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    Bibliothèques et intercommunalité

    L'expérience de la communauté de communes de Sélestat (Bas-Rhin)

    Par Philippe Lutz, Médiathèque de Sélestat

    Descriptif

    État des lieux

    La communauté de communes de Sélestat (12 communes, 32 000 habitants) est située en Alsace centrale, entre Strasbourg et Colmar. Sélestat, la ville-centre, est la capitale d'un bassin de vie de 100 000 habitants. La communauté de communes de Sélestat a ouvert en mai 1997 une médiathèque intercommunale qui fonctionne en réseau avec 4 bibliothèques.

    Ces 4 bibliothèques fonctionnent comme des antennes de l'établissement central : la médiathèque, implantée à Sélestat (17 000 habitants). Les bibliothèques sont situées dans des communes de 900 à 3 400 habitants, périphériques de la ville-centre. Elles préexistaient à la création de la médiathèque. La médiathèque est un établissement de 2500 m2 ; ses collections comptent environ 80 000 documents (livres, disques, vidéos).

    Au total, le réseau emploie 25 agents (20,8 équivalents temps plein) dont 4 sont affectés aux 4 bibliothèques du réseau (1,85 équivalent temps plein). L'ensemble du réseau, pour une population totale de 32 000 habitants, compte 10 000 inscrits actifs et a fait 530 000 prêts en 1999.

    Historique

    Célèbre par sa Bibliothèque humaniste, Sélestat était pourtant dépourvue d'une bibliothèque de lecture publique attrayante. Le projet de création d'une médiathèque est lancé en 1990 par une nouvelle équipe issue des élections de 1989. Il est porté par le SIVOM de Sélestat, qui deviendra en 1995 la communauté de communes de Sélestat.

    Dès l'origine, le président du SIVOM, Gilbert Estève (maire de Sélestat), veut donner une dimension intercommunale au projet : la médiathèque sera implantée dans la ville-centre, mais les équipements existants dans les communes seront pris en charge par l'intercommunalité.

    Après deux années d'études, de réflexion, de débats, la compétence est officiellement transférée au SIVOM en 1993. Un concours d'architectes est alors organisé (1994), le directeur est recruté la même année pour conduire le projet, l'équipe de professionnels est progressivement recrutée à partir de 1995 avec pour charge de constituer les fonds.

    Le bâtiment, mis en chantier fin 1995, est ouvert au public en mai 1997. Le fonctionnement effectif des 4 bibliothèques antennes, en réseau avec la médiathèque, démarre le 1er janvier 1998.

    Le fonctionnement du réseau : partage et autonomie

    L'intégralité du fonctionnement des 5 sites du réseau est prise en charge par la communauté de communes de Sélestat : personnel, acquisition et renouvellement du fonds, informatique, animations...

    Le réseau constitue un seul et même établissement : une carte unique permet d'accéder indifféremment aux 5 sites. Les inscrits sont ceux du réseau et non d'une bibliothèque en particulier. Le fichier informatique et le catalogue sont partagés. Le catalogue est consultable de n'importe quel point du réseau.

    Un journal commun destiné aux usagers (trois parutions par an) les informe de la vie des 5 bibliothèques. Les réservations de documents sont possibles d'un site à un autre, mais chaque collection reste dans son établissement d'origine, sans livraison d'un site à un autre.

    Toutefois, les bâtiments accueillant les 4 antennes restent propriété des communes, qui en assument l'entretien et le fonctionnement. En contrepartie, la communauté de communes de Sélestat verse une « redevance-loyer annuelle (à hauteur de 20 F par habitant) représentative des investissements consentis et des charges courantes (chauffage, électricité, ménage).

    Par ailleurs, une certaine autonomie est maintenue pour les 4 antennes, qui fonctionnent avec des équipes de bénévoles encadrés par un professionnel (mi-temps) recruté par la communauté de communes de Sélestat. Les horaires et la politique d'animation sont propres à chaque site, la politique d'acquisition également est décidée par chaque antenne sur la base d'un budget annuel de 16 F par habitant, pris en charge par la communauté de communes de Sélestat.

    Une convention passée entre la communauté de communes de Sélestat et les 4 communes réglemente l'ensemble de ces dispositions ; elle s'appliquerait également en cas de création d'une antenne dans d'autres communes.

    Les enjeux

    Points spécifiques au montage du projet dans l'intercommunalité

    L'intégration des établissements existants dans un nouveau projet nécessite des adaptations particulières :

    • mise en place d'un système informatique commun et d'outils communs (Rameau) ;
    • fonds à réindexer et à recataloguer ;
    • intégration des équipes de bénévoles, dont il faut maintenir la motivation.

    De façon générale, la gestion d'un réseau est plus complexe que celle d'un établissement unique : nécessité de maintenir la cohérence du catalogue, de développer une culture commune à l'ensemble du personnel, etc. La multiplication des sites multiplie aussi les problèmes matériels et humains.

    Cette gestion offre néanmoins des avantages :

    • secrétariat et comptabilité uniques ;
    • possibilité de commandes groupées ;
    • catalogage partagé ;
    • compétences des agents disponibles pour l'ensemble des sites, émulation ;
    • unité de direction et de décision.

    Le risque existe également que les bibliothèques soient perçues comme le parent pauvre face à l'équipement central :

    • bâtiments moins prestigieux ;
    • présence uniquement de livres dans les collections ;
    • fréquentation par un public d'enfants et de retraités.

    Enfin, l'absence dans un cadre intercommunal d'une direction des affaires culturelles et de services techniques, comme il en existerait dans un contexte municipal, donne à la direction un rôle et une responsabilité accrus, et oblige à résoudre les divers problèmes matériels soit en interne (agent de maintenance), soit en faisant appel à des entreprises.

    Il en résulte souvent un gain de réactivité, ainsi qu'une lisibilité plus grande des coûts réels du fonctionnement.

    Pour les usagers

    Le montage d'une médiathèque en réseau dans un cadre intercommunal offre essentiellement des avantages : avec une seule carte et cotisation, il leur est loisible de fréquenter plusieurs établissements en cumulant les droits au prêt.

    Ce montage garantit aussi le maintien d'un service de proximité, professionnalisé, notamment à destination de personnes qui se déplacent difficilement (personnes âgées, enfants).

    Les initiatives locales sont démultipliées, chaque site ayant sa propre politique d'animation prise en charge financièrement par la communauté de communes de Sélestat.

    Pour la collectivité

    En premier lieu, la création de la médiathèque dans un cadre intercommunal plutôt que municipal a permis de dimensionner correctement l'équipement. Créée selon les normes relatives à 30 000 habitants, soit la population du bassin de vie formé des 12 communes de la communauté de communes de Sélestat, la médiathèque, avec 2 500 m2, est dimensionnée pour son véritable public. Le coût de ce dimensionnement est également réparti sur cette même population. Notons au passage que le portage intercommunal nous a valu une bonification de 10 points de l'aide du conseil général (30 % au lieu de 20 %).

    Par ailleurs, ce montage intercommunal constitue une bonne réponse au débat rituel qui oppose les villes-centres et les communes périphériques ou rurales.

    La ville-centre ne supporte pas seule les charges de centralité d'un équipement culturel qui rayonne largement au-delà de ses murs. Les communes périphériques ne sont pas dépossédées de leur équipement, qu'elles voient tout au contraire valorisé et dont elles ne supportent plus la charge financière.

    Les établissements d'un même secteur sont en situation non plus de concurrence mais de complémentarité. Cela évite surtout aux « petites bibliothèques d'être écrasées et vidées de leurs usagers.

    Conclusion

    Au final, le montage intercommunal paraît avoir permis essentiellement de structurer le territoire dans le domaine de la lecture publique, en créant un ensemble d'équipements complémentaires et non concurrentiels, en autorisant la création d'un équipement central plus grand tout en revivifiant les bibliothèques existantes.

    Cette réalisation est également un excellent outil de cohésion intercommunale, qui sert de référence pour d'autres opérations en cours : cohésion entre élus qui se sont retrouvés associés à un projet concret et enthousiasmant, prise de conscience d'intérêts communs de tous ceux qui gravitent autour de cette structure (professionnels, bénévoles, usagers).

    C'est enfin pour la communauté de communes de Sélestat, dont les dossiers restent souvent difficilement perceptibles pour le grand public, un outil de communication et d'identification.

    Vignette de l'image.Illustration
    Médiathèque-Bibliothèque Communauté de communes de Sélestat