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    Intervention de Daniel Renoult

    Par Daniel Renoult, Sous-directeur Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche

    C'est toujours pour moi à la fois un honneur, et un plaisir d'être invité au congrès de l'Association des Bibliothécaires Français, de faire le point avec vous, et d'engager bien volontiers le dialogue avec les membres de votre association. Cette année, votre congrès était placé sous le signe de la mémoire, et vous avez consacré une séance particulière à la mémoire des bibliothèques. Vous y avez convié des personnalités qui ont contribué autant à la forger qu'à l'écrire. L'Association des Bibliothécaires Français, ses différents animateurs, nombre de ses membres comptent parmi les acteurs principaux de cette histoire au cours du siècle qui vient de s'écouler, et je tiens tout particulièrement à saluer son rôle. Comme vous le savez, je partage depuis longtemps vote préoccupation de fixer et d'écrire cette histoire, et de sauvegarder le plus possible les archives qui permettront à d'autres que nous de continuer l'oeuvre entreprise. Lieux de mémoires par excellence, les bibliothèques n'ont pas encore leur lieu, à la fois bibliothèque, dépôt d'archives et centre de recherche sur leur histoire. Ici et là, des projets existent, des idées sont lancées : il manque encore le dynamisme fédérateur qui permettrait à ces initiatives de se concrétiser. S'il le faut, sous la forme d'un CADIST, ou sous une autre forme, peut-être plus appropriée à la spécialité du sujet, nous sommes prêts à contribuer à la concrétisation de cette idée.

    Mais sans doute n'attendez-vous pas seulement du sous-directeur des bibliothèques qu'il participe à l'exaltation de notre histoire commune, mais aussi qu'il vous informe de l'évolution des grands dossiers concernant les bibliothèques de l'enseignement supérieur.

    Tout d'abord, je voudrais appeler votre attention sur la continuité des efforts de l'Etat en faveur des bibliothèques universitaires depuis 1988. La permanence des orientations, la constance dans les efforts financiers se traduisent par des résultats qu'apprécient les usagers des bibliothèques universitaires. Avec en 1993 un budget de fonctionnement de 335 MF, c'est désormais d'un quadruplement des subventions de l'Etat dont il faut parler. Egalement spectaculaire est la progression des investissements avec un objectif de 355 MF. Cette forte croissance se traduit par une nette progression des acquisitions et des abonnements, par des travaux de rénovation et de mise en libre accès des collections, par des préparations de projets de construction dans des villes où l'on attendait depuis trop longtemps une véritable amélioration. Le bilan de cette action a été maintes fois présenté par ailleurs : je m'en tiendrai au seul exemple de Chambéry où se déroule cette année votre congrès. Le contrat quadriennal de développement a permis d'augmenter de 80% les moyens de la bibliothèque universitaire et de créer 6 emplois. Dans le cadre d'Université 2 000, plusieurs projets se réalisent : ainsi la future bibliothèque universitaire du Bourget du Lac, dont l'ouverture est prévue en 1995.

    M L'effort entrepris se poursuivra

    En présentant à la presse, le 14 mai, la restructuration complète des administrations de la recherche et de l'enseignement supérieur, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a annoncé la création d'une Direction de l'information scientifique et technique et des bibliothèques, voulant par là manifester la priorité particulière qu'il attache notamment au développement et à la rénovation des bibliothèques. La fusion de la recherche et de l'enseignement supérieur au sein d'un même ministère va se traduire par la création de deux directions générales. Dans le domaine de l'information scientifique, la création de la nouvelle direction se traduira, entre autres, par une attention plus grande portée aux bibliothèques spécialisées. Cette direction fédérera en particulier deux structures jusqu'à présent séparées mais complémentaires : la Délégation à l'Information Scientifique et Technique, et la Sous-Direction des bibliothèques. Viendra également s'y joindre la Mission Musées. Vous me permettrez de ne pas en dire plus, pour le moment, sur ce sujet. Le ministre présentera en effet les grandes lignes de sa politique devant la Conférence des Présidents d'Université, le 17 juin prochain. D'ores et déjà, je puis néanmoins vous rappeler ce qu'il a indiqué dans ses premières déclarations aux recteurs, puis aux présidents : la politique contractuelle se poursuivra. Cette méthode qui permet aux universités et à l'Etat d'arrêter ensemble des objectifs pour quatre ans, a largement fait ses preuves. Pour les établissements, c'est enfin la possibilité d'avoir une vision à moyen terme, de choisir ses propres priorités et ses propres voies de développement, d'affirmer concrètement leur autonomie. Pour l'Etat, c'est une méthode qui permet de conduire une politique nationale pluriannuelle, dans le respect de la diversité des établissements. Lors de sa dernière conférence de presse, le nouveau ministre a par ailleurs précisé qu'il comptait bien renforcer l'autonomie des universités, en favorisant largement la déconcentration des procédures administratives. Il s'agit bien de déconcentration, ce qui signifie un transfert des compétences exercées par l'administration centrale vers les universités (notamment en matière de gestion budgétaire et de gestion du personnel), et non de décentralisation, ce qui signifierait un changement de tutelle des universités, hypothèse qui compte d'éminents partisans mais qui n'est pas retenue par le gouvernement.

    M Le rôle des collectivités territoriales

    Je sais que nombreux sont ceux d'entre nous qui travaillent dans des bibliothèques publiques et qui se posent des questions sur le rôle et les modalités d'intervention des collectivités territoriales dans le développement de l'enseignement supérieur. Cette question est tout à fait d'actualité et je saisis donc l'occasion pour préciser comment se développent aujourd'hui les rapports entre collectivités territoriales et universités.

    Il faut tout d'abord rappeler que l'essor sans précédent de l'enseignement supérieur correspond à une demande sociale nouvelle et aussi à une prise de conscience de tous les acteurs. Les collectivités territoriales se sont engagées dans ce développement parce qu'elles ont compris qu'il s'agissait d'un enjeu majeur pour l'aménagement du territoire, l'expansion régionale et pour l'emploi. Les régions, les départements, les villes ont donc signé avec l'Etat des conventions dans le cadre du plan Université 2 000, qui concernent essentiellement des constructions nouvelles pour la période 1991-1995, c'est-à-dire des investissements. Ce programme a malheureusement pris du retard, notamment en ce qui concerne les bibliothèques, mais il sera poursuivi, même si, ici ou là, des aménagements sont indispensables. Université 2 000 a été négocié par les préfets et les recteurs. Chaque convention a fait l'objet d'un examen en comité interministériel d'aménagement du territoire.

    Par ailleurs, les collectivités territoriales se sont parfois engagées avec les universités dans des groupements d'intérêt public : pôles européens (Strasbourg, Grenoble, plus récemment Nancy), pôles de développement universitaire (Drôme-Ardèche pour gérer le centre universitaire de Valence). Dans ce cas, l'Etat et les universités étaient signataires des conventions.

    Enfin, il est de plus en plus fréquent que des collectivités territoriales signent des contrats particuliers avec une université : gestion d'une antenne universitaire, aides aux étudiants, aide à la recherche, etc. Ces conventions associent les collectivités territoriales les plus diverses (villes, syndicats d'agglomération, départements, régions) aux universités. L'Etat n'est pas, en général, contresignataire de tous ces accords.

    Dans la plupart des contrats que je viens d'évoquer, les bibliothèques sont concernées : constructions nouvelles dans le cas des conventions Université 2 000, création de réseaux d'information scientifique ou de catalogue collectifs dans le cas des pôles européens, conventions concernant les bibliothèques municipales dans le cas des bibliothèques universitaires.

    L'intensification des relations de partenariat entre les collectivités locales et les universités est bien une caractéristique de ces dernières années. Une déconcentration accrue devrait donner aux universités plus de liberté, et plus de moyens pour négocier avec les collectivités. Elle accentuera le rôle des présidents d'université. C'est dans ce cadre que se développera de plus en plus la coopération entre les services municipaux et les services universitaires, notamment les bibliothèques mais aussi les musées. L'exemple réussi de Saint-Etienne nous montre que ville et université peuvent conjuguer leurs efforts pour constituer un réseau unique d'information bibliographique pour le plus grand profit de l'ensemble de la population.

    Mais, permettez-moi d'insister sur ce point, il ne s'agit pas d'un processus de décentralisation : l'Etat reste responsable des grandes orientations dans le domaine de l'enseignement et de la recherche, et les universités restent sous sa tutelle. Au plan des moyens, et notamment de fonctionnement, l'Etat continue à apporter la part principale du budget de l'enseignement supérieur. N'oubliez pas, par exemple, qu'aujourd'hui les charges de personnel représentent l'essentiel des financements. S'agissant des bibliothèques universitaires, l'analyse des statistiques nationales montre que l'Etat en supporte le fonctionnement à 85%, les usagers 10%, tandis que la part des collectivités territoriales n'est que de 5%.

    a Le schéma directeur informatique

    Je viens d'évoquer l'exemple du réseau de Saint-Etienne, et sans doute souhaitez-vous que je fasse également le point sur l'état d'avancement de nos réseaux nationaux, et notamment des conclusions du schéma directeur informatique engagé voici à peu près un an. Je vous rappelle que ce schéma directeur porte sur le Catalogue collectif national des publications en série (CCN PS), la banque de données Téléthèses, le Catalogue collectif des ouvrages (Pancatalogue), le système de prêt entre bibliothèques et le fichier d'autorités Rameau. Nous avons associé à nos travaux le ministère de la Culture, la Bibliothèque Nationale, la Bibliothèque de France, le ministère de la Recherche, le ministère du Budget, la Conférence des Présidents d'Université et, bien entendu, des directeurs de bibliothèques. Comme tout schéma directeur, celui-ci comporte un bilan de l'existant et des propositions de scénarios pour l'avenir. Le bilan global est plutôt positif : toutes ces applications sont largement utilisées et correspondent à un véritable besoin pour l'enseignement et la recherche, et parfois bien au delà. Le CNN comprend aujourd'hui 60% de partenaires extérieurs au monde de l'éducation nationale. Toutefois, ces services devraient évoluer vers plus d'intégration (base unique pour les monographies et pour les thèses par exemple), plus de convivialité, et comporter des fonctionnalités complémentaires. S'agissant des scénarios, deux nous ont été proposés : l'un de simple continuité (amélioration de l'existant), l'autre de rupture, dont la caractéristique principale est de proposer une base unique avec fonction de catalogue partagé, au service de toutes les bibliothèques de l'enseignement supérieur. Les deux scénarios étant de coûts très voisins, nous avons opté pour le scénario de rupture qui est au demeurant le seul générateur d'économies à moyen terme. La mise en oeuvre devrait prendre environ 5 ans. C'est-à-dire que vers 1998, l'apport des universités et des grands établissements au Catalogue collectif de France devrait être d'une plus grande cohérence et le paysage informatique bien changé. Sont mis en oeuvre dès cette année : la réécriture du logiciel support du Catalogue collectif des publications en série (CCN PS), le lancement d'un appel d'offres sur l'architecture technique de la future base de données, la réorganisation du circuit d'alimentation de la base Téléthèses.

    Dans le même temps, nous avons formé le projet d'une Agence bibliographique de l'Enseignement supérieur. Son but est de regrouper dans un même établissement public toutes les applications nationales que je viens d'évoquer et dont la gestion est dispersée ente l'Ecole Nationale Supérieure des Bibliothèques et des Sciences de l'Information, l'administration centrale du ministère et le CNUSC à Montpellier.

    Cette Agence bibliographique, qui a vocation à rester une structure légère, fera partie des membres fondateurs du Groupement d'Intérêt Public Catalogue collectif de France, dont la constitution est désormais impatiemment attendue. S'agissant du Catalogue collectif de France, la constitution des données avance à grands pas. Le ministère de l'Education nationale a investi en 1992, 10 millions de francs qui ont permis la saisie de plus de 500 000 notices bibliographiques venant des CADIST. A cette somme vont venir s'ajouter les investissements de la Bibliothèque de France, au rythme de 4 millions de francs par an, selon les termes de la convention signée avec la DPDU en juin 1992. A ces données bibliographiques rétrospectives, s'ajoutent les données courantes du Pancatalogue, aujourd'hui riche de plus d'un million de localisations. Cet ensemble de notices bibliographiques va venir enrichir la formidable banque de données qu'est en train de constituer la Bibliothèque Nationale, et qui formera sans aucun doute le coeur du futur Catalogue collectif de France.

    M La lecture étudiante

    Dans un tout autre registre, je voudrais rappeler les initiatives nouvelles qui viennent d'être prises en faveur d'une promotion de la lecture en milieu étudiant, actions le plus souvent menées par les universités avec le soutien de la mission lecture, et très fréquemment aidées aussi par le ministère de la Culture. Dans les universités, se créent des fonds de culture générale, se développent des animations autour du livre, se mettent en place des enseignements spécifiques visant à donner toute sa place au livre. A cet égard, qu'il me soit permis de citer le travail tout à fait remarquable effectué par les équipes d'enseignants et de bibliothécaires dans certaines universités comme Toulouse, Bordeaux, Rennes, Clermont. Grenoble. Ici même, à Chambéry. un processus est engagé, et l'université vient de participer au festival du premier roman avec l'appui de la bibliothèque universitaire. Parallèlement se poursuit un travail de réflexion sur la lecture : colloque à Royaumont en juillet dernier, réalisation de nombreuses enquêtes, dont un sondage national avec le journal Le Monde, journées nationales de la lecture et de l'écriture en janvier, publication prochaine d'un ouvrage sur la lecture étudiante sous la direction d'Emmanuel Fraisse. Ce travail sur les publics est à mes yeux essentiel. Il contribue à une réflexion sur les conditions de la réussite à l'université, Il met en évidence le rôle culturel que devront de plus en plus jouer les bibliothèques universitaires.

    Comme vous le savez, nous avons crée une lettre d'information Liaison-Bibliothèques, qui a pour but essentiel de faire circuler l'information entre les différents types de bibliothèques, et d'une manière générale dans le milieu professionnel. Je voudrais pour conclure saluer les initiatives universitaires de plus en plus nombreuses, dont notre dernier numéro témoigne : des constructions sont en préparation, des réseaux de CD -ROMs se constituent, ici et là, l'informatisation globale d'un service de documentation se met enfin en place. Ce foisonnement est à l'image d'un renouveau qui, je le répète, devrait se poursuivre.

    Les bibliothèques universitaires changent, et plutôt en bien. Sachons ensemble saluer ces changements et les encourager, même si, nous le savons bien, un long chemin reste à parcourir pour amener nos établissements au meilleur niveau européen.