Je vous donnerai tout d'abord quelques données concernant l'institution que je représente ici. Le Centre de ressources pour les bibliothèques publiques (Fachstelle) est un service du ministère de la Recherche et des Affaires scientifiques et culturelles du Land de Brandebourg, ce qui signifie qu'il est financé par ce ministère. Nous avons pour mission de conseiller les bibliothèques publiques et leurs administrations sur toutes les questions bibliothéconomiques, de gérer la formation élémentaire et la formation continue, d'organiser des séminaires et des groupes de travail, d'éditer des fiches techniques, de mener à bien un vaste programme de visite des bibliothèques et de leurs autorités de tutelle dans lequel le conseil aux administrations prend de plus en plus d'importance.
Nous nous trouvons actuellement au coeur d'un processus de réorientation structurelle de la Fachstelle. À partir de janvier 2001, il y aura un centre de ressources commun pour les archives et les bibliothèques publiques, qui sera placé sous la responsabilité des Archives générales du Land de Brandebourg. Ceci est une première en République fédérale d'Allemagne.
Voici donc quelques chiffres concernant le Land de Brandebourg, qui, soit dit en passant, entoure de tous côtés Berlin (1) la capitale fédérale, avec son énorme potentiel de bibliothèques :
Le Land de Brandebourg a actuellement un projet de réforme territoriale dont l'objectif est de réduire le nombre très important de communes de moins de 500 habitants : 58,2 % des communes du Land comptent moins de 500 habitants, seules 6,5 % des communes comptent plus de 500 habitants mais elles représentent 64 % de la population du Land. Dans la mesure où le maillage des bibliothèques doit s'adapter aux structures administratives du Land, cette réforme aura des conséquences sur l'implantation territoriale des bibliothèques du Land.
Voici maintenant quelques données concernant le réseau des bibliothèques publiques du Land :
Encore quelques indications concernant les ressources et les prestations :
En complément, encore un mot sur les bibliothèques universitaires du Land de Brandebourg, qui, contrairement aux bibliothèques publiques et du fait de leur rattachement à l'enseignement supérieur, sont régies par une loi.
Il y a dans le Land trois universités et cinq instituts d'enseignement supérieur spécialisé, qui disposent tous de bibliothèques particulières accessibles au public, ce qui implique que chaque citoyen a la possibilité d'y emprunter des documents et d'y rechercher de l'information. De plus, il existe une quantité de petites bibliothèques spécialisées dans les centres de recherches, les instituts, etc.
En préparant cet exposé, j'ai lu qu'en France la coopération intercommunale entre les bibliothèques, qui jusqu'à présent était fondée sur le volontariat, allait être désormais régie par une loi.
En Brandebourg, il y a également une coopération intercommunale entre bibliothèques, basée sur la bonne volonté des uns et des autres, dans la mesure où la tutelle des bibliothèques publiques, c'est-à-dire leur budget de fonctionnement et leurs équipements, relève de la compétence des communes et du principe de l'autonomie administrative de celles-ci (donc de leur bon vouloir). Le gouvernement du Land contribue par l'apport de subventions à garantir l'existence des bibliothèques.
Mais nous savons également - et j'inclus ici expressément les communes - que les bibliothèques municipales des petites ou des moyennes communes n'auraient aucune perspective d'avenir si elles n'étaient pas intégrées au réseau de bibliothèques de l'arrondissement ou même de la région. Avoir des perspectives d'avenir signifie être capable de répondre aux besoins de plus en plus variés des usagers des bibliothèques, et particulièrement à leurs besoins d'information.
Pour aider à la compréhension de la situation des bibliothèques du Brandebourg, je dois ajouter ceci : chez nous, il y a toujours eu des discussions et des réflexions sur l'élaboration d'une loi concernant les bibliothèques publiques, sans résultat jusqu'à présent. Il faut aussi souligner que la compétence culturelle dépend de chaque État fédéral (Land).
Il y a bien quelques recommandations légales dans quelques domaines particuliers, comme l'obligation du dépôt légal à la bibliothèque du Land ou la façon dont doit être organisé dans ses grandes lignes le prêt interbiblio-thèques au niveau national ou international.
Garantir juridiquement d'autres éléments concernant les bibliothèques pourrait être un moyen de préserver l'existence de celles-ci en élargissant les principes de base. Pour ce qui est d'une véritable loi sur les bibliothèques, il sera très difficile d'obtenir une majorité parlementaire au niveau des États fédéraux, dans la mesure où les élus communaux se sont jusqu'à présent prononcés contre une telle réglementation et qu'ils devraient alors voter en sa faveur.
L'un des plus grands obstacles à une réglementation juridique dans le domaine des bibliothèques publiques est celui-ci : l'administration communale verrait dans une loi sur les bibliothèques une nouvelle diminution de son autonomie, qui est déjà limitée par de très nombreuses obligations. Par ailleurs, il faut aussi replacer cette discussion dans le contexte historique de l'ancienne RDA, dont faisait partie le Brandebourg, qui était un État fortement centralisé ayant droit de regard sur toutes les instances administratives communales. Il est indéniable que le réseau des bibliothèques publiques a profité de ces structures administratives rigoureusement organisées. Dans notre architecture bibliothéconomique actuelle, des transformations se sont opérées.
Les éléments suivants vont vous donner une idée des transformations qui ont eu lieu dans le Land en 1989-1990. Avec la création des nouveaux États allemands en ex-Allemagne de l'Est en 1990, toute l'ancienne structure administrative a été transformée et les bibliothèques ont dû s'adapter à la nouvelle réglementation.
Nous avions alors 36 arrondissements et 36 bibliothèques d'arrondissement, aujourd'hui nous avons 14 arrondissements et donc seulement 14 bibliothèques d'arrondissement. Vous pouvez sans doute imaginer dans quelle problématique bibliothéconomique se trouvait le paysage des bibliothèques à l'échelle du Land, mais aussi quels conflits personnels a engendrés cette « réorganisation », sachant que dans ce domaine il fallait aussi réagir très rapidement. En 1990, il y avait encore dans le Land 210 bibliothèques totalisant 945 emplois. En 1999, il restait 153 bibliothèques et 539 emplois, soit une réduction de personnel de 43%.
Les chiffres vous ont montré que le Land de Brandebourg est l'un des plus étendus de la RFA et que, à l'exception des environs de Berlin, l'habitat y est très rural. L'organisation et la structure du réseau des bibliothèques publiques doivent en tenir compte. Les méthodes de travail et les ressources doivent être organisées de façon que les usagers potentiels des bibliothèques puissent avoir accès au service et que leurs demandes puissent être satisfaites. Dans le cadre d'une politique volontariste en matière de bibliothèques publiques, les bibliothèques d'arrondissement jouent le rôle de têtes de réseau de bibliothèques de leur arrondissement.
Ceci était et reste le fruit d'une volonté commune du ministère de la Recherche et des Affaires scientifiques et culturelles, de la Fachstelle et des collectivités territoriales, que ce soit au niveau des arrondissements, des villes ou des petites communes, et tout ceci sans intervention juridique du Land.
Cependant, le gouvernement du Land, et particulièrement le ministère évoqué plus haut, a établi les fondements de sa politique culturelle sur le maintien et la restructuration du réseau de bibliothèques, ainsi que sur la création d'un réseau informatique dont je dirai encore un mot plus tard. La mise en réseau des bibliothèques et les bibliothèques d'arrondissement sont des éléments complémentaires les uns par rapport aux autres et qui se coordonnent. Il faut aussi souligner que le groupe Brandebourg de l'Association professionnelle de bibliothécaires soutient activement l'idée d'un réseau de bibliothèques qui prenne appui sur les arrondissements et, en cas de besoin, défend cette idée auprès du ministère concerné.
Suite à nos conventions, les bibliothèques d'arrondissement assument auprès du réseau de bibliothèques de leur arrondissement les missions fondamentales suivantes :
En ce qui concerne les deux premiers points, établir l'équilibre et organiser la gestion de ces fonds de complément, les collectivités territoriales d'arrondissement découvrent aussi les avantages politiques qu'il y a à maintenir et à financer une bibliothèque d'arrondissement. Le financement est rendu possible grâce à ce que l'on appelle une « contribution d'arrondissement », à laquelle participent toutes les villes et les agglomérations de l'arrondissement selon un montant établi à l'avance, et qui permet également de financer une multitude d'autres projets.
Les bibliothèques d'arrondissement ne peuvent accomplir ces missions que si leur autorité de tutelle est l'administration de l'arrondissement, c'est-à-dire si la bibliothèque est soutenue par la volonté politique de la commission d'arrondissement, que nous pourrions appeler le parlement local.
Soulignons au passage qu'il existe différents modes de financement des bibliothèques d'arrondissement. Il faut beaucoup de flexibilité mais aussi d'imagination pour aboutir à des cofinancements entre la collectivité territoriale d'arrondissement (3) et la commune chef d'arrondissement ainsi que les différentes communes de l'arrondissement.
Ces modes de financement - qui prennent alors une dimension politico-culturelle à l'échelle de l'arrondissement - sont essentiellement utilisés pour la diffusion des documents, mission principale des bibliothèques d'arrondissement. C'est ici que la nécessité d'un réseau de bibliothèques à l'échelle de l'arrondissement prend toute sa valeur : ce n'est que grâce aux fonds de complément mis à disposition par les bibliothèques d'arrondissement que l'on peut satisfaire les besoins en littérature ou en fonds documentaires des bibliothèques publiques de l'arrondissement, car la plupart des bibliothèques communales qui disposent de très faibles budgets d'acquisition ne seraient pas en mesure de répondre aux demandes des usagers. Elles peuvent utiliser ces fonds de complément, c'est-à-dire emprunter pour trois à six mois une quantité importante de documents. Grâce au principe de rotation de ces collections, cellesci sont davantage utilisées, ce qui représente une économie de moyens très intéressante.
Il reste encore un point à évoquer : le développement et la mise en oeuvre du réseau informatisé des bibliothèques publiques s'appuie sur la structure des bibliothèques existantes de l'arrondissement. Ceci permet de localiser les documents possédés par les bibliothèques publiques, de les réserver par le biais d'internet et de les mettre à disposition grâce à un service de livraison.
Comme les bibliothèques d'arrondissement sont en général les plus performantes, elles disposent de plus en plus de personnel qualifié pour traiter les données informatiques selon les techniques de pointe et pour rentrer les notices de documents dans les catalogues informatisés.
Nous avons oeuvré à ce développement depuis 1990 et nous avons abouti à des résultats probants.
Nous ne voyons pas d'autre alternative à ce réseau de bibliothèques dans le Land, qui puisse rendre de meilleurs résultats.
Sans législation s'est constitué un réseau stable et efficace de bibliothèques dans 14 arrondissements. Ce réseau présente bien sûr quelques inégalités, c'est pour cette raison que le processus de mise en réseau n'est jamais terminé. Nous n'avons pas succombé à cette illusion et nous n'y succomberons pas non plus à l'avenir.
Les bibliothèques d'arrondissement ont montré qu'elles représentaient un élément important de l'infrastructure culturelle des arrondissements, particulièrement du point de vue des collectivités territoriales d'arrondissement (inter-communalités). La construction et le réaménagement de bibliothèques d'arrondissement par les inter-communalités, l'augmentation constante du nombre des services de prêt direct constituent pour nous un indice significatif de reconnaissance d'importance croissante.
Les bibliothèques d'arrondissement se sont aussi développées parce que leur influence sur la cohésion et la stabilité de l'arrondissement s'est améliorée. Le rôle des bibliothèques d'arrondissement vis-à-vis des autres bibliothèques consiste à organiser des rencontres professionnelles régulières, à assurer la formation continue, à participer à la constitution de fonds de complément, à faire de l'animation (comme l'organisation de rencontres avec des auteurs), à mettre en place le réseau informatisé à l'échelle de l'arrondissement et, si nécessaire, à se placer en défenseurs des intérêts des bibliothèques face aux administrations, aux parlements et à leurs commissions.
Dans le contexte de la ruralité du Land de Brandebourg (le Brandebourg se place au cinquième rang de la République fédérale d'Allemagne pour son étendue géographique), un système de bibliothèques gérées par des professionnels voisine avec des bibliothèques gérées par des bénévoles, et un réseau de bibliothèques sédentaires voisine avec des bibliothèques itinérantes. Les arrondissements qui ont mis sur pied ce mode d'organisation et qui le financent sont en mesure d'assurer la desserte des publics sur l'ensemble du territoire.
Récapitulons : à la tête du réseau de bibliothèques de l'arrondissement se trouve la bibliothèque d'arrondissement ; à celle-ci est rattaché un service de prêt direct qui dépend de cette administration territoriale ; puis viennent les bibliothèques communales gérées par des professionnels dans les petites villes et agglomérations, et enfin un nombre réduit de bibliothèques gérées par des bénévoles dans les villages, tout ceci sous la responsabilité des communes au titre de leur engagement volontariste en matière de lecture publique. Ces établissements fonctionnent grâce à des engagements communaux, à des conventions entre les bibliothèques d'arrondissement et les communes, à des accords des commissions d'arrondissement, etc.
En ce qui concerne l'avenir des bibliothèques publiques (et bien sûr des bibliothèques d'arrondissement), nous envisageons que les bibliothèques deviennent des lieux d'apprentissage (avec des postes de formation connectés à internet), c'est-à-dire toute la palette des innovations placée sous le signe de la formation continue à vie.
La bibliothèque publique aura de plus en plus tendance à devenir un lieu de formation qui sera amené à travailler en partenariat avec d'autres institutions culturelles et centres de formation. Au cours des dernières années, les relations avec les centres de documentation pédagogique (4) (il s'agit d'institutions qui mettent à la disposition des collégiens et des enseignants des documents et du matériel pédagogiques) se sont intensifiées et améliorées. De plus en plus de bibliothèques d'arrondissement fusionnent avec ces centres de documentation pédagogique pour devenir des centres de formation. La Fachstelle et le « CRDPdu Land ont favorisé ensemble ce processus et l'ont conduit à un certain succès.
Le comportement des usagers des bibliothèques à l'égard des médias et des sources d'information évolue fortement, parallèlement à la révolution digitale. Le personnel doit lui aussi se positionner vis-à-vis de ces nouveaux modes de fonctionnement. Il aura besoin d'acquérir de nouvelles compétences, en tant que « surfeur sur l'océan de l'information ou en tant que médiateur pédagogique ».
Mais surtout, les personnes chargées du renseignement au public dans les bibliothèques d'arrondissement ont le devoir d'actualiser constamment leurs connaissances et leurs pratiques. C'est uniquement de cette façon que les bibliothèques d'arrondissement pourront témoigner au quotidien de leur rôle moteur dans le réseau des bibliothèques et affirmer la nécessité de leur existence.