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L'atelier livres-images au Centre culturel français de Yaoundé

1996
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    L'atelier livres-images au Centre culturel français de Yaoundé

    Par Jean-Louis Flurin, Bibliothécaire CCF de Yaoundé

    Yaoundé, unmillion d'habitants, capitale du Cameroun. En centre ville, un lieu, passage culturel obligé de la capitale : le Centre culturel français et sa bibliothèque, premier centre de lecture du pays.

    Parmi les initiatives prises par le Centre culturel français dans le cadre de sa politique d'aide à l'écriture, celle de la création d'un atelier où peut s'exprimer le talent de jeunes camerounais, restera comme une des plus réussies.

    À l'origine en 1993, la rencontre avec Marie Wabbes (1) , écrivain illustrateur de livres pour enfants, résidant à Yaoundé, venue offrir ses services, et un double constat : pas de livres d'enfants camerounais, pas d'école d'arts plastiques. L'idée de cet atelier était lancée et chemina dans les esprits. Il s'agira non d'apprendre aux étudiants à écrire ou à dessiner, mais de leur enseigner les techniques d'illustrations de livres d'enfants ainsi que l'écriture adaptée à un jeune public. C'est au » Temps des livres 1994 » que l'opération commence.

    Le Centre culturel offre sa logistique, le matériel de dessin et met en place le financement. Marie offre son talent, sa patience. Dans un premier temps, rendez-vous est donné à la section jeunesse de la bibliothèque du CCF. Là, certains pour la première fois, feuilletteront des livres d'enfants y découvrant par la même occasion l'univers imaginaire enfantin et y amorceront l'analyse des ouvrages de jeunesse.

    L'atelier est entièrement gratuit bien sûr, nous sommes en Afrique, partis à vingt ne tiennent la distance que dix étudiants (les autres sont partis avec le matériel...) mais le résultat est digne d'intérêt. Dix projets ont abouti, dix histoires différentes où chacun dans un style propre rend compte du vécu camerounais, constituant ainsi un précieux témoignage. Ces dix jeunes ont su profiter de la chance qui leur était offerte chaque mardi. Quant au plus grand cadeau que leur fit Marie Wabbes, ce fut la révélation de leur propre talent.

    Parallèlement, se tisse autour du groupe un réseau d'amitiés et de soutien afin de les dynamiser et de les faire connaître. Réseau local où ce « Club du mardi voit venir nombre de visiteurs intéressés, qu'ils soient Conseillers de mission, éditeurs locaux ou même l'Ambassadeur d'Italie grâce à qui invitation sera offerte par la Foire de Bologne, réseau international, Régine Fontaine au ministère de la Coopération, Marie Laurentin et Viviana Quinones de la "Joie par les livres". L'UNICEF vient d'acquérir un nombre considérable d'exemplaires et les invite à exposer leurs réalisations lors de la réunion de leurs responsables d'Afrique en février 1996 à Yaoundé.

    Avril et mai 1995, Marie prend son bâton de pèlerin et les maquettes sous le bras, part à la conquête des éditeurs. Paris, Bologne (où depuis longtemps le Cameroun était absent et où les éditeurs africains anglophones sont admiratifs du travail présenté), Londres, Oxford. Salons du livre, rencontres d'éditeurs, Marie Wabbes est là et convainc.

    À ce jour, trois ouvrages sont sortis des presses camerounaises (distribués en France par l'Harmattan) dont le financement a été assuré par la coopération néerlandaise et cinq autres ouvrages vont être publiés par des éditeurs différents (anglais, français, hollandais, suisse).

    Le groupe lui, s'est structuré. Ils ont fondé une association type loi française de 1901 à l'acronyme significatif où ils prévoient notamment qu'une partie de leurs droits d'auteur servira à acheter le matériel nécessaire pour continuer. Ils l'ont appelé « AILE » (Auteurs illustrateurs de livres pour enfants du Cameroun).

    Ils ont conscience que l'avenir leur appartient, sous l'impulsion notamment de leur président Pierre-Yves Njeng, entièrement dévoué à l'association, ils font partager aux autres l'enseignement qu'ils ont reçu. Le groupe s'est étendu et d'autres projets voient le jour : nouvelles maquettes d'ouvrages dont l'impression est assurée par la vente des premiers tirages, interventions, animations dans les écoles afin de sensibiliser parents et enfants ; mise en place des stages d'initiation par leurs soins à ces techniques. Ils rêvent d'un bibliobus sillonnant le Cameroun au service des enfants, de fonder leur propre maison d'édition. Dans la grisaille ambiante d'une société déliquescente, ces jeunes ont eu le courage de déchirer le voile de la nuit pour entrevoir la lumière. Qu'ajouter ? Je ne peux que vous inviter à faire la connaissance de Matiké, l'enfant de la rue par Désiré Onana, suivre l'émission « Téléjeunes » par Mephisto, passer "Vacances au village » par Pierre-Yves Njeng, écouter Le cri de la forêt de Vin-cent Nnomo ou partir à la chasse avec Njiasse Njoya dit « sa majesté ».

    1. Marie Wabbes, de nationalité belge, qui a écrit et illustré une centaine de livres pour enfants publiés à Paris, a notamment réalisé au Mali un Pagne-Livre. retour au texte