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    De l'usage de l'information bibliographique

    Par Huguette Rigot , Bibliothèque nationale de France

    Supposons quel'information biblio- graphique normalisée créée et dif- fusée au niveau national soit pro- duite pour répondre aux besoins de ses usagers (d'abord les bibliothécaires, puis les usagers des bibliothèques) : quelles devraient en être les caractéristiques ?

    Si toute l'attention des professionnels s'est trouvée absorbée par les problèmes liés aux différentes rétroconversions de catalogues de bibliothèques, un retard certain a été pris au niveau de la réflexion portant sur le catalogage courant, comme si le traitement des acquisitions courantes et leur communication n'était pas une ac- tion quotidienne, obligatoire et commune à l'ensemble des bibliothèques, quels que soient leurs missions et les services ren- dus aux usagers.

    Les caractéristiques des acquisitions courantes

    Un certain nombre de caractéristiques de- vraient les définir : rapidité dans l'iden- tification, la sélection, la commande, le traitement et la mise à disposition, répon- dant ainsi au sentiment d'urgence ex- primé à la fois par les lecteurs des bibliothèques publiques et de re- cherche et à l'état de certains secteurs de l'édition, scientifique par exemple, ayant de faibles tirages. La rapidité des actions bibliothéconomiques et l'ur- gence des demandes des usagers ne correspondent pas aux conditions ac- tuelles d'information bibliographique courante.

    La situation actuelle

    Pour les monographies imprimées, il existe deux réservoirs bibliographiques français :

    • BN-OPALE, liée à l'arrivée et au traite- ment des documents entrés au titre du dépôt légal, base dépendante de facteurs exogènes comme la capacité de chacun des éditeurs français à se soumettre aux obligations légales (quatre exemplaires déposés 48 heures avant la mise en vente) et de facteurs endogènes comme la capacité de traitement catalographique et bibliographique des équipes de la Bibliothèque nationale de France. Ré- sultat : des notices bibliographiques dis- ponibles sur CD-ROM en moyenne six mois après publication des ouvrages ;
    • ELECTRE Biblio : liée au traitement physique de documents ou de photo- copies de documents à paraître, en- voyés par les éditeurs et permettant de produire les notices bibliographiques paraissant dans Les livres de la semaine. Ces notices sont (sauf erreur) disponi- bles simultanément à la mise en vente des monographies en librairie. Elles sont diffusées sur support numérique (disquettes et CD-ROM) selon un rythme rapide (mensuel pour le CD-ROM, heb- domadaire pour les disquettes).

    Des logiciels de bibliothèque proposant des modules d'acquisition

    Sur un site, l'information biblio- graphique peut être présente simulta- nément sous forme papier (Les livres de la semaine) et sous forme numérique et ainsi être utilisée pour la sélection des ouvrages à commander, en utilisant la forme papier et la forme numérique (fonction panier), pour la mise en forme de la commande pour le libraire, mais aussi pour sa gestion dans le sys- tème local.

    La forme numérisée des notices biblio- graphiques du Cercle de la librairie per- met de structurer totalement une commande et de l'intégrer dans le mo- dule acquisition du logiciel de la biblio- thèque, à ceci près que ces notices ne sont pas normalisées (en termes de des- cription bibliographique et de format MARC) et que les accès auteurs, collec- tion, matière, etc., ne sont pas contrôlés.

    La gestion des acquisitions courantes pose un problème paradoxal aux bibliothécaires :

    • soit ils continuent dans la même lo- gique de gestion à satisfaire les de- mandes de leurs lecteurs et à utiliser les ressources complètes des logiciels, ce qui les conduit à rechercher l'infor- mation bibliographique la plus fraîche, déconnectant la description biblio- graphique du document de sa manipu- lation physique, faisant remonter l'usage de l'information biblio- graphique au début du processus de commande, en décalage avec la situa- tion traditionnelle de catalogage, docu- ment en main, qui, dans ce cas de figure, ne peut plus être qu'un contrôle de qualité une fois le livre réceptionné ;
    • soit ils rompent avec cette logique de rapidité pour privilégier le contrôle bibliographique et ainsi doivent atten- dre que les notices de la Bibliographie nationale française soient disponibles sous forme numérique pour être télé- déchargées et ainsi contribuer à l'enri- chissement du catalogue.

    Si gérer un catalogue informatisé, c'est avant tout en contrôler les différents ac- cès, l'introduction de nouvelles notices bibliographiques (qu'elles soient issues d'un catalogage sur site ou importées d'ELECTRE) apporte un désordre, par l'ajout de nouveaux accès peu ou pas contrôlés qui tendent à alourdir cette gestion jusqu'à la rendre impossible.

    Alors qu'il est devenu évident pour une grande majorité de professionnels qu'il était inutile et coûteux d'opérer les rétroconversions de catalogues par sai- sie locale, il doit devenir non moins évi- dent que le contrôle bibliographique lo- cal ne peut être qu'imparfait pour ne pas dire inexistant, faute d'outils biblio- graphiques comme de personnel quali- fié. Cette fonction étant assurée par l'A- gence bibliographique nationale, celle- ci doit servir au plus grand nombre des usagers, professionnels comme lecteurs des bibliothèques.

    Pour un contrôle bibliographique local

    Il s'agit de créer sur le site des notices bibliographiques ou de récupérer des no- tices ELECTRE en les maintenant dans le catalogue de façon temporaire, en atten- dant que les notices BN-OPALE soient créées et diffusées. Ces dernières, après requête, écrasent les précédentes.

    Ce schéma se heurte à deux obstacles majeurs : en attendant, les notices correspondant aux acquisitions cou- rantes, ne faisant pas l'objet d'un contrôle bibliographique, introduisent de nouveaux faux accès dans les ca- talogues ; ces notices ne peuvent pas faire l'objet d'un écrasement program- mable dans le temps : il est impossible aux usagers de la Bibliographie natio- nale française de prévoir à quel mo- ment les notices des ouvrages comman- dés vont être disponibles. L'absence de veille éditoriale permettant d'évaluer des retards prévisibles, les habitudes de dépôt des différents éditeurs, l'absence de signalement des nouvelles notices à la parution de chaque nouveau CD-ROM obligent trop souvent à effectuer les mêmes requêtes infructueuses.

    Comment gérer les autorités ?

    Rappelons que les accès contrôlés des catalogues sont principalement issus des télédéchargements de notices bibliographiques effectués à des dates différentes. Or, si la notion d'autorité suppose un contrôle, une normalisa- tion, elle ne suppose pas pour autant une permanence dans une forme don- née. Les autorités sont donc suscepti- bles de changer, par modification, par ajouts d'éléments bibliographiques.

    Un catalogue, produit par télédécharge- ment de notices bibliographiques, donne lieu à une prolifération des accès qui, à un moment donné, ont tous été contrôlés, mais sont loin d'aboutir à un catalogue cohérent. - La récupération d'information bibliographique permet de construire des catalogues gardant la mémoire des différents moments de sa constitution, des différentes étapes correspondant aux modifications ap- portées aux notices d'autorité.

    Actuellement, parce que les différents lo- giciels de bibliothèque gèrent des formes d'autorité, donc des libellés qui peuvent changer de forme, et non des clés d'accès comme l'Authority Control Number (ACN), donc des numéros qui sont sta- bles, et parce que l'Agence biblio- graphique nationale ne propose pas ses autorités sous forme numérisée et déchar- geable, le contrôle bibliographique est un leurre pour l'écrasante majorité des cata- logues de bibliothèque.

    Conclusion

    De cette rapide description d'un exis- tant bibliographique désordonné pour ne pas dire anarchique, on peut conclure que l'information biblio- graphique doit intervenir au plus tôt dans le circuit initial du document, et ainsi être déconnectée du traditionnel catalogage, document en main, pour initialiser les opérations de commande. De ce fait, l'information biblio- graphique qui sert au processus de commande devrait aussi servir à décrire l'ouvrage dans le catalogue, pour ne pas avoir à gérer deux états d'une no- tice ou deux notices d'un même ou- vrage. C'est pourquoi l'information bibliographique normalisée et soumise au contrôle bibliographique doit être disponible le plus tôt possible.

    Alors, comment passer de la situation actuelle qui voit deux bases biblio- graphiques se concurrencer tout en n'ayant pas les mêmes caractéristiques ? Pourquoi ne pas avoir une unique base conjuguant les avantages des deux ac- tuelles ? Pourquoi ne pas bénéficier d'un catalogage à la source ? Mais qui peut en être le moteur ? Quel type de coopération faut-il imaginer de mettre en place entre la BNF qui possède le savoir-faire bibliographique et ELECTRE Biblio qui a la fraîcheur de l'information par ses contacts privilégiés avec les édi- teurs ? Comment faire de l'agence bibliographique nationale un service public adapté à différents types d'usa- gers, les bibliothécaires, les éditeurs, les libraires, mais aussi les lecteurs ?

    Les déchargements de notices d'autorité doivent devenir une réalité et leur ges- tion une nécessité. Cela suppose une double prise de conscience : celle des constructeurs de logiciels qui ne peu- vent plus se contenter de gérer de pré- tendues autorités comme des index, de gérer des libellés et non des clés d'accès comme l'ACN; et celle de l'agence bibliographique nationale qui doit offrir à ses usagers les moyens de gérer des notices d'autorité, à la fois par le dé- chargement de notices mises à disposi- tion sur des supports numérisés, mais aussi par une information sur les nou- veautés et mises à jour.

    Les différents principes qui viennent d'être évoqués ne correspondent pas à des rêves inaccessibles, mais à une réalité qui est quasiment à portée de la main. Ils sont au cœur d'un ensemble de dis- positifs de gestion qui ne peuvent que renforcer l'offre documentaire des biblio- thèques à leurs usagers, et s'appuient sur l'idée d'une unité des professionnels du livre autour d'une gestion plus efficace des bibliothèques, autour de la diffusion d'une information pertinente, rapide et de qualité mise à la disposition des publics.