Un catalogue répond à des be- soins essentiels au fonctionne- ment d'une bibliothèque : la gestion, la communication et la promo- tion des collections. Plus les catalogues sont précis, riches et cohérents, plus l'information du public est aisée et plus la maîtrise de la politique documentaire par le personnel se trouve facilitée.
C'est pourquoi le catalogage occupe une part importante dans les préoccu- pations des bibliothécaires malgré la faiblesse de leurs moyens. Or on constate, malgré les espoirs apportés par l'informatisation, que la plupart des bibliothèques françaises saisissent en- core la totalité de leur catalogue ou consacrent un temps important à cette activité malgré les possibilités sans cesse croissantes de récupération. Ce- pendant, cette tâche est extrêmement coûteuse. Le consultant René Deriez l'é- value à environ 33 % du coût de la mise en rayon d'un livre dans une biblio- thèque publique.
On comprend donc aisément l'intérêt porté à la récupération. Mais l'objectif de faire de la création de notices l'ex- ception et non plus la règle suppose une gestion rigoureuse et nouvelle du circuit du document.
Dans un catalogue informatisé, la no- tion de catalogage recouvre le plus sou- vent une suite continue d'opérations de saisie. Des éléments de commandes aux éléments descriptifs, puis au traitement des accès, une même notice progresse ainsi par enrichissements successifs. Souvent cette saisie est réalisée par une même catégorie de personnel.
La logique de la récupération introduit une rupture dans ce processus. Pour mieux appréhender les termes d'une lo- gique nouvelle, il convient de distin- guer, sous la notion de catalogue, diffé- rents types d'informations que l'on peut regrouper sous des dénominations pré- cises.
Une notice de gestion, comprenant les éléments nécessaires à la commande :
Des données locales, comprenant la cote (affectation topographique du do- cument).
Une notice bibliographique, comprenant :
Une notice d'autorité, comprenant :
Et enfin, le cas échéant une notice de publication en série relative à la collec- tion (1) , comprenant:
Dans une logique de récupération, la no- tice de gestion n'a qu'un rôle provisoire (2) . Elle est destinée à être écrasée pour faire place à des notices biblio- graphiques reliées à des notices de publication en série et à des notices d'autorité, ou à défaut des index. Seules les données locales déjà saisies seront transférées, conservées et rattachées à la notice bibliographique.
En termes d'organisation du travail, cette logique modifie l'organisation lo- cale de la chaîne de traitement des do- cuments. La notice de gestion doit être réduite aux seules informations réelle- ment nécessaires à ses fonctions transi- toires. Elle ne requiert pas d'interpréta- tion, la normalisation n'a ici que peu d'importance. La saisie des données de gestion n'exige donc pas de connais- sances bibliographiques proprement dites. Certaines données procèdent d'opérations intellectuelles (proposition ou choix d'un document), d'autres ne sont que des opérations purement ad- ministratives (ISBN). Les opérations de requête supposent la connaissance de procédures propres au système qui n'ont pas de raison d'être complexes. Si les notices récupérées comportent des indexations matière (RAMEAU) et systématiques (CDU, Dewey), comme celles de la Bibliographie nationale française, cette fonction intellectuelle disparaît localement. Dans le cas de ré- cupération d'autorités cohérentes et mises à jour, ce sont en outre les tâches de contrôle bibliographique et tech- nique qui, elles aussi, disparaissent.
A l'échelle des établissements, ce circuit bibliographique modifie la répartition des tâches au sein du personnel. La sai- sie des données de gestion complémen- taires, les procédures de requête sont des opérations simples. Elles ont voca- tion à être effectuées par du personnel d'exécution ou de maîtrise (3) qui re- trouve ainsi des fonctions dans le circuit informatisé de traitement des collec- tions. La saisie des données d'acquisi- tion peut être réalisée rapidement, sans accaparer le temps du personnel scien- tifique et technique, sur une grille ré- duite de champs ou encore par l'utili- sation d'une notice ELECTRE.
A l'échelle nationale, les tâches biblio- graphiques devraient donc se réordon- ner selon une répartition cohérente. Il reviendrait
Il revient enfin à tous les types de bibliothèques de former leurs usagers à l'interrogation des catalogues. Souli- gnons que la standardisation des don- nées bibliographiques ne peut que fa- ciliter la circulation du public dans l'en- semble du réseau.
Deux obstacles peuvent peser sur une politique de récupération.
Le premier est celui de la « fraîcheur des notices disponibles : il est bien évi- dent que moins un réservoir biblio- graphique est à jour par rapport aux pa- rutions, moins on sera tenté d'y recou- rir. Certes, dans le schéma décrit ci-dessus, la notice de gestion tient lieu de notice bibliographique tant que celle-ci n'a pas été récupérée. Mais on ne saurait accepter leur présence dura- ble dans un catalogue. L'absence d'in- dexation matière, notamment, ne peut indéfiniment se prolonger.
Le second est celui des caractéristiques et usages locaux : plus ils sont particu- liers, plus il faudra intervenir sur les no- tices récupérées, ce qui peut rendre peu rentable leur récupération. L'utilisation de réservoirs bibliographiques ne va pas sans une acceptation de la norma- lisation. Ce qui n'empêche nullement de compléter ponctuellement l'indexa- tion matière par exemple, ou d'adapter pour certains types de documents le ca- talogage à ses besoins. Mais ces modi- fications doivent constituer l'exception, non la règle : le localisme, voilà l'enne- mi ! Chaque minute passée pour adap- ter localement des notices biblio- graphiques est une minute de moins consacrée au service du public local.
Ces principes étant admis, il reste que la mise en oeuvre d'une politique de ca- talogage local minimal suppose que le système local présente les fonctionnali- tés requises. Celles-ci tiennent en trois mots : récupération, écrasement, OPAC.
Le logiciel doit naturellement en premier lieu permettre une récupération correcte des notices des réservoirs intéressant la bibliothèque. (Cette question est abordée dans d'autres articles du présent numéro). Il doit en second lieu permettre l'écrase- ment de notices de gestion par des no- tices récupérées. Il ne s'agit ni plus ni moins que de transformer une opération de chargement de notices en opération déchargement-écrasement. Cette procé- dure peut être plus ou moins automati- sée. L'écrasement peut se faire sur l'ISBN mais une telle opération comporte des risques : il existe des ISBN erronés, sur les documents ou dans les notices. C'est pourquoi on peut imaginer d'autres clés telles que le numéro de notice attribué par le système.
Le repérage des notices à écraser peut s'effectuer selon des procédures parti- culières, mais les formats biblio- graphiques disposent d'une donnée prévue à cet effet. Il s'agit du niveau d'encodage, exprimé par un code placé en position 17 du label de notice. En UNIMARC, par exemple, la valeur à blanc signifie que le document est complet, les valeurs 1, 2 et 3 indiquant divers stades d'incomplétude. L'utili- sation de ces codes doit permettre de gérer soit des écrasements automati- ques, soit l'édition de listes permettant de commander ces écrasements.
Enfin, le logiciel doit permettre un ac- cès satisfaisant aux notices provisoires de gestion. Il est intéressant de pouvoir ménager des accès matière provisoires non liés aux autorités. On peut aller jus- qu'à gérer des notices qui ne seraient liées à aucune autorité, mais cependant accessibles par la clé auteur.
Tout ou partie de ces préalables étant réunis, la bibliothèque va pouvoir ap- pliquer une politique de catalogage mi- nimal, cette expression revêtant, on l'aura compris, un double sens : il s'agit à la fois de récupérer le plus possible de notices bibliographiques afin d'en créer le moins possible, et de ne créer localement, sauf exception, que des no- tices minimales.
Les progrès de la récupération de la Bibliographie nationale française peut entraîner une véritable mise en réseau des bibliothèques de toute nature.
Il importe que la BNF prenne en compte dans ses choix bibliographiques, non seulement les impératifs techniques (normes, recommandations internatio- nales...) et les besoins propres de ses catalogues, mais encore l'usage que l'ensemble du réseau des bibliothèques fait de sa production bibliographique. Par exemple, l'utilisation dans les OPAC des notes d'application des notices d'autorité pourrait infléchir une rédac- tion s'adressant parfois plus au catalo- gueur qu'à l'usager du catalogue. De même, l'indexation RAMEAU des livres pour enfants devrait-elle tenir davan- tage compte des besoins et capacités d'interrogation par le public des biblio- thèques pour la jeunesse.
En retour, les bibliothèques pourraient contribuer à l'exhaustivité de la base de l'agence bibliographique nationale en signalant systématiquement les titres manquants. Elles pourraient encore, dans leur domaine de compétence, et dès lors qu'elles respectent les règles de l'art (rigueur scientifique, respect des normes et des recommandations in- ternationales) contribuer à l'enrichisse- ment des notices d'autorité, comme cer- taines le font déjà par l'intermédiaire de la cellule de coordination RAMEAU.