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    A l'ère du multimédia

    Les enfants et la recherche d'information

    Par Chantal Brodeur, Bibliothécaire Ville de Verdun, Québec

    Même si l'utilisation des nouvelles technologies n'a pas encore franchi massivement la porte des écoles primaires, l'intérêt pour leur intégration au programme d'études est sans cesse grandissant et il est désormais primordial d'en connaître la problématique. On connaît encore mal le comportement de recherche des adultes, encore moins celui des enfants. Les études portant spécifiquement sur ce sujet sont effectivement rarissimes. Cependant, alors que nous vivons, au Québec comme ailleurs, à l'heure du développement des autoroutes de l'information et de l'utilisation massive des nouvelles technologies, on ne peut ignorer plus avant la spécificité de cette clientèle, laissée à l'écart des préoccupations des concepteurs de systèmes.

    La présente « revue des écrits (1) vise à fairele point sur les résultats d'études relativesau comportement de recherche desenfants en tant qu'utilisateurs de bases dedonnées en ligne, de documents multi-média sur disques optiques compacts(cédéroms) et de catalogues automatisés.Elle veut également identifier leurs diffi-cultés et synthétiser les principalesréflexions émises à ce sujet par les pro-fessionnels concernés.

    Stratégie de recherche utilisée

    Les écrits étudiés constituent presque exclusivement des comptes rendus d'études exploratoires. Pour chaque texte, nous avons identifié le questionnement qui a donné lieu à l'étude, l'échantillon observé, le déroulement de l'expérience, les résultats obtenus et les recommandations formulées par les auteurs. Dans la majorité des cas, la clientèle étudiée est composée d'élèves du primaire, c'est-à-dire âgés entre 6 et 12 ans, provenant d'écoles du Canada (6), des États-Unis (19), d'Europe (5), d'Océanie (3). Quelques études ne mentionnaient pas le lieu de l'expérience (3).

    Puisque les réflexions émises par les professionnels au sujet des comportements de recherche relatifs aux cédéroms, aux bases de données en ligne et aux catalogues automatisés font ressortir des préoccupations similaires, nous ferons abstraction du type de système utilisé lors de nos commentaires. Nous nous permettrons de généraliser les différents systèmes automatisés en faisant plutôt référence à l'ensemble des nouvelles technologies de l'information.

    Plusieurs auteurs oeuvrant en milieu scolaire et/ou public font le constat que les enfants ne savent pas utiliser efficacement les nouvelles technologies de l'information. Certains auteurs, tel Fasick, vont même jusqu'à se demander si les enfants profitent de l'avancement de la technologie en matière d'accès à l'information. Il semble en effet que malgré leurs nombreuses possibilités, les documents multimédia ne soient pas à la hauteur des espérances initiales (Oliver et Perzylo, 1994, p. 220). Fasick ajoute que l'utilisation correcte de ces systèmes nécessite des connaissances spécifiques et le développement de certaines habiletés qui seraient liées aux différents stades de développement cognitif de l'enfant.

    Convivialité des systèmes

    Plusieurs auteurs s'entendent pour dire que l'on s'est attardé trop longuement sur la question de faire accepter à la clientèle la nouvelle technologie, au lieu de s'interroger concrètement sur son efficacité. Avant de penser rendre les élèves autonomes et performants dans leurs recherches d'information sur documents électroniques, il faut structurer et repenser les systèmes de façon à ce qu'ils correspondent au développement cognitifdes enfants et qu'ils soient attrayants etfaciles d'accès. Pour le moment, la concep-tion des systèmes de repérage d'informa-tion est axée sur le comportement derecherche d'un adulte expérimenté(Fasick, 1995, p. 51 ; Hooten, 1992, p.145). Les enfants, en partie parce que leurdéveloppement cognitif n'est pas terminé,et aussi parce qu'ils ne possèdent pas suf-fisamment d'expérience, limitent considé-rablement l'application et l'utilisation qu'ilspeuvent faire de ces systèmes qui ne sontpas conçus en fonction de leurs besoinset capacités. Il n'a pas encore été prouvéque l'action combinée du multimédia etdu texte stimule l'apprentissage desenfants (Large et al., 1994, p. 527). Lesauteurs soutiennent cependant que l'ani-mation permet de renforcer l'apprentis-sage et de faciliter la compréhension d'unsujet

    Une autre des raisons invoquées pour expliquer la difficulté des enfants à utiliser des documents électroniques est que les interfaces de recherche ne sont pas flexibles ; satisfaisantes pour les uns, trop complexes pour les autres. On s'interroge en ce moment sur la capacité de l'enfant à comprendre et à assimiler l'information présentée à l'écran et à maîtriser le fonctionnement du mode de recherche. Edmonds, Moore et Balcom (Edmonds et al., 1990, p. 30) font l'hypothèse que le catalogue automatisé actuel répond sans doute moins bien aux besoins des enfants que ne le faisait le catalogue traditionnel sur fiches.

    En fait, les enfants reprennent automatiquement le même modèle de recherche qu'ils utilisaient avec les fiches. Cela n'est guère surprenant puisque la majorité des catalogues automatisés n'offrent très souvent que les accès auteur, titre, sujet par vedettes-matières. Ainsi, la démarche des enfants est séquentielle et systématique alors qu'elle devrait plutôt être, dans le cas des documents multimédia, thématique et hiérarchique.

    Finalement, la question n'est plus aujourd'hui d'évaluer le potentiel des nouvelles technologies de l'information, mais bien de saisir la spécificité de la clientèle des enfants, de comprendre leur développement cognitif et surtout, de prendre conscience de leurs besoins particuliers.

    Développement cognitif des élèves

    Bien qu'il soit devenu primordial pour les jeunes d'aujourd'hui de posséder des compétences en matière d'information, des expériences sur le terrain ont démontré qu'ils éprouvent malheureusement d'importantes difficultés à repérer l'information recherchée, que ce soit par le moyen de documents imprimés ou par l'utilisation des nouvelles technologies de l'information. Les enfants ne possèdent pas de méthode de recherche correcte et structurée qui leur permettrait d'évaluer la pertinence de l'information, de l'analyser, de comprendre sa structure organisationnelle ou de synthétiser la documentation extraite de plusieurs sources. Knapp avait déjà, en 1966, identifié que la plus grande lacune des enfants réside dans le fait qu'ils ne savent pas filtrer l'information et qu'ils recherchent une réponse toute faite au lieu d'examiner l'évidence (Knapp, 1966 citépar McGregor, 1994).

    Si l'on s'entend sur le fait que la bibliothèque scolaire constitue le lieu idéal pour développer ces habiletés, les programmes dits « basés sur les ressources » (resourcebased learning) sur lesquels misent les bibliothécaires sont encore loin de faire l'unanimité du côté des enseignants. Ceux-ci ne sont pas encore convaincus qu'il est tout aussi important de savoir chercher l'information que de rédiger le produit final (travail écrit).

    Difficultés observées

    Chacun des textes étudiés mentionne des difficultés rencontrées par les enfants lors de leurs recherches d'information dans un document électronique. Quels que soient l'équipement utilisé, la nature du travail à réaliser et l'âge des enfants, ceux-ci sont chaque fois confrontés à des problèmes de même nature et de même importance. Ces difficultés sont associées au manque d'habiletés à s'informer des enfants. Selon Mancall (Mancall, 1988, p. 257), la présence (ou l'absence) de ces difficultés chez les élèves constitue un excellent indicateur du taux de succès de leurs recherches. Fasick (Fasick, 1995, p. 55) regroupe ces difficultés en trois catégories distinctes qu'elle nomme « barrières et que nous reprenons ici.

    Barrières physiques : il est difficile pour un enfant de manier un clavier, de cliquer, d'appuyer sur la bonne icône ou de manipuler correctement une souris. Il n'a pas encore acquis la dextérité manuelle requise pour accomplir ces gestes précis. Assez curieusement, Perzylo (1992, p. 233) affirme le contraire. À son avis, même les débutants s'habituent facilement à ces gestes. Il faut néanmoins savoir que son étude a été réalisée auprès d'enfants de 12 ans. Le design même de la présentation de l'information est à repenser complètement. Des séances de travail enregistrées sur bandes vidéos montrent que les enfants arrivent souvent à la bonne information sans même la reconnaître (Chen, 1993, p. 36). De plus, le système n'informe pas l'utilisateur de la raison de l'échec. Sans message d'erreur, l'enfant ne sait comment rectifier sa démarche. À ce sujet, les opinions divergent encore une fois. Pejtersen et l'équipe du Book House Project (Pejtersen, 1993) estiment que les systèmes devraient être simplifiés et leurs structures uniformisées alors que d'autres, comme Fasick, pensent que c'est à l'utilisateur de s'adapter aux différences des divers systèmes même s'ils suggèrent que ceux-ci devraient être davantage axés sur la démarche naturelle de recherche de l'enfant. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de raison pour que le système informe son utilisateur qu'il n'y a « aucun document repéré (Solomon, 1994, p. 49).

    Barrières intellectuelles : les enfants sont incapables d'un raisonnement abstrait et éprouvent des difficultés à catégoriser. Ce n'est qu'à partir de 8 ans que les élèves commencent à savoir synthétiser et paraphraser l'information repérée dans leur propre langage plutôt que de copier mot à mot. Il est de plus très facile pour un enfant de croire que le cédérom exploité s'avère être LA SEULE ressource pertinente sur le sujet. Il faut leur faire prendre conscience que les documents électroniques ne remplacent pas automatiquement les sources imprimées et que leur contenu n'est pas nécessairement plus à jour. On remarque aussi que les élèves répondent plus facilement à des questions déjà formulées qu'à celles qu'ils rédigent eux-mêmes. Ils ne sont pas capables d'effectuer des recherches véritablement autonomes en utilisant la taxonomie de leurs différentes étapes (Mancall, 1988, p. 259). Vers 10 ans, ils continuent de développer leurs habiletés et apprennent à synthétiser l'information extraite de sources diverses. Il faut néanmoins attendre l'âge de 16/18 ans pour que le jeune soit véritablement en mesure de prendre conscience de ses besoins d'information, de manipuler les sources et d'utiliser plusieurs approches pour résoudre un problème.

    Les élèves du primaire éprouvent de la difficulté à visualiser la séquence de l'alphabet et évaluent mal la distance entre deux notices (Hooten, 1992, p. 146 ; Edmonds et al., 1990, p. 32). Ils consultent chaque titre, l'un après l'autre, au lieu de sauter rapidement d'une page à l'autre, ce qui a pour effet d'une part d'augmenter le nombre des étapes à franchir avant de repérer l'information désirée et d'autre part de les décourager. Un autre désavantage des systèmes automatisés est qu'il est plusdifficile que dans la version imprimée degarder note de ce qu'on a cherché (chan-gements d'écrans, effacement des résultatsprécédemment obtenus). Une ortho-graphe correcte est essentielle pour obte-nir des résultats, ainsi qu'une utilisationadéquate des espaces et de la ponctuation.

    Les enfants orientent leur raisonnement davantage sur l'aspect que prendra leur travail plutôt que sur le désir d'apprendre. Ceux qui montrent un intérêt marqué pour leur recherche manipulent mieux l'information et la traitent plus en profondeur. Au lieu d'agir de manière métacognitive, leur démarche est instinctive (McGregor, 1994, p. 129) voire exploratoire (Marchionini, 1989 (2), p. 64). Ils ne possèdent pas de démarche structurée et ont de la difficulté à choisir un terme de recherche pertinent, ils ne savent pas ce que sont les vedettes-matières.

    Même les élèves qui ont des aptitudes à la recherche d'information en bibliothèque transposent difficilement leurs habiletés aux systèmes automatisés. Tous procèdent invariablement par la technique des « essais et erreurs (Teague et al., 1989, p. 56), ne songent à utiliser des synonymes qu'après suggestion. Ils utilisent la plupart du temps un mot présent dans la question de recherche mais qui ne figure pas sur la liste du vocabulaire contrôlé. Si leur stratégie ne donne pas de résultats pertinents, ils ont plutôt le réflexe d'utiliser le même terme de recherche mais de changer de type d'accès (titre, sujet, mots-clés) ou encore changent de mot mais persistent à privilégier le même accès bien qu'il génère chaque fois un échec.

    Le type d'accès à privilégier est difficilement établi par les enfants. Chen a noté que la moitié des élèves ne pensent pas à utiliser les résultats obtenus pour raffiner leur recherche et ajoute qu'il existe une corrélation entre l'habileté des élèves à analyser le problème et celle de passer en revue les résultats obtenus (Chen, 1993, p. 37).

    Teague mentionne qu'ils éprouvent le même genre de difficultés avec la recherche par menus ; jeunes et plus âgés s'orientent mal, la seule différence est que les plus jeunes s'attardent plus longuement à l'observation des différentes options. Ils effectuent leurs recherches en butinant au lieu de formuler des requêtes précises.

    Deux raisons principales expliquent l'échec d'un enfant qui n'arrive pas à repérer l'information recherchée : soit il s'attarde sur l'information non pertinente soit il comprend mal les options de recherche qui s'offrent à lui (Mohn, 1992, p. 28). Solomon a remarqué que les enfants qui font des recherches fructueuses sont ceux qui reconnaissent avoir besoin d'aide et qui utilisent des mots-clés simples. Leur attitude a d'ailleurs pour impact de développer leur pensée critique et par ricochet d'améliorer la qualité de leurs travaux.

    - Barrières sociales : un enfant qui a accès à une bibliothèque et aux technologies de l'information sera davantage en mesure d'assimiler les techniques relatives à la recherche d'information que celui qui n'a pas ce privilège. Il est alarmant de constater que très peu de financement public est consacré à l'avancement des technologies de l'information, et surtout, à la formation des utilisateurs.

    Dans un autre ordre d'idée, il semble que les garçons s'avèrent en général plus expérimentés que les filles en matière de technologies de l'information. Une des explications est, selon Fasick, que les logiciels disponibles sur le marché sont souvent développés en fonction d'intérêts dits masculins (1995, p. 62).

    Présentation de quelques études et projets

    Observation des élèves

    La majorité des études réalisées auprès des élèves, ont été précédées par un ou plusieurs tests d'évaluation.

    Ces tests visent à apprécier diverses habiletés, entre autres, l'orthographe des mots, la connaissance de l'alphabet, des sources d'information et des documents de référence, l'utilisation d'index, l'identification de mots-clés et la capacité de taper rapidement au clavier. Jacqueline Mancall (1988, p. 257) considère ces habiletés (sauf l'orthographe) comme d'excellents indicateurs du taux de succès des recherches des enfants. D'autres chercheurs ont aussi fait des sondages sur les préférences et les habitudes des enfants au sujet des nouvelles technologies d'information (Evans, 1991, p. 28 ; Miralpeix, 1993, p. 14). Le sondage de Miralpeix révèle que plus de la moitié des enfants interviewés ne savent pas vraiment à quoi sert le catalogue automatisé et que 45 % d'entre eux ne l'utilisent jamais. Les raisons évoquées sont qu'ils ne savent pas s'en servir, qu'ils n'en éprouvent pas le besoin, qu'ils trouvent plus facile d'aller directement dans les rayons ou qu'ils pensent qu'il est réservé à l'usage des adultes.

    Ces commentaires ne sont guère différents du discours des adultes. Une étude a en effet démontré que 80 % des adultes qui fréquentent la Bibliothèque publique d'information (Centre Georges-Pompidou, Paris) disent ne jamais utiliser le catalogue automatisé. Chen ajoute que les enfants s'adaptent plus rapidement au catalogue automatisé que les adultes. Enfin certains chercheurs ont préféré identifier les élèves par des renseignements personnels (âge, sexe, langue maternelle, accès à un ordinateur personnel à la maison) pour établir d'éventuelles corrélations avec le taux de succès des recherches (Large et al., 1994, p. 519).

    Il ressort de ces études une seule corrélation très significative, à savoir le sexe de l'enfant (Fasick, 1995, p. 61). En effet, les garçons ont proposé davantage de bonnes réponses que les filles. De plus, on a observé que, pour une même bonne réponse, les garçons sont plus lents à repérer l'information que les filles qui terminent leur recherche 1,5 fois plus rapidement. Martinez établit un parallèle entre l'origine ethnique et les compétences informatiques. Borgman note que les plus jeunes sont plus expéditifs et moins performants que les élèves plus âgés - qui ont atteint le stade décrit par Piaget comme celui du développement d'opérations formelles. Les plus jeunes se trouvent encore au stade des opérations concrètes et sont incapables de suivre des règles, de conceptualiser ou d'utiliser une logique pour résoudre un problème. Ainsi, pour les élèves de quatrième année, le catalogue automatisé s'avère quasi inintelligible (Edmonds, Moore et Balcom, 1990, p. 31). Cette étude contredit celle de Taylor et Debreczeni (1989, p. 347) et celle de Marchionini (1989 (1), p. 270) qui portaient sur l'utilisation des cédéroms et dont les résultats montrent que les enfants s'y initient rapidement et qu'ils assimilent les opérateurs booléens sans problème.

    (...) Les enfants repèrent l'information en «butinant» plus facilement qu'en peaufinant une stratégie complexe qui les mène souvent à un échec (...). 75 % des élèves observés par l'équipe de Large (Large et al., 1993, p. 311) ont repéré l'information en moins de 4 minutes pour les questions factuelles et environ 28 minutes pour les questions à développement. Les élèves ont su utiliser la Compton 's Multimedia Encyclopedia avec un minimum de formation et en exploitant bien les divers chemins d'accès et autres possibilités. Ce groupe s'est d'ailleurs montré plus enclin à explorer librement le document que ceux qui n'utilisaient que sa version imprimée.

    [Chantal Brodeur présente ensuite les études réalisées sur trois catalogues automatisés : le Book House Project : un catalogue automatisé «pédagogique» ; le Science Library Catalog (SLC) et le projet Seed, et le Kid's Catalog, NDLR.]

    Avantages et intérêts associés à l'utilisation des cédéroms et du catalogue automatisé

    Les cédéroms doivent être vus comme une ressource riche et efficace, comme un complément à la recherche dans des documents imprimés et non comme une panacée. Ils ont l'avantage d'être captivants et faciles à utiliser pour les élèves, ils leur donnent le goût de découvrir en exploitant leur habileté naturelle d'exploration. (...) Ils sont moins chers que la recherche en ligne, prennent peu d'espace et éliminent la nécessité d'avoir à conserver des piles de vieux journaux. Lorsqu'elle est disponible, la fonction « impression » permet d'obtenir copie du texte retenu à partir de laquelle l'élève pourra travailler. Néanmoins en primaire les élèves sont tentés de tout imprimer. D'après Heller (1990, dans Oliver, 1994, p. 221), certains élèves n'ont pas encore acquis des capacités intellectuelles suffisamment développées pour extraire l'information utile du flot d'informations non essentielles. Parallèlement à leur recherche sur les cédéroms, les élèves ayant accès à un catalogue automatisé bénéficient de maints avantages comparativement à ceux qui utilisent encore le catalogue sur fiches : dissémination rapide de l'information, outil de recherche performant, manipulation sophistiquée de l'information, accès simultané par plusieurs usagers, accès à distance, possibilité de télédécharger des renseignements, accessible jour et nuit...

    Résultats des élèves

    On note la plupart du temps peu d'intérêt pour le texte descriptif, comparativement à une popularité incontestable des données chiffrées, des sons (par exemple les cris des animaux), des images et séquences vidéo. Cet engouement découle du désir d'exploration des enfants. Il est donc fortement suggéré de leur offrir la possibilité d'explorer sans but précis avant de leur proposer un exercice qui sera évalué. Toutefois, il faut savoir que cet intérêt s'atténue rapidement car la consultation des documents multimédia est longue et l'écran trop petit.

    Malgré l'enthousiasme montré par les élèves, on retrouve dans leurs travaux peu d'informations descriptives tirées des cédéroms. Cela ne serait pourtant pas difficile à faire pour les enfants et les résultats de l'étude de Oliver et Perzylo laissent envisager que les travaux auraient été différents si les élèves avaient bénéficié de périodes de formation. Il doivent apprendre à filtrer l'information. McGregor parle à cet effet de « higher-order thinking skills". Il faut faire développer à l'enfant un processus cognitif allant au-delà du simple rappel de savoir. Le ministère de l'Education de l'Alberta a rédigé un programme visant à développer la pensée critique des élèves en fonction des étapes du savoir cognitif.

    Recommandations

    Les bibliothécaires se sentent très concernés par le développement des habiletés à s'informer des enfants et ils ont émis plusieurs recommandations pour favoriser l'acquisition de ces aptitudes.

    Ainsi, ils croient unanimement qu'il faut avant tout effectuer des changements dans la technologie, développer, tester et réviser les systèmes actuels pour les adapter aux enfants, à la leur manière naturelle de rechercher l'information.

    Il faut que la technologie se moule à leurdémarche heuristique. Il faut pour y arri-ver rendre l'écran plus convivial etattrayant et simplifier les instructions placées à proximité des terminaux. Il ne faut pas négliger l'aspect de la présentation de l'information car un rôle important est joué par la capacité de visualisation du savoir. Il faudrait incorporer aux systèmes un correcteur d'orthographe, un thesaurus, une aide à la recherche, éviter de condenser l'information à l'écran ou les abréviations qui doivent être décodées (par exemple AUT au lieu d'auteur). Fasick insiste aussi sur le fait que pour développer des habiletés dans l'utilisation des technologies il est primordial que les accès soient en nombre suffisant. En milieu scolaire, le meilleur moyen de contrôler cela est d'imposer des ratios ordinateurs/élèves. Puisque le manque de financement persiste en matière de budget de fonctionnement, il faut dès maintenant compter sur des solutions de rechange novatrices telles que l'utilisation d'ordinateurs devenus désuets pour l'industrie mais encore utilisables pour les élèves (Fasick, 1995, p. 64) ou encore réaliser des projets d'informatisation coopératifs entre deux milieux (Hooten, 1922, p. 148).

    Un autre point capital est le développement des activités pédagogiques de qualité pour encadrer les recherches des élèves et les former à la recherche sur documents électroniques.

    L'enseignement doit être vu comme un processus actif : Mohn préconise la technique de l'apprentissage de la pensée critique et recommande pour ce faire la technique de la pensée à voix haute. Il est important de procéder par de petits projets qui seront ensuite suivis de renforcements des apprentissages.

    D'autre part, il faut élaborer des programmes de formation pertinents et didactiques. Il n'est guère profitable de regrouper toute une classe autour d'un terminal pour lui enseigner tout de go à se servir du catalogue automatisé... Il faut au contraire que les séances de formation soient à la fois formelles et adaptées aux besoins de chaque utilisateur, plutôt du genre assistance individualisée..

    Malgré le soutien et l'encadrement qui leur est offert, il est possible que les enfants ne repèrent pas l'information recherchée. Il faut à ce moment leur faire réaliser que la recherche d'information n'est pas un processus facile en soi et qu'il arrive que des informations ou ressources ne soient pas repérées tout simplement parce qu'elles n'existent pas. De plus, le bibliothécaire doit lui-même prendre conscience des capacités et limites réelles des enfants. Il doit éviter d'avoir des attentes non réalistes vis-à-vis de cette clientèle qui aura nécessairement toujours besoin d'encadrement. Il doit aussi se rappeler que l'enfant peut être plus ou moins habile dans ses apprentissages. Legendre-Bergeron note que l'apprentissage est relié à l'habileté d'organisation des connaissances (1994, p. 17).

    Ainsi, un élève peut très bien connaître un sujet mais être incapable de structurer sa pensée, de telle façon qu'il ne parvienne pas à transposer les connaissances acquises à une situation nouvelle. Voilà certes le problème évoqué par Chen. Celle-ci rapporte le cas des enfants connaissant la classification Dewey et sa structure, mais qui n'arrivent pas à comprendre en quoi elle peut leur être utile pour repérer rapidement un document sur un sujet précis.

    Conclusion

    Peu importe la façon dont on améliorera les systèmes de recherche automatisés ; pour les utiliser efficacement, l'enfant devra toujours maîtriser certaines habiletés de base (savoir taper, épeler, connaître les mots-clés, lire, interpréter, savoir et comprendre les rudiments d'un système de classification) qui sont devenues, dans notre société d'information des habiletés vitales pour le futur adulte qui souhaite être performant dans ses études, son travail et sa vie personnelle.

    Cette réussite, dans une certaine mesure, va dépendre de la détermination et du leadership des professionnels de l'information.

    (NDLR : ce travail a été rédigé au Québec, ce qui explique certains termes tournés en franglais, comme le mot «habileté» qu'on aurait pu traduire par «capacité».)

    1. La -revue des écrits- a été réalisée dans le cadre d'un projet de recherche en 2eannée de maîtrise à l'Ecole de bibliothéconomie et des sciences de l'information de l'université de Montréal. retour au texte