à 10 000/12 000 m2 et plus encore à 15 000 m2à partir desquelles des seuils de phasage pourraient apparaître comme nécessaires, sont encore très rares en France alors qu'elles sont légion aux États-Unis, au Canada, en Grande Bretagne et en Allemagne pour un nombre d'étudiants souvent infiniment moindre, sans entraîner dans ces pays de réalisa: tion par étapes successives.

    Au demeurant, si l'on ne peut réaliser une opération en une seule fois, il faut savoir qu'une première tranche vraiment viable au regard de l'ensemble d'un projet doit représenter au moins 70 % à 75 % de la superficie finale de l'opération. Construire une proportion moins importante pose de sérieux problèmes de cohérence de la première phase par rapport à l'ensemble. Ceci devrait conduire, dans tous les cas, à ne construire qu'en deux phases au plus. Mais même cela n'est jamais sûr en France, où l'on risque de préférer réaliser trois opérations de nature différente en même temps, en tronçonnant chacune d'entre elles, plutôt qu'une seule dans son intégralité, puis la deuxième, puis la troisième. Si construire en une seule fois conduit à différer les opérations positionnées en numéros deux et trois, cela aura pour effets positifs de mettre à disposition de vraies réalisations, d'abaisser sensiblement le coût des travaux, et ' surtout d'éviter de faire vivre les utilisateurs dans des chantiers permanents, avec tout ce que cela suppose de bruit, de poussière, d'inconfort, voire de fermeture temporaire de la première tranche pour achever la suivante.

    Quand, malheureusement, le découpage d'un projet en phases successives ne peut être évité, il est alors indispensable que le programme technique détaillé soit élaboré pour l'intégralité de l'opération et que les plans de l'architecte (esquisses et avant-projet sommaire) soient établis non seulement pour la première tranche mais pour l'ensemble de l'opération. C'est alors un moindre mal, en espérant naturellement que la ou les autres phases suivront rapidement, la plus grande vigilance devant s'imposer à cet égard.

    Le rôle clé du chef de projet

    Une autre difficulté doit également être soulignée : la réalisation d'un bâtiment de bibliothèque par construction, réaménagement ou extension exige de son chef de projet (le directeur de la bibliothèque ou le chef de la section concernée dans la majorité des cas) un certain nombre de connaissances qui ne font pas vraiment partie du domaine habituel des connaissances bibliothéconomiques. Il est pourtant indispensable que celles-ci soient rapidement acquises dès lors qu'un projet se fait jour, car il est important de pouvoir tenir une place, SA place, la plus claire possible, dans l'opération dès que la décision de réaliser a été prise. Il faudra ensuite conserver cette place durant trois ou quatre années au minimum d'où l'importance d'une situation personnelle et institutionnelle juste et sans ambiguïté dans l'opération.

    Sans trop entrer dans le détail, il faut rappeler les six phases majeures dans lesquelles s'inscrit tout projet :

    1 - L'établissement du programme technique détaillé, quantitatif et qualitatif du futur équipement. C'est l'un des points clé pour qu'une opération soit réussie, car il s'agit tout d'abord d'analyser aussi finement que possible l'organisation existante de la bibliothèque, tant en interne que par rapport à la qualité des services rendus aux utilisateurs. Il faut ensuite imaginer des services nouveaux (nouveaux en France ou à réaliser à une autre échelle que celle du moment présent), des services plus judicieux pour le lecteur et plus efficaces, un fonctionnement souvent radicalement différent du fonctionnement actuel, une organisation des collections plus compréhensible pour l'utilisateur ; il faut aussi réfléchir à l'informatisation de tout ou partie des fonctions internes de la bibliothèque et de celles tournées vers le public, etc. Il faut enfin traduire tout cela en données quantifiées et schémas divers d'organisation fonctionnelle.

    C'est à la connaissance de cet aspect des choses que la DPDU (sous-direction des bibliothèques et sous-direction des constructions) a donné toute son importance compte tenu des enjeux du Schéma Universités 2000 en réunissant, dès la fin de l'année 1990, un groupe de travail composé de directeurs de bibliothèques universitaires, d'universitaires et de représentants des deux sous-directions concernées. Celui-ci a travaillé durant plusieurs mois à la rédaction d'un guide de programmation des bibliothèques universitaires qui a été achevé en mai 1991 et largement diffusé chez les professionnels des bibliothèques universitaires, dans les rectorats et aux présidents d'universités. Ce document, bien qu'encore sommaire et en attente d'une version plus documentée, a été très apprécié car il fournit des points de repères sérieux quant à une méthodologie de programmation d'un bâtiment. Il offre également des exemples de normes et prescriptions couramment retenues dans les pays développés pour la réalisation de leurs bibliothèques universitaires (voir encadré).

    2 - La connaissance des partenaires auxquels le chef de projet-bibliothèque sera confronté et avec lesquels il aura à travailler tout au long du processus de construction ; ceux-ci sont multiples, qu'il s'agisse du consultant-programmateur qui aide à la mise au point du programme technique détaillé, de l'architecte, des services du rectorat (ingénieur régional de l'Équipement qui est mis à disposition du recteur pour toutes les opérations concernant les bâtiments d'université), des services ad-hoc de l'université, d'éventuels partenaires d'une collectivité territoriale (celle qui assure, dans certains cas, la maîtrise d'ouvrage de l'opération) ; plus tard, il faudra également découvrir le conducteur d'opération, les représentants des entreprises, les fournisseurs de mobiliers et de matériels, etc. De la bonne connaissance des différents partenaires et de l'appréhension du langage professionnel de chacun, parfois difficilement accessible, dépendra l'efficacité des actions entreprises.

    3 - La compréhension de l'organisation des concours d'architectes qui sont la règle commune pour la nomination d'un architecte sur un projet. Il est en effet important de trouver sa place dans les commissions qui comparent sur les plans technique et financier les projets concurrents, et dans les jurys de concours qui décident du lauréat, pour que la voix de l'utilisateur final du bâtiment soit entendue et comprise.

    4 - L'apprentissage de la lecture des différents états de plans élaborés par l'architecte, des plus simples (les esquisses) aux plus complexes (dossiers de consultation des entreprises) en passant par ceux de l'avant-projet sommaire et de l'avant-projet détaillé, pour pouvoir voyager mentalement dans sa future bibliothèque, en étudier le fonctionnement détaillé et demander, le cas échéant, les modifications qui s'imposent.

    5 - Le suivi de l'évolution du chantier dans ses différentes phases : certaines, qui concernent le second oeuvre, sont en effet très importantes pour la qualité des prestations offertes et le confort des utilisateurs (revêtements des sols, choix des couleurs, protection solaire, isolation phonique, etc).

    6 - L'élaboration des dossiers d'équipement en mobilier et en matériel. C'est probablement cet aspect des choses qui déroutera le moins le chef de projetbibliothèque, dans la mesure où, de tous temps, il a été nécessaire d'acquérir un peu de mobilier et quelques éléments de matériels pour la bonne marche de la bibliothèque. Les choix toutefois, lorsque l'on a à traiter de très grandes quantités de mobilier pour équiper des surfaces et des volumes importants, ne sont pas toujours très aisés à faire (formes à privilégier, harmonisation des coloris, etc.) et exigent de travailler dans le détail pour ne - presque - rien laisser au hasard.

    Ces six points fondamentaux donnent un avant-goût de la diversité des connaissances à acquérir rapidement, du degré d'implication personnelle et professionnelle qui doit être celui du chef de projet-bibliothèque et aussi de sa capacité à entraîner son équipe dans l'aventure d'une construction. Un projet, en effet, n'est jamais l'affaire d'un seul, mais le fruit du travail de toute une équipe, et d'un travail acharné.

    Pour permettre aux chefs de projetbibliothèque de mieux jouer ce rôle auquel, dans la majorité des cas, ils n'ont pas été préparés, la sous-direction des bibliothèques organise à leur intention une formation par le biais d'un stage d'une semaine, placé sous la responsabilité du service Formation de la Direction des personnels de l'enseignement supérieur (DPES 14) et avec le concours de la sous-direction des constructions de la DPDU. Un premier stage a eu lieu en octobre 1991 et quatre autres se dérouleront durant l'année 1992 dont deux porteront sur les constructions et deux sur les aménagements et extensions des bibliothèques universitaires. En fonction des besoins ressentis, d'autres pourraient être prévus en 1993 et au-delà, ainsi que des stages de suivi d'opérations permettant un large échange de vues sur les problèmes rencontrés et, si possible, la manière de les résoudre.

    Il est également important de comprendre aujourd'hui que le rôle de l'Etat a changé en ce qui concerne les universités. Celui-ci n'est plus l'unique dispensateur de crédits d'investissement, et donc le seul qui fasse entendre sa voix. Il n'est plus qu'un partenaire, important certes, parmi d'autres et pas toujours le principal dans les opérations de construction et d'extension des bâtiments d'université. La place prise par les collectivités locales dans le financement de ceux-ci est désormais très importante et bon nombre de bibliothèques universitaires seront construites sous la maîtrise de l'une d'entre elles, dès lors que celle-ci apportera au moins les deux-tiers du financement. Ceci montre un peu plus, s'il en était besoin, la nécessité de faire connaissance avec des partenaires qui n'avaient jamais été les nôtres jusqu'à présent et qui ne sauraient se contenter du rôle de bailleur de fonds.

    Des réalisations et des questions pour l'avenir

    La nouvelle vague de construction des bibliothèques universitaires s'amorce donc avec une certaine lenteur mais sûrement. Bien des opérations en sont aujourd'hui à la première phase de réflexion qui doit mener à l'élaboration du programme technique détaillé. Peu à peu, le nombre des concours d'architectes va s'accroître et une partie des projets commencera à sortir de terre en 1993. Très peu sont déjà en cours de réalisation (Montbéliard 1 100 m2en première tranche ; la bibliothèque des Chênes à Cergy-Pontoise 2 500 m2), beaucoup plus le seront en 1994 et 1995. Les premiers effets du Schéma Universités 2000 en matière de bibliothèques universitaires ne s'afficheront réellement qu'à partir de la fin de 1994 et dans les années suivantes, dans la mesure où il faut de dix-huit mois à deux ans pour achever une construction et quelques mois supplémentaires pour la meubler. C'est dire que les résultats de nos efforts ne commenceront à être visibles et les utilisateurs de nos bibliothèques à être un peu mieux servis qu'au moment de l'achèvement du Schéma Universités 2000 en 1995.

    D'aucuns commencent à penser qu'il pourrait y avoir une suite, à partir de 1996, tant l'ampleur de la tâche est grande en ce qui concerne l'ensemble des universités et, à l'intérieur de celles-ci, des bibliothèques universitaires. Il est en effet impossible de rattraper en cinq ans ce qui n'a pas été fait durant les vingt années précédentes alors que le nombre d'étudiants était d'environ 770 000 en 1975 et passera à près de 1 800 000 d'ici l'an 2000, à raison d'une progression de 60 000 à 70 000 étudiants par an. A raison d'un simple mètre carré et demi par étudiant (et dans un souci de simplification qui va à l'encontre de la méthodologie proposée dans le guide de programmation des bibliothèques universitaires !), il faudrait deux millions et demi de mètres carrés de bibliothèques universitaires, soit environ 3,5 fois ce dont nous disposons aujourd'hui. Même en considérant que nous allons réaliser 150 000 m2 nouveaux d'ici la fin de la programmation d'Universités 2000, on mesure aisément tout ce qu'il restera à entreprendre après !

    Encore faut-il soigneusement réfléchir à la bibliothèque universitaire que nous souhaitons pour aujourd'hui et pour demain : bibliothèque partie prenante de l'université et largement ouverte sur celle-ci, bibliothèque permettant le libre accès le plus large aux collections courantes, bibliothèque éduquant réellement l'usager à son utilisation : de cela nous sommes à peu près sûrs. Mais d'autres points sont trop peu débattus ; citons en vrac et sans souci de hiérarchisation :

    • place à donner aux périodiques dans la bibliothèque : accès libre ? magasins ? dans quelles proportions ?
    • salle des périodiques / salle(s) des monographies ou bien présentation de l'ensemble des collections par thèmes ou grands champs des connaissances ?
    • exemplaires multiples en nombre important ou place prépondérante donnée à un grand nombre de titres ?
    • éclatement des services internes selon la spécialisation des espaces publics ou regroupement fonctionnel ?
    • salle de lecture pour enseignants / salle(s) pour étudiants ou nouvelle conception des places de travail, différenciées dans leur installation matérielle et correspondant à des besoins différents des utilisateurs selon les moments et le type de travail à faire, mais conçues pour tous les utilisateurs quels que soient leur niveau d'étude ou leur qualité à l'intérieur de l'université ?
    • faut-il traiter les collections et les utilisateurs par niveau d'étude ou disposer l'ensemble des collections dans une présentation unique ?
    • place de l'audiovisuel, des laboratoires de langues, des banques de données par rapport aux CD-ROM, de la micro-informatique ?
    • comment réorganiser entièrement une bibliothèque en accès indirect ?
    • doit-on développer une salle de culture générale dans toute bibliothèque universitaire ?
    • quels services de l'université sont bénéfiques à proximité immédiate de la bibliothèque ?
    • et peut-être surtout quelle place le public occupe-t-il dans la tête de chaque membre du personnel de la bibliothèque ?

    On pourrait continuer longtemps ce petit jeu des questions : il n'est pas destiné à mettre au point un système de réponses qui engendrerait un modèle de bibliothèque universitaire et un seul. Chaque opération entreprise est une opération unique et particulière qui s'inscrit à un moment donné de l'histoire et du développement de la bibliothèque au sein de son université.

    En guise de conclusion, je forme le voeu que chacun de ceux qui sont, ou seront à court terme, responsables d'un projet de construction, de réaménagement ou d'extension de leur bibliothèque fasse l'effort de décrire clairement et dans le détail les décisions qu'il aura prises en liaison avec ses collaborateurs et en accord avec son université.

    Parallèlement, la nécessité d'élaborer un programme technique détaillé pour chaque opération devrait permettre de disposer à moyen terme d'un ensemble de réflexions qui nous aidera à comprendre et à accompagner l'évolution des bibliothèques universitaires dans cette nouvelle grande aventure qui nous est proposée aujourd'hui et dont le public devrait être le principal bénéficiaire.