Ce n'est pas seulement une bibliothèque que la Reine des Pays-Bas a inaugurée, le 8 septembre 1995, mais un complexe « hôtel de Ville/biblio-thèque » suivant ce qui pourrait bien apparaître comme une tradition aux Pays-Bas : l'intégration de plusieurs bâtiments publics.
Mais l'inauguration d'une bibliothèque de lecture publique de cette importance dans un pays européen à quelques encablures de l'an 2000 constitue indéniablement un témoignage de l'histoire des constructions de bibliothèques de notre temps.
La bibliothèque de La Haye était loin de répondre - avec des surfaces qui n'excédaient pas 3 500 m2 -aux exigences d'une population de 450 000 habitants. Cette situation, liée à une histoire qui commence en 1902, est due pour une part à une politique affirmée de développement des bibliothèques dans les quartiers.
Ainsi, au cours des années, la ville s'était dotée d'un réseau d'une vingtaine de bibliothèques et de deux bibliobus urbains. Néanmoins les chiffres tendent à prouver que non seulement la bibliothèque de quartier ne répond pas à l'attente de tous les usagers, mais que la bibliothèque « Centrale » par l'offre diversifiée de documents - tout particulièrement les salles de périodiques et de travail - correspond à une demande plus large.
Dans le courant des années quatre-vingt, un autre projet, l'extension de l'hôtel de Ville, allait faire basculer la décision de construction de la nouvelle bibliothèque centrale. Les nouveaux élus de 1986 pensaient qu'il convenait d'urgence de traiter d'abord les quartiers anciens de la ville dont le « Spui quartier proche de la gare. Avec ses milliers de visiteurs par jour, la bibliothèque apporte une contribution non négligeable à l'animation d'un quartier où s'implantent des commerces, une salle de concert, un centre dramatique.
Influencé par la salle de lecture de notre Bibliothèque nationale, l'architecte américain Richard Meier conçut tout d'abord une bibliothèque en rond : un véritable sanctuaire de la culture, loin du tumulte de la cité.
Fort heureusement la confrontation avec l'équipe de la bibliothèque a permis de faire évoluer l'ensemble vers une conception de bibliothèque dynamique, partie prenante de la vie d'une grande ville, intégrant par ailleurs des disques compacts, des microfiches, la vidéo, etc. , de la même manière qu'un grand magasin intègre différents produits commerciaux.
Fermée sur elle-même la bibliothèque ne s'adressait pas à la ville. Le projet actuel offre la possibilité de voir de l'extérieur l'activité qui s'y déroule. De même la conception moderne d'une bibliothèque intègre la nécessité de gérer le flot humain.
L'architecture conserve néanmoins un élément important de Labrouste : la lumière naturelle qui donne la notion du temps qui passe, insère l'Homme dans le monde.
La détermination de Van Schwigchen, le directeur de la bibliothèque en exercice à l'origine du projet est imparable. Il crée dès 1979 une commission interne pour élaborer les bases d'un programme. Dès l'origine Wim M. Renes, spécialiste des constructions de bibliothèques, et futur directeur de la bibliothèque, fait partie de la commission.
Les premiers travaux de la commission ont été de déterminer les fonctions de la nouvelle bibliothèque.
Une bibliothèque avant toute chose: la bibliothèque centrale est le lieu où tout un chacun peut disposer d'un fonds documentaire important.
Bibliothèque de quartier: pour le centre, il s'agit d'une bibliothèque publique à l'usage des habitants du quartier.
Centre de ressources pour les services aux collectivités: service central d'approvisionnement des bibliobus, services aux écoles, aux hôpitaux, aux personnes âgées.
Centre d'acquisition et d'accès aux outils bibliothéconomiques: service technique pour l'ensemble des bibliothèques publiques de la ville, elle est également le lieu de l'administration centrale et de la direction de la bibliothèque.
Le travail effectué par l'équipe de la bibliothèque avec l'architecte anglais Harry Faulkner-Brown aboutissait au respect de dix commandements qu'on rappellera ici :
Dans l'ancienne bibliothèque de La Haye, l'usager était soumis au prêt indirect. C'est pourquoi l'organisation des espaces a fait l'objet d'un sérieux toilettage, sans lequel la nouvelle bibliothèque de la Haye ne pourrait pas se targuer d'être aujourd'hui d'une certaine façon la bibliothèque de demain.
Autre innovation souhaitée dans le programme de recommandations : la création d'un Café-lecture à l'exemple de ce qui s'était fait à Amsterdam et Rotterdam mais aussi et surtout en Allemagne depuis le début des années quatre-vingt. Enfin la création d'un service d'information et de documentation de « La Haye et ses environs apparaît dès le départ comme une nécessité.
Une visite du bâtiment laisse apparaître quelques points forts (outre la répartition des services et celle des collections en départements par discipline). Deux étages sont réservés - au moins provisoirement - au personnel. L'un pourra être utilisé en extension de la bibliothèque actuelle.
Les grandes zones de ce bâtiment de plus de 12 000 m2s'organisent ainsi :
Plusieurs principes ont présidé à l'installation des rayonnages (fournisseur : Schulz /Allemagne) : aucun rayonnage n'est placé sur des colonnes de la bibliothèque ni contre les murs ; toutes les étagères sont positionnées dans la même direction ; les collections sont placées au centre de chaque étage, les places assises étant situées autour des collections ; des places assises individuelles sont situées à angle droit des fenêtres, le plus possible à la lumière du jour.
La Société ALS, chargée de l'informatique, a mis au point un service de renseignement à l'usager qui lui permet de retrouver très simplement son ouvrage sur les rayons. Outre les informations bibliographiques traditionnelles le système lui indique : l'étage où il est rangé dans le bâtiment (ou le lieu où il se trouve dans l'ensemble du réseau), un plan d'ensemble du local, par exemple l'étage et la place de l'ouvrage sur les rayons.
L'ancienne bibliothèque de La Haye avait été baptisée « le Labyrinthe par son équipe. Aujourd'hui, outre les difficultés traditionnelles d'adaptation à un nouveau lieu, certains bibliothécaires disent le trouver « trop clean » ! Il est vrai que le vaste et magnifique bâtiment ouvert sur la rue a besoin de trouver ses marques : mais quel exploit d'architecture et d'organisation !
N. B. : Un article complet sur la bibliothèque de La Haye est à paraître dans l'ouvrage Nouvelles Alexandries, quatre grands chantiers de bibliothèques dans le monde au Cercle de la librairie (dir. Michel Melor).