Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Questions à Jacqueline Gascuel

    Par Jacqueline Gascuel

    ABF : Il paraît 4 livres sur les bâtiments de bibliothèques en 1993. N'est-ce pas trop ?

    Jacqueline Gascuel : Deux sont des rééditions, deux innovent : il n'y a donc bien au total quatre ouvrages consacrés aux bâtiments dans toute la bibliothéconomie française, c'est au contraire très peu ! Très peu si on mesure à l'aune de la bibliothéconomie anglophone, bien sûr ; mais très peu aussi par rapport à un domaine très vaste, où les besoins sont extrêmement diversifiés et les acteurs multiples !

    ABF : Comment se situe le vôtre dans ce contexte: les différences, les originalités ou nouveautés, les objectifs précis ?

    JG : Pour ma part, j'ai fait une nouvelle édition, profondément remaniée et qui pourtant se situe dans la même approche pédagogique : une présentation en quelque sorte concentrique qui part du lecteur pour aboutir à une démarche de programmation - et d'évaluation critique des esquisses de l'architecte. Je me cantonne au secteur de la lecture publique. Et si j'ai souvent cité les grandes bibliothèques, parce qu'elles peuvent servir de référence, j'ai surtout pensé aux petites, parce qu'elles sont les premiers maillons de la chaîne, le fondement de toute action en profondeur dans le pays - peut-être, aussi parce que j'ai terminé ma carrière en BCP.

    ABF : Comment le définir par rapport à votre précédent ouvrage

    JG : Un espace pour le livre était sorti fin 1983 (même si l'éditeur a préféré le dater de 1984...) ; que de choses se sont passées depuis ! Sur le plan des pratiques professionnelles d'abord, avec l'informatique, la télématique, les mémoires optiques, le travail en réseau, etc. Sur le plan de l'architecture ensuite, de l'architecture en général, de celle des bibliothèques en particulier : à la fin des années soixante-dix, nos collègues britanniques disaient joliment à propos de leurs bibliothèques que l'on était passé de la cathédrale néo-gothique à la boite à chaussure glorifiée : vous conviendrez aisément qu'aucune de ces images ne peut s'appliquer aux bâtiments de la dernière décennie. Sur le plan de la reconnaissance sociale qu'ont désormais acquise les bibliothèques publiques, enfin, à la relecture de la première version, j'avais mesuré combien certaines de nos aspirations d'il y a dix ans, étaient désormais dépassées, ou sonnaient étrangement dans le contexte actuel. Prendre en compte ces évolutions, m'a conduit à faire une édition très différente de la précédente. Si un chapitre a disparu, trois se sont ajoutés, consacrés respectivement à la rénovation d'un bâtiment ancien, à l'animation et à l'architecture des bibliothèques - toutes questions trop rapidement traitées précédemment. Les objets, les processus ou les mots changent, mais derrière eux, l'utopie demeure, peut-être.

    ABF : Quels étaient vos collaborateurs ? qui vous a encouragé, soutenu, critiqué?

    JG : Travail solitaire ? oui trop... et pourtant pas vraiment : innombrables sont les collègues que j'ai sollicités et qui ont accepté de m'apporter leur expérience, leurs suggestions, leurs encouragements; les collègues, mais aussi les architectes, les fournisseurs de mobilier. Les critiques ? j'en ai tenu le plus grand compte : elles avaient porté surtout sur deux points : l'absence de plans qui puissent, au même titre que des photos, illustrer le propos ; le fait que l'ouvrage soit inadapté aux attentes des petits établissements. Eh bien, ces remarques m'ont conduit d'une part à parler un peu plus souvent des petites bibliothèques et des bibliothèques relais des BDP ; et d'autre part à reproduire une douzaine de plans - depuis une petite bibliothèque rurale de moins de cent mètres carrés jusqu'à celui d'une grande bibliothèque... universitaire ! J'ai même consacré le dernier chapitre de l'ouvrage à une présentation critique du plan d'un certain nombre d'établissements repères... Et ceci dans une préoccupation très didactique : donner envie à mes lecteurs d'en savoir un peu plus, de s'informer pour se former ; pour mieux dialoguer avec les partenaires.

    ABF: Comment avez-vous travaillé ?

    JG : Avec beaucoup de plaisir, grâce au traitement de texte qui permet tous les jeux sur l'écriture. Et quelques déceptions, du côté de la fréquentation des bibliothèques : je ne savais pas qu'il était aussi dur d'être lecteur ! Heureusement, j'ai eu certain passe-droit et beaucoup de concours efficaces...

    ABF : Questions d'édition : nombre de pages ? illustrations ? tirage ?

    JG : Ce serait des questions à poser à mon éditeur... enfin je sais qu'il y plus de 130 photos dont moins de 20 figuraient dans la précédente édition, 25 tableaux, de très nombreux croquis, que le tirage doit se situer autour de 4 000 exemplaires... Je sais aussi que la précédente édition a été traduite en portugais, que celle-ci le sera probablement en russe... Cela me fait bien plus plaisir que ne me l'aurait fait une traduction en anglais... (mon éditeur trouve sûrement que c'est beaucoup moins lucratif). Moi j'aime bien semer...

    ABF : Qui seront vos lecteurs ?

    JG : Quand je parle bibliothéconomie, je souhaite être lue des architectes, quand je parle conditions de travail et animation, je pense surtout aux élus et quand je parle urbanisme et architecture, c'est à l'intention de bibliothécaires... Et tout compte fait mes lecteurs devraient aussi se recruter parmi les élèves bibliothécaires et tous ceux qui envisagent de s'orienter vers cette carrière.

    ABF : Vous reste-t-il un regret ? quelque chose que vous n'ayez pas eu le temps ou les moyens de traiter ? que vous entreprendrez bientôt ?

    JG : Il faut bien sûr déjà songer à la 3e édition ! Plus sérieusement, en préparant cette deuxième édition, j'ai constaté que si l'on avait pas mal écrit sur les lecteurs et les bibliothèques, il manquait toujours de bons outils d'évaluation des bâtiments existants, de leurs plan, de leur prix de revient, des coûts de fonctionnement induits,... il me semble qu'il y a là un travail collectif dans lequel l'Association des bibliothécaires français devrait s'investir. Et d'urgence ! Longtemps nous avons tout attendu de la tutelle des administrations centrales, aujourd'hui nous sommes dispersés sous ces tutelles éparpillées, innombrables et contradictoires, que sont les collectivités territoriales. L'architecture y a beaucoup gagné et nous offre quelques résultats spectaculaires. En va-t-il de même de la biblioth[èque]économie ? Rien n'est moins sûr.