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    Les technologies de l'information

    Quels changements dans les services de l'université?

    Par Bruno Van Dooren, Directeur du projet Bibliothèque Association de préfiguration de l'INHA

    Le rapport sur les bibliothèques universitaires et les technologies de l'information et de la communication est né de la conjonction de plusieurs facteurs parmi lesquels figuraient le souci de l'Association des directeurs de la documentation et des bibliothèques universitaires (ADBU) de définir le rôle et les missions des bibliothèques universitaires dans le débat plus large sur les NTIC ; la volonté du ministère de l'Éducation nationale de développer ces technologies pour l'enseignement et la documentation (dans un contexte marqué par la disparition de la direction de l'information scientifique, des technologies nouvelles et des bibliothèques et la création d'une direction des nouvelles technologies).

    Réalisé à la demande du ministre Claude Allègre, ce travail a été effectué par une équipe de bibliothécaires et d'informaticiens venus de différentes universités. Consultable sur le net, il est enrichi de nombreux liens illustrant les propositions du rapport d'exemples français et étrangers http://www. education. gouv. fr/rapport/vandooren/default. htm.

    D'emblée est apparu un paradoxe qui, aujourd'hui encore, n'a pas totalement disparu : les NTIC ont, à l'évidence, leur place dans les bibliothèques mais pour les transformer d'une manière si radicale qu'il paraît hasardeux de déterminer les facteurs endogènes et exogènes de cette transformation. Tout se passe comme si la bibliothèque se prêtait de plein gré à sa propre dilution, comme si l'édifice contribuait à son obsolescence, comme si le lieu de l'information se situait désormais partout et ailleurs.

    • M Au point de départ, la numérisation, technologie à la mode dans les discours sur la modernisation de l'enseignement supérieur des années 90, paraissait particulièrement adaptée aux bibliothèques universitaires. Ne permet-tait-elle pas de les moderniser par la vertu d'un saut technologique « transfigurant la bibliothèque matérielle, lourde de contraintes physiques, en bibliothèque immatérielle consultable à domicile ?
    • 3 Ce raccourci portait en lui une définition de la bibliothèque idéale qui ramasse en une seule entité l'accès libre et immédiat au « texte intégral de la connaissance », sans intercesseur et sans perte de temps. À cet égard, il revêt les caractéristiques d'une utopie : il est roboratif parce qu'il incite à renouveler la façon de penser la bibliothèque (bibliothèque hors les murs, coïncidence de la bibliothèque privée et de la bibliothèque publique, » réconciliation » du collège invisible et de la bibliothèque invisible) mais il est aussi simplificateur et absolu parce qu'il ravive le fantasme ambivalent de la disparition de la bibliothèque : disparition redoutée mais aussi secrètement espérée quand elle est vécue comme une organisation absconse et désolante (amas de « livres tristes et innombrables sur leur tranche de craie blanche » écrivait Saint-John Perse) sur laquelle règne un bibliothécaire, témoin gênant de nos recherches et gardien du livre à l'esprit vétilleux...

    Cette dématérialisation de la bibliothèque répondait assez bien au souhait exprimé par certains chercheurs - principalement en sciences humaines et sociales - lors de la création de la Bibliothèque nationale de France (avoir accès à tout et tout de suite). Le tout numérique transfigurant les bibliothèques universitaires en réservoirs à documents numériques et le bibliothécaire étant remplacé par des moteurs de recherche.

    Notons que la transfiguration de la bibliothèque trouvait son équivalent dans une pédagogie annonçant la « transsubstantiation de l'enseignant en magister ex machina d'une pédagogie en crise, investi du don d'ubiquité grâce à l'universalité du réseau internet (cf. l'engouement pour le concept d'université hors les murs ou de e-university).

    Dans ce contexte, le rapport adopte un certain nombre de postulats : l'information - et cela vaut particulièrement pour l'information spécialisée qui intéresse les institutions académiques - n'est jamais donnée mais toujours à construire, à critiquer, à analyser. L'information doit être vérifiée, structurée, hiérarchisée, facile et rapide à trouver pour être pertinente. Cela paraîtra un truisme pour les professionnels de la documentation mais l'internet, par sa facilité d'accès et par la disparition de la distinction entre production et diffusion de l'information, entretient la confusion entre information générale et information spécialisée, entre doxa et discours scientifique : l'information y est à la fois banalisée et « décontextualisée » Le réseau devient ainsi le lieu d'une illusion, celle d'une appropriation qui n'est que l'appropriation du chaos. Plus le réseau se ramifie, plus les tentatives démiurgiques d'organisation échouent : la multiplication des annuaires, des portails d'accès et des méta-moteurs "n'épuise » pas que l'internaute, elle épuise aussi le sens de la recherche documentaire en l'enferrant dans la répétition et la digression. Certes, cette tendance est une constante des systèmes d'information traditionnels qui comportent, eux aussi, une très large part de complexité mais il était coutumier de dire qu'un bon système d'information était celui qui, non seulement permettait de trouver ce qu'on cherchait (au terme d'hypothèses de travail), mais encore plus que ce qu'on cherchait (sous-entendu par le jeu d'un hasard calculé et non par inadvertance). Or, pour le moment, l'internet est pris dans la redondance, la dissémination et la sélection de données obéissant à des critères plus commerciaux qu'académiques : le recours aux outils d'interrogation qui y sont proposés est facilité mais la maîtrise des outils les plus performants et la recherche la plus spécialisée exigent un temps et une investigation documentaire trop souvent disproportionnés à l'objet même de la recherche. À cet égard, le réseau transporte de l'information sans constituer un véritable système d'information : on peut effectivement penser que son avenir se situera davantage du côté des services offerts aux particuliers, à l'instar des autres médias, que des contenus.

    Faut-il pour autant jeter le bébé de l'information disponible sur le réseau avec le flot des motivations commerciales qui l'accompagne ? En essayant de faire la part des problématiques traditionnelles liées à l'information, qu'elle soit numérique ou non, et le caractère novateur des NTIC, l'objectif du rapport est le suivant : mettre à la disposition des pouvoirs publics et des établissements d'enseignement supérieur des programmes d'action rentabilisant l'apport des nouvelles technologies à la recherche documentaire. Le rapport ne propose pas des solutions techniques mais des domaines d'application où cette exploitation permettrait un accès plus complet et plus ouvert à la documentation utile à la communauté universitaire.

    À cet effet, il accorde une importance primordiale à la dimension organisationnelle qui sous-tend et conditionne le développement comme l'efficacité des NTIC. Il indique, autant que possible, les partenaires des bibliothécaires et leur rôle dans le processus de modernisation. À cet égard, les services informatiques des universités occupent une position privilégiée.

    Dans un souci de simplicité de sa consultation, le rapport est divisé en 3 programmes qui sont structurés à l'identique :

    • Une problématique, c'est à dire l'état de l'offre documentaire et des usages,
    • Des propositions d'actions,
    • Une identification des acteurs et leur niveau d'intervention (service, établissement, État...)
    • Une répartition des tâches et les moyens nécessaires
    • Une proposition d'évaluation et des indicateurs de performance.

    Programme I : organiser la production des documents électroniques

    La notion de production est prise dans le sens suivant : numériser des collections existantes et/ou produire de l'information sous forme électronique.

    Les débats sur la disparition du livre imprimé au profit de l'e-book, sur la découverte du papier et de l'encre électroniques, sur la numérisation intégrale du patrimoine des grandes bibliothèques de conservation ne convainquent pas de la substitution d'une technologie à une autre : il apparaît déraisonnable de s'inscrire dans une perspective du tout numérique et il est probable que les deux formes, matérielle et numérique de l'information, coexisteront.

    Mais si l'essor des nouvelles technologies ne doit pas conduire à une radicalisation des choix, les NTIC offrent une remarquable occasion de valoriser les richesses documentaires produites et acquises par les universités.

    Tout d'abord (objectif 1) en numérisant les catalogues des universités... car le catalogue a encore un sens.

    Si l'on estime à quelque 30 millions le nombre de livres conservés dans les bibliothèques de l'enseignement supérieur, il ne s'en trouve que 4 à 5 millions signalés. C'est pourquoi le rapport préconise une accélération des conversions numériques (ou rétroconversions) des catalogues dont les résultats sont visibles dans le Système universitaire de documentation (SU) que l'ABES (Agence bibliographique de l'enseignement supérieur à Montpellier) a mis en service en avril 2000 http://www. abes.fr/catalogue. htm et dans les catalogues de campus. Ces opérations devraient être financées non seulement par l'État, comme c'est le cas actuellement, mais aussi par les Régions et les établissements euxmêmes.

    Les NTIC permettent aussi d'enrichir le catalogue (objectif 2), c'est-à-dire de lier les notices descriptives des documents à des parties du document (sommaires, tables des matières, illustrations, séquences sonores consultables en ligne...). Le lien de la notice à ces données pourrait résulter d'un travail avec les éditeurs qui mettent en ligne leurs catalogues ou des extraits de documents (4ede couverture, sommaires, etc.).

    Au delà de tels extraits, il est possible (objectif 3) de lier les notices du catalogue à du texte intégral. En termes de numérisation, cela devrait plutôt concerner des documents rares, fragiles, peu accessibles ou au contraire des documents très courants, utiles aux étudiants très fréquemment.

    La question cruciale concerne, bien entendu, le droit de représentation de ces documents. Il s'agit donc d'apprécier le statut du document, soumis ou non à redevance.

    Le rapport a distingué :

    Les documents libres de droit, pour lesquels il propose de s'en remettre aux programmes scientifiques et pédagogiques des universités qui les définissent dans le cadre de leur autonomie.

    L'État pourrait s'engager à apporter une aide aux programmes qui s'inscrivent dans des projets collectifs (séries de périodiques, publications de sociétés savantes), et qui adoptent des normes et des formats permettant l'échange et l'accès gratuit aux documents (mode de stockage, type d'accès) ;

    Les documents soumis à redevance: le programme de numérisation pour l'éducation et la recherche, qui a été confié à la Maison des sciences de l'homme de Paris, pourrait organiser la négociation avec les éditeurs commerciaux et favoriser les partenariats avec les bibliothèques universitaires (voir, par exemple, le programme JSTOR-Journal storage, portant sur les publications périodiques, décrit dans le Bulletin des bibliothèques de France (4) 2000, pp.122-123).

    Enfin, le rapport préconise la création d'un portail d'information sur ces projets, de sorte que la communauté universitaire et les établissements du ministère de la Culture et de la Communication soient tenus régulièrement informés des initiatives et des réalisations en cours.

    Les NTIC permettent aussi de préserver et de communiquer le patrimoine écrit et graphique des universités (objectif 4). Les bibliothèques de l'enseignement supérieur et des grands établissements conservent près d'1 million de volumes antérieurs à 1811 dont l'essentiel des fonds anciens scientifiques. Elles conservent aussi des manuscrits, des estampes, des cartes, des photographies, l'ensemble étant assez mal connu et peu exploité.

    À cet égard, le rapport propose la mise en place de plans de numérisation concertés associant les ministères de l'Éducation nationale, de la Recherche, et de la Culture et de la Communication, chaque ministère ayant mis en place ses propres programmes sans concertation suffisante avec les autres et sans incitation à la coopération entre les bibliothèques relevant de leurs aires d'intervention spécifiques.

    Parmi les recommandations figurent également le souhait que le ministère de l'Éducation nationale incite les universités à inscrire dans leur projet de développement quadriennal un volet patrimonial qui permettrait de mieux signaler les fonds documentaires patrimoniaux et à terme de mieux les exploiter.

    L'État devrait également jouer un rôle de conseil et d'information - plutôt que de recommandation - sur les normes et les formats de numérisation, la notion de recommandation étant incertaine compte tenu de l'évolution des formats, des logiciels, des matériels et des incertitudes concernant la conservation d'un document numérique qui sera de plus en plus multimédia et complexe.

    Enfin, les projets de numérisation des bibliothèques universitaires devraient s'inscrire dans un contexte pédagogique et scientifique.

    Comme il existe un manque de visibilité des ressources documentaires conservées par les bibliothèques universitaires, on déplore aussi une insuffisante visibilité de l'information scientifique produite par les enseignants chercheurs : articles, rapports de recherche, cours et documents pédagogiques, etc. Les facilités procurées par les NTIC vont engendrer un nombre de plus en plus important de ces publications sous forme numérique dont il faudra bien organiser le signalement.

    C'est pourquoi le rapport propose aux bibliothèques universitaires d'exercer la mission de dépôt légal de l'université, comme c'est déjà le cas pour les thèses de doctorat. Cela suppose que chaque université définisse sa politique éditoriale par un schéma directeur intégrant notamment les compétences du service commun de la documentation, du service de la recherche, des presses universitaires et des services informatiques.

    Le rapport évoque aussi la possibilité que les bibliothécaires et les chercheurs français, à l'instar des bibliothécaires anglo-saxons, réagissent au surenchérissement des coûts d'abonnement et aux restrictions juridiques à la diffusion de l'information par des programmes documentaires « autogérés du type de la Scholarly Publishing and Academic Resources Coalition (SPARC) créée à l'initiative de l'Association of Research Library (ARL) aux États-Unis, l'objectif étant de créer, en liaison avec les sociétés savantes, des revues moins coûteuses.

    Mais organiser la production numérique de ce qui est créé par les universités, de ce qu'elles conservent et de ce qu'elles achètent, est indissociable de la diffusion de l'information dans de bonnes conditions en termes de pertinence, de précision et de délais. C'est ce que développe le Programme 2.

    Programme 2 : organiser la diffusion de l'information numérique

    La nécessité d'organiser un accès cohérent et unifié à l'information numérique est un souci majeur des bibliothécaires aujourd'hui (objectif 5). En dépit de la très grande variété des formes sous lesquelles les ressources sont disponibles (texte, image, son) sur cédéroms, bientôt sur DVD, dans des bases en ligne sur serveur local ou distant, par des accès payants ou gratuits, au forfait ou à l'acte, le défi des bibliothèques universitaires est de proposer aux utilisateurs la consultation de ces données en une seule session, à partir d'une interface unique, c'est ce que nous appelons un « système d'information documentaire » ou « système de gestion de l'information documentaire ». Or pour réaliser un tel système dans chaque université, les bibliothécaires doivent non seulement travailler sur des systèmes de gestion de bibliothèque mais aussi sur des systèmes de gestion électronique des documents. Ce travail ne pourra se faire qu'en collaborant avec les services informatiques qui assurent le fonctionnement opérationnel des moyens informatiques tels que réseaux, serveurs, stockage, intégration de logiciels et sécurité. Il leur faudra aussi travailler avec des ingénieurs des systèmes d'information. En effet, la sophistication du document électronique nécessite une gestion locale de plus en plus lourde et complexe.

    Le rapport préconise donc fortement la constitution, par les équipes de direction des universités, d'un schéma directeur confiant aux centres de ressources informatiques et aux services communs de la documentation le soin d'élaborer de tels systèmes de gestion de l'information documentaire. Chaque université devrait en être dotée.

    Le rapport ne minimise pas les défis :

    • l'association de compétences multiples et parfois de double compétence pour faciliter le dialogue (informatique, documentaire, juridique,...),
    • la nécessité de stabiliser et de renforcer les ressources humaines garantissant le développement et l'exploitation technique du système,
    • la question du stockage et de la mise à disposition des documents numériques dans la durée,
    • l'adéquation des ambitions de l'université à ses capacités réelles (mesurer, par exemple, l'effet « boomerang d'un web médiocre sur l'image de l'université, le degré d'exigence entre un web d'université et un web personnel, etc.).

    Organiser la diffusion de l'information par le moyen de systèmes de gestion de l'information électronique ne suffit pas. L'université doit aussi gagner un autre enjeu : faciliter l'accès des étudiants et des enseignants aux ressources électroniques (objectif 6), en les sensibilisant, du reste, à la question du coût de l'information et à la distinction entre ressources gratuites et payantes.

    L'université a une mission cruciale, qui est, en effet, d'aider les étudiants à distinguer l'information spécialisée de l'information tout court, de distinguer le discours scientifique de la simple opinion et du préjugé, la vulgarisation scientifique de la promotion commerciale.

    À cet effet le rapport préconise la création de portails sectoriels disciplinaires qui seraient réalisés par les bibliothécaires en liaison avec les enseignants et les unités régionales de formation à l'information scientifique et technique (URFIST). L'objectif serait de procéder au choix et à l'analyse critique et commentée des ressources internet en les dotant d'un label universitaire Ce travail documentaire, qui s'apparente à un travail bibliographique traditionnel mais à une échelle infiniment supérieure, serait aussi une façon de renouer avec une tradition des guides bibliographiques peu à peu abandonnée par l'université et l'édition savante imprimée.

    De tels portails sont nombreux sur le réseau mais le plus souvent anglo-saxons et ne recensant que peu de ressources francophones. Un moteur de recherche devrait leur être associé.

    En ce qui concerne les ressources payantes, donc maîtrisées et validées par l'institution universitaire, la problématique de l'accès est complexe pour les raisons suivantes :

    Les systèmes d'accès et de communication font partie intégrante de l'acquisition (serveur local, serveur commercial, accès limité, accès illimité, etc.),

    Les tarifs sont au forfait ou à l'acte ou les deux,

    Les prix sont négociables et jamais fixes (contrairement à la réglementation du prix unique),

    On n'achète pas un document mais seulement le droit de l'utiliser par un contrat de licence,

    Ce droit d'utilisation est limité dans le temps,

    Les offres sont rapides, souvent promotionnelles (difficulté d'adaptation de la réglementation sur les marchés publics),

    La conservation et le stockage de l'information font l'objet de recherches et les solutions restent encore incertaines.

    Ainsi, l'achat d'un document numérique n'a plus grand chose à voir avec l'achat d'un document imprimé.

    Le rapport recommande l'organisation des universités en consortiums d'achat pour négocier avec les éditeurs et les fournisseurs d'accès. Ces négociations, qui ne sont pas la panacée du renchérissement des coûts d'abonnement et qui, d'ailleurs, rencontrent l'intérêt des éditeurs commerciaux et des fournisseurs d'accès, sont néanmoins profitables parce qu'elles sont l'occasion de mieux organiser l'offre documentaire nationale des universités et des établissements de recherche. À travers ces négociations, se mettent en place des réseaux documentaires géographiques et disciplinaires qui constituent une étape importante dans la réalisation de la sempiternelle " carte documentaire nationale » préconisée depuis longtemps mais toujours attendue. On peut aussi attendre de ces négociations qu'elles permettent de moduler les coûts en fonction de la taille des établissements. Plusieurs modalités de négociation existent, qui ne sont pas exclusives les unes des autres :

    Achat d'un produit de type Inspec, Berlstein par le ministère de l'Éducation nationale ou par un groupe d'universités (organisées au niveau disciplinaire national ou régional),

    • * Achat de produits pluridisciplinaires.
    • * Les bibliothèques universitaires conduisent déjà de tels programmes (le groupement COUPE-RIN, par exemple, voir la synthèse réalisée par la sous-direction des bibliothèques et de la documentation sur les ressources électroniques acquises par les BU en 2000, http ://www. sup. adc. education. fr/bib/).

    Le rapport préconise également le rapprochement stratégique d'organismes très impliqués dans l'achat et la négociation de ressources électroniques : l'Agence bibliographique de l'enseignement supérieur (ABES) pour la mise en place du module webDOC du catalogue collectif de l'enseignement supérieur (notamment l'accès à des périodiques et à des articles de revues), l'INIST du CNRS dont la majorité des laboratoires est associée aux universités et le CINES pour la gestion et la maintenance des accès à des produits largement diffusés dans les universités.

    Les ministères de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Culture devraient favoriser la mise en place d'une structure coopérative d'achats groupés de documents numériques associant les universités entre elles et les grands organismes documentaires.

    Faciliter l'accès des étudiants aux ressources électroniques acquises par les universités devrait aussi comprendre un autre volet, qui est celui de la facilité d'accès aux outils pédagogiques (objectif 7) réalisés par les enseignants ou des éditeurs commerciaux. On sait que les NTIC devraient diversifier et, à certains égards, transformer le processus d'apprentissage et l'acte pédagogique. D'où l'essor de nombreuses initiatives et l'apparition de nouvelles ressources éducatives sur internet. Toutefois, il est assez difficile de cerner la définition réelle des contenus subsumés sous le terme générique de « ressources éducatives On trouve sur ces sites des produits extrêmement différents : des sites spécialisés sur internet, des corpus de textes, des cours en ligne, des didacticiels, du signalement de produits commerciaux, des publications en ligne. De même, le terme d'"autoformation » recouvre aussi bien de l'autoformation proprement dite, de l'accompagnement de formation pour un enseignant, de l'information professionnelle, ou de la vulgarisation scientifique. Bref, une mosaïque de produits que les enseignants et les étudiants ont du mal à trier.

    C'est pourquoi le rapport recommande :

    • un recensement par la bibliothèque universitaire des produits pédagogiques de son université,
    • la création d'un répertoire national des cours en ligne.

    Un partage des tâches devrait s'opérer entre Éducasource et le réseau du CNDP pour les supports pédagogiques, d'une part, et, d'autre part, le CNED, la FIED et le CNAM pour l'établissement de répertoires de cours en ligne.

    Les bibliothèques universitaires devraient, par exemple, s'associer aux composantes qui répondront à l'appel à projets des ministères de l'Éducation nationale et de la Recherche pour la constitution de campus numériques français, voir http://www. educnet. education. fr/actu/appels. htm.

    Au niveau local, l'utilisation des webs des universités françaises requièrent encore trop souvent une grande familiarité avec le monde universitaire : dénominations absconses, multiplicité des sigles reflétant plus l'organisation interne de l'institution qu'un souci de communication vers le monde extérieur.

    Le rapport préconise une structuration de l'internet universitaire (objectif 8), par :

    La création de « webrings ", ou anneaux thématiques universitaires, en fonction des domaines disciplinaires,

    La création de moteurs de recherche indexant les pages produites par les universités et leurs composantes.

    Cependant, même si tout est mis en oeuvre pour la qualité des accès et un bon signalement des ressources, il convient aussi de former les utilisateurs à la recherche et à l'exploitation des documents numériques (apprentissage des outils informatiques, apprentissage de l'hypertexte, apprentissage des outils documentaires). C'est le programme 3 du rapport.

    Programme 3 : organiser les conditions d'usage des NTIC

    Il va de soi que les étudiants doivent être formés à maîtriser les logiciels de recherche de l'information (objectif 9) car nous sommes dans un système inégalitaire : actuellement, le recours des étudiants aux NTE et aux NTIC relève plus de l'intérêt personnel que d'une attente (et encore moins d'une exigence) de l'institution. Étant donné que 57 % des étudiants ne possèdent pas d'ordinateurs et que 18 % ont une connexion à l'internet, les universités doivent équiper des salles en libre service mais aussi assurer un enseignement pratique et méthodologique : la faiblesse du lien entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur est particulièrement préoccupant en matière documentaire.

    Au delà de l'apprentissage des pré-requis informatiques, c'est à-dire de l'usage des logiciels et des outils informatiques, les étudiants devraient bénéficier de cours de méthodologie documentaire (objectif 10). Il est manifeste en effet que l'essor des technologies dans les bibliothèques crée un décalage important entre l'offre documentaire qu'elles proposent et les représentations que s'en font leurs lecteurs. La distinction des supports et des sources d'information reste souvent très incertaine (catalogue, cédéroms, texte en ligne, sites webs sur internet...).

    Au delà de cette simple approche, la complexité de l'information numérique réactive la nécessité d'apprendre aux étudiants à formuler une question, pratiquer la logique booléenne, distinguer les systèmes d'information disponibles et leurs langages d'interrogation spécifique, utiliser les moteurs de recherche et les répertoires. La plupart des bibliothèques universitaires organisent de telles formations, elles disposent en outre d'outils, tels que le site web Formist dédié à la formation à l'IST, http ://formist. enssib. fr d'accès libre et gratuit.

    Les objectifs de telles formations sont claires : favoriser l'autonomie de l'étudiant dans l'organisation de son travail, contribuer à son intégration dans la vie universitaire avant et après le cours, diminuer les taux d'échec en premier cycle, le préparer à la vie professionnelle dans laquelle la recherche de l'information a une valeur capitale.

    Sans entrer dans le détail de ces formations (voir le Bulletin des bibliothèques de France, [1], 1999) les questions en suspens restent nombreuses :

    • Assurer une coordination documentaire entre le scolaire et le supérieur : la conférence des présidents d'université et le ministère de l'Éducation nationale pourraient prendre des initiatives en ce sens (rencontres, débats, programmes) et les associations de bibliothécaires et de documentalistes devraient confronter leurs approches sans pour autant réactiver les clivages qui caractérisent les débats de l'enseignement secondaire sur la question des contenus et de la pédagogie.
    • Ne pas réduire l'apprentissage à des formations presse-boutons purement techniques,
    • À l'inverse, ne pas chercher à former des bibliothécaires professionnels mais des étudiants autonomes,
    • Considérer que l'objectif n'est pas de former à des méthodes, à des stratégies et à des vocabulaires d'interrogation qui se suffiraient à euxmêmes mais d'ancrer les formations dans les disciplines enseignées,
    • Exploiter le cadre réglementaire fourni par la réforme du DEUG de 1997, qui permet d'organiser des travaux pratiques et des travaux personnels de méthodologie intégrant la recherche documentaire, l'articulation de la documentation avec la discipline enseignée restant trop exceptionnelle dans les faits.

    Dans le même temps, le rapport rappelle la nécessité d'offrir aux enseignants-chercheurs les conditions de travail leur permettant de se former à l'accès aux ressources documentaires électroniques (objectif 11).

    Cela passe par

    • l'organisation, dans les bibliothèques universitaires, d'ateliers documentaires à l'intention des enseignants,
    • * la mise en place d'ateliers de production de documents numériques au service des enseignants (cf. le centre Alpha de l'université de Bordeaux 1, http://www. alpha. u-bordeaux. fr/webalpha/service. htm),
      • la généralisation des formations des futurs enseignants à la méthodologie documentaire sur le modèle de ce que réalisent certains centres d'initiation à l'enseignement supérieur (CIES).
    • * Surtout, les composantes disciplinaires des universités devraient favoriser et organiser la constitution de véritables équipes pédagogiques qui inscriraient la bibliothèque dans le processus de formation. Car, si les bibliothécaires ont bien une mission de formation, elle doit principalement concerner les formateurs plus que les étudiants eux-mêmes : le processus doit être de démultiplication des formateurs et non de dédoublement du bibliothécaire.

    Enfin, l'évolution rapide des technologies, nécessite une recherche-développement dans le domaine de la documentation et des bibliothèques (objectif 12). Des rapprochements pourraient s'opérer entre la Bibliothèque nationale de France et les bibliothèques universitaires, mais aussi entre les BU, le CINES, l'INIST, l'INRIA et les laboratoires universitaires de recherche informatique. Cela concerne notamment les travaux de normalisation, le stockage des documents numériques, l'articulation entre les systèmes intégrés de gestion de bibliothèque et les systèmes de gestion électronique des documents, la réalisation de nouveaux outils d'interrogation adaptés à l'utilisateur dans les deux domaines de la recherche sur profil et de la structuration des informations mises sur le réseau. Les bibliothèques universitaires, en partenariat avec des chercheurs, devraient développer des programmes dans le cadre des actions proposées par l'union européenne (DG XIII).

    À l'échelle d'établissements tels que les universités, on voit bien que la difficulté majeure est de nature organisationnelle et que les universités sont confrontées à un paradoxe :

    • parce qu'il est vrai qu'elles sont, au sens sociologique (K.E. Weick, cité par Erhard Friedberg, Le Pouvoir et la règle, Seuil, 1993, pp.70-76) des organisations - faiblement liées dans lesquelles la fragmentation et le cloisonnement des services compliquent les projets de l'institution,
    • parce que, précisément, les NTIC, en favorisant l'action autonome et le développement d'intérêts divergents, accentuent les dynamiques centrifuges,
    • parce que les approches technicistes, qu'elles soient documentaires, informatiques ou pédagogiques, ne peuvent fédérer le déploiement et l'usage des NTIC dans les services. Mais, dans le même temps, elles sont une remarquable opportunité d'organiser :
    • l'accès aux ressources documentaires à travers des schémas directeurs informatiques, documentaires et éditoriaux qui permettent la mise en place d'équipes mixtes associant des compétences et des métiers complémentaires,
    • des réseaux documentaires disciplinaires au plan régional et national,
    • la coopération entre les enseignants chercheurs et les bibliothécaires dans une culture commune,
    • l' autodidaxie d'étudiants-citoyens par l'offre d'un continuum documentaire donnant accès à des ressources structurées,
    • le clivage entre les logiques de service public d'accès à l'information et les logiques de privatisation de l'information.